RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 09 Mars 2010
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08475
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mai 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 06/01025
APPELANT
Monsieur [H] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, E974
INTIMÉE
COMÉDIE FRANCAISE - EPIC -
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphanie STEIN, avocat au barreau de PARIS, J014
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Denise JAFFUEL, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Nadine LAVILLE, Greffière présente lors du prononcé.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [F] du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris section Activités Diverses chambre 1 du 9 mai 2008 statuant en départage qui a requalifié le contrat de travail du 15 février 1994 en contrat à durée indéterminée et condamné la Comédie-Française à payer la somme de 4 665.68 € d'indemnité de requalification, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [F] produit les effets d'une démission et l'a débouté des demandes afférentes au licenciement et au respect de son statut de délégué syndical, dit que la Comédie-Française a fait une utilisation sans autorisation des interprétations de M. [F] et ordonné la réouverture des débats sur le montant des dommages-intérêts, ordonné la seule suppression de propos en page 12 des conclusions de M. [F] et l'a condamné à payer 1€ de dommages-intérêts de ce chef.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [F] a été engagé par contrat en date du 15 février 1994 en qualité d'artiste auxiliaire pour la période du 7 février 1994 au 30 juin 1994 par la Comédie-Française.
Par contrat en date du 27 juillet 1995, il était engagé à compter du 1er septembre 1995 comme artiste-pensionnaire à l'échelon 2 selon salaire fixe mensuel, feu de rampe Richelieu et feu tournée ; Il a été promu à l'échelon 3 le 1er janvier 1998 et à l'échelon 4 le 1er janvier 2002.
Depuis juin 1997 il est élu délégué du personnel et son dernier mandat résulte du scrutin du 16 juin 2005 pour deux ans.
Ensuite de la dernière réunion tenue le 8 décembre 2005 par le comité d'administration de la Comédie-Française, M. [F] a été convoqué par lettre remise en main propre le 8 décembre 2005 à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 22 décembre 2005 et renvoyé au 16 janvier 2006 ;
Par lettre du 3 mars 2006 M. [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail du fait du licenciement intervenu dès le conseil d'administration tenu 'le 9 décembre 2005" l'ayant exclu, sans respect de son statut de délégué du personnel, et sans qu'il ait accepté les diminutions de son salaire ni le fait qu'il soit moins payé par comparaison avec d'autres comédiens de la même ancienneté qui sont sociétaires avec droits à participation, avec préavis au 7 juin 2006 ;
La demande du 9 février 2006 d'autorisation de licenciement pour insuffisance professionnelle a été refusée par l'inspectrice du travail le 15 mars 2006 confirmée par décision du 23 août 2006 du ministre de l'emploi.
M. [F] et la Comédie Française sont régis par le décret du 1e avril 1995 conférant à la Comédie-Française le statut d'Epic et la convention collective annexe des artistes pensionnaires du 31 juillet 1989 ;
M. [F] demande de confirmer le jugement sur le principe des contrefaçons, de l'infirmer pour le surplus, de reconnaître pour faux la référence dans les conclusions de la Comédie-Française à un avis de classement sans suite du 25 novembre 2007, les procès-verbaux pour 2004 et 2005 communiqués en première instance et le procès-verbal du comité d'entreprise, et de condamner la Comédie-Française à payer la somme de 30 000 € de dommages-intérêts à ce titre, de constater la nullité d'un licenciement au 8 décembre 2005 et subsidiairement de constater que la prise d'acte de rupture s'analyse en un licenciement nul, de condamner la Comédie-Française à payer le sommes de 198 871.85 € de rappel de salaire pour la période du 20 janvier 2001 au 7 juin 2007 avec fiche de paie correspondante, la somme complémentaire de 3 596.89 € de congés payés afférents à la dernière année travaillée, la somme complémentaire de 1076.92 € d'indemnité de requalification, la somme de 76 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 87 873.95 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 134 918.15 € pour non-respect de son statut de délégué du personnel, la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du principe à travail égal, salaire égal, la somme de 10000 € pour établissement d'une attestation Assedic non-conforme, la somme de 20 700 € à titre de dommages-intérêts pour reproduction et communication au public non autorisées de ses interprétations sur phonogramme dans un cadre radiophonique pour une période autorisée de 3 ans à compter de la réalisation de chacune des émissions avec interdiction d'autre exploitation hors cette période sous astreinte de 300 € par infraction constatée 15 jours après la notification de l'arrêt, outre les frais de constatation, sauf conclusion d'un contrat organisant pour l'avenir ces exploitations, de lui allouer dans les mêmes conditions, la somme de 5000 € pour le phonogramme du commerce intitulé 'les fausses Confidences' avec une interdiction sous astreinte de 300 € par infraction constatée, la somme de 27 000 € pour les oeuvres Mariage Forcé, Le Misanthrope et [U], sous astreinte de 5000 € par infraction en matière de télédiffusion et 300 € en matière de vente de supports enregistrés, ainsi que la somme de 7 500 € pour frais irrépétibles.
La Comédie-Française demande par voie d'infirmation, de débouter M. [F] de ses demandes en requalification et d'ordonner le remboursement de la somme de 4 683.53 € versée, d'ordonner la suppression des propos injurieux et outrageants dans les conclusions de M. [F] et de le condamner à payer la somme de 5 000 € de ce chef, de disjoindre et renvoyer devant la chambre civile les demandes relatives à l'exploitation des oeuvres audiovisuelles et radiophoniques, de débouter M. [F] de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 10 000 € pour frais irrépétibles.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
C'est par une exacte appréciation des faits et de justes motifs que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a statué sauf relativement au montant de l'indemnité de requalification et à la suppression de mention dans les conclusions de M. [F] ; en effet :
Sur la demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée du 15 février 1994
Le premier juge a justement estimé que le salarié ayant commencé à travailler le 7 février 1994, sept jours avant la signature du contrat de travail proposé le 15 février 1994, en contravention aux prescriptions de l' article L 122-3-1 du code du travail alors applicable imposant la transmission du contrat de travail au plus tard dans les deux jours suivant l'embauche, sa transmission tardive équivaut à une absence d'écrit qui entraîne la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée, le contrat par ailleurs ne comportant pas de motif de recourir à un contrat à durée déterminée ; il ne peut être opposé les accords collectifs avant la signature du contrat de travail y faisant référence ;
La dernière moyenne de salaire mensuel qui doit être prise en compte pour l'indemnité d'un mois à prononcer de ce chef s'élève à la somme de 3 551.75 € par réformation de celle allouée par le premier juge ;
Sur les pièces arguées de faux par M. [F] et sa demande de dommages-intérêts relativement :
- au procès-verbal du 12 décembre 2005 des réunions du 4 au 8 décembre 2005 du comité d'administration en ce qu'il a relaté que le comité envisage, par six voix contre deux, la cessation de son contrat,
- au procès-verbal du comité d'entreprise relatif à la réunion du comité d'entreprise du 27 janvier 2006 :
La plainte, visant notamment ces deux documents de faux et usage, portée par M. [F] contre la directrice générale et l'administrateur de la Comédie-Française le 1er juin 2006 devant le procureur de la République a fait l'objet le 13 octobre 2008 d'un avis à M. [F] de classement après un avertissement solennel donné à l'auteur de l'infraction qui a été informé que les poursuites pourraient être reprises au cas de renouvellement des faits ;
Il s'en suit qu'il n'y a pas d'autorité de chose jugée sur ces faits ;
Il n'est pas établi la fausseté du procès-verbal du 12 décembre 2005 :
Elle ne peut résulter du document tapé à la machine et signé par [H] [F] comme en étant l'auteur, en date du 5 juin 2006, selon lequel le 2 juin 2006 au foyer des artistes, M. [R], (comédien ayant délibéré au Comité d'administration), a déclaré en effet qu''après la décision du comité, la direction organisait un habillage juridique pour rendre la procédure de licenciement légal' contresigné par les comédiens [A] [G] et [E] sur les 9 comédiens présents cités : C'est un document fait à soi-même et contresigné par deux personnes qui ne respecte aucune des dispositions de l'article 202 du Cpc et ne constitue pas un témoignage recevable ; les propos attribués à M. [R] ont été rectifiés par celui-ci dans une attestation selon laquelle ses propos maladroits et se voulant réconfortants font l'objet d'une exploitation tendancieuse par M. [F]. Les autres comédiens, [D], [O], [S], [G] et [E], témoins de cette scène, ont signé une attestation commune dans le même sens, les deux derniers revenant ainsi sur le document du 5 juin 2006 ;
