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18/03/2010 | FRANCE | N°09/03854

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 18 mars 2010, 09/03854


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 18 Mars 2010



(n° 3 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03854



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/03392





DEMANDERESSE AU CONTREDIT

S.A. GLOBAL EQUITIES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean NERET, avocat au barreau de PARI

S, toque : T 406, M. [V] [P] (Président Directeur Général)







DÉFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [D] [R]

Domicilié chez son Conseil Me DURAND GASSELIN

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 18 Mars 2010

(n° 3 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03854

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/03392

DEMANDERESSE AU CONTREDIT

S.A. GLOBAL EQUITIES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean NERET, avocat au barreau de PARIS, toque : T 406, M. [V] [P] (Président Directeur Général)

DÉFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [D] [R]

Domicilié chez son Conseil Me DURAND GASSELIN

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas DURAND-GASSELIN, avocat au barreau de PARIS, D330

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BÉZIO, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

Madame Martine CANTAT, Conseillère

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Madame Magaly HAINON, Greffier présent lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant à la suite du contredit formé par la société GLOBAL EQUITIES à l'encontre du jugement en date du 16 mars 2009 par lequel le conseil de prud'hommes de PARIS a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par cette société au profit des juridictions helvétiques et s'est déclaré territorialement compétent pour connaître des demandes formées par M.[D] [R] à l'égard de ladite société ;

Vu le désistement de la société GLOBAL EQUITIES, du chef de son contredit, par lettre de son conseil en date du 16 septembre 2009, et le renvoi, ordonné le 18 septembre 2009, afin que la Cour, évoquant, entende les explications au fond des parties, formulées devant elle comme dit ci-après ;

Vu les conclusions de M. [R] remises et soutenues à l'audience de la Cour du 10 février 2010 tendant à la condamnation de la société GLOBAL EQUITIES au paiement des sommes suivantes :

-737 016, 45 € à titre de rappel de salaire (article 7.2 du contrat)

-73.701, 64 € à titre de congés payés afférents

-1.892 833, 36 € à titre de rappel de salaire sur rémunération variable (article 4 du contrat)

- 959.226, 03 € d'indemnité de licenciement

- 438.781, 92 € d'indemnité de préavis

- 43.878, 19 € de congés payés afférents

-1.755 127, 70 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-10.610 € de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des dividendes pour l'exercice 2008

-10.000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

M. [R] demandant également à la Cour :

- d'ordonner, sous astreinte, à la société GLOBAL EQUITIES de lui transférer les actions souscrites sur son compte et, subsidiairement, de condamner cette société à lu verser la somme de 156 370, 50 € à titre de dommages et intérêts

- de décompter les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, avec capitalisation

- d'écarter des débats, les pièces de la société GLOBAL EQUITIES numéro 47,48,52, 90 à 93 et 102 et de rejeter les demandes reconventionnelles de celle-ci ;

Vu les écritures développées à la barre par la société GLOBAL EQUITIES qui sollicite le débouté de M. [R] du chef de toutes ses demandes et, à titre reconventionnel, requiert la condamnation de M. [R], d'une part, à lui verser la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts , en réparation de la faute lourde imputable à M. [R], et la somme de 182.828, 73 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'autre part, à lui rembourser la somme de 73.302, 44 € au titre des sommes détournées à titre de frais professionnels, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et allocation de la somme de 10.000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

FAITS

Considérant qu'il n'est pas discuté que M. [R] a été engagé par la société GLOBAL EQUITIES aux termes d'un contrat à durée indéterminée en date du 24 mars 2003 en qualité de Directeur, Responsable des ventes sur les marchés dérivés ;

Qu'aux termes de ce contrat M. [R] était rémunéré par le versement d'un salaire fixe et d'une part variable, calculée en fonction d'un pourcentage (à l'origine de 35 %, augmenté par des avenants successifs) du montant du chiffre d'affaires facturé aux clients, au cours du mois, par M. [R] et son équipe, -celle-ci étant constituée, des personnes mentionnées en annexe de son contrat, conformément aux dispositions de celui-ci, soit de MM. [S] et [W] ;

Que M. [R] s'est en outre vu attribuer, en vertu de ce contrat (et d'une délibération antérieure du conseil d'administration), 10 070 bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BCE), lui permettant de souscrire au capital de la société GLOBAL EQUITIES, au prix d'exercice de 7 euros ;

