La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2010 | FRANCE | N°08/08196

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 18 mars 2010, 08/08196


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 18 Mars 2010

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08196



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes de paris section encadrement RG n° 06/08751





APPELANTE



Madame [R] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assistée de Me Muriel SARFATI, avocat a

u barreau de PARIS, toque : C1299





INTIMEE



SOCIETE HEIDRICK & STRUGGLES

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Emmanuelle MOSNINO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2026, E...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 18 Mars 2010

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08196

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes de paris section encadrement RG n° 06/08751

APPELANTE

Madame [R] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assistée de Me Muriel SARFATI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1299

INTIMEE

SOCIETE HEIDRICK & STRUGGLES

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Emmanuelle MOSNINO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2026, En présence de M. [U] [S] (Consultant et partner)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mme Nadine LAVILLE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Par courrier du 28 octobre 1988, Mme [H] qui travaillait depuis le 1er février 1984 pour la société Stamina, a été informée que depuis octobre 1988, elle était salariée de la société ESE Consultants, nom pris par la société Stamina à l'occasion de son intégration dans le groupe Heidrick and Struggles International.

Aux termes d'un contrat de travail conclu le 1er octobre 1989 avec la société Heidrick and Struggles International, la rémunération de Mme [H] se composait d'un salaire annuel forfaitaire de 506004 frs payable sur 12 mois et d'un 'bonus discrétionnaire pouvant lui être attribué en fonction des résultats de la société et de ses performances' avec la précision que 'ce bonus est décidé par le Conseil d'administration' et que 'son attribution n'est en aucune façon garantie'.

Par courrier du 24 mars 1993, Heidrick and Struggles International a confirmé à Mme [H] qu'à compter du 1er mars 1993, son salaire annuel brut était fixé à 477600 frs avec mise en place simultanément d'un système de bonus.

Répondant le 22 juillet 1993 à un courrier de Mme [H] du 7 juillet précédant, Heidrick and Struggles International a proposé une rémunération annuelle brute de 600000 frs, à compter du 1er juillet 1993 garantie jusqu'à la fin de l'année.

Par courrier du 15 mai 2006, Mme [H] a contesté la formule de rémunération applicable dès 2006 comme entraînant une baisse substantielle de sa rémunération.

Le 24 juillet 2006, Mme [H] a saisi le Conseil des prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Le 19 avril 2007, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement et le 14 mai 2007 présenté le 15 mai, elle a été licenciée pour faute grave.

En dernier lieu, Mme [H] exerçait les fonctions de 'senior partener' avec le statut de cadre dirigeant, relevant de la convention collective du bureau d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

La cour statue sur l'appel interjeté le 6 juin 2008 par Mme [H] du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Paris le 20 mars 2008 notifié par lettre datée du 21 mai 2008 qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et subsidiairement sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Vu les conclusions du 4 février 2010 au soutien de ses observations orales par lesquelles Mme [H] demande à la cour

- d'infirmer le jugement dont appel,

et suit l'énoncé de moyens et arguments relatifs à la résiliation du contrat de travail sous la forme de constater que ...

- de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de Heidrick and Struggles International,

y faisant droit

- de condamner Heidrick and Struggles International à lui payer, avec intérêts à compter du 24 juillet 2006,

. 2925 € à titre du bonus 2005,

. 75353 € à titre du bonus 2006,

. 72836 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 7283,60 € au titre des congés payés afférents,

. 226576 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 621091, 06 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais avancés de l'employeur dans le journal Les Echos, le Financial Times et le Herald Tribune,

et suit l'énoncé de moyens et arguments relatifs au licenciement sous la forme de constater que ...

- de dire le licenciement dénué de faute grave et de cause réelle et sérieuse,

dans le corps des conclusions les mêmes condamnations sont sollicitées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de débouter Heidrick and Struggles International de toutes ses demandes, fins et conclusions reconventionnelles.

Vu les conclusions du 4 février 2010 au soutien de ses observations orales par lesquelles Heidrick and Struggles, succursale de la société Heidrick and Struggles International Inc, demande à la cour de

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement déféré,

- débouter Mme [H] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [H] à lui verser 10000 € en réparation des préjudices résultant d'une atteinte à son image et à sa réputation outre 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE,

Considérant que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail a été formée avant le prononcé du licenciement de sorte qu'il convient d'examiner en premier lieu cette demande ;

Considérant que pour voir prononcer, par infirmation de la décision déférée, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, Mme [H] invoque non seulement une modification de sa rémunération (calcul du bonus) sans son accord mais encore une modification du mode de calcul, une inégalité de traitement entre les salariés, ainsi que des manoeuvres d'éviction aux fins d'obtenir son départ de la société ; que Heidrick and Struggles réplique que le bonus était discrétionnaire, aléatoire et non garanti, qu'en 2004, Mme [H] a bénéficié du même traitement que les autres consultants placés dans sa situation ;

Mais considérant qu'au regard du principe 'à travail égal, salaire égal' invoqué par Mme [H] et qui s'applique même lorsque le bonus est qualifié de discrétionnaire et d'aléatoire, l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une différence de rémunération ;

Que Mme [H] verse copie d'un message électronique adressé par M. [O] le 22 mars 2005 relatif à son bonus aux termes duquel celui-ci 'renonce à un traitement de faveur' et demande à 'être payés aux mêmes conditions et avec le même système de calcul de bonus que les autres partenaires européens' ; que Mme [H] justifie aussi avoir vainement fait sommation de communiquer les fiches de bonus 2004 de 10 autres 'parteners' européens nommément désignés ;

Que Mme [H] présente ainsi des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'une discrimination dans la mise en oeuvre du plan de rémunération dans sa partie relative au bonus ; qu'au vu de ces éléments, il appartient à Heidrick and Struggles International de justifier du montant du bonus effectivement attribué aux 'parteners' européens visés par Mme [H] et de prouver que les différences sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Que Heidrick and Struggles International n'a fait aucune observation sur le message électronique de M. [O] et ne s'est pas expliqué sur les éléments objectifs qui auraient été de nature à justifier le 'traitement de faveur' qui lui a été proposé ; que Heidrick and Struggles International ne peut pas se contenter d'affirmer que Mme [H] a eu le même traitement que les consultants placés dans sa situation alors qu'il lui incombe de démontrer que le plan de rémunération pour cette catégorie de salariés a été mis en oeuvre sans discrimination ; que l'attestation de Mme [E], directeur financier de la région Europe, Moyen Orient, Afrique qui ne fait que rappeler les termes du plan de rémunération est privée de pertinence dès lors qu'elle ne permet pas à la cour d'exercer son contrôle ; qu'il en va de même pour le message électronique du 13 mars 2008 par lequel elle confirme que les parteners visés par Mme [H] ont tous perçu un bonus calculé sur un critère de performance de 75% alors que cette affirmation n'est étayée par aucun élément objectif permettant à la cour d'exercer son contrôle ;

Qu'en conséquence, et par infirmation de la décision déférée, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] aux torts exclusifs de l'employeur avec effet au 15 mai 2007, la date du licenciement ;

Sur les conséquences

Considérant qu'eu égard à la discrimination dont elle a été victime, Mme [H] est fondée à demander que sa rémunération annuelle soit fixée à 24278,75 € correspondant à l'application d'un commissionnement de 85%, sans paiement de la recherche ;

Qu'il sera fait droit aux demandes de rappel de bonus qui ne sont critiquées qu'en leur principe ;

Considérant que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant qu'en l'absence de contestations sur leur montant, il sera fait droit aux demandes de Mme [H] relatives aux indemnités de rupture c'est-à-dire d'une part à l'indemnité conventionnelle de licenciement telle que prévue à l'article 19 de la convention collective du bureau d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils applicable au sein de la société Heidrick and Struggles International (p 3 des écritures de l'employeur) soit 226576 € sans qu'il y ait lieu de faire application du plafond de 12 mois qui n'est pas atteint, d'autre part, à l'indemnité compensatrice de préavis contractuelle de trois mois soit 72836 € et 7283,60 € au titre des congés payés afférents ;

Que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de l'ancienneté (du 5 juin 1979 au 15 mai 2007 telle que portée sur le certificat de travail daté du 22 mai 2007) et de l'âge de la salariée (née le [Date naissance 3] 1951) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L.122-14-4 du Code du travail ancien devenu L 1235-3, une somme de 500000 € à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que Mme [H] ne justifie d'aucun préjudice qui ne serait pas déjà réparé par les dommages et intérêts alloués ci-dessus, il n'y a pas lieu d'ordonner la publication de la présente décision ;

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement entrepris,

et statuant à nouveau

PRONONCE, au 15 mai 2007, la résiliation judiciaire du contrat de travail liant la société Heidrick and Struggles International et Mme [H],

CONDAMNE la société Heidrick and Struggles International à payer à Mme [H]

. 2925 € au titre de rappel de bonus 2005,

. 75353 € au titre de rappel de bonus 2006,

. 72836 € à titre d'indemnité compensatrice du préavis et 7283,60 € au titre des congés payés afférents,

. 226576 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 500000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [H] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Heidrick and Struggles International aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 08/08196
Date de la décision : 18/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°08/08196 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-18;08.08196 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award