Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9
ARRET DU 11 mars 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20608
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2006 -Tribunal d'Instance de VINCENNES - RG n° 1104000189
APPELANTS
Monsieur [F] [J]
né le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 8]
nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assisté de la SCP ALLAIN - KALTENBACH - PLAISANT - RAIMON, avocats au barreau de CRETEIL, Me Sébastien MAHUT, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC19
Madame [D] [L] épouse [J]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8]
nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de la SCP ALLAIN - KALTENBACH - PLAISANT - RAIMON, avocats au barreau de CRETEIL, Me Sébastien MAHUT, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC19
INTIME
Monsieur [G] [T]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par la SCP MIRA - BETTAN, avoués à la Cour
assisté de la SCP MOREAU-GERVAIS-GUILLOU-VERNADE-SIMON-LUGOSI, avocats au barreau de PARIS, Me Anne MAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
INTERVENANT VOLONTAIRE
Madame [Y] [W] épouse [T]
née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 7] (Autriche)
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par la SCP MIRA - BETTAN, avoués à la Cour
assisté de la SCP MOREAU-GERVAIS-GUILLOU-VERNADE-SIMON-LUGOSI, avocats au barreau de PARIS, Me Anne MAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 octobre 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José PERCHERON, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-José PERCHERON, présidente
Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère
Madame Marie-Suzanne PIERRARD, conseillère
Greffiers, lors des débats : Madame Hélène BODY, lors du prononcé : Mme ROULLET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José PERCHERON, présidente et par Madame ROULLET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Vu l'appel interjeté par [F] [J] et [D] [L] son épouse du jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 19 janvier 2006 par le tribunal d'instance de Vincennes qui les a condamnés:
- à faire effectuer dans les trois mois de la signification de cette décision, et à leur frais, les travaux préconisés à l'option A du rapport de M. [N] rendu le 2 avril 2004, soit l'élévation d'une maçonnerie de 20 cm sur la moitié du mur mitoyen jusqu'à la limite séparative, maçonnerie supportant un chéneau recueillant les eaux pluviales afin que celles-ci soient versées sur leur fonds, et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard,
- à laisser exécuter par M. [T] les travaux de couverture de la deuxième moitié du mur mitoyen, sous la même astreinte,
- à payer à M. [T] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- à supporter les dépens, y compris les frais d'expertise,
Vu les conclusions du 15 mai 2008 par lesquelles les époux [J] prient la cour, infirmant cette décision, de:
- dire qu'ils bénéficient d'une 'servitude d'écoulement des eaux pluviales tombant sur la partie de leur mur mitoyen vers la propriété [T], de sorte qu'il appartient à ceux-ci de réaliser à leurs frais entiers les ouvrages d'étanchéité entre le mur mitoyen et la toiture de leur appentis'
- dire que ces ouvrages d'étanchéité ne peuvent être réalisés au-delà de la limite divisoire des deux propriétés et avoir pour conséquence de constituer une emprise sur la partie du mur mitoyen dont eux-mêmes sont propriétaires
- leur donner acte de ce qu'ils ne sont pas opposés à ce que le mur côté terrasse soit surélevé d'environ 40 cm en sa partie la plus basse pour mise à niveau, à l'effet de permettre aux époux [T] de faire réaliser un solin d'étanchéité à la condition que ces derniers en supportent seuls la charge financière
- leur donner acte de ce qu'ils renoncent à toute demande relative à la dépose du solin réalisé le long de leur mur privatif côté extension salle de bains,
et sollicitent la somme de 3.588 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions d'intervention volontaire d'[Y] [W] épouse [T] en date du 19 mai 2008 et les conclusions signifiées le 2 juin 2008 par les époux [T] qui poursuivent la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a retenu les travaux préconisés à l'option A du rapport de M. [N], demandant à la cour d'enjoindre aux époux [J] de les laisser achever les travaux de couverture du mur mitoyen par la pose d'une rive en zinc ou en tuiles et d'en mettre les frais à leur charge, et de les condamner à faire réaliser par une entreprise qualifiée et sous le contrôle d'un architecte, soit un mur de 10 cm de largeur et de 1,70 m de hauteur au sol de leur terrasse, soit les travaux préconisés par M. [N] dans sa solution C, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et sollicitant la condamnation des époux [J] à leur payer les sommes de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts et 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE, LA COUR
Sur la procédure
Considérant que par conclusions de procédure du 4 août 2009 les époux [J] sollicitent le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 30 juin 2009 pour que leurs conclusions en date du 15 mai 2008 soient déclarées opposables à Mme [T], faisant valoir qu'il existe une cause grave puisque le principe du contradictoire est en jeu;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 784 du code de procédure civile 'l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue';
Que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque c'est par conclusions du 19 mai 2008, soit plus d'un an avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, que Mme [T] est intervenue volontairement à la procédure;
Qu'il n'y a dons pas lieu de rabattre l'ordonnance de clôture;
Sur le fond
Considérant que les époux [J] sont propriétaires d'une maison située [Adresse 5] qu'ils ont acquise en 1990, après en avoir été locataires depuis 1967; que les époux [T] sont propriétaires depuis 2002 d'un terrain sur lequel se trouvent un pavillon et un appentis séparés par un jardin, [Adresse 2]; que ces propriétés sont séparées par un mur qui apparaît mitoyen sur le plan cadastral, ce qu'aucune des parties ne conteste ;
Considérant qu'en mai 2003, dans le but de remédier aux infiltrations qui se produisaient dans l'appentis, les époux [T] ont fait procéder à la réfection de sa couverture; qu'à cet effet l'entreprise a réalisé contre le mur pignon des époux [J] (résultant d'une surélévation effectuée en 1991) un solin habillé d'un relevé en zinc encastré dans ce mur sur une longueur de 1,70 m et, sur le reste du mur mitoyen (1,70 m de long correspondant à la terrasse des époux [J]) recouvert la tête du mur d'une bande en plomb avec finition par habillage en zinc retombant du côté [J] avec finition par becquet ;
Considérant que les époux [J], se plaignant notamment de la dangerosité de cette partie acérée au niveau de leur terrasse, ont obtenu de leurs voisins qu'ils l'enlèvent puis, après une vaine tentative de conciliation ont saisi le tribunal d'instance, lequel a, par jugement avant dire droit du 23 septembre 2004, ordonné une expertise confiée à M. [P] et, au vu des constations de ce technicien ainsi que de celles de Messieurs [V] et [N], architecte intervenus à la demande des époux [T], statué par la décision déférée ;
Considérant qu'au soutien de leur appel les époux [J] font valoir:
- qu'il existe une servitude d'écoulement des eaux pluviales, constituée à leur profit au détriment du fonds [T], dès lors que ce n'est pas la surélévation de leur pavillon qui a rendu impossible l'écoulement de ces eaux sur la partie haute du mur mitoyen mais la configuration des lieux telle qu'elle existe depuis plus de 30 ans
- que l'interdiction édictée par l'article 681 du code civil de faire verser les eaux pluviales sur le terrain de son voisin, qui fonde la décision du premier juge, ne vise expressément que les toits, et seules les dispositions de l'article 658 ont vocation à s'appliquer
- que leur demande ne tend qu'à voir remettre les lieux en leur état d'origine, les époux [T] devant réaliser leurs ouvrages en les appuyant contre le mur mitoyen sans pouvoir dépasser la limite divisoire
- qu'ils ne sont pas opposés à ce que les époux [T] fassent surélever le mur côté terrasse sur une hauteur de 50 cm afin de leur permettre de réaliser l'ouvrage d'étanchéité en finition de leur toiture, à condition toutefois que ces derniers en assument seuls la charge financière;
Que les époux [T] contestent l'existence d'une servitude d'écoulement des eaux, approuvent l'application par le premier juge de l'article 681 du code civil, soutiennent que les époux [J] sont tenus de participer aux frais de réfection de l'étanchéité du mur mitoyen et doivent en outre mettre en place un ouvrage de réception de leurs eaux pluviales sur le demi-mur qu'ils ont enclavé avec l'extension de leur pavillon, et indiquent préférer à la solution retenue par le tribunal (option A du rapport [N] qu'ils avaient proposée) soit l'option C soumise le 16 février 2005 à l'expert (qui ne s'est pas prononcé) consistant à surélever le mur de 50 cm, ce qui permettrait la fixation d'un solin tout le long du mur mitoyen et une protection efficace de celui-ci, soit l'élévation aux lieu et place du mur détruit par les époux [J] d'un nouveau mur d'environ 1,70 m de haut qui permettrait d'obtenir une hauteur de 20 cm en partie haute du toit, de fixer un solin continu et de protéger la tête du mur dont la pente serait inclinée vers le fonds [J];
Considérant que si les époux [J] invoquent, pour la première fois devant la cour, l'acquisition par prescription d'une servitude d'écoulement des eaux sur le fonds [T], les éléments dont ils se prévalent sont insuffisants à l'établir, alors de surcroît que l'expert judiciaire a indiqué dans son rapport - qu'ils avaient demandé au tribunal d'entériner- que c'est l'extension par eux réalisée en 1991 (construction d'un mur pignon contre le mur mitoyen) qui a eu pour conséquence d'enclaver le mur mitoyen sur la moitié de sa longueur;
Considérant que les dispositions de l'article 681 du code civil relatives aux 'toits' que tout propriétaire doit établir de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain et non sur celui de son voisin sont des dispositions générales qui ne se limitent pas aux toits des maisons mais concernent également 'l'égout' des murs dont fait état l'article 654;
Considérant que vainement les époux [J] se prévalent des dispositions de l'article 658 du code civil qui ne régit que l'hypothèse où un copropriétaire exhausse seul un mur mitoyen, alors que le litige porte sur les conséquences dommageables pour leur voisin de l'enclavement, de leur fait, d'une partie du mur mitoyen;
Considérant, en effet, qu'il résulte des constations de l'expert [P], comme d'ailleurs de celles de MM. [N] et [V], que l'extension réalisée par les époux [J] contre le mur mitoyen, ainsi emprisonné sur cette portion de terrain, empêche l'évacuation des eaux pluviales de leur partie mitoyenne sur leur terrain;
Que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a mis à leur charge l'exécution de travaux propres à rétablir un écoulement normal;
Considérant que la seule obligation des époux [J] consiste dans la remise en état des lieux; que les époux [T] ne sauraient prétendre leur imposer une surélévation du mur mitoyen à leurs frais afin de faciliter leurs propres travaux de couverture de l'appentis; qu'ils leur appartient, s'ils entendent mettre en oeuvre l'une ou l'autre solution qu'ils proposent, à laquelle les époux [J] ne sont pas opposés dans le principe, de recueillir l'accord de ces derniers et d'y procéder à leurs frais ;
Considérant que si le litige a pour origine les travaux réalisés en 1991 par les époux [J], il n'apparaît pas pour autant qu'ils auraient introduit ou poursuivi leur action dans l'intention de nuire à leurs voisins, alors qu'ils constataient un empiétement sur leur propriété; que le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il les a condamnés au paiement de dommages et intérêts; que les époux [T] doivent être déboutés de leur demande de ce chef;
Considérant qu'il y a lieu de confirmer pour le surplus le jugement entrepris et d'allouer aux époux [T] la somme de 2.000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge;
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné les époux [J] au paiement de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau de ce chef, et ajoutant,
Déboute les époux [T] de leur demande de dommages et intérêts
Condamne [F] [J] et [D] [L] son épouse à payer à [G] [T] et [Y] [W] son épouse la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE