Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 31 MARS 2010
(n° , 06 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20960
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/14648
APPELANTS
La société OPENSAT, S.A.R.L.
agissant en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 2]
Monsieur [Y] [Z]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 7]
représentés par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour
assistés de Maître Julien MALLET, avocat au barreau de Paris, toque : A 905,
plaidant pour le Cabinet MALLET
INTIMÉES
La société FRANCE TELECOM, S.A.
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Maître David MARTY, avocat au barreau de Paris, toque P 528,
plaidant pour LDBM
La société TRANSPAC
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère , chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :- Réputé contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l'appel interjeté le 5 novembre 2008 par la société OPENSAT (SARL) et [Y] [Z], du jugement rendu le 1er octobre 2008 par le tribunal de grande instance de Paris dans l'instance l'opposant à la société FRANCE TELECOM ;
Vu les conclusions de la société OPENSAT et [Y] [Z], appelants, signifiées le 24 février 2009 ;
Vu les uniques écritures de la société FRANCE TELECOM (SA), intimée, signifiées le 24 mai 2009 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 15 décembre 2009 ;
SUR CE, LA COUR,
Sur la procédure,
Considérant que la société FRANCE TELECOM a fait déposer le 6 janvier 2010 des conclusions de procédure aux fins de voir rejeter des débats les écritures signifiées le 15 décembre 2009 dans l'intérêt des appelants ;
Considérant que le respect du principe de la contradiction impose, au sens des articles 15 et 16 du Code de procédure civile, que les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait, les moyens de droit et les éléments de preuve sur lesquels elles fondent leurs prétentions afin que chacune soit à même d'organiser loyalement sa défense ;
Considérant qu'en l'espèce, les écritures contestées ont été signifiées par les appelants le 15 décembre 2009 alors que la partie intimée avait conclu le 22 mai 2009 et que la clôture de l'instruction, initialement prévue, suivant calendrier fixé depuis le 9 juin 2009, pour le 8 décembre 2009, a été reportée, à la demande des appelants, au 15 décembre 2009 et prononcée à cette date ;
Qu'en ayant attendu le jour de la clôture pour faire signifier leurs ultimes écritures, les appelants, quand bien même n'auraient-ils produit aucune pièce nouvelle ni articulé aucun moyen nouveau, ont placé la société intimée, au mépris du principe précité, dans l'impossibilité de les examiner et le cas échéant d'y répondre, qu'en conséquence, la demande tendant à les voir écarter des débats doit être accueillie de sorte que la cour statuera au vu des écritures précédemment signifiées par les appelants le 24 février 2009 ;
Sur le fond,
Considérant qu'il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :
- [Y] [Z] est titulaire de la marque française semi-figurative OpenSat n° 02 3 164 219, au sein de laquelle la lettre d'attaque O est transpercée d'une flèche dans sa partie supérieure gauche, déposée le 15 mai 2002 à l'Institut national de la propriété industrielle pour désigner en classes 35 et 38 les échanges (transmission) de données et fourniture d'accès à un centre serveur . Transmission de données par voie télématique et informatique . Gestion de fichiers informatiques ,
- il en a concédé les droits exclusifs d'exploitation, suivant contrat inscrit au registre national des marques le 4 avril 2005, à la société OPENSAT, spécialisée dans le développement et la commercialisation auprès des entreprises et des collectivités territoriales de solutions avancées en matière de télécommunications particulièrement dans l'accès illimité à l'Internet par voie de satellite,
- ayant découvert l'offre en vente par la société TRANSPAC, filiale de l'opérateur de télécommunications FRANCE TELECOM, sous la dénomination Oléane Open Sat, d'un service d'accès haut débit à l'Internet par satellite, la société OPENSAT a fait établir un constat par l'Agence pour la protection des programmes (APP) le 25 février 2004 puis a assigné la société FRANCE TELECOM en contrefaçon de marque, usurpation de dénomination sociale et de nom commercial, le 27 avril 2004 devant le tribunal de grande instance de Paris,
- [Y] [Z] et la société TRANSPAC sont intervenus volontairement à l'instance, le premier au côté de la société demanderesse, la seconde au soutien de la société défenderesse,
- la société TRANSPAC a fait l'objet, le 1er janvier 2006, d'une transmission universelle de patrimoine au bénéfice de la société FRANCE TELECOM (SA), laquelle, venant aux droits de la société TRANSPAC, a formé à titre reconventionnel des demandes en contrefaçon de ses droits sur 14 marques composées de la dénomination OPEN, demandes auxquelles la société OPENSAT et [Y] [Z] ont répliqué en concluant à la déchéance, pour défaut d'exploitation sérieuse, des droits invoqués sur ces marques,
- le tribunal de grande instance de Paris, par le jugement déféré, a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes respectives ;
Sur l'action en contrefaçon de la marque OPENSAT,
Considérant que [Y] [Z] et la société OPENSAT persistent à invoquer au soutien de leur action principalement les dispositions de l'article L 713-2, subsidiairement celles de l'article L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Or considérant que force est d'observer que le signe contesté Oléane Open Sat n'est pas identique à la marque semi-figurative opposée OpenSat, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous ses éléments constitutifs ;
Qu'il convient, par voie de conséquence, d'examiner la demande en contrefaçon au regard des dispositions de l'article L 713-3 du Code précité, aux termes desquelles sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public:
a) (.....),
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris est exempt de toute critique en ce qu'il a écarté l'application en la cause des dispositions de l'article L 713-2 du même Code et rejeté par là-même comme dénuée de fondement l'action en contrefaçon par reproduction de la marque revendiquée ;
Considérant, étant constant que les services en présence sont identiques à tout le moins similaires, que le risque de confusion doit être caractérisé au terme d'une appréciation globale de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, fondée notamment sur l'impression d'ensemble produite par les signes opposés eu égard à leur similitude, visuelle, phonétique et conceptuelle et compte tenu de leurs éléments distinctifs et dominants ;
