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19/03/2010 | FRANCE | N°07/07863

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 19 mars 2010, 07/07863


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 19 MARS 2010



(n°106, 7 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 07/07863





Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2007 - Tribunal de grande instance de PARIS - 5ème chambre 2ème section - RG n°06/07217







APPELANTE AU PR

INCIPAL et INTIMEE INCIDENTE





Mme [U] [F] [K] veuve [D]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoué à la Cour

assistée de Me Jean-Hugues CARBONNIER plaidant pour la SCP CARBONNIER - ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 19 MARS 2010

(n°106, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/07863

Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2007 - Tribunal de grande instance de PARIS - 5ème chambre 2ème section - RG n°06/07217

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

Mme [U] [F] [K] veuve [D]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoué à la Cour

assistée de Me Jean-Hugues CARBONNIER plaidant pour la SCP CARBONNIER - LAMAZE - RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque P 298

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.S. NEUFLIZE OBC ART, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour

assistée de Me Philippe BIARD, avocat au barreau de PARIS, toque R 146

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Fabrice JACOMET, Président

M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller

M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT

M. Fabrice JACOMET a préalablement été entendu en son rapport

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel, déclaré le 03 05 2007, d'un jugement rendu le 29 03 2007 par le TGI de Paris.

Aux termes d'un acte du 11 03 1966 [P] [D] a acquis un tableau représentant Saint [H] [S] de [T] [E], pour un montant non précisé, la mention du prix dans l'acte produit ayant été effacée.

[P] [D] est décédé le [Date décès 1] 1977 laissant pour seuls ayant droit son épouse survivante - mariée sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts et légataire universelle de tous les biens et droits meubles et immeubles composant la succession suivant testament olographe de son mari du 18 07 1969 - et son fils [Y], seul héritier mais par acte du 21 11 1978 ces ayant droits ont convenu que le legs universel portait sur l'usufruit seulement et il a été donné délivrance de ce legs.

Le 21 07 2003, [U] [D], son épouse, a déposé à la société NSM ART dans le cadre d'un mandat d'étude ladite oeuvre, pour une somme assurée de 1 000 000 FF, valeur estimée par Monsieur [L] de cette société acceptée par le déposant.

Aux termes de cet acte, la société NSM ART s'engageait à conserver les objets remis en dépôt avec tous les soins et diligences nécessaires pour le temps convenu pour la garde, l'indemnisation du déposant en cas de sinistre total correspondant à la valeur d'assurance estimée qu' il déclare expressément accepter et s'interdit de contester par la suite, aucune réparation toutefois n'étant due si la perte est imputable à une confiscation, à la saisie des objets déposés et pour préjudice moral, d'affection ou de jouissance, la restitution pouvant être demandée à tout moment et étant faite entre les mains du déposant ou de son mandataire.

[Y] [D] est décédé le [Date décès 2] 1993 laissant pour héritiers ses deux enfants, [O] et [M], lequel par acte du 26 10 1993 a renoncé à la succession.

Par arrêt du 21 05 1999, signifié le 12 08 1999 à la société NSM ART, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a donné mainlevée, sur l'opposition de [U] [D] d'une saisie conservatoire que la concubine de [Y] [D] avait obtenu sur le tableau litigieux.

Sur la requête de la société ALVIS LOGISTICS LIMITED au titre des biens qu'elle détiendrait pour le compte de [O] [D], héritière de [Y] [D], M° [R] notifiait le 02 10 1998 une saisie conservatoire entre les mains de la société NSM ART qui déclarait faire des réserves en déclarant que le réel propriétaire de l'oeuvre ne lui était pas connu et lui dénonçait le 28 11 1998 l'assignation au fond délivrée contre cette débitrice puis le 27 06 2002 la conversion de saisie avec commandement et la vérification de l'objet saisi avec injonction, la société NSM ART réitérant ses réserves, le propriétaire de l'oeuvre n'étant pas connu et indiquant qu4en tout état de cause, l'enlèvement ne pourra se faire qu'après justification de la possibilité de l'enlever et sous réserve des droits de garde dus à la banque.

Se référant à une demande de restitution du tableau qu'elle aurait formée le 0711 2005, [U] [D] mettait, par son conseil, le 30 11 2005, la société NSM ART en demeure de lui indiquer les raisons pour lesquelles le tableau aurait été remis à un huissier le 16 01 2003 et à défaut de lui restituer l'oeuvre tandis que cette société le 22 12 2005 répliquait qu' elle n'avait pu que se soumettre à cette procédure d'exécution qui s'imposait à elle ce que contestait le 02 01 2006 [U] [D] en se prévalant de l'arrêt du 21 051999 et de la légèreté de cette société qui ne lui avait donné aucune information sur la procédure entreprise par la société ALVIS LOGISTICS LIMITED.

Après une nouvelle lettre de la société NSM ART par laquelle cette dernière, le 19 01 2006, contestait toute responsabilité, [U] [D] délivrait, le 09 05 2006, l'assignation à l'origine du jugement déféré.

Le tribunal, retenant une absence de diligence de la société NSM ART à l'égard de sa cliente et que l'oeuvre était non de [E] mais d'après lui, a condamné la SAS NEUFLIZE OBC ART à payer à [U] [D] une somme de 1500 € de dommages et intérêts et la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens, rejetant toutes autres demandes et l'exécution provisoire étant ordonnée.

[U] [F] [K] veuve [D], appelante au principal, intimée incidemment, demande à la cour de réformer le jugement sur le montant de l'indemnisation qui lui a été allouée, de condamner la SAS NEUFLIZE OBC ART à lui payer la somme de 200 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 09 05 2006 qui seront capitalisés dans les termes de l'article 11 54 du code civil, celle de 15 000 € au titre de son préjudice moral, de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens.

La SAS NEUFLIZE OBC ART, intimée au principal, appelante incidemment, demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter [U] [D] de toutes ses demandes, de constater que cette dernière n'a communiqué que les pièces 16 à 24 selon bordereau du 16 01 2008 et de rejeter des débats toutes autres pièces non communiquées, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 5000 € de dommages et intérêts, celle de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens.

SUR CE

Considérant que la demande de la SAS NEUFLIZE OBC ART tendant à écarter les pièces une à quinze visées au bordereau annexé des écritures de [U] [D] est dénuée de portée, dès lors que ces pièces au demeurant communiquées en première instance, sont relatives au contrat litigieux, à la situation successorale de l'appelante, aux échanges de correspondances entre les parties, et à la procédure de saisie de la société ALVIS LOGISTICS LIMITED, que cette intimée produit elle même les actes de cette dernière procédure, ne discute pas la situation successorale de l'appelante ni la teneur du contrat et des correspondances échangées dont elle excipe elle-même ;

Considérant que, sur l'appel de [U] [F] [K] veuve [D] qui sollicite une augmentation de l'indemnisation allouée, la SAS NEUFLIZE OBC ART conteste toute responsabilité en faisant valoir qu'elle n'a pas en qualité de tiers saisi à s'immiscer dans les rapports entre le débiteur et son créancier auquel il incombait de dénoncer les actes de la procédure à cette appelante, qu'elle a fait les réserves nécessaires sur la propriété du bien, qu'elle n'et tenue, eu égard aux stipulations contractuelles des articles 1et 3-1 de restituer le bien au déposant que sous réserve qu' il ne fasse l'objet d'aucune indisposition conventionnelle judiciaire ou autre, que l'appelante par un comportement particulièrement étonnant s'est abstenue de toute réclamation à l'encontre du créancier saisissant ni de sa petite fille qui selon cette appelante aurait indirectement bénéficié du fruit de la vente du tableau alors qu'elle n'en avait que la nue propriété tandis qu'elle a attendu plusieurs années après que la société ALVIS LOGISTICS LIMITED a initié la procédure avant de réagir ;

Mais considérant que cette argumentation est vaine dès lors qu'il incombe au dépositaire d'accomplir toute diligence nécessaire pour assurer la conservation du bien pendant le temps du dépôt le bien qui lui a été remis au nombre desquelles figure à l'évidence l'information de ce déposant de toute circonstance de nature à risquer de lui faire perdre le bien qu'il a déposé ;

Considérant qu' en l'espèce, il résulte des pièces produites que, courant 1998 deux procédures de saisie conservatoire dans un temps voisin étaient notifiées à la SAS NEUFLIZE OBC ART, qu'informée en août 1999 de la volonté de [U] [F] [K] veuve [D] de s'opposer à toute revendication de tiers sur ce tableau, cette société, qui formulait des réserves sur la propriété du tableau s'est abstenue de toute diligence pendant plus de cinq ans pour informer sa cliente de l'action de la société ALVIS LOGISTICS LIMITED et s'assurer à tout le moins qu'elle était informée de cette procédure alors qu' il lui suffisait de lui communiquer les actes de cette dernière ;

Considérant que, par ce défaut d' information, la SAS NEUFLIZE OBC ART n'a pas permis à [U] [F] [K] veuve [D] d'exercer ses droits ;

Considérant que, vainement, la SAS NEUFLIZE OBC ART prétend que ce défaut d'information serait sans lien de causalité avec la perte irrémédiable de l'objet confié, en faisant valoir qu 'elle n'était pas créancier saisissant, puisque, en ne mettant pas en mesure [U] [F] [K] veuve [D] d'exercer ses droits la SAS NEUFLIZE OBC ART a fait échec à toute possibilité de cette dernière de faire obstacle à la procédure de vente puis d'exercer une éventuelle action en revendication entre les mains de l'acquéreur ce dont est résulté pour elle la perte définitive et irrémédiable du tableau litigieux, en sorte que cette perte résulte directement de la faute commise par la SAS NEUFLIZE OBC ART comme le soutient exactement [U] [F] [K] veuve [D] ;

Considérant que pour solliciter une somme de 200 000 € au titre du préjudice matériel résultant de la perte pour elle de ce tableau outre une somme de 15 000 € pour son préjudice moral, [U] [F] [K] veuve [D] se fonde sur la valeur des oeuvres de [T] [E], la certitude que l'oeuvre en cause était de sa main, contrairement aux attestations selon lesquelles ce tableau serait d'après [T] [E] et aurait été vendu pour le prix de 1900 € le 09 02 2004, et indique qu' à tout le moins il y aurait lieu de retenir sa valeur contractuelle d'assurance, en soulignant que son préjudice moral est constant ;

Considérant que la SAS NEUFLIZE OBC ART réplique qu'il ressort de la vente effectuée le 09 02 2004 que l'oeuvre était non [E] mais d'après lui et que celle-ci s'est réalisée pour le montant de 1900 € hors frais d'acte de vente, en sorte que l'indemnité demandée est sans rapport avec la valeur du tableau, que d'ailleurs [U] [F] [K] veuve [D] qui ne justifie pas du prix d'acquisition de ce tableau en 1966 n'avait pas hésité à réclamer en première instance une somme de cinq fois supérieure soit 1 000 000 €, et ne produit ni certificat d'authenticité ni véritable estimation financière, qu'il ne peut être tenu compte de la valeur d'assurance indiquée au contrat estimée sur les déclarations de la déposante pour un tableau de [T] [E] qui s'est avéré être une reproduction du 19ème siècle d'une oeuvre non de ce peintre mais d'après ce peintre ;

Mais considérant que quelle que soit la valeur de l'oeuvre, eu égard aux stipulations contractuelles, le préjudice subi ne peut être évalué qu'à la valeur contractuelle estimée d'assurance dès lors, d'une part, que cette évaluation a été proposée par la SAS NEUFLIZE OBC ART et acceptée par [U] [F] [K] veuve [D], que la perte du tableau s'analyse au sens du dit acte en un sinistre total, que dans une telle circonstance les parties avaient convenu, en excluant tout préjudice moral, que l'indemnisation serait celle de la valeur contractuelle estimée d'assurance, aucune clause d'actualisation n'étant par ailleurs prévue ;

Considérant qu'il s'ensuit que le montant de la condamnation prononcée contre la SAS NEUFLIZE OBC ART est portée à la somme de 152 499, 02 € avec intérêt au taux légal à compter du 09 05 2006, date de l'assignation, eu égard aux termes de la demande et le principe comme la date du point de départ de ces intérêts n'étant pas utilement contredit ;

Considérant qu' il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter du 13 01 2010 date des conclusions par lesquelles cette demande a été pour la première fois demandée ;

Considérant qu'il s'évince du sens du présent arrêt que la demande de la SAS NEUFLIZE OBC ART de dommages et intérêts pour procédure abusive ne peut qu'être rejetée ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SAS NEUFLIZE OBC ART à payer à [U] [F] [K] veuve [D] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile , le jugement étant confirmé sur l'application de cet article ;

Considérant que la SAS NEUFLIZE OBC ART est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de la SAS NEUFLIZE OBC ART tendant à écarter les pièces 1 à 15 visées dans le bordereau annexé aux dernières écritures prises par [U] [F] [K] veuve [D] ;

Réforme le jugement sur le montant de la condamnation prononcée à titre de dommages et intérêts contre la SAS NEUFLIZE OBC ART au profit de [U] [F] [K] veuve [D] ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Porte à la somme de 152 499,02 € avec intérêts au taux légal à compter du 09 05 2006, date de l'assignation, le montant de la condamnation prononcée contre la SAS NEUFLIZE OBC ART au profit de [U] [F] [K] veuve [D] ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter du 13 01 2010 ;

Condamne la SAS NEUFLIZE OBC ART à payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à [U] [F] [K] veuve [D] ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SAS NEUFLIZE OBC ART aux dépens d'appel ;

Admet la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 07/07863
Date de la décision : 19/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°07/07863 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-19;07.07863 ?
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