Que, concrètement, M. [R] était chargé de la direction d'un service, récemment créé au sein de la société GLOBAL EQUITIES , dénommé, Desk options, chargé de proposer à la clientèle des « produits dérivés », ou produits financiers divers dont la valeur «dérive» de «sous-jacents», -ceux-ci pouvant être de différente nature : devises, actions, contrats à termes (ou «futures»), taux, indices' ;

Que, parallèlement à ces activités salariées, la société a également confié à M. [R] l'exercice d'un mandat social, en qualité de Directeur général délégué pour le pôle Options, ainsi qu'il résulte de la délibération du conseil d'administration du 22 janvier 2003 dont M. [R] ne conteste pas qu'un exemplaire lui a été remis, lors de la signature de son contrat de travail ; que ce même document annonçait, outre le recrutement de M. [R], celui de M.[B], affecté sur le marché des « futures » ;

Qu'après avoir bénéficié, en février 2007, d'une augmentation de la partie fixe de son salaire, M. [R] a écrit à la société GLOBAL EQUITIES le 19 novembre 2007 pour lui demander de le rembourser de ses derniers frais professionnels, de valider son chiffre d'affaires du mois d'octobre et de lui adresser un bulletin de souscription de parts de créateur d'entreprise, actualisé compte tenu de la modification intervenue dans le capital de la société depuis la date de l' attribution de ces bons, en sa faveur ;

Que par courriel du 21 novembre suivant, M. [P], le président directeur général de la société, a informé M. [R] qu'il faisait le nécessaire pour que ses demandes reçoivent satisfaction, mais a fait part à celui-ci de son inquiétude, quant à ses récentes absences, inexpliquées, et à la trop grande responsabilité ainsi laissée à son assistante, alors même que son collaborateur M. [W] -qui avait démissionné au début du mois- n'était plus là pour superviser l'intéressée ;

Que par lettre du 30 novembre 2007 dans laquelle il remerciait M. [P], des diligences accomplies en sa faveur, M. [R] répondait à son interlocuteur :

[X] [B] ainsi que [J] [H] peuvent parfaitement superviser [A] en mon absence

et ajoutait :

A ce titre, je rappelle que nous n'avons toujours pas réglé la question de la rémunération qui doit m'être versée pour les vendeurs qui interviennent sur les produits dérivés, lesquels doivent être intégrés dans le périmètre de mon desk conformément au contrat de travail que nous avons signé, et qui concerne [X] [B] et [J] [H] notamment

Que le 4 décembre, M. [P], invoquant les dispositions du contrat de travail de M. [R] , rejetait cette dernière demande :

'(') (d'après ton contrat ) la commission mensuelle variable est calculée sur le chiffre d'affaires réalisé par toi et (ton) équipe au cours du mois.

Ton contrat de travail -dans son article 4-1- dispose que la liste des personnes composant cette équipe figure dans l'annexe I mise à jour régulièrement. Or ni [X] [B], ni [J] ne sont mentionnés sur cette liste (') et ils confirmeront ne pas faire partie de ton équipe' ;

Que M. [R] réitérait sa demande, par courriel du 5 décembre, en indiquant ne pas avoir cette position, qui, selon lui, s'avérait contraire tant à l'esprit qu'aux termes du contrat de travail que nous avons signé ;

Que finalement, le 7 décembre 2007, M. [R] écrivait le lettre suivante, à la société GLOBAL EQUITIES, afin de prendre acte de la rupture de son contrat, aux torts de celle-ci :

'Lors de notre dernière rencontre, hier soir, tu m'as déclaré que tu ne répondrais pas à mon dernier mail et que tu refusais catégoriquement d'intégrer officiellement [J] [H] et [X] [B] au sein du Département des produits dérivés. D'autant que tu sais parfaitement qu'ils interviennent quotidiennement sur ces produits et que, conformément au contrat de travail que nous avons signé, je suis le responsable de cette activité au sein de l'entreprise.

Tu refuses également de réintégrer leur chiffre d'affaires, ainsi que celui de [C].[Z], dans mon périmètre, ce qui me cause un préjudice financier important.

Hier encore, j'ai pu constater que tu avais engagé Mlle [E] [M] comme vendeuse sur les produits dérivé&s alors que je n'ai été ni consulté ni même informé de cette embauche.

Une telle attitude est difficilement compréhensible alors que tu sais parfaitement que je suis à la recherche d'un collaborateur pour remplacer [F] [W] .

Tout ceci me conforte dans l'idée que tu as sciemment créé un second département produits dérivés chez GLOBAL EQUITIES dont tu m'as volontairement écarté.

Comme je te l'ai indiqué à plusieurs reprises ton attitude est contraire à l'esprit et aux termes mêmes du contrat que nous avons signé.

Enfin, pour ce qui concerne le calcul de mes commissions, tu m'indiques ne pas voir le problème alors qu'il est manifeste que l'article 7.2 du contrat n'est pas respecté, ce qui me cause, une nouvelle fois, un préjudice financier que tu n'as donc pas, non plus, l'intention de rectifier.

Dans ces conditions, il n'est plus possible que je poursuive mon contrat de travail chez GLOBAL EQUITIES.(').

Pour éviter toute difficulté vis-à-vis des clients, je te propose de quitter effectivement GLOBAL EQUITIES le vendredi 14 décembre 2007, date à laquelle tu me remettras mon solde de tout compte.

Je te remercie également de faire le nécessaire pour que mon nom n'apparaisse plus sur l'extrait K bis de la société.'

Qu'aux termes d'une note, cosignée par M. [R], du 12 décembre 2007, la société GLOBAL EQUITIES, s'est déclarée d'accord pour que ce dernier quitte définitivement l'entreprise, conformément à (son) souhait et a précisé que le solde de tout compte était dès lors arrêté à la date du 12 décembre 2007 ;

Que M. [R] a été engagé, pour travailler en Suisse, en qualité de «broker», selon contrat de travail à durée déterminée, de droit suisse, signé le 15 décembre 2007 avec la société BGC, entreprise exerçant une activité concurrente à celle de la société GLOBAL EQUITIES, qui se trouve être aussi le nouvel employeur de M. [W], démissionnaire de la société GLOBAL EQUITIES depuis novembre 2007 et ancien collaborateur de M. [R] au sein de celle-ci ;

Qu'avant de prendre acte de la rupture de son contrat, M. [R] a par deux fois, les 21 et 29 novembre 2007, manifesté auprès de la société GLOBAL EQUITIES, son intention d'exercer ses droits au titre des BCE ; que le 21 décembre 2007, celle-ci lui a finalement répondu en refusant le transfert d'actions requis, au motif que le prix souscrit par l'intéressé -de 5, 5065 €- était différent de celui prévu par le contrat d'émission, soit le prix du bon de souscription initial, ou 7 € par action ;

*

PROCÉDURE

Considérant que la société GLOBAL EQUITIES a saisi le 14 mars 2008, le Juge de paix du district de Lausanne de demandes relatives, d'une part, aux conditions d'exécution et de rupture des contrats de ses deux anciens salariés, M. [R] et M.de [K] et, d'autre part, à des faits de concurrence déloyale imputés à ces derniers ainsi qu'aux sociétés BGC CAPITAL MARKETS LLC et BGC SECURITIES ;

que, le 26 mars suivant, M. [R], désormais domicilié avec sa famille à Lausanne -où il a déménagé le 4 janvier 2008- a introduit la présente instance, en premier ressort devant le conseil de prud'hommes de PARIS, afin de voir juger que sa prise d'acte de rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir condamner la société GLOBAL EQUITIES à lui verser, outre les indemnités diverses subséquentes, des rappels de salaires correspondant, à la fois, au montant de son commissionnement -calculé dans des conditions non conformes aux prévisions contractuelles- et au périmètre de son commissionnement, qui aurait dû inclure, selon lui, les chiffres d'affaires réalisés par certains salariés, volontairement exclus par la société, dudit périmètre ;

que le 16 mars 2009, le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent, rejetant l'exception soulevée par M. [R] au profit des juridictions helvétiques ; que la société GLOBAL EQUITIES a formé contredit le 27 mars 2009 devant cette Cour, qui s'est ainsi trouvée saisie de la présente affaire ;

que le 20 avril 2009, la Cour civile du Tribunal cantonal de Vaud a sursis à statuer sur les demandes dont elle était saisie jusqu'à ce qu' ait été définitivement tranchée la question de compétence soulevée devant le conseil de prud'hommes parisien ;

que la société GLOBAL EQUITIES s'est alors désistée de son contredit le 16 septembre 2009, comme dit en tête du présent arrêt et la Cour, évoquant, a renvoyé les parties à conclure devant elle ;

*

PRÉTENTIONS

Considérant qu'il ressort des conclusions susvisées que la Cour est présentement saisie, par M. [R], des prétentions suivantes :

- d'une première demande, tendant à voir condamner la société GLOBAL EQUITIES à lui verser -avec majoration pour congés payés afférents- un rappel de commissions -au titre du montant, d'une part, et au titre du périmètre, d'autre part, du chiffre d'affaires servant au calcul de la part variable de sa rémunération,

- d'une seconde demande, tendant, à titre principal, à voir ordonner à la société GLOBAL EQUITIES de lui transférer la propriété des actions auxquelles lui donnent droit ses bons de souscription de part de créateur d'entreprise ou BCE, et subsidiairement, à voir condamner la société GLOBAL EQUITIES à lui payer la somme de 156.370, 50 € à titre de dommages et intérêts, avec, en tout état de cause, paiement de la somme de 10.610 € pour perte de chance de percevoir des dividendes pour l'exercice 2008,

- d'une dernière demande -présentée comme une conséquence des deux premières--relative à la prise d'acte de rupture de son contrat de travail dont M. [R] soutient qu'elle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec condamnation de la société GLOBAL EQUITIES à lui verser les diverses indemnités corrélatives, rappelées en tête du présent arrêt ;

Que la société GLOBAL EQUITIES qui sollicite le rejet de toutes les prétentions de M. [R], forme, elle, une demande reconventionnelle, tendant au paiement par M. [R] :

-de la somme de 80.000 € en réparation du préjudice moral consécutif à la faute lourde imputable à son ancien salarié et résultant du comportement déloyal de celui-ci ;

-de la somme de 182.828, 73 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

-de la somme de 73.302, 44 €, détournée, d'après elle, sous couvert de prétendus frais professionnels

Considérant que M. [R] soutient que la société GLOBAL EQUITIES a failli à diverses et importantes obligations que lui imposait son contrat de travail et que ces manquements graves justifient toutes ses demandes ;

Que de son côté, la société GLOBAL EQUITIES objecte au contraire qu'elle a respecté les dispositions contractuelles adoptées entre les parties et que la lettre de prise d'acte de M. [R] ne correspond qu'à une mise en scène de son départ, frauduleusement prémédité en faveur de la concurrence, avec captation de la clientèle et débauchage de son collègue et collaborateur, M. [W], - qu'elle a attrait, comme lui, en concurrence déloyale devant les juridictions helvétiques, aux côtés de leur nouvel employeur commun, la BGC ;

*

MOTIVATION

Considérant que la demande de M. [R] tend à voir juger que la société GLOBAL EQUITIES a manqué à trois de ses obligations contractuelles par :

-le non versement des commissions selon le calcul contractuellement prévu

-le non prise en compte, dans le périmètre du chiffre d'affaires, permettant le calcul de son commissionnement, du chiffre d'affaires réalisé par des vendeurs de produits dérivés rattachés à M.[P], le PDG de la société GLOBAL EQUITIES, alors qu'ils auraient dû faire partie de son équipe et dépendre de lui-même ;

-la non attribution des actions auxquelles donnaient droit les bons de créateur d'entreprise (BCE) qui lui avaient été remis en vertu de son contrat de travail ;

Considérant qu'il y a donc lieu d'examiner successivement ces trois séries de violations contractuelles invoquées, avant de déterminer, si tout ou partie d'entre elles pouvait, justifier, le cas échéant, la rupture du contrat aux torts de la société GLOBAL EQUITIES ainsi que le soutient M. [R], dans sa lettre de prise d'acte de rupture du 7 décembre 2007 ;

°

Sur la violation des dispositions contractuelles et les rappels de salaire réclamés

Sur le calcul du montant du commissionnement

Considérant que les parties s'accordent pour reconnaître que depuis son engagement par la société GLOBAL EQUITIES celle-ci n'a jamais calculé ce montant conformément aux dispositions prévues par le contrat de travail ;

Qu'en effet, ce dernier prévoit dans son article 7.2 que M. [R] a droit, au titre de la part variable de sa rémunération, à :

une commission mensuelle variable dont le montant est calculé sur le chiffre d'affaires réalisé par M. [R] et son équipe au cours du mois .

Le montant de la commission mensuelle sera égal à 35 % du chiffre d'affaires brut (le chiffre d'affaires brut se définissant comme le montant total des commissions facturées aux clients par M. [R] et son équipe) réalisé sur les produits dérivés par M. [R] et son équipe, au cours du mois.

Du chiffre d'affaires brut réalisé par M. [R] et son équipe seront déduits, pour le calcul de son commissionnement, son salaire fixe, les alaires fixes des membres de son équipe, le pourcentage de commission variable attribué à chaque vendeur.

Qu'alors que, selon ces dispositions, le pourcentage de la commission (35 %) doit être appliqué sur le chiffre d'affaires brut, après déduction de ce chiffre d'affaires des diverses sommes devant être soustraites de ce dernier (salaires fixes'), la société GLOBAL EQUITIES, durant les 4 années passées par M. [R] en son sein, a appliqué les 35% de commission sur le chiffre d'affaires brut, puis, soustrait du résultat, les sommes devant être déduites, -ce qui a dégagé en faveur de M. [R] un solde dû de 737.016,45 €, non contesté en son montant par la société GLOBAL EQUITIES ;

Que la société GLOBAL EQUITIES prétend, toutefois, qu'une novation au contrat se serait opérée entre les parties et que son calcul, aujourd'hui critiqué par M. [R], serait donc conforme à la volonté de celles-ci ;

Mais considérant que la novation ne se présume pas et doit résulter d'éléments démontrant la volonté expresse et non ambigue des parties de modifier les dispositions contractuelles initiales ;

Or considérant que la société GLOBAL EQUITIES se borne en définitive à faire état de la pratique suivie par elle, durant quatre années, sans opposition de la part de M. [R] ;

Qu'elle invoque l'existence de fiches mensuelles qui auraient été transmises à M. [R], reproduisant les éléments précis de son calcul, mais ne produit pas de semblables fiches approuvées par M. [R] et portant le calcul détaillé allégué ;

Que sa pratique non contestée ne saurait, dans ces conditions, valoir reconnaissance expresse, par le salarié, de nouvelles dispositions se substituant à celles de son contrat de travail ;

Considérant qu'il s'ensuit que M. [R] n'ayant pas renoncé à se prévaloir du bénéfice de ces dernières dispositions, la société GLOBAL EQUITIES s'avère débitrice à son égard de la somme précitée et sera condamnée à lui verser celle-ci, augmentée de la somme de 73.701, 64 € au titre des congés payés afférents, le tout, avec intérêts légaux -courant à compter du 28 mars 2008, date de la réception par la société de sa convocation devant le conseil de prud'hommes, et capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Sur le calcul du périmètre du commissionnement

Considérant que M. [R] rappelle que selon l'article 7.2 le calcul de sa part variable devait ainsi inclure le chiffre d'affaires réalisé par lui et son équipe ;

Qu'il ajoute que l'article 4 stipule : (') En sa qualité de responsable des ventes sur les produits dérivés, M. [R] constituera et animera une équipe de vendeurs spécialisés sur ces marchés dont le nombre de vendeurs ainsi que les rémunérations, tant à l'embauche qu'à l'avenir, ne pourront être décidés sans l'accord exprès et préalable de M. [R] ;

Qu'il en déduit que tous les salariés effectuant des ventes sur produits dérivés devaient faire partie de son équipe et qu'en conséquence, aurait dû être inclus, dans le chiffre d'affaires servant d'assiette à son commissionnement, le chiffre d'affaires de salariés, tels que MM . [H], [Z] et [B], cités dans sa lettre de prise d'acte du 7 décembre 2007 ;

Mais considérant que les dispositions qui précèdent n'ont pour effet que de confier à M. [R] la responsabilité de constituer et d'animer une équipe dont les membres sont choisis par lui seul et dont les noms figurent précisément sur la liste -mise à jour régulièrement- annexée au contrat ;

Que force est de constater que les salariés dont M. [R] citait les noms dans sa lettre du 7 décembre étaient étrangers à cette liste, annexée à son contrat et toujours limitée à M .M. [S] et de [K] ;

Considérant, d'ailleurs, que M.M.[H] et [Z], engagés depuis 2004 par la société GLOBAL EQUITIES, et leur activité au sein du « Desk Indices et taux » depuis décembre 2004, figurent dans les publications internes régulières de la société ; que leur situation était donc connue depuis plusieurs années de M. [R] -qui se réfère d'ailleurs à eux, sans le moindre étonnement, dans son courrier du 7 décembre- ;

que malgré cette connaissance, M. [R], de surcroît mandataire social, n'a jamais formulé, pendant près de trois ans auprès de la société GLOBAL EQUITIES , la moindre prétention tendant à voir intégrer ces salariés dans son équipe et, avec eux, leur chiffre d'affaires dans le sien ;

qu'il en va de même pour M.[B], également cité par M. [R] dans sa lettre de prise d'acte, qui était affecté au marché des 'futures' depuis 2003 en vertu du procès-verbal du conseil d'administration du 12 mars 2003 remis à M. [R] le jour de la signature de son contrat de travail ; qu' en dépit de cette connaissance, M. [R] , jusqu'au 7 décembre 2007, n'avait jamais élevé la moindre revendication tendant à voir M.[B], faire partie de son équipe ;

Considérant qu'en définitive, M. [R] -qui, contre l'évidence, prétend que la société lui aurait dissimulé l'activité des intéressés- ne démontre pas que la société GLOBAL EQUITIES a violé les dispositions contractuelles, applicables à la détermination du périmètre de son « équipe » ;

Que, dans ces conditions, l'absence de toute réclamation antérieure à ses lettres susvisées des 30 novembre et 7 décembre 2007, apparues de surcroît, de façon anecdotique, en réponse à la remarque faite par M.[P] dans son courriel du 21 novembre 2007, sur l'absence de M. [R] et la gestion de son « desk » durant cette absence, témoigne du caractère infondé des prétentions de l'intéressé ;

Que la demande de rappel de salaires formée par celui-ci aux fins d'obtenir l'intégration, dans son chiffre d'affaires, de celui réalisé par des salariés, à tort prétendus inclus dans son équipe, ne peut dès lors prospérer et sera rejetée ;

°

Sur la violation des dispositions contractuelles et les BCE

Considérant que la société GLOBAL EQUITIES -qui ne reprend pas le motif de son refus, opposé le 21 décembre 2007 à M. [R]- ne conteste pas, en lui-même, le droit pour M. [R] d'exercer ses BCE ;

qu'elle soutient cependant qu'il y aurait, en l'espèce, de la part de M. [R], un abus de ce droit, dès lors que l'exercice de son option s'inscrirait dans le cadre d'un comportement, relevant de la faute lourde, consistant à avoir préparé son départ à la concurrence, en compagnie de son collègue, M.de [K], avec captation de sa propre clientèle ;

Mais considérant que la société GLOBAL EQUITIES ne fonde la déchéance, ainsi invoquée, sur aucune disposition légale ;

qu'à le supposer prouvé, l'abus de droit, dont se prévaut la société GLOBAL EQUITIES -et qui se confond, d'ailleurs, avec la demande initiale pour concurrence déloyale, formée par la société devant les juridictions helvétiques- ne saurait, de plus, donner lieu qu'à l'octroi de dommages intérêts, et ne peut, dès lors, justifier le refus de la société, d'exécuter l'obligation mise à sa charge par les dispositions du contrat liant les parties ;

Considérant qu'il convient donc d'accueillir la demande de M. [R], tendant à voir ordonner à la société GLOBAL EQUITIES de lui remettre les actions litigieuses, à l'exception de la mesure d'astreinte requise, non justifiée en l'état ;

Qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des dividendes en 2008, alors que M. [R] ne justifie pas, par les pièces produites de la réalité et du montant de la perte qu'il allègue ;

°

Sur la portée de la prise d'acte de la rupture

Considérant que, seule, l'inexécution caractérisée et grave de ses obligations par l'employeur peut autoriser le salarié à prendre acte de la rupture du contrat de travail ;

Qu'en outre, même si elle n'a pas à être formulée dans la lettre de prise d'acte celle-ci peut résulter d'autres faits que ceux visés dans celle-ci, l'inexécution reprochée doit être antérieure à la prise d'acte ;

Or considérant qu'en l'espèce, -s'agissant, en premier lieu, des BCE- ce n'est que le 21 décembre 2007 que la société GLOBAL EQUITIES -répondant à la demande relative au transfert d'actions contre ses BCE, formulée par M. [R] moins d'un mois avant - a refusé la délivrance requise ;

