Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 16 MARS 2010
(n° 104, 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/07286
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08165
APPELANTE
S.A. EXPERTISES IMMOBILIERES & ASSOCIES agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Conseil d'Administration
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour
assistée de Me V. DEFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : R 176
SCP LACOURTE
INTIMEE
S.C.P. BENOIT DELESALLE AXEL DEPONDT JEAN PAUL ARSOUZE THIERRY DELESALLE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me Christophe LAVERNE , avocat au barreau de PARIS, toque : P90
SCP KUHN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 janvier 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
A la suite de la vente, selon acte reçu le 27 septembre 1990 par la SCP DELESALLE, DEPONDT, ARSOUZE, DELESALLE (le notaire), par les consorts [G] à la société 'groupe COPROR' (l'acquéreur), financée en totalité au moyen d'un prêt assorti du privilège de prêteur de deniers, d'un immeuble situé à Paris (12ème arrondissement), puis de la mise en redressement judiciaire de l'acquéreur le 28 avril 1994, la nullité de ladite vente a été poursuivie au motif que le notaire avait omis de solliciter au préalable le certificat d'urbanisme, exigé à peine de nullité, prévu à l'article L.111-5 ancien du code de l'urbanisme.
L'acquéreur a en cours de procédure, le 2 juin 1995, signé avec la société 'EXPERTISES IMMOBILIÈRES ET ASSOCIES' (EIA), devenu son créancier en venant aux droits du prêteur initial ensuite de plusieurs cessions de créances, un protocole aux termes duquel il s'engageait à poursuivre l'action en nullité à son terme et à lui rétrocéder le montant des condamnations obtenues, sous déduction d'une somme forfaitaire de 900 000 francs (137 204,11 €)devant profiter aux autres créanciers inscrits, en contrepartie de la mainlevée des inscriptions hypothécaires. Ce protocole a été homologué par un jugement du tribunal de commerce du 30 novembre 1995 qui a arrêté le plan de continuation.
Au terme d'une longue procédure, et après deux arrêts rendus les 3 octobre 2001 et 13 juin 2006 par la Cour de cassation, la nullité de cette vente a été prononcée, le notaire a été déclaré seul responsable de cette nullité et a été condamné à verser aux consorts [G] une somme séquestrée entre ses mains, les consorts [G] ont été condamnés à restituer le prix de 12 000 000 francs (1 829 388,20 €) et déboutés de leurs demandes de condamnation de l'administrateur judiciaire, ès qualité, à leur reverser les loyers perçus pendant cette période et de condamnation du notaire à les garantir, EIA a été déboutée de sa demande d'indemnisation par le notaire, tiers au protocole, l'acquéreur, représenté par l'administrateur, a été condamné à restituer l'immeuble libre de charges créées de son chef et débouté de sa demande de paiement de la somme de 900 000 francs dirigée contre EIA.
Constatant que le notaire avait été reconnu seul responsable de la nullité de la vente aux termes d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 juin 1999 ayant acquis l'autorité de la chose jugée sur ce point, mais qu'il était indemne de toute condamnation de ce chef, EIA lui a réclamé l'indemnisation de son préjudice soit la somme de 5 948 217,10 francs (906 799,85 €) correspondant au montant des frais et intérêts conventionnels qui lui sont dus au titre du prêt consenti déduction faite de celle de 900 000 francs (137 204,11 €).