Considérant, au plan visuel, que les signes de comparaison présentent une différence de structure immédiatement perceptible, la marque première étant constituée de l'élément unique OpenSat tandis que le signe second est composé des trois termes Oléane Open Sat ;
Qu'ils se distinguent en outre, à raison même de la différence de structure précédemment relevée, par leur longueur, l'un étant manifestement plus court que l'autre ;
Qu'enfin, même leur élément commun, représenté par l'expression OpenSat, a pour particularité dans l'un, d'être formé d'un seul tenant, dans l'autre, de deux entités distinctes ;
Considérant, au plan phonétique, que le vocable OLEANE , étranger à la marque première, occupe au sein de l'ensemble verbal contesté une place dominante dès lors qu'il se situe en position d'attaque et qu'il regroupe à lui seul quatre des sept syllabes de l'ensemble en cause ;
Considérant enfin, au plan conceptuel, que si le terme imaginaire Oléane est parfaitement arbitraire et par là-même distinctif pour désigner des services de transmission télématique et informatique, le terme Open , issu du vocabulaire de la langue anglaise mais connu d'un large public comme signifiant 'ouvert' et le terme Sat qui sera d'emblée appréhendé par ce même public comme un diminutif du mot satellite, sont à tout le moins évocateurs de tels services, spécialement de ceux consistant à offrir un accès à l'Internet par voie de satellite, qu'ainsi, la marque constituée de l'expression OpenSat ne revêt, intrinsèquement, qu'un faible caractère distinctif au regard des services visés à l'enregistrement ;
Considérant que s'il n'est par ailleurs aucunement justifié de la prétendue notoriété de cette marque sur le segment de marché en cause, de nature à renforcer son caractère distinctif et à lui conférer une protection plus étendue, il est établi que la société FRANCE TELECOM est titulaire, pour couvrir des services d'accès à l'Internet, de droits de marque antérieurs sur la dénomination Oléane , déposée le 2 décembre 1998, laquelle bénéficie, au vu de l'étude en date du 9 octobre 2006, d'une renommée significative auprès des chefs d'entreprise ;
Qu'il s'infère de ces éléments que l'adjonction du terme Oléane, suffit à discriminer au plan conceptuel le signe second, représenté par l'ensemble Oléane Open Sat, de la marque revendiquée, constituée de l'expression OpenSat , tout particulièrement auprès du public de décideurs économique, informé et averti, auquel sont destinés les services concurrents, d'autant plus apte à discerner l'origine de ces services que ses choix sont essentiellement déterminés par des considérations de qualité technique ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des observations qui précèdent que, tant au plan visuel, qu'au plan auditif ou encore au plan intellectuel, les signes en présence produisent une impression d'ensemble différente exclusive de tout risque de confusion dans l'esprit du public pertinent qui ne serait pas fondé à confondre le signe contesté avec la marque première ni à le regarder comme une déclinaison de cette marque ;
Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande en contrefaçon par imitation de la marque OpenSat n° 02 3 164 219 ;
Sur le grief d'usurpation de dénomination sociale et nom commercial,
Considérant que ce grief ne saurait prospérer dès lors que la société OPENSAT, pour les motifs précédemment développés, ne justifie pas à la charge de la société FRANCE TELECOM, d'une faute attentatoire à un exercice paisible et loyal du commerce par la création d'un risque de confusion sur l'origine des services offerts à la disposition de la clientèle ;
Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée de ce chef ;
Sur les demandes en contrefaçon et en déchéance des marques opposées par la société FRANCE TELECOM,
Considérant que les premiers juges avaient à juste titre écarté comme irrecevables tant la demande en contrefaçon des 14 marques, toutes composées du terme OPEN, opposées par la société FRANCE TELECOM à la société OPENSAT que la demande en déchéance, soutenue en réplique par cette dernière, visant 11 de ces marques pour défaut d'exploitation, en faisant exactement observer que le seul certificat d'enregistrement produit aux débats concernait la marque OLEANE OPEN, que le certificat était établi au nom de la société TRANSPAC et qu'il n'était aucunement justifié par une inscription au registre national des marques de l'Institut national de la propriété industrielle de la transmission de la propriété de cette marque à la société FRANCE TELECOM, que s'agissant par ailleurs des autres marques invoquées, les parties s'était abstenues de produire le certificat d'enregistrement afférent à chacune de ces marques ;
Que force est de constater que pas davantage en cause d'appel les parties ne produisent les pièces requises pour justifier des droits privatifs attachés aux enregistrements litigieux ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera purement et simplement confirmé des chefs précités ;
Sur les autres demandes,
Considérant qu'il s'infère du sens de l'arrêt que les demandes respectivement émises par les parties au titre des mesures réparatrices doivent être, par confirmation du jugement déféré, rejetées comme dénuées de fondement ;
Considérant que le droit de former appel n'est susceptible de dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s'il est exercé de mauvaise foi, par intention de nuire ou par légèreté blâmable équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont pas en l'espèce établies à la charge de [Y] [Z] et la société OPENSAT qui ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits ; que la demande en dommages-intérêts formée par la société FRANCE TELECOM au fondement d'appel téméraire sera en conséquence rejetée ;
Considérant enfin que l'équité ne commande pas de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Ecarte des débats les conclusions des appelants signifiées le 15 décembre 2009,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Rejette la demande de la société FRANCE TELECOM pour procédure abusive,
Rejette les demandes respectivement formées au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne [Y] [Z] et la société OPENSAT aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT