Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 26 MARS 2010
(n°113, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/20445
Décision déférée à la Cour : jugement du 9 octobre 2007 - Tribunal de grande instance de PARIS - 4ème chambre 1ère section - RG n°05/12790
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
Mme [S] [T] épouse [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour
assistée de Me Marie-France MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS, toque B 1
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.R.L. PROMOSITE FR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assistée de Me Bruno GELIX plaidant pour la SELARL BRUNO GELIX CONSEIL, avocat au barreau de PARIS, toque A 673
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 janvier 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, lequel a été préalablement entendu en son rapport
M. Bernard SCHNEIDER a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Fabrice JACOMET, Président
M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller
M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Fabrice JACOMET, Président, et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Mme [S] [T] épouse [C], médecin dermatologue à [Localité 4], a signé le 2 mai 2003, un contrat de location portant sur un appareil laser, modèle estelux, de marque Palomar, pour une durée de 60 mois, comportant 20 loyers d'un montant de 2793,23 € TTC, l'appareil étant fourni par la société PROMOSITE FR, et le bailleur cédant désigné par les parties étant la société DVIFS ;
À la même date, la société PROMOSITE FR a facturé à la société DVIFS SAS la vente du matériel estelux-palomar pour le prix de 45'000 € puis le matériel a été livré à Mme [T] ;
Le 13 mai 2003, la société DVIFS SAS a revendu le matériel à la société KBC LEASE BELGIUM SA, laquelle est intervenue à l'acte en qualité de bailleur cessionnaire ;
Aux termes des conditions générales du contrat de location, l'article 1 expose que 'le contrat de location a pour but principal la réalisation d'une opération de financement de l'utilisation du matériel par le locataire. En conséquence les parties entendent déroger expressément à certaines des dispositions gouvernant le régime général de la location.' ;
Le 10 avril 2003, sur papier à en-tête, de la société PROMOSITE FR, M. J.-M. [I]-[O] ci-après M. [I], gérant de la société , avait signé l'engagement suivant :
' Je soussigné ... m'engage à remplacer l'appareil estelux par un medilux
avec le marquage CE (courant septembre 2003).
Dans le prix spécial de 45'000 € TTC est compris une pièce 'G' (vasculaire).
Je mets à disposition une pièce 'Y' (yellow) et courant avril, mai, la pièce 'R'
(Épilation pour peaux mates)' ;
En bas de page, à la suite de cet engagement, Mme [S] [T] avait pris un autre engagement ainsi libellé :
'En contrepartie je m'engage à organiser des soirées démonstration (une dizaine) dans mon cabinet' ;
En raison du désaccord intervenu entre les parties concernant l'exécution de l'engagement pris par la société PROMOSITE FR, Mme [T] a fait assigner cette société ainsi que la société KBC LEASE BELGIUM devant le tribunal de grande instance de Paris par actes délivrés les 8 juillet et 2 août 2005 aux fins d'obtenir la résolution du contrat du 10 avril 2003, celle du contrat de vente conclue entre les sociétés PROMOSITE FR et KBC LEASE BELGIUM et la résiliation du contrat de location entre elle-même et cette dernière société, le 2 mai 2003, ainsi que le paiement de 80'000 € à titre de dommages et intérêts ;
Par jugement prononcé le 9 octobre 2007, Mme [T] a été débouté de l'ensemble de ses demandes ;
Ayant relevé appel de cette décision, Mme [T], par dernières conclusions signifiées le 2 décembre 2009, demande à la Cour, au visa des articles 1116, 1117, 1142 et 1147 du Code civil, de constater que la société PROMOSITE FR a usé de manoeuvres dolosives pour lui vendre le matériel estelux aux lieu et place d'un matériel medilux et l'amener à signer le contrat de location du 2 mai 2003 ;
Elle demande qu'il soit jugé que l'intimée n'a pas exécuté son engagement de remplacer le matériel estelux par le medilux et de la condamner à lui payer 80'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral ;
Par dernières conclusions signifiées le 14 décembre 2009, la société PROMOSITE FR s'oppose à la demande en exposant pour l'essentiel que le dol invoqué n'entraîne pas de plein droit la nullité de l'engagement ; que les deux parties n'ont pas exécuté leurs engagements respectifs, l'une d'organiser des soirées de démonstration du matériel, l'autre de délivrer le matériel medilux dans les conditions promises ;
La société PROMOSITE FR ajoute que le retard de livraison est imputable à l'importateur et qu'elle n'est donc pas l'auteur de réticences dolosives ;
Elle expose, par ailleurs, que l'appelante n'était pas en mesure, pour des raisons financières démontrées, de financer l'achat du matériel medilux et même du matériel moins coûteux estelux ; elle soutient que Mme [T] a obtenu, le 10 avril 2003, une promesse de M. [I] exagérément favorable, en sachant qu'elle n'exécuterait pas ses obligations ;
Plus précisément, elle soutient que l'engagement de ce dernier ne pouvait signifier qu'il serait procédé à un échange d'appareil sans paiement de la différence de prix entre les deux appareils ;
Elle ajoute que l'engagement pris par Mme [T], le 2 mai 2003 en signant le contrat de bail, résulte du fait qu'elle avait reçu, le 26 avril 2003, 15 jours auparavant, un e.mail signé [G] [R], gérant de la société COSMETIC TECHNOLOGIES, importateur du matériel fabriqué par la société PALOMAR l'invitant à prendre sans tarder un accord sur le matériel afin de parvenir à la livraison des deux appareils ; qu'ultérieurement, l'engagement d'effectuer des soirées de démonstration ne nécessitait pas la livraison préalable du matériel Medilux ;
La société PROMOSITE FR ajoute que l'échange des appareils ne pouvait avoir lieu que beaucoup plus tard puisque son importation n'était pas prévue avant septembre 2003 ;
En réponse aux objections de l'appelante, elle conteste les affirmations d'avril 2004 selon lesquelles l'appareil livré - estelux - est affecté de nombreux vices alors qu'après changement de l'appareil, le nombre de tirs effectués est de toute façon conforme aux prévisions contractuelles ;
SUR CE
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société PROMOSITE FR a été pleinement engagée par le courrier de son gérant M .[I] le 10 avril 2003 ;
Considérant qu'il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties étant rappelé que lorsque une clause est susceptible de deux sens, il convient de l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet ;
Considérant que l'engagement en question porte, d'une part, sur l'échange du matériel connu contre un appareil nouveau et plus performant, d'autre part, sur une contrepartie de l'avantage donné par cet échange au moyen d'une dizaine de soirées de démonstration, données, sans autre contrepartie, pour promouvoir l'appareil ;
Considérant que le déséquilibre entre les deux engagements n'est pas sérieusement établi, la différence de valeur entre les appareils pouvant être représentée par la qualité de la promotion qui serait alors effectuée par l'appelante renommée et susceptible de s'adresser au cours des invitations de démonstration à plus de 70 médecins spécialisés ;
Considérant que le prix indiqué suppose nécessairement une acquisition par Mme [T] au prix de 45'000 € du premier appareil ; que la présentation sous forme d'une dizaine de soirées de démonstration concerne nécessairement le second appareil attendu sur le marché ;
Considérant que la réputation de Mme [T], non contestée, établie par le nombre important d'attestations produites aux débats, confère à l'accord, en définitif, un sens non ambigu, peu important le désaveu éventuel ayant pu exister ultérieurement entre le signataire de l'engagement, M. [I], et la société dont il était le gérant ;
Considérant que par lettre recommandée du 18 janvier 2005, Mme [T] a mis vainement en demeure la société PROMOSITE FR de procéder à l'échange de matériel ; qu'il n'est pas prouvé en revanche par la société PROMOSITE FR qu'elle ait adressé à Mme [T] des lettres de relance les 18 juin et 29 septembre 2003 dont il est fait état et qui ne sont pas produites concernant l'inexécution du contrat imputée à l'appelante ;
Considérant que pour s'opposer à la demande, l'intimée écarte enfin à juste titre les critiques portant sur l'acquisition du premier appareil estelux, lequel n'est pas directement l'objet du présent débat ; qu'elle objecte à bon droit que la demande de dommages-intérêts ne saurait se fonder sur le prix d'acquisition et donc sur les loyers payés pour l'acquisition de l'appareil estelux que Mme [T] a normalement acquis et que le nombre de tirs a été satisfaisant ;
Considérant, en revanche, que cette dernière a été privée de la possibilité de procéder à l'échange de l'appareil et en faisant l'acquisition d'un appareil dont l'usage ne lui était pas indispensable en étant trompée sur la possibilité d'acquérir à bref délai, par voie d'échange, n'a pas obtenu l'appareil moderne plus performant qu'elle pensait acquérir grâce à l'accord passé ;
Considérant que le préjudice indemnisable résultant de l'absence d'échange du matériel, d'un point de vue financier, doit être apprécié au regard du gain que l'appelante pouvait en attendre en termes de différence de valeur et d'usage, soit 40'000 €, étant observé, de surcroît, que l'opération qu'elle visait était essentiellement l'acquisition du second matériel par échange avec le premier et que la situation créée par le refus de la délivrance est à l'origine d'un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à la somme de 10'000 € ;
Considérant qu'il convient donc d'infirmer le jugement ;
Considérant qu'il convient d'allouer à l'appelante la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société PROMOSITE FR ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société PROMOSITE FR à payer à Mme [T] à titre de dommages-intérêts la somme de 40'000 € au titre de son préjudice financier et celle de 10'000 € au titre de son préjudice moral ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Condamne la société PROMOSITE FR à payer à Mme [T] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société PROMOSITE FR aux dépens ;
Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président