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11/03/2010 | FRANCE | N°09/11796

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 11 mars 2010, 09/11796


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 11 MARS 2010





(n° 114 ,5 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11796



Décision déférée : Ordonnance rendue le 26 Juin 2001 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : contradictoire



Nous, Jean- Jacque

s GILLAND, Vice - président placé près la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fi...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 11 MARS 2010

(n° 114 ,5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11796

Décision déférée : Ordonnance rendue le 26 Juin 2001 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Jean- Jacques GILLAND, Vice - président placé près la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier présente lors des débats ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- Monsieur [K] [D]

- Madame [I] [L] [F] épouse [D]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 5] (LIBAN)

Elisant domicile au Cabinet de Maître Alain GARITEY

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentés par Maître Moustapha BOURGI, avocat au barreau de Paris, toque : C 1822 substituant Maître Alain GARITEY, avocat au barreau de PARIS, toque C 497

APPELANTS

et

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 28 janvier 2010, l'avocat du requérant et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 11 mars 2010 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

CIRCONSTANCES ENTOURANT LA PRÉSOMPTION DE FRAUDE

Monsieur [K] [D] est directeur de la S.A.R.L. de droit liechtensteinois Genitec Anstalt/Etablissement/Establishement et des sociétés de droit chypriote Techmaster Engineering Limited et Highmore Limited, et est titulaire de parts sociales de la S.A.R.L. Inma France, société ayant pour objet social l'administration et la gestion de sociétés commerciales, le commerce de gros, demi-gros, détail et l'importation, l'exportation et l'exploitation de produits en tout genre non réglementé.

La S.A.R.L. Inma et la S.A.R.L. de droit liechtensteinois Genitec Anstalt / Etablissement / Establishement développeraient sur le territoire national une activité commerciale et réaliseraient des opérations commerciales non déclarées par la minoration de recettes et sans souscrire la totalité des déclaration fiscales correspondantes et, ainsi, omettraient de passer les écritures comptables y afférentes et se soustrairaient à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée.

ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

La direction nationale des enquêtes fiscales a présenté une requête au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, à fins de visites domiciliaires et saisies éventuelles dans les locaux et dépendances de cette personne et de son épouse Madame [I] [F], situés dans son ressort.

CIRCONSTANCES DE LA VISITE ET DES SAISIES

Une visite domiciliaire et des saisies ont été faites le 28 juin 2001 dans les locaux indiqués et des documents ont été saisis.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

Monsieur [K] [D] et Madame [I] [F] son épouse ont interjeté appel de l'ordonnance rendue le 26 juin 2001 contre la direction nationale des enquêtes fiscales (direction générale des finances publiques).

Les appelants exposent que l'ordonnance a été rendue en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, que le magistrat de première instance a délivré une seule ordonnance pour trois sociétés n'ayant aucun lien entre elles et aucune connexité entre la fraude présumée de chacune d'entre elles, ce qui est contraire au principe à valeur constitutionnelle de personnalité des peines.

Ils soulèvent l'absence de contrôle effectif du juge des libertés et de la détention, qui s'est borné, selon elle, à parapher une ordonnance pré-rédigée par l'administration fiscale, accompagnée d'un volume important de documents quasiment impossible à examiner dans un bref délai, dont notamment des listes d'appels téléphoniques en nombre très importants, mettant à néant le contrôle juridictionnel effectif auquel tout justiciable à droit, la motivation devant être l'oeuvre personnelle du magistrat.

Ils dénoncent une simple signature d'une ordonnance pré-rédigée, qui plus est, dans deux tribunaux, à Paris et à Nanterre, et dans des termes identiques le même jour, en violation l'article 6 de la Convention précitée et la privant de son droit à un procès équitable.

Ils considèrent que le juge de première instance n'a pas motivé sa décision d'autorisation de visite domiciliaire à leur domicile, n'expliquant aucunement en quoi leur domicile serait susceptible de contenir des documents permettant d'apprécier l'existence de présomptions d'agissements visés par la loi à l'encontre des trois sociétés concernées par la mesure prise.

Ils précisent que le juge de première instance ne s'est prononcé que sur des documents à charge et des documents inhérents à l'administration fiscale.

En réponse à ses adversaires, la direction générale des finances publiques (direction nationale des enquêtes fiscales) demande, après avoir répondu point par point aux arguments des redevables, la confirmation de l'ordonnance déférée et le paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que, selon la jurisprudence tant nationale qu'européenne, la visite domiciliaire est un procédé compatible avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, dès lors que l'ordonnance qui l'a autorisée est entourée de garanties suffisantes et susceptible de recours, comme le démontre, en l'espèce, le présent appel ; qu'en conséquence, la pétition de principe des appelants n'apparaît pas fondée ;

Considérant que l'ordonnance déférée est motivée sur plus de dix pages, que l'adoption des motifs de la requérante, à la supposer avérée par la seule considération de l'identité des moyens développés entre la requête et la décision de justice, et par l'identité avec une autre ordonnance rendue en la même matière le même jour pour les mêmes personnes morales par un magistrat d'une autre juridiction, ne permet pas aux appelants de présumer que le juge a fait l'économie de l'examen de la cause et des pièces, mêmes nombreuses et indigestes intellectuellement, telles les listes d'appels téléphoniques, qui ont été fournies ;

Considérant que les appelants ne savent rien des conditions de temps ou de lieu dans lesquelles le juge des libertés et de la détention a délibéré avant de délivrer l'ordonnance qui lui était demandée ;

Considérant qu'en ce qui concerne la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, la possibilité d'interjeter appel devant le premier président de la cour d'appel assure aux appelants le droit à un procès équitable ; que ces moyens sont écartés ;

Considérant qu'il résulte incontestablement des pièces de la cause et du dossier que la S.A.R.L. Inma France est à la tête d'un groupe comprenant trois filiales, la S.A.R.L. Inma Immobilier, la S.A.R.L. Fonderies de France et la S.A. Forges et Fonderies d'Alliages de Haute Résistance, que son associé majoritaire est le holding de droit néerlandais Francinma BV, dont le siège social est situé à la même adresse que 972 autres sociétés, ce qui laisse présumer qu'il s'agit d'une domiciliation, société elle-même dirigée par la société de droit néerlandais Amaco BV qui a pour actionnaire la société de droit curaçaoans Amaco NV ; que la S.A.R.L. Inma France a déclaré en 1998 et 1999 un chiffre d'affaires de 39600 francs français (6036,98 euros), sans mention d'achat de marchandises et avec des dépenses téléphoniques quatre fois supérieures à son chiffres d'affaires, à destination du Liban, de la Syrie, de l'Arabie Saoudite, de la Chypre mais pas des Pays-Bas, Etat de situation du siège social de sa société mère, mais aussi de [K] [D] et d'établissements bancaires dans lesquels elle n'était pas titulaire de compte ; que ces éléments permettaient de présumer le développement d'une activité commerciale et la réalisation d'opérations commerciales non déclarées ;

Considérant que la S.A.R.L. de droit liechtensteinois Lendex Anstalt / Etablissement / Establishement est devenue en 1995 la S.A.R.L. Genitec, dénomination proche de celle de la S.A.R.L. Techmaster Engineering, dont la dénomination d'origine a été Genitec jusqu'en 1996 ; qu'elles disposaient toutes deux d'un compte ouvert au crédit commercial de France ; que le siège de la S.A.R.L. Techmaster Engineering a été transféré dans les locaux de la S.A.R.L. Inma France et que la S.A.R.L. de droit liechtensteinois Genitec Anstalt / Etablissement / Establishement avait comme directeur [K] [D] ; que l'unique associé de la S.A.R.L. Techmaster Engineering était la société de droit néerlandais Gonnen International Bv, qui avait cédé ses parts à la société de droit chypriote Techmaster Engineering Limited dont l'administrateur était le frère de [K] [D], [H] [D] lui-même directeur de la S.A.R.L. de droit liechtensteinois Genitec Anstalt / Établissement / Establishment ; que ces deux sociétés recevaient du courrier à l'adresse parisienne de la S.A.R.L. Inma France, adresse où elles étaient titulaires de lignes téléphoniques ; que cette confusion entretenue permettait de présumer l'exercice d'une activité occulte en France ;

Considérant que [K] [D] était administrateur et directeur de la société de droit chypriote Highmore Limited ; qu'à l'adresse du siège social de cette dernière se trouvait également celui de la société de droit chypriote Techmaster Engineering Limited et que les lignes téléphoniques situées à cette adresse étaient aussi utilisées par la société de droit chypriote Sabinco Financila Services Limited -filiale de la société Lendex ancienne dénomination de la S.A.R.L. de droit liechtensteinois Genitec Anstalt / Etablissement / Establishement- et les sociétés de droit liechtensteinois Hrag & Haig -société dont [H] [D] était le président- et Genitec Anstalt / Etablissement / Establishement ;

Considérant que ces faits permettaient de présumer que ces différentes sociétés s'inscrivaient dans un ensemble de faits connexes et indivisibles avec la S.A.R.L. Inma France, la S.A.R.L. Techmaster Engineering et la S.A.R.L. de droit liechtensteinois Genitec Anstalt / Etablissement / Establishment et que ces dernières réalisaient des opérations commerciales à partir du territoire français ;

Considérant que le premier juge a relevé les liens existant entre les différentes sociétés ; que l'article L 16 b du livre des procédures fiscales concernent la recherche de la preuve d'agissements ayant pour but une soustraction à l'établissement et/ou le paiement de l'impôt ; que les procédures administrative et pénale qui peuvent en résulter ultérieurement sont indépendantes l'une de l'autre ; que s'agissant d'une disposition de nature fiscale elle n'est pas de nature répressive et n'a pas, comme l'affirment les appelants, à respecter le principe de personnalité des peines ; que ce moyen est écarté ;

Considérant que ces éléments, rassemblés, ont permis au juge de première instance d'apprécier l'existence de présomptions d'agissement justifiant l'acceptation de la mesure sollicitée, n'étant pas tenu d'établir l'existence des agissements suspectés, le défaut de passation des déclarations fiscales constituant un indice de l'omission de passation des écritures comptables, agissement visé par l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, le juge n'ayant qu'à vérifier l'existence de soupçons d'agissement frauduleux et non la réalité des dits agissements ;

Considérant que la fraude consiste dans le fait pour une personne de soustraire à l'impôt tout ou partie de la matière imposable, que le fait pour un opérateur économique exerçant son activité en France de ne pas souscrire de déclarations pour l'un ou l'autre impôts commerciaux auxquels il devrait être soumis ne peut qu'être présumé volontaire, sans pour autant que la mention du terme 'sciemment' soit nécessaire ; que les présomptions retenues concernaient l'existence d'une activité régulière dissimulée ou minorée en France pour trois sociétés dont une de droit non national, dont il pouvait être présumé qu'elle ne disposait pas de moyens à l'adresse de son siège et qu'elle était gérée à partir des locaux de son actionnaire en France ; qu'une visite domiciliaire est justifiée, comme en l'espèce, quand il existe des signaux d'une situation fiscale pour le moins atypique et nécessitant des vérifications sérieuses ;

Considérant que le magistrat d'appel, sans être tenu de s'expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu'il examine, doit apprécier l'existence ou non de présomptions de fraude; qu'en l'espèce il est certain que compte tenu de l'opacité crée entre les trois sociétés, l'administration fiscale n'avait pas la possibilité de mettre en oeuvre des moyens classiques de vérification à leur siège ; que toutes ces sociétés avaient un lien avec les frères [D] et que cela justifiait amplement l'autorisation de mise en oeuvre d'une procédure de visite domiciliaire au domicile de [K] [D] et de [I] [F], son épouse ; que ces moyens mal fondés sont écartés

Considérant qu'au sujet des pièces produites au magistrat de première instance, le juge des libertés et de la détention n'a pas à instruire à charge et à décharge, mais il doit uniquement vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information qui lui ont été fournis, que la demande d'autorisation est fondée sur des présomptions de fraude suffisantes ; que les appelants ne démontrent, de plus, aucunement, quels éléments n'ont pas été produits qui auraient pu remettre en cause l'appréciation du magistrat de première instance ; qu'il est constant que l'Administration fiscale peut soumettre à l'appréciation du magistrat des attestations relatant les constatations et recherches de ses agents, dès lors qu'ils s'agit de déclarations portant sur des éléments régulièrement constatés, ce qui est le cas des éléments issus des fichiers informatisés qu'elle gère, ceux-ci reprenant les informations déclarées par les contribuables ; que ce moyen est écarté ;

Considérant, qu'en conséquence, l'ensemble des griefs avancés sont écartés, et que le magistrat de première instance disposait des éléments suffisants pour présumer la fraude ; que l'ordonnance déférée est confirmée en toute ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 26 juin 2001 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a autorisé une visite domiciliaire et des saisies de documents,

CONDAMNONS Monsieur [K] [D] et Madame [I] [F], son épouse aux entiers dépens.

LE GREFFIER

Fatia HENNI

LE DELEGUE DU PREMIER PRESIDENT

Jean-Jacques GILLAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/11796
Date de la décision : 11/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°09/11796 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-11;09.11796 ?
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