La lettre d'encouragement du 4 juin 2006 de [N] [X], sociétaire suppléante ayant participé sans prendre part au vote du comité d'administration, adressée à M. [F] à l'issue de sa dernière représentation faisant référence à sa 'position sur la décision prise par le comité' ne caractérise pas la décision prise ;
Les attestations de comédiens et salariés de la Comédie Française sur leur connaissance courant décembre 2005 du licenciement de M. [F] ressort de la rumeur entourant les décisions du comité sans en établir l'exacte teneur et par l'effet d'une confusion habituelle entre l'engagement de la procédure et sa réalisation effective ;
Les livres écrits par MM. [R], comédien, [P], administrateur général, M. [V], sociétaire et administrateur général, selon lesquels c'est le comité d'administration qui décide de la rupture des contrats des comédiens, ne contredit pas le fait que c'est effectivement le comité d'administration qui décide l'engagement des procédures de licenciement conformément au statut de la Comédie-Française leur donnant ce pouvoir ;
Le procès-verbal écrit définitif des débats oraux du comité d'entreprise du 27 janvier 2006 signé par Mme [T], directrice générale et M. [Z], secrétaire du comité d'entreprise et élu Cfdt, n'a pas fait l'objet de réclamation des membres du comité d'entreprise ; En tout état de cause les mentions plus précises faites dans le procès-verbal signé par rapport au projet de procès-verbal non signé tel que produit par M. [F] ne ressortent pas de faux, le fait de délibérer sur le maintien ou la rupture des contrats n'impliquant pas une prise de décision immédiate, ce qui est d'ailleurs rappelé ensuite en ce que la décision de licenciement n'est toujours pas prise en attendant l'issue des consultations et de la procédure d'autorisation administrative ; L'indication, dans le cadre d'un vote à bulletin secret, de cinq bulletins blancs par les cinq votants, n'est pas contraire à la mention du projet selon lequel le comité d'entreprise à l'unanimité vote l'abstention, et alors qu'il s'agit de la retranscription d'un fait ; M. [Z] a confirmé par attestation l'authenticité du procès-verbal qu'il a signé qui comporte les rectifications faites avec l'assentiment des autres intéressés ;
Il n'est pas établi dans ces conditions la fausseté du procès-verbal définitif de la réunion du comité d'entreprise du 27 janvier 2006 ;
- à la référence faite dans le jugement aux conclusions de la Comédie-Française faisant état d'un classement sans suite en date du 25 novembre 2007 :
Il n'est pas établi de communication d'une pièce de cette date au conseil dans le dossier de plaidoirie dont le jugement ne fait pas état ;
Le document en date du 25 novembre 2007 produit devant la cour et soumis à la discussion contradictoire des parties constitue un soit-transmis daté du 25 novembre 2007 par un représentant du procureur de la république relativement au classement sans suite de la plainte de M. [F] ; la référence à un classement sans suite n'est donc pas fausse ;
M. [H] [F] sera donc débouté de ses demandes en déclaration de faux et dommages-intérêts de ce chef ;
La suppression d'allégation de faux dans les conclusions de première instance de M. [F] telle que prononcée par le premier juge et les demandes supplémentaires formées par la Comédie-Française devant la Cour de suppression de tous les passages invoquant des faux et contrefaçon dans les conclusions d'appel déposées par M. [F] n'ont pas lieu d'être ordonnées comme relevant de son argumentation à l'appui de ses prétentions ; ces demandes en suppression faites par la Comédie-Française seront donc rejetées ainsi que la demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Le procès-verbal en date du 12 décembre 2005 de la réunion du 8 décembre 2005 du comité d'administration, relate la décision d'envisager le licenciement de M. [F] dans le cadre des pouvoirs qui lui sont dévolus ;
La mise en oeuvre de cette décision a été poursuivie par la direction générale par la remise de la convocation à celui-ci à entretien préalable, la demande d'avis au comité d'entreprise lors de la réunion du 27 janvier 2006 qui s'est abstenu et la demande d'autorisation à l'inspection du travail qui a été refusée de telle sorte que le licenciement n'est pas intervenu ;
Il n'est donc pas établi de licenciement à la date du 8 décembre 2005 ni après, à l'initiative de l'employeur, invoqué à titre principal par le salarié ;
Sur la prise d'acte de rupture
Les faits repris dans les conclusions d'appel de M. [F] sont visés dans la lettre de prise d'acte qui en tout état de cause ne fige pas les griefs du salarié ;
Ils doivent donc être tous examinés ci-après :
L'engagement d'une procédure de licenciement n'est pas de nature à empêcher M. [F] à poursuivre ses activités de comédien effectivement remplies pendant le délai de préavis qu'il a fixé lui-même et alors que le grief de licenciement nul au 8 décembre 2005 a été ci-dessus écarté ;
M. [F] revendique l'intégration dans son salaire fixe de base des éléments de salaires injustement versés à titre aléatoire pour la participation à des enregistrements radiophoniques et télévisuels : en conséquence, sur la base d'abord du salaire mensuel le plus élevé perçu au mois de juillet 2000 pour la somme de 5 595.90 €, composé du traitement de base et de rémunération de 19 700 F pour la diffusion Tv du Misanthrope et une indemnité de 2 107.90 F de congés payés sur des prestations radio tv, puis sur la base du salaire du mois de décembre 2002 de 5 742.60 € , il prétend que son salaire ne pouvait être réduit à des sommes moindres ; il en fait grief pour sa prise d'acte et formule par ailleurs une demande de rappel de salaire à ce titre ;
Selon l'article 15 de l'annexe des artistes pensionnaires, le salaire se compose d'une partie fixe mensuelle et d'un feu de rampe par représentation ;
Selon les articles 23 et 24 de la même annexe, il est énoncé le droit à salaire supplémentaire en matière de rediffusion, cession d'enregistrement ou de commercialisation, selon les règles s'appliquant aux organismes français de radiodiffusion et télévision, la Comédie Française répartissant entre les ayant-droit des rémunérations globales supplémentaires, selon des règles notifiées aux délégués des pensionnaires un mois avant le début de chaque réalisation de télévision ;
Il en résulte que les rémunérations supplémentaires, relatives aux réalisations ponctuelles d'oeuvres radiophoniques et audiovisuelles et à leur diffusion font l'objet d'une notification au représentant du personnel et sont variables dans les conditions de la convention collective déterminées aux articles 23 et 24 et ne sont ni exclues ni intégrables aux éléments de salaire visés aux articles 14 et 15 de la convention collective et alors que ces articles se complètent sans hiérarchie entre eux ;
Le fait que ces rémunérations variables perçues sont attachées à des diffusions qui n'ont pas fait l'objet d'autorisation écrite préalable du salarié, ce qui est ci-après examiné, n'est pas de nature à les faire intégrer au salaire fixe ;
Il n'y a donc pas eu de modification unilatérale du salaire de M. [F] et le grief de ce chef n'est pas établi ; la demande de rappel de salaire calculée sur la différence entre les salaires revendiqués les plus élevés de 5 595.90 € puis 5 742.60 € et ceux moindres perçus sera entièrement rejetée de même que le complément de congés payés ;
Sur le principe à travail égal-salaire égal, M. [F] pensionnaire à l'échelon 4, se compare à quatre pensionnaires ayant accédé à l'échelon hors échelle avec moins d'ancienneté que lui à la Comédie Française s'étageant entre 9 et 3 ans d'ancienneté et à deux autres pensionnaires de deux ans et un an et demi d'ancienneté, et aux sociétaires nommés de façon discrétionnaire percevant des salaires fixe et variable plus élevés et bénéficiant d'un droit prépondérant de répartition à raison de 76.5 % sur les résultats alors que tous les comédiens effectuent des prestations comparables et qu'ainsi, il a joué en alternance, dans la pièce [U], le même rôle de [M] que M. [J], sociétaire, qui a été filmée dans la version où M. [F] jouait ;
Selon le statut de la Comédie Française, les sociétaires réunis dans la société des comédiens Français sont choisis parmi les pensionnaires ayant au moins une année d'engagement ; les pensionnaires sont proposés au sociétariat par le comité d'administration constitué de sept sociétaires dont le doyen, trois membres nommés sur proposition de l'administrateur général et trois membres élus par l'assemblée générale des sociétaires, pour un an, et de l'administrateur général. Après accord de l'assemblée générale des sociétaires, ils sont nommés, sur la proposition de l'administrateur général, par arrêté du ministre chargé de la culture ;
Le statut des sociétaires est le fruit d'une tradition séculaire de la Comédie-Française entérinée par le décret du 1er avril 1995 et ils sont ainsi choisis parmi les pensionnaires recrutés par l'administrateur général au terme d'une reconnaissance collective à la fois par les sociétaires régulièrement renouvelés au comité d'administration et par l'ensemble des sociétaires composant la société des comédiens français qui n'est pas une fiction juridique ; M. [F], resté pensionnaire, ne peut comparer sa rémunération aux comédiens dont les qualités ont été collégialement reconnues et qui bénéficient de ce fait de rémunérations et avantages plus élevés en application des statut et conventions collectives respectives applicables aux pensionnaires et sociétaires ;
L'avancement des artistes pensionnaires selon l'article 17 de la convention collective qui les concerne se fait à l'ancienneté par palier de 4 ans de l'échelon E1 à E4 et plus rapidement sur décision du comité d'administration et à la catégorie hors échelle sur décision du même comité ;
M. [F] a atteint l'échelon 4 au choix et à l'ancienneté ; il n'a pas été admis à la catégorie hors échelle atteinte par d'autres pensionnaires ayant une ancienneté comparable ou moindre ; l'admission à la position hors échelle relève de la décision collégiale et reconsidérée chaque année du comité d'administration dont les membres sont régulièrement renouvelés parmi les sociétaires les plus expérimentés en fonction d'une appréciation globale des qualités respectives des comédiens dans des conditions prévues à la convention collective annexe des artistes pensionnaires ;
Enfin l'avancement au choix des pensionnaires auxquels il se compare est justifié par la notoriété acquise avant leur engagement à un échelon supérieur à celui de M. [F], s'agissant notamment de MM. [B], engagé directement en E4, [I] né en 1953, [K] né en 1959, [W], [Y], recrutés directement hors échelle ;M. [C] a participé à de plus nombreuses représentations et a mis en scène des pièces ;
M. [F], placé à l'échelon 4 et non admis à la catégorie hors échelle ne peut faire des comparaisons de rémunération avec des salariés de cette catégorie ;
Il n'est pas établi dans ces conditions d'atteinte au principe à travail égal, salaire égal et la demande de dommages-intérêts formée de ce chef sera rejetée ;
La prise d'acte de rupture de M. [F] dont les griefs ne sont pas admis emporte donc les effets d'une démission ;
Il est donc débouté de toutes ses demandes basées sur un licenciement nul sans respect de son statut protecteur ;
La demande de dommages-intérêts pour remise d'attestation Assedic indiquant une démission au lieu de la prise d'acte sera rejetée puisque la cour retient cette qualification ;
Sur les demandes relatives à l'exploitation non autorisée des interprétations de M. [F]
Il n'y a pas lieu à disjonction, sur le fondement d'une bonne administration de la justice, sur ces demandes formées devant le Conseil et rattachées à l'exécution du contrat de travail, en application de l'article R 1 452-6 du code du travail relatif à l'unicité de l'instance prud'homale, la réforme procédurale invoquée, relativement aux litiges portant sur la propriété intellectuelle attribuée à la compétence exclusive du tribunal de grande instance, étant intervenue après les débats devant le conseil de Prud'hommes et alors que la présente affaire a été distribuée selon l'ordonnance de roulement à la présente chambre de la cour d'appel ;
La Comédie-Française revendique la qualité de producteur susceptible de la dispenser d'un contrat écrit avec le salarié en vertu de la présomption d'accord de l'article L 212-4 du code de la propriété intellectuelle, pour ses prestations de comédien dans une série de films intitulée Molière pour les pièces Le Mariage Forcé en 1999, Le Misanthrope en 2000 et [U] en 2002, qui ont été télédiffusées et commercialisées sous forme de vidéocassettes;
Le protocole d'accord signé le 2 juin 1997 par la Comédie Française avec les sociétés Euripide Production et Neria Production en vue de la réalisation d'oeuvres audio-visuelles pour la télévision attestent que ce sont ces sociétés qui assurent la réalisation du tournage, les frais et risques financiers dont la rémunération des cachets des comédiens lors du tournage, de telle sorte que la Comédie-Française n'est pas fondée à opposer une qualité de producteur la dispensant de faire signer un contrat écrit ;
En tout état de cause, par ce contrat de production, la Comédie-Française s'est engagée à appliquer pour l'exploitation des oeuvres, les dispositions de la convention collective française des artistes-interprètes, dont l'article 3-2 impose à l'employeur qui entend exploiter l'interprétation, de lui faire signer un contrat spécifique à chaque oeuvre, devant comprendre un certain nombre de mentions obligatoires, notamment en matière de pré-achat de droits de diffusion avant l'établissement du contrat et par lettre additive pour les accords ultérieurs ;
Le contrat de travail imposant la participation du comédien à des prestations audiovisuelles et radiophoniques à la demande de l'employeur selon une rémunération selon les accords collectifs et règlement intérieur ne peut valoir l'accord écrit spécifique requis pour chaque oeuvre interprétée ainsi que la rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation ;
L'accord signé par M. [F] le 3 juin 1999 en tant que délégué des pensionnaires à la rémunération communiquée pour la réalisation et la diffusion de la Collection Molière et la déclaration collective des artistes pensionnaires signée le 17 octobre 2005 par M. [F] en tant que leur représentant demandant d'inscrire l'audiovisuel dans le rayonnement de la Comédie-Française ne peuvent lui être opposés comme constituant le contrat écrit individuel requis pour chaque oeuvre.
M. [F] n'a donc pas cédé ses droits relatifs à la fixation, reproduction et communication au public des oeuvres audiovisuelles auxquelles il a participé dans les conditions de l'article L212-3 du Code de Propriété Intellectuelle ;
M. [F] a par ailleurs participé de 1994 à 2006 à de nombreux phonogrammes radiophoniques et à un phonogramme pour le commerce 'Les fausses confidences' avec le même défaut de contrat écrit relativement à leur diffusion ;
Sur le montant des dommages-intérêts
M. [F] a perçu la somme de 19700 F sur le bulletin de salaire de juillet 2000 pour l'enregistrement et la première diffusion du Misanthrope, et dans les mêmes conditions, 21 079 F pour le mariage forcé en juillet 1999 pour deux diffusions et en application des accords de la convention collective audiovisuelle des artistes interprètes et 3 062.70 € pour Don Juan en décembre 2002, outre les sommes complémentaires de 334.86 € en mars 2004 et 346.88€ en novembre 2004 pour les rediffusions, 27.33 € en janvier 2006 pour ventes internationales, 55.40 € en novembre 2003 pour les ventes de vidéogrammes;
M. [F] a perçu des cachets à raison de taux de base de 132.63 € pour chaque émission radio qui n'ont pas fait l'objet de diffusion supplémentaire selon la Comédie-Française ;
M. [F] a déjà été rémunéré ainsi pour la réalisation et les diffusions de toutes les oeuvres auxquelles il a participé ;
Les demandes qu'il forme sont notoirement exagérées au vu du préjudice subi qui consiste en fait dans le seul défaut de formalisation individuelle de contrat écrit des rémunérations telles qu'acceptées sur le plan collectif par l'ensemble des comédiens et qui sont appropriées dans la mesure où elles respectent la convention collective nationale des artistes-interprètes ; dans ces conditions les dommages-intérêts pour la période allant jusqu'au présent arrêt seront fixés à la somme globale de 3 500 € pour les 69 phonogrammes radiophoniques et à celle 100 € pour le phonogramme du commerce intitulé Les Fausses Confidences et à la somme de 1 500 € pour les trois oeuvres audio-visuelles intitulées Mariage Forcé, Le Misanthrope et [U] ;
Sur la demande d'interdiction
M. [F] est recevable à faire interdire pour l'avenir la diffusion des oeuvres en ce qu'elles contiennent ses prestations sans autorisation écrite de sa part du fait de l'employeur, sans qu'il puisse lui être opposé une irrecevabilité à défaut de mise en cause des autres comédiens avec lesquels il n'a pas de lien contractuel ;
Cette interdiction sera ci-après ordonnée sous astreinte sans avoir lieu à y ajouter les frais de constatation, sauf contrat écrit signé par les parties ;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement sur le montant de l'indemnité de requalification et la suppression de passage de conclusions déposées par M. [F] et les dommages-intérêts de ce chef et statuant à nouveau :
Condamne la Comédie-Française à payer la somme de 3 913.75 € d'indemnité de requalification ;
Dit n'y a avoir lieu à suppression de mentions dans les conclusions déposées par M. [F] devant le Conseil et devant la Cour et rejette la demande de dommages-intérêts de ce chef de la Comédie-Française ;
Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant :
Rejette les demandes en déclaration de faux et en dommages-intérêts de ce chef ;
Rejette la demande de dommages-intérêts sur le principe à travail égal, salaire égal.
Dit n'y a avoir lieu à disjonction sur les demandes relatives à l'autorisation de diffusion des interprétations de M. [F] ;
Condamne la Comédie-Française à payer à M. [F], pour toute la période courant jusqu'au présent arrêt, à titre de dommages-intérêts, pour les reproductions et communications au public non autorisées de ses prestations la somme globale de 3 500 € pour les 69 phonogrammes radiophoniques, pour la communication au public fixée sur le phonogramme du commerce intitulé Les Fausses Confidences la somme de 100€, pour l'exploitation non autorisée des ses interprétations par télédiffusion et reproductions sur supports audiovisuels des oeuvres intitulées Mariage Forcé, Le Misanthrope et [U], la somme de 1 500 € ;
Interdit à l'avenir l'exploitation en ce qu'ils contiennent l'interprétation de M. [F] de tous les supports susvisés sous astreinte de 50 € par infraction constatée relativement aux phonogrammes, de 500 € par infraction constatée en matière de télédiffusion des oeuvres audiovisuelles et 50 € par infraction en matière de vente ou de mise à disposition de supports enregistrés pour les mêmes oeuvres audiovisuelles, 2 mois après la notification de l'arrêt, sauf contrat signé par les parties.
Rejette les autres demandes ;
Condamne La Comédie-Française aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT