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17/03/2010 | FRANCE | N°08/02455

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 17 mars 2010, 08/02455


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 17 Mars 2010



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/02455



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Avril 2008 par le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau - Section Industrie - RG n° 07/00463





APPELANT

Monsieur [X] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Pier CORRADO, avocat au barreau de PARIS,

D 1587





INTIMÉE

Société WILLAUME EGRET

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau de l'ESSONNE substitué par Me Stéphanie SAINT ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 17 Mars 2010

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/02455

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Avril 2008 par le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau - Section Industrie - RG n° 07/00463

APPELANT

Monsieur [X] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Pier CORRADO, avocat au barreau de PARIS, D 1587

INTIMÉE

Société WILLAUME EGRET

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau de l'ESSONNE substitué par Me Stéphanie SAINT JEAN, avocate au barreau d'EVRY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [X] [L] a été engagé suivant contrat à durée indéterminée du 4 décembre 1989 par la société Imprimerie Willaume Egret devenue ensuite société anonyme Willaume Egret en tant que monteur préparateur de la forme imprimante, échelon IV, ouvrier qualifié.

La convention collective applicable est celle de l'imprimerie de labeur.

Le montant de son dernier salaire était de 1 713,65 € sur douze mois outre une prime annuelle versée en deux fois en juin et décembre soit 1 937,63 € par mois en 2006.

La société anonyme Willaume Egret employait au moins onze salariés.

Après entretien préalable, M. [X] [L] a été licencié pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 octobre 2006.

Contestant son licenciement, M. [X] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui, par jugement du 1er avril 2008, a dit que son licenciement était motivé par un motif économique et l'a débouté de toutes ses demandes en laissant les dépens à sa charge.

Régulièrement appelant, M. [X] [L] demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues oralement lors de l'audience du 1er février 2010 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, d'infirmer cette décision et de condamner la société anonyme Willaume Egret à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes les sommes de 46 503,12€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société anonyme Willaume Egret, dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, conclut au débouté, à la confirmation de la décision déférée et à l'allocation d'une indemnité de procédure de 2 000 €.

MOTIFS

En application de l'article 1233-3 du code du travail, le licenciement économique est celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Aux termes de l'article L 1233-4 du même code, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur une emploi de catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, les offres de reclassement devant être écrites et précises.

Dans la lettre de licenciement du 6 octobre 2006, qui fixe les limites du litige, la société anonyme Willaume Egret écrit avoir, afin de sauvegarder sa compétitivité, acquis une machine dénommée Computer to Plate (CTP) qui, par un système de publication assistée par ordinateur (PAO), permet de résoudre de nombreux problèmes de préparation, en permettant des gains de productivité, que, dans ce cadre, le poste de monteur offset de M. [X] [L] ne se justifiait plus, ce qu'il avait compris puisqu'il avait admis la nécessité de suivre en externe une formation pour pouvoir accéder à de nouveaux types d'emploi, sachant que son activité professionnelle telle qu'il l'avait connue jusqu'à présent, se trouvait immanquablement condamnée à disparaître, qu'avant de convoquer le salarié

à un entretien préalable à un éventuel licenciement, elle a recherché vainement un reclassement possible en interne et en externe, que M. [X] [L] a refusé d'être reclassé en interne sur le poste de Mme [J] (brocheuse papetière), que lors de l'entretien du 19 septembre, elle lui a remis les documents de la convention de reclassement personnalisée qu'il n'a pas acceptée au motif qu'il allait être pris en charge par le centre de formation (OPCA CGM) pour se former au poste d'opérateur prépresse, avec l'organisme de formation Médiagraf.

Elle ajoute être dans l'obligation de procéder à son licenciement pour cause économique 'pour les raisons indiquées plus haut, à savoir la suppression de votre poste pour une cause économique d'ensemble appréciée tant au niveau de l'entreprise (difficultés budgétaires et obligation de sauvegarder sa compétitivité) que du poste lui-même qui est totalement dépassé par les évolutions technologiques.'

Elle précise également 'En ce qui concerne les difficultés de l'entreprise, vous avez pu constater vous-même au fil des années la baisse d'activité, l'augmentation des prix, la nécessité de faire face à des investissements coûteux, sachant que notre société arrive à peine à équilibrer son budget même et surtout en tendant compte du fait qu'elle n'a plus à supporter la rémunération que s'octroyait l'ancien gérant, ex propriétaire de l'entreprise; à défaut, nous serions à l'évidence en déficit'.

Elle indique ne pas comprendre le refus de la convention tripartite avec les Assedic opposé par M. [X] [L] et que la formation qu'il allait recevoir en externe à sa demande n'allait pas l'intéresser car elle avait actuellement trois infographistes qui lui donnaient entière satisfaction.

Elle fait valoir que l'appelant n'a jamais contesté ni la cause économique de son licenciement ni la suppression de son poste ni le lien nécessaire existant entre les deux.

Or, M. [X] [L] (page 15 de ses écritures soutenues oralement), conteste précisément la baisse d'activité alléguée et le fait que la société arriverait à peine à équilibrer son budget.

Il démontre en effet, en comparant les résultats de l'entreprise entre 2003 et 2006, que si celle-ci était déficitaire en 2003, le résultat de l'exercice 2004 était positif soit 7 448 €, celui de 2005 en légère baisse soit 3 461 € et celui de l'exercice 2006 a connu une hausse très importante puisqu'il était de 137 958 €.

Il en déduit ainsi à bon droit que la société ne connaissait pas de difficultés économiques lors de son licenciement alors même qu'elle venait d'acquérir une nouvelle machine fort onéreuse.

Si l'acquisition de cette nouvelle machine conduisait à la suppression de l'emploi de M. [X] [L] et que la société anonyme Willaume Egret a effectivement proposé à son salarié un poste de reclassement en interne qu'il a refusé, M. [X] [L] fait cependant valoir à juste titre qu'il a été licencié le 6 octobre 2006 alors que, après avoir recherché une formation afin de s'adapter aux nouvelles technologies introduites dans l'entreprise, il avait, après que l'employeur ait donné son accord le 19 septembre 2006, les frais étant pris en charge par l'OPCA CGM, commencé celle-ci le 2 octobre précédent, dans le cadre d'une période de professionnalisation procédant de l'accord national du 12 octobre 2004 applicable aux imprimeries de labeur et aux industries graphiques, cette période de professionnalisation ayant pour objet, aux termes de l'article 11 de l'accord de 'favoriser le maintien de l'emploi et le développement des compétences des salariés sous contrat à durée indéterminée', le public visé étant notamment les salariés dont la qualification est insuffisante au regard des évolutions technologiques.

Il s'ensuit que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, ne pouvait alors que son salarié suivait, avec son accord, une formation spécifique lui permettant de s'adapter aux nouvelles technologies introduites dans l'entreprise, le licencier à tout le moins avant l'expiration de cette formation qui nécessitait que le contrat de travail soit toujours en cours.

Le licenciement de M. [X] [L] est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera infirmé.

Sur les dommages-intérêts

La société anonyme Willaume Egret employait, selon l'attestation ASSEDIC produite, 13 salariés et M. [X] [L] avait presque 15 ans d'ancienneté au moment de son licenciement.

Agé de 49 ans, il justifie n'avoir retrouvé un emploi que le 14 avril 2009, son salaire mensuel brut étant de 1 500 € soit inférieur à celui qu'il percevait en 2006.

Il sollicite, en réparation de son préjudice la somme de 46 503,12 € correspondant à deux ans de salaires sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail.

La société anonyme Willaume Egret le conteste, en précisant qu'elle lui a versé son salaire jusqu'au mois de mars 2007 inclus (tout en l'ayant licencié à effet du 6 décembre 2006), qu'il a bénéficié d'une allocation versée par les ASSEDIC d'avril à septembre 2007, qu'il ne justifie pas de sa situation financière depuis octobre 2007 et a retrouvé un emploi stable en 2009.

Prenant en considération son ancienneté (15 ans), son âge au moment de son licenciement (47 ans), le fait qu'il a retrouvé un emploi en avril 2009, la cour dispose d'éléments suffisants lui permettant d'évaluer le préjudice matériel et moral qu'a causé à M. [X] [L] son licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30 000 €.

La société anonyme Willaume Egret sera condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société anonyme Willaume Egret aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [X] [L] à concurrence de quatre mois.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité appelle d'allouer à M. [X] [L] la somme de 3 000 € afin de compenser les frais hors dépens qu'il a été tenu d'exposer, la société anonyme Willaume Egret, qui succombe en ses principales prétentions, étant déboutée de celle accessoire fondée sur ces mêmes dispositions et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

DIT le licenciement de M. [X] [L] sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société anonyme Willaume Egret à payer à M. [X] [L] la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

ORDONNE le remboursement par la société anonyme Willaume Egret aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [X] [L] à concurrence de quatre mois,

CONDAMNE la société anonyme Willaume Egret à payer à M. [X] [L] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société anonyme Willaume Egret de ce même chef et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 08/02455
Date de la décision : 17/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°08/02455 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-17;08.02455 ?
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