Que ce refus, intervenu dans un délai raisonnable, est ainsi postérieur à la prise d'acte du 7 décembre 2007, -étant rappelé que, dans cette lettre, M. [R] ne fait pas même allusion à sa demande de transfert d'actions ;

Que ce premier grief reproché à la société GLOBAL EQUITIES ne peut donc être retenu au titre de la prise d'acte de rupture ; ;

Considérant qu'en second lieu, il résulte des énonciations qui précèdent qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société au titre du périmètre des chiffres d'affaires devant être inclus dans l'assiette du commissionnement de M. [R], puisqu'ainsi qu'il vient d'être jugé, les dispositions contractuelles ne permettaient d'inclure dans ces chiffres d'affaires que ceux de l'équipe de M. [R] et ont été appliquées en ce sens par la société GLOBAL EQUITIES ;

Que ce deuxième grief ne saurait davantage prospérer ;

Considérant qu'en dernier lieu, l'absence de versement à M. [R], pendant toute la durée de son contrat, d'un commissionnement calculé conformément aux prévisions contractuelles, constitue certes une méconnaissance de ses obligations par la société GLOBAL EQUITIES ;

Qu' il y a lieu, cependant, aussi grave qu'ait pu être, selon lui, cette violation du contrat par son employeur, de relever que M. [R] n'a soulevé pour la première fois, par écrit, cette difficulté que dans sa lettre de prise d'acte de rupture et de manière seulement elliptique, sans avoir au préalable mis en demeure la société GLOBAL EQUITIES d'avoir à exécuter ses obligations contractuelles en la matière ;

Que la précipitation avec laquelle a ainsi agi M. [R] n'a pas même permis à la société de faire connaître précisément son argumentation sur l'inexécution reprochée, ni donner le temps à l'intéressée de se mettre, le cas échéant, en conformité avec ses obligations ;

Que la prise d'acte intervenue dans ces conditions ne saurait, dès lors, caractériser un manquement de la société, susceptible de justifier la rupture du contrat ;

Considérant que cette prise d'acte ne saurait donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , comme le demande M. [R] , et doit produire ceux d'une démission, emportant, par là-même, le rejet des diverses prétentions de M. [R] consécutives à une rupture imputable à son employeur ;

°

Sur la demande reconventionnelle de la société GLOBAL EQUITIES

Considérant, tout d'abord, qu'il n'est pas discuté que la société GLOBAL EQUITIES a dispensé M. [R] d'effectuer son préavis ; qu'ainsi, la demande formée par cette dernière, tendant à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice à ce titre, ne peut qu'être rejetée ;

Considérant que, de même, ne saurait prospérer la demande, tendant à voir restituer par M. [R] le montant de frais professionnels qu'elle a, en leur temps, vérifiés et accepté de rembourser à son salarié ;

Considérant qu'enfin, le préjudice moral dont se prévaut la société GLOBAL EQUITIES est directement lié au comportement de concurrence déloyale reproché par elle à M. [R] dans le cadre de l'action qu'elle a engagée devant les juridictions helvétiques, avant même de former la présente demande reconventionnelle ; que tant la litispendance existant entre les diverses juridictions que la connexité des instances, -la procédure en SUISSE, étant également introduite contre le nouvel employeur de M. [R] ' justifient le rejet de cette prétention, conformément aux conclusions de M. [R] ;

*

Considérant que M. [R] succombant dans nombre de ses demandes, l'équité commande de laisser à sa charge ses frais irrépétibles ;

Qu'en revanche, la société GLOBAL EQUITIES qui succombe, supportera les dépens exposés en première instance et devant la Cour ;

PAR CES MOTIFS

CONDAMNE la société GLOBAL EQUITIES à payer à M. [R] la somme de 737.016, 45 € à titre de rappel de salaire et la somme de 73.701, 64 € à titre de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2008, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

ORDONNE à la société GLOBAL EQUITIES de transférer, contre paiement par M. [R], la propriété des actions correspondant aux BCE attribués à ce dernier ;

DÉBOUTE M. [R] du surplus de ses demandes ;

REJETTE la demande reconventionnelle de la société GLOBAL EQUITIES ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'aucune partie ;

CONDAMNE la société GLOBAL EQUITIES aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/03854
Date de la décision : 18/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°09/03854 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-18;09.03854 ?
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