Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 10 MARS 2010
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/16478.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2005 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL 5ème Chambre - RG n° 02/0720.
APPELANTE :
S.C.I. DE L'ENTREPOT
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège social [Adresse 1],
représentée par Maître Frédérique ETEVENARD suppléante de l'Etude de Maître HANINE, avoué à la Cour,
assistée de Maître Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C716.
INTIMÉE :
Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]
représenté par son syndic, la SARL Cabinet [O], ayant son siège social [Adresse 6], elle-même prise en la personne de ses représentants légaux,
représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour,
assisté de Maître Jean Pierre HAUSSMANN de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET, avocat au barreau de l'ESSONNE.
INTERVENANTE FORCÉE :
S.C.P. KNEPPERT & [D]
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège [Adresse 5],
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée du Cabinet KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 90.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 - 1er alinéa du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2010, en audience publique, devant Madame RAVANEL, conseiller chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur DUSSARD, président,
Madame RAVANEL, conseiller,
Madame BOULANGER, conseiller.
Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur DUSSARD, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La Cour est saisie de l'appel formé le 25 juillet 2005 par la SCI DE L'ENTREPÔT à l'encontre du jugement rendu le 5 avril 2005 par le Tribunal de grande instance de Créteil qui a :
- débouté la SCI DE L'ENTREPOT de sa demande de résolution des servitudes de passage grevant les lots 31 et 32 au profit des lots 8, 20 à 30 inclus, 32 à 35 inclus et 33 à 35 inclus, 26, 27 et 28 de la copropriété sise [Adresse 4],
- condamné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble à payer à la SCI DE L'ENTREPOT la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté les autres parties (Maître [F], administrateur provisoire de la copropriété et la SCI) de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu la déclaration d'appel,
Vu les conclusions :
- de la SCI DE L'ENTREPOT du 17 avril 2009,
- du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] du 16 juin 2009,
- de la SCP KNEPPERT et [D], notaire, du 30 septembre 2009.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
La SCI [I] et [D] conclut à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre.
Cette société ne figurait pas au nombre des parties de première instance.
Devant les premiers juges, la SCI DE L'ENTREPOT, demanderesse, avait fait assigner Maître [F], administrateur judiciaire de la copropriété, le syndicat des copropriétaires et la Société d'Administrateurs judiciaires [A] [H].
La déclaration d'appel a été formée à l'encontre des trois défendeurs.
La SCI DE L'ENTREPOT a, le 15 mars 2006, pris des conclusions de désistement partiel à l'encontre de Maître [F] et de la SELARL [A] [H].
Le conseiller de la mise en état a, le 23 mars 2006, déclaré ce désistement parfait.
Par ailleurs, le 17 mars 2009, la SCI DE L'ENTREPOT a appelé en intervention forcée la SCP [I] et [D], notaire.
Elle fonde sa demande sur l'élément nouveau survenu en cause d'appel que constitue la jurisprudence de la Cour de cassation quant à l'inexistence d'un lot constitué exclusivement d'un droit de jouissance exclusif sur partie commune, et soutient que face à l'incohérence ou en tous cas, à l'imprécision des états descriptifs de division et à l'existence de contradiction avec les titres, en particulier, celui du 4 février 1992 où le vendeur déclarait n'avoir créé aucune servitude, il apparaissait nécessaire d'appeler le notaire en cause pour fournir à la Cour tous éclaircissements.
Il ne peut être reproché à un notaire de n'avoir pas prévu un revirement de jurisprudence.
Par ailleurs, la SCI DE L'ENTREPOT ne peut soutenir que la nécessité d'avoir des éclaircissements du notaire constituerait une évolution du litige justifiant son appel en cause pour la première fois devant la Cour, les actes d'acquisition de la SCI DE L'ENTREPOT datant de 1991 et 1992 étant antérieurs de plus de dix-sept ans à l'appel en cause.
L'assignation en intervention forcée de la SCP [I] et [D] sera déclarée irrecevable.
La copropriété du [Adresse 3] comporte :
- un bâtiment A en partie gauche de la parcelle avec accès par une cour, d'un rez-de-chaussée élevé sur sous-sol partiel, et de deux étages sous combles. Au rez-de-chaussée se trouve un local commercial,
- un bâtiment B à gauche de la parcelle, élevé sur terre-plein d'un simple rez-de-chaussée,
- un bâtiment C accolé au bâtiment B.
On accède à ces deux derniers bâtiments par la [Adresse 2].
Cet immeuble appartenait à l'origine à Monsieur [U] [S], il a, après son décès, été transformé en copropriété par ses ayants droit : Madame Veuve [U] [S], son épouse, Messieurs [G] [S], [J] [S] et Madame [W] [S], ses enfants.
Le règlement de copropriété en a été établi le 7 mai 1991 par Maître [D], notaire associé à [Localité 7].
À cette date, la copropriété ainsi constituée comportait trois lots :
- lot 1 : bâtiment A partiellement à usage commercial avec accès par la cour constituant le lot n° 2.
- lot 2 ayant accès sur la rue de [Localité 8], étant décrit comme 'droit à la jouissance exclusive d'une cour sur laquelle est édifié un appentis',
- lot 3 ayant également accès sur la rue de [Localité 8], décrit comme 'droit à la jouissance exclusive d'un terrain sur lequel sont édifiés les bâtiments B et C avec droit à construire un bâtiment d'une surface hors-'uvre nette de 400 m² (y compris la superficie des bâtiments B et C existants) à usage commercial de bureaux ou d'activités'.
Le 24 septembre 1991, à l'occasion de la vente d'une partie de l'ensemble à la SCI DE L'ENTREPOT, un modificatif au règlement de copropriété a été établi.
Les lots 1 et 2 étaient réunis et subdivisés en 27 lots (appartements, bureaux, emplacements de voitures) numérotés de 5 à 31.
Le lot 31 était décrit comme :
'Rez-de-chaussée,
Droit à la jouissance exclusive d'une bande de terrain à usage de passage pour véhicule'.
Ce passage (lot 31) commençait sur la voie publique et en traversant le terrain lot 32 permettait l'accès aux emplacements de voiture 26-33, 27-34 et 28-35 chaque emplacement étant composé d'une petite surface (33, 34, 35) donnant accès à une autre plus grande (26, 27, 28) pour compléter la surface utile de stationnement.
Le lot 3 ancien de la copropriété était divisé en quatre lots, les trois susvisés 33, 34 et 35, ainsi qu'en un lot 32, de surface importante, ainsi décrit :
'Rez-de-chaussée,
Droit à la jouissance exclusive d'un terrain sur lequel sont édifiés les bâtiments B et C avec droit à construire un bâtiment d'une surface hors 'uvre nette de 400 m² (y compris la superficie des bâtiments B et C existants), à usage commercial, de bureaux ou d'activités'.
Ce texte reprenait la description du lot 3 initial. Il y était ajouté :
'Ce lot donne accès aux lots 33, 34 et 35".
Les clauses particulières du règlement modifié stipulaient que :
'Le propriétaire du lot 31 consent un droit de passage véhicules et piétons aux propriétaires des lots 8, 20 à 30 inclus et 32 à 35 inclus. L'entretien et la réfection de ce passage véhicules sera à la seule charge du copropriétaire du lot 32".
Et que :
'Le propriétaire du lot 32 consent un droit de passage véhicules et piétons aux propriétaires des lots 33, 34 et 35 et aux trois autres (26-27-28) sans que les propriétaires de ces lots participent à l'entretien et à la réfection du lot 32.
Le propriétaire du lot 32 pourra utiliser ce lot pour activités de service et commercial et notamment de station de lavage de tous véhicules de transports'.
Le même 24 septembre 1991, les consorts [S] vendaient à la SCI DE L'ENTREPOT le lot 32.
Il était spécifié à l'acte :
'ETANT ICI PRECISE qu'aux termes du règlement de copropriété ci-après énoncé, il a été prévu sous le titre 'CLAUSES PARTICULIERES' notamment ce qui suit, ci-dessous littéralement rapporté. . .'.
Suivait le texte des clauses particulières du règlement de copropriété sur le droit de passage consenti par le propriétaire du lot 31 et l'indication que l'entretien et la réfection de ce passage étaient à la seule charge du propriétaire du lot 32 et sur le droit de passage consenti par le propriétaire du lot 32 aux propriétaires des lots 33, 34, 35, 26, 27, 28, sans que ceux-ci participent à l'entretien et à la réfection du lot 32.
La SCI DE L'ENTREPOT soutient que le modificatif du 24 septembre 1991 doit être réputé non écrit en ce qu'il a créé une servitude sur le lot 32 sans le consentement exprès des propriétaires de ce lot et sans assemblée générale de copropriété et que cette servitude est impossible au profit de lots constitués exclusivement de droit de jouissance exclusif sur des parties communes.
Déjà propriétaire du lot 32 depuis le 24 septembre 1991, la SCI DE L'ENTREPOT a acquis de Madame [Y] le lot 31 le 4 février 1992 décrit ainsi :
'LOT 31 : Rez-de-chaussée, droit à la jouissance exclusive d'une bande de terrain à usage de passage pour véhicules, 41/10.000èmes des parties communes générales'.
Le prix de vente était de un franc.
Il figurait à l'acte un 'rappel de servitude' faisant état de ce qu'aux termes de l'acte de vente précédemment conclu entre les consorts [S] et la SCI le 24 septembre 1991, le propriétaire du lot 31 consentait un droit de passage véhicules et piétons aux propriétaires des lots 8, 20 à 30 inclus et 32 à 35 inclus, l'entretien et la réfection du passage étant à la seule charge du propriétaire du lot 32.
Le 'droit de jouissance exclusif' vendu le 4 février 1992 ne constitue pas un droit de propriété.
Il s'agit toutefois d'un droit ayant un caractère réel et perpétuel.
Le droit transféré lors de l'acte de vente était constitué d'un droit de passage bénéficiant aussi bien à la SCI, déjà propriétaire du lot 32, qu'à tous les bénéficiaires des lots mentionnés à l'acte de vente.
Dès lors, la SCI ne peut-elle soutenir que son droit de jouissance exclusif a été rendu inopérant par les servitudes de passage reconnues à tous les lots 8 à 20 et 32 à 35, le droit de jouissance acquis par elle, permanent, n'étant pas incompatible avec le simple droit de passage nécessairement limité aux temps de passages, même fréquents, des utilisateurs.
Par ailleurs, la SCI, qui a acquis à un prix symbolique le lot 31 l'a acquis en toute connaissance de ses caractéristiques le prix dérisoire ayant pour contrepartie d'assurer l'entretien.
Les modalités du droit de passage affectant le second lot n° 32 ont été établies par le modificatif au règlement de copropriété du 24 septembre 1991.
La vente du même jour à la SCI DE L'ENTREPOT mentionne les droits de passage affectant les lots 31 et 32 et se réfère à l'état descriptif de division et au règlement de copropriété établis le 7 mai 1991, en cours de publication, ainsi qu'au modificatif de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété établi le jour de l'acte, le 24 septembre 1991 qui 'sera publié avant ou en même temps que les présentes'.
La modification effectuée le 24 septembre 1991 était connue de la SCI qui a contracté en connaissance de cause.
Elle a été demandée au notaire par tous les copropriétaires de l'ensemble immobilier.
Les critiques de tous ordres formulées par la SCI DE L'ENTREPOT à l'encontre du modificatif du 24 septembre 1991 sont dès lors totalement inopérantes.
Elles seront toutes rejetées.
Les parties ont, en première instance comme en appel, conclu sur le droit de passage en le qualifiant de servitude de passage.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI DE L'ENTREPOT de sa demande de résolution des servitudes de passage.
Il sera en revanche infirmé en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il apparaît inéquitable de laisser au syndicat des copropriétaires ainsi qu'à la SCP [I] [D] la charge de la totalité de leurs frais irrépétibles et la SCI DE L'ENTREPOT sera condamnée à payer la somme de 2.000 € au premier ainsi que celle de 1.500 € à la seconde sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Déclare irrecevable l'assignation en intervention forcée délivrée à la SCP [I] ET [D].
Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne la condamnation du syndicat des copropriétaires à payer 1.500 € à la SCI DE L'ENTREPOT au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.
Statuant à nouveau sur ces points et ajoutant au jugement :
Condamne la SCI DE L'ENTREPOT à payer 2.000 € au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] ainsi que 1.500 € à la SCI [I] ET [D] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
Condamne la SCI DE L'ENTREPOT aux dépens de première instance et d'appel.
Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,