Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 23 MARS 2010
(no 113, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/ 22537
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2008- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 01353
APPELANTS AU PRINCIPAL
Monsieur Claude X...
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81230 LACAUNE
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Jean-Claude A...
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01250 BOHAS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Ahmed B...
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31700 BLAGNAC
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Madame Annie C...
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02190 ORAINVILLE
représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Christophe D...
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01000 BOURG EN BRESSE
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Laurent E...
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80132 CAOURS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Philippe F...
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62270 FREVENT
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Ludovic G...
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75012 PARIS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Gérard H...
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31280 DREMIL LAFAGE
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur David I...
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31700 BLAGNAC
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Michel J...
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68920 WETTOLSHEIM
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Laurent K...
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11400 CASTELNAUDARY
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Michel L...
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82800 MONTRICOUX
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Christian M...
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80600 LUCHEUX
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Patrice N...
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80480 SALEUX
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Maxime O...
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80000 AMIENS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Jean-Eric P...
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31140 FONBEAUZARD
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Michel Q...
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31850 MONTRABE
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Georges R...
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09400 MERCUS GARRABET
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Eric S...
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31860 LABARTHE SUR LEZE
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Fabrice T...
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31170 TOURNEFEUILLE
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Pascal U...
...
80600 LUCHEUX
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur José V...
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88400 GERARDMER
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Héloïse BAJER-PELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS
Maître Liliane W...
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31080 TOULOUSE CEDEX
représenté par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me de HEAULME, avocat au barreau de PARIS,
substituant Me Jean-Pierre FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 44
Maître Christian ZZ...
...
31000 TOULOUSE
représenté par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me de HEAULME, avocat au barreau de PARIS,
substituant Me Jean-Pierre FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 44
INTIMES
Monsieur AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
Batiment Concordet Direction des Affaires Judiciaires
6 rue Louise Weiss Teledoc 353
75703 PARIS CEDEX 13
représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assisté de Me Anne BOUTRON, avocat au barreau de PARIS, toque : P 261
UGGC et Associés
Le MINISTERE PUBLIC
pris en la personne de
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL
près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet
au Palais de Justice
34 Quai des Orfèvres
75001 PARIS
représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a développé ses conclusions
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 janvier 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Tony METAIS
lors du prononcé : Madame Noëlle KLEIN
MINISTERE PUBLIC :
représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a développé ses conclusions
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
***************
Unis par des contrats de franchise aux sociétés " France Acheminement ", " France Acheminement Exploitation " et " Exploitation Logistique Service ", spécialisées dans l'acheminement de colis, qui ont toutes fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire au cours de l'année 2003, Mmes et MM. X..., A..., B..., C..., D..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L..., M..., N..., O..., P..., Q..., R..., S..., T..., U...et V...(les salariés) ont obtenu de la cour d'appel de Toulouse, les 12 mai et 26 octobre 2006, la requalification de ces contrats en contrats de travail, le paiement de diverses sommes à titre d'arriérés de salaires, d'indemnités de licenciement imputable à l'employeur, d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la fixation de leurs créances au passif des sociétés employeurs et l'injonction de leur remettre les bulletins de salaire et les données mentionnant leurs horaires.
Cette injonction faisait suite à deux précédentes, non suivies d'effet, prononcées par le conseiller de la mise en état en 2005, à l'encontre de Mme W...et de M. ZZ..., désignés comme liquidateurs des sociétés, qui s'y sont opposés aux motifs qu'ils ne possédaient pas les documents demandés et que cette communication n'était pas utile.
C'est alors que les salariés, estimant ce comportement fautif, tout comme le retard mis à établir leurs créances de salaires, comportement les ayant privés de la possibilité de démontrer le nombre réel d'heures effectuées pour pouvoir les faire valoir auprès de l'Association pour la gestion du régime d'assurances des créances des salariés, dite AGS, légalement chargée d'avancer les sommes dues, ont recherché tant la responsabilité personnelle des deux liquidateurs que celle de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice.
Par jugement du 15 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a, retenant leur faute, condamné Mme W...et M. ZZ...à payer diverses sommes à chacun des salariés ainsi que des indemnités de procédure, mais a rejeté leur action en tant qu'elle était dirigée contre l'agent judiciaire du Trésor, au motif que la responsabilité des mandataires judiciaires, collaborateurs occasionnels du service public de la justice, ne relève pas des dispositions de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par les salariés en date du 28 novembre 2008,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 19 janvier 2010 aux termes desquelles ils demandent la condamnation in solidum de Mme W...et de M. ZZ...et de l'agent judiciaire du Trésor à leur payer, en réparation de la perte des intérêts légaux sur leurs salaires,
858, 64 € à Mme C..., 667, 12 € à M. I..., 362, 85 € à M. J..., 379, 49 € à M. K..., 967, 75 € à M. L..., 1 430, 57 € à M. M..., 2 013, 47 € à M. N..., 1 001, 42 € à M. O..., 1 605, 77 € à M. P..., 593, 81 € à M. Q..., 822, 99 € à M. D..., 1 375, 56 € à M. R..., 701, 54 € à M. S..., 611, 90 € à M. T..., 1 241, 52 € à M. U..., 1 691, 64 € à M. E..., 736, 21 € à M. V..., 1 165, 44 € à M. F..., 461, 13 € à M. G..., 800, 44 € à M. X..., 715, 41 € à M. H..., 1 229, 87 € à M. A..., 596, 98 € à M. B...,
ainsi que les intérêts légaux à compter du 1er octobre 2008 sur les sommes de :
5 036, 30 € à M. X..., 16 962, 27 € à M. P..., 9 977, 39 € à M. F..., 1 498, 03 € à M. H..., 5 808, 58 € à M. L..., 13 071, 04 € à M. R..., 767, 33 € à M. I..., 11 880, 55 € à M. M..., 13 114, 58 € à M. N..., 10 605, 14 € à M. O..., 2 827, 90 € à M. S...et 11 074, 27 € à M. U...,
leur condamnation sous les mêmes conditions à payer à chacun :
10 000 € pour leur préjudice moral du fait de la privation de leurs rémunérations,
5 000 € en réparation du préjudice constitué par la non mise à disposition de leurs bulletins de salaire ordonnée par les juridictions,
4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'appel de ce jugement par Mme W...et M. ZZ...en date du 4 décembre 2008,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 4 janvier 2010 selon lesquelles ils sollicitent le débouté des salariés de leur appel et de leurs demandes, très subsidiairement l'analyse du préjudice indemnisable en tant que perte de chance inférieure aux intérêts de retard calculés à compter du délai de 15 jours après que les décisions soient devenues exécutoires, la réduction des frais irrépétibles alloués pour les fixer globalement, en tout état de cause la condamnation in solidum des salariés à leur payer 5 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer les dépens de première instance et d'appel et assumer ceux de l'agent judiciaire du Trésor,
Vu les dernières conclusions déposées le 2 novembre 2009 par l'agent judiciaire du Trésor aux termes desquelles il demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit mal fondée la demande dirigée à son encontre, à titre subsidiaire le débouté des salariés, la faute lourde au sens de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire n'étant pas caractérisée, à titre encore plus subsidiaire leur débouté, leurs réclamations pécuniaires n'étant pas justifiées, à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de Mme W...et M. ZZ...in solidum à garantir l'Etat de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre, en tout état de cause, la condamnation solidaire des salariés à lui payer 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 30 novembre 2009 par lesquelles le ministère public propose l'infirmation partielle de la décision, la faute des liquidateurs quant à la non communication des horaires résultant des injonctions et des arrêts de la cour d'appel de Toulouse et leur réparation, même si les salaires ont été accordés, effective à cause du retard que cela a occasionné ; qu'il retient également leur faute pour avoir tardé à établir les créances et à les transmettre à l'AGS dès les jugements prud'homaux, sans attendre les arrêts et sans qu'ils puissent l'imputer à la société GERP qui travaillait sous leur responsabilité ; qu'il approuve la décision qui a écarté la responsabilité de l'Etat, les mandataires judiciaires ne participant pas au service public de la justice,
SUR CE,
Considérant que les salariés, qui rappellent les fautes commises par les liquidateurs, consistant dans le non respect des injonctions du juge de la mise en état qui les a privés en temps utile des relevés de temps servant de base au calcul des salaires par l'AGS, dans la non exécution rapide des décisions rendues qui a eu le même effet, dans l'inaction globale des liquidateurs, explicitent les préjudices subis par chacun ; qu'ils écartent toute responsabilité du GERP en soulignant que la transmission des documents utiles à l'AGS relève de la responsabilité personnelle des liquidateurs et que c'est à cause de cette transmission tardive qu'ils n'ont pas reçu leur dû dans les délais ; qu'ils font valoir que les mandataires judiciaires, du fait de leurs fonctions, participent à l'exécution du service public de la justice puisqu'ils sont un organe de la procédure, qu'ils ne sont pas des collaborateurs occasionnels puisqu'ils ne peuvent exercer d'autres professions concomitantes, que la responsabilité de l'Etat est donc engagée ;
Considérant que pour s'opposer à ces demandes et à l'appui de leur appel, Mme W...et M. ZZ..., rappelant que la société " Groupe d'experts comptables révision et personnel " (GERP) avait été désignée, à la demande de l'AGS et de M. ZZ..., par ordonnance du 18 mars 2003, pour " assister les organes de la procédure " en vue de la vérification du passif salarial, du contrôle et de la constitution des dossiers prud'homaux, soutiennent que le retard apporté à la communication des horaires n'est pas de leur fait mais résulte d'une impossibilité technique constatée par une société informatique chargée de le faire et qu'il est sans incidence puisque la cour d'appel de Toulouse a donné satisfaction aux salariés sur la totalité de leurs demandes ; que 900 franchisés étaient dans la même situation sans qu'aucun litige ne naisse avec eux ; que l'octroi du montant des décisions supposait des calculs très importants et qu'il n'y avait pas de fonds disponibles, seule l'AGS étant en mesure de payer ; qu'il n'existe pas de préjudice, les salaires ayant été réglés et les documents utiles fournis et qu'il n'y a aucun lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices invoqués ;
Considérant que, par des ordonnances et lettres aux liquidateurs en dates des 23 septembre, 14 novembre 2005 et 13 avril 2006, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Toulouse leur a enjoint de communiquer aux salariés les pièces utiles à l'établissement, notamment, des heures supplémentaires qu'ils avaient effectuées et dont ils demandaient le payement, qui devaient ressortir du traitement informatisé de ces données conduit par les sociétés employeurs à partir des relevés d'horaires des enlèvements et livraisons de colis ; que Mme W...et M. ZZ...ne se sont jamais pliés à ces injonctions, pourtant assorties d'astreintes, se contentant, sur l'insistance du conseiller de la mise en état, de lui indiquer que des difficultés informatiques les empêchaient d'y donner suite et que de toutes façons ces éléments étaient dépourvus d'utilité ; que la cour d'appel de Toulouse a, dans les différents arrêts intéressant les salariés en dates des 12 mai et 6 octobre 2006, condamné ce comportement en relevant que " l'employeur... n'a cependant pas cru devoir répondre à l'injonction de communiquer qui lui avait été donnée par ordonnance du 23 septembre 2005... ", qu'il s'est contenté d'écrire pour expliquer qu'il existait " un dysfonctionnement majeur du système de données informatiques " bien qu'un technicien, désigné à cet effet, " a expliqué que malgré cette difficulté les données recherchées pouvaient être retrouvées " et " que depuis la décision d'injonction l'employeur n'a pas fait les diligences nécessaires pour s'y conformer, alors que les données recherchées sont pourtant de nature à faire apparaître les horaires réalisés par le demandeur " ;
Qu'il ne peut être sérieusement soutenu que ce comportement des liquidateurs, qui refusent, sans raison avancée autre qu'une excuse sans fondement, et en substituant leur propre appréciation sur l'utilité d'une pièce à celle du magistrat qui en impose la production, ne constituerait pas une faute alors qu'elle ressort d'évidence des termes des arrêts ci-avant cités ; que le jugement, qui a caractérisé ainsi les fautes de Mme W...et M. ZZ..., qui, en appel, ne font que reprendre les arguments écartés par les premiers juges comme par la cour d'appel de Toulouse, ne peut qu'être approuvé ;
Considérant cependant que, comme le soutiennent les liquidateurs et comme l'a justement retenu le tribunal, cette faute est sans conséquence sur le payement des heures supplémentaires réclamées par les salariés dans la mesure où la cour d'appel de Toulouse, du fait de la carence de l'employeur, les a remplis de leurs droits au vu des seuls éléments apportés par eux ;
Considérant en revanche que les salariés soutiennent à juste titre que Mme W...et M. ZZ...ont commis une faute en n'exécutant pas rapidement les décisions rendues, ce qui les a privés, le temps de cette exécution tardive, soit 5 à 14 mois selon les salariés, des prestations salariales auxquelles ils avaient droit et qui, revêtant un caractère alimentaire, supposent la célérité dans leur versement ;
Que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette inexécution doit s'apprécier non pas à compter des arrêts ci-avant cités mais, comme les salariés le font valoir justement, à compter des jugements des conseils de prud'hommes, qui étaient exécutoires au moins pour 9 mois de salaires et les indemnités, l'article L 3253-15 du code du travail (anciennement article L 143-11-7) édictant clairement la règle suivant laquelle l'AGS avance les sommes qui ont été fixées par " décision de justice exécutoire " ;
Qu'il devient dès lors sans intérêt de discuter, comme le font Mme W...et M. ZZ..., qui ne remettent pas en cause cette obligation, de l'origine de ce retard, qu'ils attribuent à différentes causes relatives à des difficultés d'interprétation des décisions sur le point de savoir si les créances, énoncées " net " par elles, devaient être calculées " en brut ", à des discussions entre l'AGS, chargée de servir les fonds, et la société GERP à laquelle elle avait demandé de faire les calculs pour son compte, alors qu'il est constant, et d'ailleurs non discuté, que l'obligation faite aux mandataires de justice d'établir les créances de salaires leur incombe personnellement et que, s'ils choisissent de faire appel à des tiers pour les assister, ce qui a été le cas puisque la société GERP a été désignée par une ordonnance du président du tribunal de commerce, ceux-ci restent sous leur entière responsabilité ; qu'il est également sans intérêt de discuter de la difficulté relative au dépassement des condamnations judiciaires par rapport au " plafond " de l'AGS, les arrêts ayant tous précisé que la garantie de cet organisme se ferait " dans les limites et conditions de la loi " ou de s'interroger sur les possibilités, au demeurant hypothétiques, qu'auraient eu les salariés de former des recours directs contre l'AGS ; qu'en outre les salariés soulignent, à raison, que, les créances ayant été fixées et détaillées pour chacun par les décisions rendues, les liquidateurs ne se trouvaient pas, contrairement à ce qu'ils avancent, face à une tâche " très importante " ;
Considérant à cet égard que, si les salariés évoquent aussi des " erreurs " dans les relevés qui leur ont été adressés à l'époque, il n'est plus contesté que ces erreurs ont été corrigées et qu'ils ont, avec retard certes, perçu les sommes correspondant aux arrêts visés, de sorte que leur préjudice, en lien avec les fautes ainsi retenues, ne peut consister qu'en des intérêts de retard sur les sommes en question pour les mois passés dans l'attente de leur versement ; que cependant les salariés ne peuvent être suivis lorsqu'ils réclament des intérêts courant 15 jours après notification des décisions rendues, ce délai ne tenant pas compte, du temps matériel indispensable aux liquidateurs, ainsi qu'ils le soulignent à propos, pour établir les relevés individuels correspondants et les transmettre à l'AGS ; que ces intérêts devront donc être pris en compte, pour chacun des salariés et dans la limite des condamnations prononcées, exécutoires et opposables à l'AGS, que passé le délai de 2 (deux) mois après chaque notification, pour courir jusqu'à la date des relevés individuels effectivement établis par les liquidateurs ; que ce préjudice ne consiste nullement en " une perte de chance d'avoir été réglés plus tôt " mais bien en un préjudice certain découlant du fait de ne pas l'avoir été ;
Considérant que les salariés invoquent encore un préjudice lié au fait que leurs bulletins de salaire ne leur auraient été délivrés que tardivement ; que toutefois, alors qu'il n'est pas contesté que ces bulletins leur ont in fine été délivrés, ils ne disent pas en quoi cette remise retardée leur a causé un préjudice ; qu'il en est de même de l'invocation du fait que certains, non précisés, contiendraient encore des erreurs dont la matérialité ni les caractères ne sont même indiqués ;
Que le jugement, qui a écarté ce chef de préjudice, sera confirmé sur ce point ;
Considérant que les salariés font enfin valoir un préjudice moral ; qu'à ce titre ils exposent seulement qu'ils ont été un certain temps privés de leurs rémunérations et que les décisions de justice les concernant n'ont été exécutées qu'avec retard ; que cependant ce chef de préjudice est précisément celui pris en compte ci-avant, sans qu'ils ne justifient d'un préjudice distinct non réparé par les intérêts ci-dessus mentionnés ;
Considérant que les salariés soutiennent que cette faute des liquidateurs est commune à l'Etat au motif que les mandataires judiciaires participent à l'exécution du service public de la justice car leur missions leur sont confiées " par décision de justice ", qu'ils doivent exécuter les dites décisions, qu'ils ne sont pas des collaborateurs occasionnels puisque leur qualité est incompatible avec l'exercice de toute autre profession selon l'article L 812-8 du code de commerce et qu'en l'espèce ils ont commis une faute lourde, de sorte que sont applicables aux faits les dispositions de l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire (anciennement L 781-1), l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ; que cette responsabilité ne peut être engagée que par une faute lourde ou un déni de justice ;
Considérant, s'agissant des mandataires judiciaires, que ceux-ci exercent une activité libérale indépendante, qu'ils ne relèvent pas du pouvoir hiérarchique des autorités judiciaires, quand bien même le contrôle de leur activité, comme leur discipline, relèverait du ministère public, ainsi que le prévoient les articles L. 812-9 et L. 811-11 du code de commerce, que la définition de leur mission, énoncée à l'article L. 812-1 du dit code, manifeste leur autonomie par rapport à ces autorités, qu'ils n'agissent pas pour le compte de l'Etat mais des créanciers de l'entreprise ; qu'il s'en déduit nécessairement qu'ils ne sont que des collaborateurs occasionnels du service public de la justice, dont, par ailleurs, la responsabilité professionnelle personnelle peut être recherchée, ce qui exclut la responsabilité de l'Etat pour ces mêmes fautes ;
Que dans ces conditions la décision entreprise, qui en a ainsi jugé, ne peut qu'être confirmée ;
Considérant qu'au vu du sens de la décision, les circonstances légitiment l'octroi, aux salariés, d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
Considérant que, compte tenu de leur faute, Mme W...et M. ZZ...seront condamnés aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité de l'agent judiciaire du Trésor et retenu celle de Mme W...et de M. ZZ...,
L'infirme sur le quantum des condamnations prononcées et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne Mme W...et M. ZZ...in solidum à payer à chacun des salariés les intérêts au taux légal, commençant à courir deux mois après signification, afférents aux montants exécutoires arrêtés par chaque jugement, dans la limite de la prise en compte par l'AGS, jusqu'à l'établissement du relevé effectif correspondant, ainsi que les intérêts au taux légal, commençant à courir deux mois après signification, afférents aux montants exécutoires arrêtés par chaque arrêt, dans la limite de la prise en compte par l'AGS, jusqu'à l'établissement du relevé effectif correspondant, déduction faite des sommes ayant fait l'objet de relevés à la suite des jugements,
Condamne Mme W...et M. ZZ...à payer aux salariés la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT