RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 17 Mars 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08956
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Avril 2008 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - Section Activités Diverses - RG n° 06/03035
APPELANT
Monsieur [N] [C] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de M. [E] [R] (Délégué syndical ouvrier dûment mandaté)
INTIMEE
S.A. ICTS FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Pascale RODRIGUE HAYEM, avocate au barreau de PARIS, E574
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [N] [L] a été engagé par la société Sécuricor suivant contrat à durée indéterminée du 23 avril 2002 en qualité d'agent de sûreté aéroportuaire.
Le 22 juin 2004, son contrat de travail a été transféré à la société anonyme ICTS France dont l'activité est 'Toute mission de sécurité et de sûreté des biens meubles et immeubles ainsi que les personnes se trouvant dans ces immeubles: la surveillance, le gardiennage, la protection de l'intégrité des personnes, le contrôle d'inspection, filtrages des passages...dans les aérodromes et plus généralement la supervision des vols...'.
La convention collective applicable est celle des entreprises de prévention et de sécurité.
Après entretien préalable qui eut lieu le 24 août 2006, M.[N] [L] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 août 2006.
Contestant son licenciement, M. [N] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui par jugement du 1er avril 2008, a :
- dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la société anonyme ICTS France à lui payer les sommes de :
* 2 875,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 287,52 € au titre des congés payés afférents,
* 675 € à titre d'indemnité de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2006, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
* 1 437,62 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté 'du surplus',
- condamné la société anonyme ICTS France aux dépens.
Régulièrement appelant, M. [N] [L] demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 1er février 2010 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, d'infirmer partiellement cette décision et de condamner la société anonyme ICTS France à lui verser les sommes de :
- 24 077,16 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 24 077,16 € en réparation de son 'préjudice intégral' résultant de ce qu'il n'a pas bénéficié des garanties conventionnelles relatives à la procédure disciplinaire, que les signataires des lettres le convoquant à l'entretien préalable et de licenciement n'avaient pas reçu de délégation de pouvoir et qu'il a subi un préjudice en raison de la perte de son emploi,
- 1 437,62 € au titre de la prime PASA et 143,37 € au titre des congés payés incidents,
- 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société anonyme ICTS France, dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions, forme appel incident pour voir infirmer le jugement entrepris, débouter M. [N] [L] de toutes ses demandes et le condamner à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 €.
Par une note en délibéré dûment autorisée du 2 février 2010, la société anonyme ICTS France a adressé à la cour la lettre du 7 avril 2005 nommant M. [A] [Z], signataire de la lettre de licenciement, en qualité d'adjoint responsable de site-chargé du frêt ainsi que le pouvoir signé par M. [T] [Y], président directeur général de la société, qui lui a été donné le même jour 'pour assurer le pouvoir disciplinaire sur les activités du frêt à l'aéroport de [5]'.
M. [N] [L] a répliqué le 5 février 2010 que ces documents n'étaient pas conformes aux articles 11.03 et 4 de la convention collective, ce qui privait d'effet la lettre de licenciement et entraînait la nullité de celui-ci.
MOTIFS
Sur le licenciement
* Sur l'absence de pouvoir de M.[Z], signataire de la lettre de licenciement
Conformément aux dispositions de l'article 11.03 intitulé 'Délégation de pouvoirs' de la convention collective, l'article 4 intitulé 'délégation de responsabilité ' ayant un objet distinct, une délégation de pouvoir écrite peut être donnée, en raison de la dispersion des postes de travail, à certains salariés.
Contrairement à ce que soutient M. [N] [L], la société anonyme ICTS France justifie de ce que M. [A] [Z], signataire de la lettre de licenciement, était bien habilité, en tant que responsable de site adjoint, par M. [T] [Y], président directeur général de la société, pour 'assurer le pouvoir disciplinaire' sur les activités de frêt à [5], cette délégation de pouvoir écrite datée du 7 avril 2005 étant annexée à la lettre du même jour le nommant adjoint responsable de site-chargé du frêt à [5].
M. [A] [Z] était ainsi parfaitement habilité à signer la lettre de licenciement du 29 août 2005.
* Sur l'irrégularité de l'entretien préalable
C'est en vain que M. [N] [L] se prévaut, sans en justifier, de ce qu'il a été reçu lors de l'entretien préalable par Mrs [B] et [D] dès lors que le compte-rendu n'est signé que par M. [B] et que ce dernier pouvait valablement représenter l'employeur.
En effet, la faculté de représenter l'employeur au cours de l'entretien préalable n'est pas réservée au seul délégataire du pouvoir de prononcer le licenciement.
Et, comme l'atteste M. [A] [Z], il avait donné instruction à M. [J] [B], salarié de l'entreprise, afin de recevoir M.[N] [L] lors de cet entretien, étant lui-même absent du site ce jour-là.
Il s'ensuit que la procédure est parfaitement régulière et le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société ICTS à verser de ce chef à M. [N] [L] la somme de 1 437,62 €.
Il en résulte également que M. [N] [L] ne saurait voir prononcer la nullité de son licenciement pour ces deux motifs.
* Sur le fond
L'article L 1231-1 du code du travail dispose que 'tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié pour une cause réelle et sérieuse' et l'article 1235-1 du même code que 'En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié'
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits , imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Dans la lettre de licenciement du 29 août 2006, la société anonyme ICTS France reproche à son salarié un différend survenu le 14 août 2006 alors qu'il était en poste 'chez CATHAY PACIFIC' avec l'agent de sécurité présent et le fait qu'il s'est battu avec celui-ci, attitude jugée inacceptable et rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
Pour établir ces faits fautifs, la société anonyme ICTS France produit :
- un courriel adressé notamment à M. [Z] par M. [U], responsable qualité et conseiller sécurité ADR (Aéroport de [5]) dans lequel, venant d'apprendre l'altercation qui a eu lieu entre l'un de ses employés et un employé de sécurité de la société CESG, il l'informe de ce qu'il considère qu'un tel événement est inacceptable de la part de ces agents qui, de par leurs fonctions, doivent montrer l'exemple 'par la maîtrise d'eux même et par leur sang froid',
- une attestation de M.[W] [K] qui déclare 'J'étais loin de l'incident lorsque la bagarre a éclaté, c'est moi qui ai avisé le coordinateur M. [P] [M] et M. [O] [I], le formateur, tous de la société ICTS pour qu'ils viennent intervenir. Je suis sûre d'une chose: M. [L] [N] a été le premier à porter la main sur l'agent de sécurité M.[G] qui en fait ne voulait pas se battre. Tout est parti sur une plaisanterie qui a mal tourné. Déroulement des faits le 14/08/06 vers 14 h00",
- un rapport d'incident établi le même jour par M. [AZ] [S], chef de poste, qui, décrit l'altercation survenue entre M. [N] [L] et M. [G] [F], agent de sécurité, rapport dont il résulte que c'est le premier qui a commencé à 'Bousculer l'agent de sécurité en levant le poing...'.
M. [N] [L] démontre par la production d'un certificat médical avoir été blessé lors de l'altercation et avoir déposé plainte contre M. [G] [F], plainte classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny.
L'attestation de M. [H], qui l'accompagnait ne donne aucun élément sur l'altercation et il résulte de celle de M. [X] qu'il a 'constaté une certaine agressivité d'un agent de sécurité envers l'agent de sûreté [V] [L] sans pour autant connaître les tenants et aboutissants de leurs querelles' .
L'intimée démontre ainsi qu'une altercation a eu lieu ce jour-là entre M. [N] [L], qui a été blessé et un agent de sécurité et que M. [N] [L] a le premier 'bousculé' ou 'porté la main'sur ce dernier.
Eu égard aux fonctions exercées par M. [N] [L], agent de sûreté dans une entreprise effectuant des prestations de sécurité et de sûreté tant des immeubles que des personnes se trouvant dans ces immeubles, un tel comportement, qui démontre une absence totale de maîtrise de soi, s'analyse en une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, privative des indemnités de préavis et de licenciement.
Le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [N] [L] était fondée sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société ICTS à lui payer les sommes de 2 875,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 287,52 € au titre des congés payés afférents et 675 € à titre d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal.
Il sera, en revanche, confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la somme de 24 077,16€ à titre de dommages-intérêts sollicitée par M.[N] [L] 'en réparation de son préjudice intégral'
Au soutien de cette prétention, M.[N] [L] expose ne pas avoir bénéficié des garanties conventionnelles relative à la procédure disciplinaire instituée par la convention collective, que les 'différents signataires de la lettre de licenciement' n'avaient pas reçu de délégation de pouvoir pour procéder à sa convocation et à son licenciement, avoir subi un préjudice 'qui est la cause de la perte de son emploi', que l'employeur n'a pas vérifié les faits et a validé une décision qui lui était imposée.
Or, ainsi qu'il l'a été ci-dessus jugé, M. [Z] avait reçu une délégation de pouvoir par écrit soit dans les termes de l'article 11-03 de la convention collective, missionné un salarié déterminé afin de le représenter lors de l'entretien préalable et la perte de l'emploi de l'appelant résulte de la faute grave par lui commise.
Il s'ensuit qu'il sera également débouté de sa demande de ce chef.
Sur la demande en paiement de la prime PASA
Si M. [N] [L] établit avoir perçu en novembre 2005 une telle prime d'un montant de 1 375,65 € qui apparaît tant sur le bulletin de salaire du mois considéré que de l'attestation ASSEDIC, il ne donne aucun élément sur la nature de cette prime qu'il intitule également, sans plus de précision, rappel de salaires et qu'il chiffre à la somme de 1 437,62 €.
N'établissant ni la nature de cette prime ni sa périodicité ni sa fixité et en l'absence de toute disposition contractuelle, il sera débouté de cette demande ainsi que de celle en paiement de la somme de 143,76 € au titre des congés payés afférents.
Sur la demande formée par la société ICTS en remboursement des sommes versées en exécution du jugement entrepris
Le présent arrêt infirmatif ouvrant droit à la restitution des sommes versées par l'intimée en exécution du jugement, il n'y a lieu de statuer sur cette demande.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Aucune circonstance d'équité n'appelle l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par M. [N] [L].
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a débouté M. [N] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérisue,
Statuant à nouveau des autres chefs,
DIT fondé le licenciement pour faute grave de M. [N] [L],
DÉBOUTE M. [N] [L] de ses demandes d'indemnités compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de licenciement, pour irrégularité de la procédure, de dommages-intérêts 'en réparation de son préjudice intégral' et en paiement de la prime PASA ainsi que des congés payés incidents,
DIT n'y avoir lieu de statuer sur la demande de la société ICTS en restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] [L] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE