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11/03/2010 | FRANCE | N°09/11987

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 11 mars 2010, 09/11987


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 11 MARS 2010



(n° 117 ,5 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11987



Décision déférée : Ordonnance rendue le 14 Novembre 2007 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : contradictoire



Nous, Jean- Jacques GI

LLAND, Vice - président placé près la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures ...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 11 MARS 2010

(n° 117 ,5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11987

Décision déférée : Ordonnance rendue le 14 Novembre 2007 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Jean- Jacques GILLAND, Vice - président placé près la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffière présente lors des débats ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- Monsieur [I] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Élisant domicile au cabinet de Maître Pascal SCHIELE

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Maître Pascal SCHIELE, avocat au barreau de PARIS, toque C 179

APPELANT

et

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 28 janvier 2010, l'avocat de l'appelant et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 11 mars 2010 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

CIRCONSTANCES ENTOURANT LA PRÉSOMPTION DE FRAUDE

Monsieur [I] [U] a été le dirigeant d'origine de différentes sociétés dont la S.A. de droit belge Ceramconcept Belgique SPRL, la société de droit étatsunien Ceramconcept LLC, la S.A.R.L. Ceramconcept France et la société de droit espagnol Orsedis SL, sociétés dont l'activité principale est en rapport avec les instruments chirurgicaux et orthopédiques, notamment de la prothèse de la hanche, fabriquée selon un nouveau brevet détenu par la société de droit étatsunien Ceramconcept LLC. La plupart de ces sociétés ont été dirigées jusqu'au 18 mai 2005 par Monsieur [I] [U], citoyen français résidant fiscalement en Belgique, puis par Monsieur [Z] [C], domicilié à [Adresse 7]).

Il exercerait sur le territoire national une activité professionnelle sans souscrire la totalité des déclaration fiscales correspondantes et, ainsi, omettrait de passer les écritures comptables y afférentes et se soustrairait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu (BIC ou BNC) et à la taxe sur la valeur ajoutée.

ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

La direction nationale des enquêtes fiscales a présenté une requête au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, à fins de visites domiciliaires et saisies éventuelles dans les locaux et dépendances de cette société, situés dans son ressort.

CIRCONSTANCES DE LA VISITE ET DES SAISIES

Une visite domiciliaire et des saisies ont été faites le 15 novembre 2007 dans les locaux indiqués et des documents ont été saisis.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

Monsieur [I] [U] a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 14 novembre 2007 contre la direction nationale des enquêtes fiscales (direction générale des finances publiques).

L'appelant expose que l'ordonnance a été rendue alors que les habilitations des agents désignés n'y étaient pas annexées, qu'il était mentionné l'habilitation de deux inspecteurs des impôts à la brigade d'intervention inter-régionale d'[Localité 8], avec indication d'une adresse à [Localité 9] faisant peser une doute sur leur identité ou leur qualité, et ce, en violation de l'article L 16 B II du livre des procédures fiscales, que certaines des pièces produites sont incomplètes, notamment lors de la production d'une attestation relative à l'exploitation de relevés téléphoniques, sans avoir annexé les listings ayant permis sa rédaction.

Il ajoute qu'en l'absence de présomption de fraude au sens de l'article L 16 B du livre de procédure fiscale, la requête n'étant fondée que sur des présupposés, notamment son contrôle des sociétés Ceramconcept LLC, Ceramconcept Worldwide LLC, Ceramconcept France et Orsedis, que rien ne permettait de présumer cette situation.

Il estime que l'Administration fiscale a remis au magistrat de première instance un dossier rassemblant diverses données noyées au milieu de pièces inutiles et sans rapport avec la requête, alors que celle-ci était fondée uniquement sur une lettre de dénonciation.

Il précise que les redressements consécutifs aux visites domiciliaires autorisées seraient minimes en matière d'impôts sur les sociétés et contestés en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Il fait valoir que l'ordonnance rendue l'a été en violation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, aux motifs qu'il n'aurait pas été entendu par le magistrat avant l'autorisation de la visite, que l'ordonnance ne mentionne pas que la visite s'opérait sous le contrôle du magistrat, dont les coordonnées ne sont pas mentionnées pas plus que sa faculté d'être assisté par un avocat.

Il réclame le paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse à son adversaire, la direction générale des finances publiques (direction nationale des enquêtes fiscales) demande, après avoir répondu point par point aux arguments des redevables, la confirmation de l'ordonnance déférée et le paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que, selon la jurisprudence tant nationale qu'européenne, la visite domiciliaire est un procédé compatible avec l'article 8 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, dès lors que l'ordonnance qui l'a autorisée est entourée de garanties suffisantes et susceptible de recours, comme le démontre, en l'espèce, le présent appel ; qu'en conséquence, la pétition de principe de l'appelant n'apparaît pas fondée ;

Considérant qu'en ce qui concerne la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, il n'est aucunement prescrit une audition du contribuable avant l'autorisation de la visite domiciliaire sollicitée, la possibilité d'interjeter appel devant le premier président de la cour d'appel assure à l'appelant le droit à un procès équitable ; que si l'ordonnance déférée ne mentionne pas que le contribuable a la faculté de faire appel à un conseil de son choix, cette mention n'était pas obligatoire lors du prononcé de la dite décision et qu'il convient de rappeler que cette mention n'est obligatoire, selon les normes conventionnelles européennes que pour l'accusé, or le contribuable dans le cadre d'une visite domiciliaire n'est pas un accusé et ne peut lui être assimilé ; que, de plus, il n'est aucunement démontré l'existence d'une nouvelle exigence conventionnelle quant à la possibilité de faire recours au juge pendant le déroulement des opérations, alors que toutes les garanties légales ont été respectées ; que ces moyens sont mal fondés ;

Considérant que lors d'une requête en autorisation de visite domiciliaire, il est présenté au magistrat une copie des habilitations des personnes appelées à intervenir ; que l'ordonnance attaquée mentionne expressément cette présentation en pages 1, 21 et 22 ; que cette simple mention de la présentation des habilitations est suffisante et satisfait aux exigences légales ; que cette présentation permet d'éviter les conséquences d'erreurs de plumes, comme celle concernant les agents de la brigade d'intervention inter-régionale de [Localité 9], indiquée à tort en page 21 comme étant celle d'[Localité 8], alors que cette brigade est valablement et correctement désignée en page 1 de la décision attaquée ; que ces moyens sont mal fondés et écartés ;

Considérant que l'Administration fiscale peut valablement fonder sa recherche d'une fraude fiscale sur des éléments régulièrement constatés par elle et relatés comme en l'espèce dans une attestation, sans qu'il ne soit nécessaire que les pièces ayant permis la rédaction de cette attestation soient produites ; qu'ainsi, en l'espèce, l'absence de production des listings téléphoniques ayant permis la rédaction de l'attestation relative à l'exploitation de relevés téléphoniques, n'enlève aucune valeur probante à la dite attestation ; que ce moyen est écarté ;

Considérant qu'il résulte incontestablement des pièces de la cause et du dossier que Monsieur [I] [U] a été dirigeant notamment des sociétés Ceramconcept LLC, Ceramconcept Belgique SPRL et Ceramconcept France ; que la société de droit étatsunien Ceramconcept LLC détenait l'intégralité du capital de la S.A. de droit belge Ceramconcept Belgique SPRL, qui détenait elle-même l'intégralité du capital social de la S.A.R.L. Ceramconcept France ; que l'analyse de la téléphonie la S.A.R.L. Ceramconcept France permettait de constater un nombre important d'appels à destination de Monsieur [I] [U], dont on pouvait légitimement envisager qu'ils étaient en relation régulière dans le cadre d'une activité commerciale dans le secteur médical ;

Considérant que l'appelant estime qu'il a été soumis au magistrat de première instance des pièces étrangères aux présomptions de fraude alléguées ; que cependant, il ressort de la motivation de l'ordonnance attaquée que le magistrat s'est fondé sur une ensemble de pièces qui lui était soumis et non sur l'une ou l'autre, dont une dénonciation que conteste l'appelant, ensemble dont la réunion établissait l'existence des présomptions retenues concernant les activités de Monsieur [I] [U], suspecté d'avoir créé un groupe informel de sociétés française et étrangères afin de poursuivre son activité précédente, alors que ses sociétés antérieures avaient fait l'objet de procédures de liquidation ;

Considérant que, de plus, Monsieur [I] [U] était suspecté d'avoir constitué une société en Espagne identifiée comme étant la société de droit espagnol Orsedis SL, société ayant son siège social à Empuria Brava, province de Gérone, à une adresse à laquelle étaient domiciliées de nombreuses autres sociétés et dont l'activité était le commerce de produits médicaux et orthopédiques, sans que son compte de résultat ne mentionne de salaire et de charge sociale ; qu'un courrier adressé à cette société avait été libellé à l'intention de Monsieur [I] [U] concernant la marque au nom de la société Ceramconcept Worldwide LLC et qu'une facture avait été émise à la même adresse ; que ces éléments permettaient de présumer que cette société ne disposait pas des moyens de son activité en Espagne et qu'elle avait été utilisée pour le paiement de prestations relevant de la marque Ceramconcept Worldwide LLC ; que ces éléments permettaient de présumer que Monsieur [I] [U] avait constitué cette entité en Espagne pour poursuivre les activités précédemment exercées par ses sociétés liquidées ; qu'ainsi, l'ensemble des présomptions concernant Monsieur [I] [U] reposaient sur des indices suffisants ;

Considérant que les éléments, rassemblés, ont permis au juge de première instance d'apprécier l'existence de présomptions d'agissement justifiant l'acceptation de la mesure sollicitée, n'étant pas tenu d'établir l'existence des agissements suspectés, le défaut de passation des déclarations fiscales constituant un indice de l'omission de passation des écritures comptables, agissement visé par l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, le juge n'ayant qu'à vérifier l'existence de soupçons d'agissement frauduleux et non la réalité des dits agissements ;

Considérant que la fraude consiste dans le fait pour une personne de soustraire à l'impôt tout ou partie de la matière imposable, que le fait pour un opérateur économique exerçant son activité en France de ne pas souscrire de déclarations pour l'un ou l'autre impôts commerciaux auxquels il devrait être soumis ne peut qu'être présumé volontaire  ; que les présomptions retenues concernaient l'existence d'une activité régulière en France par un particulier, dont il pouvait être présumé qu'il avait recréé ses anciennes sociétés à partir notamment d'une société de droit espagnol ne disposant pas de moyens à l'adresse de son siège et apparemment gérée à partir de locaux en France ; qu'une visite domiciliaire est justifiée, comme en l'espèce, quand il existe des signaux d'une situation fiscale pour le moins atypique et nécessitant des vérifications sérieuses ;

Considérant que le magistrat d'appel, sans être tenu de s'expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu'il examine, doit apprécier l'existence ou non de présomptions de fraude; qu'en l'espèce il est certain que l'appelant prétendant s'être retiré des sociétés suspectes, l'administration fiscale n'avait pas la possibilité de mettre en oeuvre des moyens classiques de vérification ;

Considérant que les dispositions de l'article L 16 b du livre des procédures fiscales n'imposent nullement l'existence d'agissements d'une gravité particulière et que l'absence de redressement ultérieur n'est pas de nature à porter, comme l'entend l'appelant, atteinte à la légitimité des opérations autorisées ;

Considérant, qu'en conséquence, l'ensemble des griefs avancés sont écartés, et que le magistrat de première instance disposait des éléments suffisants pour présumer la fraude ; que l'ordonnance déférée est confirmée en toute ses dispositions ;

Considérant que l'intimée doit être indemnisée de ses frais de procédure à hauteur de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 novembre 2007 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a autorisé une visite domiciliaire et des saisies de documents,

CONDAMNONS Monsieur [I] [U] à payer à la direction générale des finances publiques (direction nationale des enquêtes fiscales) la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNONS aux entiers dépens.

LA GREFFIERE

Fatia HENNI

LE DELEGUE DU PREMIER PRESIDENT

Jean-Jacques GILLAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/11987
Date de la décision : 11/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°09/11987 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-11;09.11987 ?
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