Par jugement réputé contradictoire du 12 mars 2008, le tribunal de grande instance de Paris l'a déboutée de sa demande en considérant que, si la responsabilité du notaire a été définitivement consacrée vis à vis des tiers lésés par les conséquences de la nullité, EIA ne démontre pas avoir subi un préjudice à hauteur de sa réclamation, ne pouvant se référer au protocole d'accord et ne produisant pas son contrat de prêt.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par EIA en date du 10 avril 2008,
Vu ses dernières conclusions déposées le 5 janvier 2010 selon lesquelles, estimant sa demande recevable et non prescrite du fait de l'interruption de la prescription par les différentes procédures et car l'arrêt du 10 juin 1999 n'a pas statué sur sa demande de condamnation directe du notaire du fait de sa faute, elle demande l'infirmation du jugement et la condamnation du notaire à lui payer les sommes de 1 044 003,97 € augmentés des intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2007, date de l'assignation, avec anatocisme, et de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au motif que la faute du notaire est en relation directe avec son préjudice,
Vu les dernières conclusions déposées le 11 janvier 2010 par lesquelles la SCP DELESALLE, DEPONDT, ARSOUZE, DELESALLE soulève l'irrecevabilité de la demande au motif qu'elle est prescrite, le dommage étant réalisé dès le 24 décembre 1993 avec l'introduction de la demande en nullité de la vente et recherche de la responsabilité du notaire, définitivement établie par l'arrêt du 10 juin 1999, alors qu'est recherchée l'indemnisation d'un préjudice complémentaire, subsidiairement au motif que cette demande se heurte à l'autorité de la chose jugée conformément à l'article 1351 du code civil puisque sa responsabilité a été définitivement jugée par ledit arrêt, très subsidiairement que la liquidation n'étant pas terminée, le préjudice n'est pas né, actuel ni certain alors que EIA est créancier privilégié et qu'elle n'a pas déduit les sommes versées en exécution des condamnations prononcées, et demande que EIA soit condamnée à lui verser 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que EIA soutient pour l'essentiel qu'elle réclame la condamnation du notaire à l'indemniser de la faute commise, consacrée par l'arrêt du 10 juin 1999, non touché sur ce point par la cassation, qui a eu pour conséquence la perte des intérêts du prêt consenti pour la vente annulée ; qu'elle énonce que l'arrêt n'a 'pas statué sur cette demande', que son action présente 'tend au même but que celle mise en oeuvre devant la cour d'appel de Paris et ayant donné lieu à l'arrêt du 10 juin 1999", mais qu'elle n'est toutefois pas 'atteinte par l'autorité de chose jugée' de cet arrêt car il condamné le notaire à l'indemniser sur le fondement du protocole d'accord conclu entre elle et l'acquéreur 'sans se prononcer sur la demande de condamnation directe' du notaire 'sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle' de celui-ci ;
Considérant cependant que, ainsi que le fait pertinemment observer le notaire, et comme d'ailleurs EIA le soutient elle-même dans ses conclusions (page 13 notamment), la demande aujourd'hui formulée est rigoureusement celle formulée devant la cour d'appel lorsqu'elle a statué le 10 juin 1999, ainsi que l'arrêt le rappelle en page 6, savoir une condamnation directe du notaire au paiement envers elle d'une somme représentant les intérêts, frais et accessoires du prêt, en raison de la faute par lui commise ; que, contrairement à ce qu'affirme EIA, la cour d'appel, dans cet arrêt, a déjà statué sur cette demande puisqu'elle a condamné le notaire au paiement de la somme de 5 948 217,10frs à EIA, dont il est par ailleurs justifié que les causes ont été exécutées ; que si elle a statué sur un fondement, l'exécution du protocole conclu entre EIA et l'acquéreur, qui a été censuré par la Cour de cassation au motif que le notaire n'y était pas partie, il n'en demeure pas moins que, sur la faute du notaire et sa conséquence dommageable envers EIA, l'arrêt a acquis l'autorité de la chose jugée ; que la présente demande, qui, selon les propres écritures de l'appelante rappelées plus avant, a 'le même but' que celle formulée alors, se heurte, par conséquent, à l'autorité de ce qui a été précédemment jugé, s'agissant (page 15 des conclusions) d'une même demande, entre les mêmes parties, présentée avec un fondement juridique identique par EIA à laquelle il revenait de présenter, dès l'origine, de manière utile les moyens de nature à fonder sa demande ;
Considérant dans ces conditions que, pour ces motifs, le jugement ne pourra qu'être confirmé, les autres développements, relatifs à la recevabilité de la demande au regard de sa prescription devenant sans objet ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, au notaire, d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement,
Condamne la société d'expertises immobilières et associés, EIA, à payer à la SCP DELESALLE, DEPONDT, ARSOUZE, DELESALLE la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT