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08/03/2010 | FRANCE | N°06/07456

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 08 mars 2010, 06/07456


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 8 MARS 2010



(n° 58 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 06/07456



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/00225



APPELANTES



Madame [C] [U] veuve [H] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des

biens de sa fille mineure Mademoiselle [G] [H]

[Adresse 15]

[Localité 12]



Madame [N] [O] agissant en son nom et en sa qualité d'administratrice légale des biens de son fils...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 8 MARS 2010

(n° 58 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/07456

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/00225

APPELANTES

Madame [C] [U] veuve [H] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des biens de sa fille mineure Mademoiselle [G] [H]

[Adresse 15]

[Localité 12]

Madame [N] [O] agissant en son nom et en sa qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur [K] [R] [H]

[Adresse 15]

[Localité 12]

représentées par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour

assistées de Me Pierre Etienne TOUATI, avocat au barreau de PARIS, toque : R 1410

INTIMES

S.A GENERALI IARD, nouvelle dénomination de GENERALI ASSURANCES IARD, prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant pour siège social [Adresse 8]

[Localité 10]

LA SOCIETE BISSON ET FILS TRANSPORTS prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentées par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour

assistées de Me Cécile BIGRE (SCP COSTE FLORET), avocat au barreau de PARIS, toque: P.267

LA COMPAGNIE AXA FRANCE IARD prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant pour siège social [Adresse 6]

[Localité 10]

représentées par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistées de Me BESSIS HELLMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : R01

S.A. ALLIANZ IARD nouvelle dénomination de AGF IART prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant pour siège social [Adresse 14]

[Localité 10]

représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Me Stéphane BRIZON, avocat au barreau de PARIS, toque : D 2066

SOCIETE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD (MMA IARD) prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant pour siège social [Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 920

CPAM DE SEINE ET MARNE prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant pour siège social [Adresse 17]

[Adresse 17]

[Localité 13]

défaillante

UNION DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES-UTIM, prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant pour siège social [Adresse 3]

[Localité 11]

défaillante

Monsieur [J] [H]

[Adresse 16]

[Localité 12]

défaillant

Mademoiselle [Y] [H]

[Adresse 16]

[Localité 12]

défaillante

Monsieur [M] [H]

[Adresse 16]

[Localité 12]

défaillant

Monsieur [M] [W]

[Adresse 16]

[Localité 12]

défaillant

Madame [D] [U]

[Adresse 16]

[Localité 12]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er Février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente

Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère, entendue en son rapport

Monsieur Christian BYK, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel GAULIN

ARRÊT : DÉFAUT

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, président et par Monsieur Daniel GAULIN, greffier présent lors du prononcé.

*****

Le 30 mai 2003, Monsieur [K] [H] conduisait sur l'autoroute A13 un ensemble routier composé d'un tracteur Mercédès lui appartenant et assuré auprès de la société AGF, d'une semi-remorque de marque TROUILLET lui appartenant également, et d'une remorque, de marque BILLANTPA appartenant à son père Monsieur [I] [H], ces deux remorques étant assurées auprès de la société MMA.

Il avait pour passagers, Monsieur [I] [H] et deux de ses préposés, Messieurs [P] [V] et [T] [S].

A la suite de la crevaison d'un pneu arrière gauche de la remorque BILLANTPA, Monsieur [K] [H] a arrêté son ensemble routier sur la bande d'arrêt d'urgence, les quatre hommes sont descendus du véhicule afin de procéder à la réparation, Messieurs [V] et [S] se sont placés sous la remorque pour changer la roue et Messieurs [I] et [K] [H] se sont accroupis à hauteur de la roue devant être changée, sur le bord de la voie de droite de l'autoroute où ils ont été heurtés par l'ensemble routier conduit par Monsieur [X] [A], qui comprenait un tracteur Renault, appartenant à la société BISSON & FILS TRANSPORTS ainsi qu'une semi-remorque de marque FRUEHAUF appartenant à la société FEDEBAIL, tous deux assurés auprès de la société GENERALI IARD.

Après ce premier choc avec le tracteur conduit par Monsieur [A], Monsieur [I] [H] a été projeté entre les deux remorques de l'ensemble arrêté sur la bande d'arrêt d'urgence et a percuté la flèche d'une de ces remorques tandis que Monsieur [K] [H] a été projeté successivement contre sa remorque, celle de la société BISSON & FILS TRANSPORTS puis contre sa semi-remorque. Tous deux sont décédés immédiatement.

Par jugement du 14 mars 2006, le tribunal de grande instance de Paris, après avoir dit que seuls sont impliqués dans l'accident subi par Monsieur [I] [H] le tracteur RENAULT conduit par Monsieur [A], appartenant à la société BISSON & FILS TRANSPORTS et assuré auprès de la compagnie GENERALI France et dans l'accident subi par Monsieur [K] [H], ce même tracteur ainsi que la remorque tractée par Monsieur [A] et assurée par la compagnie GENERALI France ainsi que par la compagnie AXA France, a notamment:

- dit que Messieurs [I] et [K] [H], n'ont pas commis une faute inexcusable au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, susceptible d'exclure le droit à indemnisation de leurs proches,

- que les fautes commises par Monsieur [A] excluent tout droit à indemnisation au profit de la société BISSON & FILS TRANSPORTS,

- statué sur les demandes des proches des victimes,

- condamné la société BISSON & FILS TRANSPORTS in solidum avec la compagnie GENERALI France à indemniser les préjudices résultant du décès de Monsieur [I] [H] et condamné la société BISSON & FILS TRANSPORTS in solidum avec la compagnie GENERALI France et la compagnie AXA FRANCE à réparer les préjudices consécutifs au décès de Monsieur [K] [H] ,

- et dit que chacun des assureurs, la compagnie GENERALI France et la compagnie AXA France supportera par moitié les indemnités allouées en réparation des préjudices nés du décès de Monsieur [K] [H],

Madame [C] [U], veuve [H], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des biens de sa fille mineure [G] [H], née le [Date naissance 5] 1995, Madame [N] [O] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités d'administratrice légale des biens de son fils [K] [H], né le [Date naissance 1] 1999 et la société BISSON & FILS TRANSPORTS ainsi que la société GENERALI Assurances IARD ont relevé appel du jugement.

Mesdames [C] [U], veuve [H] et [N] [O], agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités, ont demandé la confirmation des dispositions du jugement relatives à leur droit à indemnisation, l'implication des véhicules et la contribution des assureurs mais ont sollicité l'infirmation des dispositions ayant statué sur leurs préjudices et ceux de leurs enfants ainsi que la condamnation in solidum de la société BISSON & FILS TRANSPORTS et des sociétés GENERALI et AXA au paiement des intérêts au double du taux légal, à compter du 31 janvier 2004 et jusqu'à complet paiement, en vertu de l'article L.211-13 du code des assurances.

La société GENERALI IARD et la société BISSON & FILS TRANSPORTS, ont notamment, soulevé l'irrecevabilité de la demande fondée sur l'article L.211-13 du code des assurances car nouvelle, subsidiairement, elles ont fait valoir que cette pénalité ne pourrait s'appliquer que du 31 janvier au 22 juin 2004, date de leurs premières conclusions valant offres d'indemnisation. Elles ont conclu à titre principal, au débouté des consorts [H]-[O] de leurs demandes, leur opposant la faute inexcusable commise par les deux victimes directes, à titre subsidiaire, elles ont offert diverses indemnités et demandé que les sociétés AGF et MMA soient condamnées à les garantir de toute condamnation prononcées à leur encontre. A titre reconventionnel, elles ont sollicité la condamnation in solidum des sociétés MMA et AGF à leur rembourser le préjudice matériel subi par la société BISSON & FILS TRANSPORTS.

La société ASSURANCES GENERALES FRANCE (AGF), assureur du tracteur MERCEDES conduit par Monsieur [K] [H], a notamment, soutenu, sur l'appel en garantie formé par la société BISSON & FILS TRANSPORTS et son assureur, que sa garantie n'est pas acquise au motif que le contrat souscrit par Monsieur [K] [H] pour ce véhicule MERCEDES, stipule, sous peine de non-assurance, que les remorques tractées d'un poids dépassant 750 kg doivent être désignées aux dispositions particulières et qu'en l'espèce, les remorques tractées lors de l'accident, pesaient 5,5 et 2,8 tonnes et n'étaient pas visées aux dispositions particulières du contrat. A titre subsidiaire, elle a fait valoir que Messieurs [H] [I] et [K] ont commis une faute rendant sans objet sa garantie à l'égard de leurs ayants droit et plus subsidiairement, que seule la remorque dont un pneu a éclaté, tractée par le véhicule MERCEDES, a pu avoir un rôle causal dans l'accident et qu'en conséquence, seule la garantie de son assureur les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES doit être mise en oeuvre, enfin, à titre infiniment subsidiaire, elle a indiqué que l'existence d'une co-assurance impliquerait la répartition de la charge du sinistre par parts viriles entre elle-même et les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES.

La société MMA IARD, a demandé la confirmation du jugement et subsidiairement soutenu qu'aucun recours ne peut prospérer à son encontre, compte tenu du caractère subrogatoire d'un tel recours et du défaut de co-auteur du dommage; qu'en effet les victimes subrogeantes, ne peuvent transférer leurs droits et actions au solvens qu'à l'encontre d'un éventuel responsable co-impliqué et qu'en l'espèce les victimes Messieurs [I] et [K] [H] étaient les gardiens des remorques de leur ensemble routier et ne peuvent donc subroger contre eux-mêmes.

La compagnie AXA France, appelante incidente, en tant qu'assureur de la semi-remorque attelée au tracteur de la société BISSON, a demandé notamment sa mise hors de cause et une indemnité au titre de l'article 700 du CPC.

Par arrêt définitif du 17 novembre 2008, cette chambre a, notamment,

- déclaré recevables les demandes présentées par Mesdames [U], veuve [H] et [O] tant en leur nom personnel qu'ès qualités;

-confirmé les dispositions du jugement relatives au droit à indemnisation intégrale de Mesdames [U], veuve [H] et [O] tant en leur nom personnel qu'ès qualités et à l'article 700 du CPC;

- infirmé le jugement en ses dispositions relatives à l'implication des véhicules, aux montants des indemnités dues aux consorts [H]-[O], à la demande reconventionnelle formée par la société BISSON & FILS TRANSPORTS et son assureur ainsi qu'à la garantie de la compagnie AXA France;

- statuant à nouveau de ces chefs:

* dit impliqués dans l'accident tous les véhicules composant les deux ensembles routiers conduits d'une part par Monsieur [K] [H] et d'autre part, par le préposé de la société BISSON & FILS TRANSPORTS;

* condamné in solidum la société BISSON & FILS TRANSPORTS et la société GENERALI IARD à verser à:

¿ Madame [C] [U] veuve [H], la somme de 22.000€ au titre du préjudice moral résultant du décès de son mari, la somme de 22.000€ en réparation du préjudice moral résultant du décès de son fils [K], la somme de 8.700€ en remboursement des frais d'obsèques exposés pour les deux victimes;

¿ Madame [C] [U] veuve [H] en qualité d'administratrice légale des biens de sa fille mineure, [G], la somme de 20.000€ au titre du préjudice moral souffert par l'enfant du fait du décès de son père; la somme de 10.000€ en indemnisation du préjudice moral subi par l'enfant à la suite du décès de son frère [K];

¿ Madame [N] [O], la somme de 22.000€ au titre du préjudice moral résultant du décès de son concubin Monsieur [K] [H], la somme de 507.392,46€ au titre de son préjudice économique;

¿ Madame [N] [O], en qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur [K] [R], la somme de 22.000€ au titre du préjudice moral souffert par l'enfant du fait du décès de son père; la somme de 8.000€ en indemnisation du préjudice moral subi par l'enfant en raison du décès de son grand père; la somme de 52.127,64€ en réparation du préjudice économique de l'enfant;

Ces sommes en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l'exécution provisoire non déduites, augmentées des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

¿ Madame [C] [U] veuve [H] et Madame [N] [O] agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités, la somme de 1.500€ (mille cinq cents euros) chacune, sur le fondement de l'article 700 du CPC;

* condamné les sociétés AGF et MMA IARD in solidum à payer avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, à la société BISSON & FILS TRANSPORTS, la somme de 5.378,64€ en réparation de son préjudice matériel;

* débouté les parties de leurs demandes à l'encontre de la société AXA France et mis celle-ci hors de cause;

* débouté la société AXA France de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC;

* avant-dire droit sur le surplus des demandes, renvoyé l'affaire à une audience de la mise en état et invité les parties à conclure notamment, sur l'identité du ou des gardiens ou conducteur des véhicules de l'ensemble routier conduit par Monsieur [K] [H] ainsi qu'à produire aux débats les conclusions du 22 juin 2004 invoquées par la société GENERALI IARD comme valant offres d'indemnisation aux consorts [H]-[O];

* réservé les dépens.

Par dernières conclusions du 30 octobre 2009, Madame [C] [U], veuve [H] et Madame [N] [O], toutes deux agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités d'administratrice légale des biens de leurs enfants mineurs, respectivement [G] [H] et [K] [H], maintiennent leur demande de pénalité pour défaut d'offre d'indemnisation estimant que par ses conclusions du 22 juin 2004 qui ont été versées aux débats, la société GENERALI n'a pas satisfait aux exigences de l'article L.211-9 du code des assurances puisqu'elle a, à titre principal contesté leur droit à indemnisation et n'a formulé qu'à titre subsidiaire, des offres de surcroît incomplètes. Elles demandent en conséquence à la cour de dire que les indemnités qui leur ont été allouées, porteront intérêts au double du taux légal du 31 janvier 2004 jusqu'au jour où l'arrêt du 17 novembre 2008 est devenu définitif et de condamner la compagnie GENERALI à payer à chacune d'elles la somme de 600€ au titre de l'article 700 du CPC.

Les sociétés GENERALI IARD, (nouvelle dénomination de GENERALI ASSURANCES IARD) et BISSON et FILS TRANSPORTS, dans leurs dernières conclusions du 4 janvier 2010, soutiennent que Messieurs [K] et [I] [H] étaient chacun le gardien des éléments dont il était propriétaire et que Monsieur [I] [H] était donc demeuré le gardien de la remorque de marque BILLANPTA tandis que Monsieur [K] [H] était le gardien du tracteur qu'il conduisait ainsi que de la seconde remorque qui y était attelée. Les sociétés GENERALI IARD et BISSON et FILS TRANSPORTS en déduisent que la société ALLIANZ venant aux droits des AGF, en sa qualité d'assureur du tracteur, doit être tenue de prendre en charge l'indemnisation des préjudices résultant du décès de Monsieur [I] [H] tandis que la société MMA, en sa qualité d'assureur de la remorque de Monsieur [I] [H], doit être tenue de l'indemnisation des préjudices découlant du décès de [K] [H]. Elles font valoir que tant Monsieur [K] [H] que Monsieur [I] [H] ont commis des fautes à l'origine de l'accident, Monsieur [K] [H] en arrêtant l'ensemble routier qu'il conduisait dans des conditions dangereuses, à un endroit non adapté à son gabarit, de nuit, sans éclairage et sans pré-signalisation, et Monsieur [I] [H] en laissant son fils se garer dans ces conditions ainsi qu'en sa qualité de gardien de la remorque dont le pneumatique a éclaté, probablement en raison de sa surcharge. La société GENERALI IARD et son assuré, demandent que soient condamnées à garantir la compagnie GENERALI IARD et à lui rembourser les sommes qu'elle a versées, d'une part, la société ALLIANZ pour l'intégralité des sommes réglées aux ayant-droits de Monsieur [I] [H] et d'autre part, la société MMA pour l'intégralité des sommes réglées aux ayant-droits de Monsieur [K] [H]. A titre plus subsidiaire, elles demandent à la cour d'opérer un partage par parts viriles, entre la société GENERALI IARD et la société ALLIANZ s'agissant des préjudices des ayants-droit de Monsieur [I] [H] et entre la société GENERALI IARD et la société MMA pour les préjudices des ayants-droit de Monsieur [K] [H] . Enfin, elles maintiennent que les offres faites à titre subsidiaire, par leurs conclusions du 22 juin 2004, doivent arrêter le cours des intérêts au double du taux légal et sollicitent la condamnation in solidum des sociétés MMA et ALLIANZ IARD à leur payer la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Par dernières conclusions du 4 janvier 2010, la société ALLIANZ IARD venant aux droits des AGF maintient sa demande de mise hors de cause estimant qu'en vertu du paragraphe 4 de la police souscrite, sa garantie ne peut être mise en oeuvre; subsidiairement, elle s'oppose au recours formé par la société GENERALI au motif que Monsieur [K] [H] n'a pas commis de faute en lien de causalité avec le décès de son père, plus subsidiairement, indique que sa part contributive ne saurait excéder le tiers des préjudices résultant du décès de Monsieur [I] [H] par suite d'une répartition par parts viriles, et demande, en tout état de cause, la condamnation de la partie succombante à lui verser la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du CPC.

La société MMA par dernières conclusions du 19 octobre 2009 affirme que Monsieur [K] [H] était le seul gardien de l'ensemble des véhicules qu'il conduisait et tractait, elle fait toutefois valoir que les victimes ne peuvent avoir de responsabilité du fait de leur décès à l'égard de leur propre famille et subsidiairement qu'aucune d'elles, en qualité de co-auteur, ne peut avoir commis une faute en lien de causalité avec le dommage de l'autre victime. Elle sollicite le débouté des sociétés GENERALI, BISSON et AGF de leurs demandes dirigées à son encontre et l'allocation de la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC. Plus subsidiairement, elle demande que sa part contributive n'excède pas 1/5e du dommage puisque cinq véhicules sont impliqués dans l'accident.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur la demande de doublement des intérêts:

En application des articles L. 211-9, celui-ci dans sa version antérieure au 1er août 2003 applicable en l'espèce, et R.211-30 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter en cas de décès de la victime ayant subi une atteinte à sa personne, dans le délai de huit mois de l'accident si la victime est décédée dans le mois suivant cet accident, une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, à ses héritiers et s'il y a lieu à son conjoint. Une offre doit aussi être présentée aux autres victimes dans un délai de huit mois à compter de leur demande d'indemnisation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par ces articles, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L.211-13 du même code, des intérêts au double du taux légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

En l'espèce, Mesdames [H] et [O] en leurs noms et au nom de leurs enfants mineurs, demandent, à défaut d'offres conformes aux dispositions légales, l'application de la pénalité prévue par l'article L.211-13 du code des assurances, du 31 janvier 2004 jusqu'à la date à laquelle l'arrêt du 17 novembre 2008 est devenu définitif, tandis que la société GENERALI IARD ne conteste pas son obligation de présenter dans le délai de huit mois de l'accident, une offre aux victimes parties à l'instance, mais soutient que ses conclusions signifiées le 22 juin 2004 valent offres puisque la contestation du droit à indemnisation qu'elle leur opposait, justifiait que cette offre ait été faite à titre subsidiaire. Les sociétés MMA et ALLIANZ n'ont pas conclu sur ce point.

Par conclusions du 22 juin 2004, la société GENERALI a en effet demandé à titre principal, le débouté de l'ensemble des demandes formées par les proches de Messieurs [H] [I] et [K] en raison de la faute inexcusable qu'elle reprochait à ces deux derniers, et à titre subsidiaire, offert différentes indemnités, notamment à Mesdames [H] et [O] en réparation de leurs préjudices propres ainsi que de ceux de leurs enfants [G] et [K] [R].

Toutefois, une offre subordonnée à la reconnaissance par décision de justice du droit à indemnisation, n'est pas une offre ferme et équivaut à une absence d'offre.

Les indemnités allouées par l'arrêt du 17 novembre 2008 produiront donc des intérêts au double du taux légal du 31 janvier 2004 jusqu'à la date à laquelle cet arrêt est devenu définitif.

Sur les demandes en garantie et les recours:

La loi du 5 juillet 1985 (articles 1 et 2) désigne en qualité de débiteur de l'obligation d'indemniser les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, le conducteur ou le gardien de ce véhicule impliqué, et ces derniers ainsi que l'assureur du véhicule, condamnés à réparer les dommages causés à un tiers, ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur ou son assureur, que sur le fondement des articles 1382 et 1251 du Code civil.

La contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives et en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs des véhicules impliqués, la contribution se fait entre eux, par parts égales.

* sur la garde des véhicules:

La société MMA ayant soutenu qu'aucun recours ne pouvait prospérer à son encontre en l'absence de co-auteur du dommage, Messieurs [H] [I] et [K], victimes directes, étant les gardiens des remorques de leur ensemble routier et ne pouvant subroger contre eux-mêmes, les parties ont été invitées à s'expliquer sur la qualité de gardien de chacun d'eux.

Les sociétés GENERALI et BISSON et FILS TRANSPORTS soutiennent que Monsieur [I] [H] était le gardien de la remorque lui appartenant et son fils [K], celui des deux autres éléments de l'ensemble routier.

Cependant, la société MMA indique justement que seul Monsieur [K] [H] était le gardien de l'ensemble des véhicules qu'il conduisait. En effet, Monsieur [K] [H] qui transportait du matériel, pour les besoins de l'entreprise qu'il dirigeait, dans les deux remorques attelées au tracteur qu'il conduisait, avait les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur l'ensemble du convoi, de son chargement à son arrêt sur la bande d'arrêt d'urgence, peu important que la remorque dont le pneumatique a éclaté ait appartenu à son père également présent en tant que passager.

Il s'ensuit que les sociétés BISSON et FILS TRANSPORTS et GENERALI IARD ne disposent d'aucun recours subrogatoire à l'encontre du ou des assureurs des véhicules dont Monsieur [K] [H] était le gardien et résultant du décès de ce dernier, dans la mesure où Monsieur [K] [H], comme ses ayants droits, ne pouvait obtenir l'indemnisation de ses préjudices de l'assureur garantissant en application de l'article L.211-1 du code des assurances sa propre responsabilité civile en raison des dommages subis par des tiers, mais qu'en revanche, elles sont bien fondées à exercer un tel recours s'agissant des préjudices découlant du décès de Monsieur [I] [H].

* les fautes:

Par l'arrêt définitif du 17 novembre 2008, la cour a dit que le conducteur de l'ensemble routier appartenant à la société BISSON et FILS TRANSPORTS n'a pas commis de faute. En revanche, Monsieur [K] [H] a commis des fautes en arrêtant l'ensemble routier sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute, son côté gauche 'à l'aplomb de la bande séparative de la voie de droite' selon le rapport de police établi à la suite de l'accident, alors que l'autoroute disposait de refuges à 1.090 mètres avant le lieu de l'accident et à 520 mètres en aval, puis en omettant de signaler la présence de son convoi en amont, par un triangle de signalisation, bien que l'autoroute ait été dépourvue d'éclairage.

Ces fautes ont bien contribué au dommage subi par les victimes, contrairement à ce que prétendent les sociétés MMA et ALLIANZ IARD, notamment au dommage subi par Monsieur [I] [H], qui a nécessairement dû descendre du tracteur et participer à la réparation de la roue, à l'endroit où son fils avait arrêté l'ensemble routier.

Monsieur [K] [H] étant le seul conducteur fautif, la charge de l'indemnisation des préjudices consécutifs au décès de Monsieur [I] [H] incombe aux compagnies assurant les véhicules dont Monsieur [K] [H] était à la fois conducteur et gardien.

Sur la garantie de la société ALLIANZ IARD venant aux droits des AGF:

Celle-ci indique que sa garantie n'est pas due, en application du paragraphe 4 de la police souscrite auprès d'elle, en raison de la surcharge des remorques attelées au tracteur conduit par Monsieur [K] [H] et les autres parties n'ont pas conclu sur ce point.

Le contrat souscrit stipule en effet qu'est assurée la remorque destinée à être attelée au tracteur faisant l'objet du contrat, sous réserve que son poids total autorisé en charge n'excède pas 750 kg et que lorsque ce poids est dépassé, 'la remorque, la semi-remorque.., sans limitation de poids est garantie si elle est expressément désignée aux Dispositions particulières. La non-déclaration entraîne la non-assurance du véhicule terrestre à moteur et de la remorque, même si, en cas de sinistre, son influence a été nulle'.

Les dispositions particulières versées aux débats par la société ALLIANZ IARD ne visent que le tracteur MERCEDES et ne mentionnent pas les remorques or il ressort du rapport établi par les services de police, et il n'est pas contesté, que les remorques attelées au tracteur MERCEDES, avaient un PTAC légal de 2,800 tonnes, pour la remorque BILLANTPA et un PTAC de 8,5 tonnes pour la remorque de marque TROUILLET.

Cependant, il résulte de l'article L.211-1 du code des assurances que les contrats d'assurance doivent couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée de son véhicule, et de l'article R.211-4 du même code que l'adjonction à un véhicule terrestre à moteur d'une remorque dont les caractéristiques n'entrent pas dans les prévisions de la police constitue une aggravation du risque couvert par le contrat qui ne peut être sanctionnée, en l'absence de mauvaise foi de l'assuré non invoquée en l'espèce, que par la réduction de l'indemnité laquelle n'est pas demandée.

La société ALLIANZ IARD sera donc tenue à garantie.

Dès lors, la charge de l'indemnisation des préjudices résultant du décès de Monsieur [I] [H] incombe aux sociétés ALLIANZ IARD et MMA, à hauteur d'un tiers pour la première en sa qualité d'assureur d'un véhicule impliqué et à concurrence des deux-tiers pour la seconde en tant qu'assureur de deux des trois véhicules impliqués.

Compte tenu des dernières demandes, la société ALLIANZ IARD sera condamnée à garantir intégralement les sociétés BISSON et FILS TRANSPORTS et GENERALI IARD des condamnations prononcées en réparation des préjudices consécutifs au décès de Monsieur [I] [H] ainsi qu'à leur rembourser l'ensemble des sommes payées à ce titre, et la société MMA sera condamnée à garantir la société ALLIANZ IARD à hauteur des deux tiers des indemnités dues de ce chef et à lui rembourser dans les mêmes proportions, les sommes déjà réglées.

Sur l'article 700 du CPC:

Il sera alloué à Mesdames [H] et [O], chacune, une indemnité complémentaire de 600€.

Il n'y a pas lieu en revanche de faire droit aux autres demandes présentées de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Vu le jugement du 14 mars 2006 prononcé par le tribunal de grande instance de Paris;

Vu l'arrêt rendu par cette chambre le 17 novembre 2008;

Infirme le jugement en ses dispositions relatives à la charge de l'indemnisation des préjudices résultant du décès de [K] [H] et aux dépens;

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant:

Condamne la société GENERALI IARD à payer:

- les intérêts au double du taux légal à compter du 31 janvier 2004 jusqu'à la date à laquelle l'arrêt du 17 novembre 2008 est devenu définitif, sur les indemnités allouées par cet arrêt à Mesdames [C] [U], veuve [H] et [N] [O] agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités;

- la somme de 600€ sur le fondement de l'article 700 du CPC à Mesdames [C] [U], veuve [H] et [N] [O], chacune;

Dit que Monsieur [K] [H] était le gardien de tous les véhicules composant l'ensemble routier qu'il conduisait et seul conducteur fautif;

Déboute les sociétés BISSON et FILS TRANSPORTS et GENERALI IARD de leurs demandes en garantie et en remboursement portant sur les indemnités allouées aux consorts [H]-[O] en réparation des préjudices résultant du décès de Monsieur [K] [H];

Condamne la société ALLIANZ IARD à garantir intégralement les sociétés BISSON et FILS TRANSPORTS et GENERALI IARD des condamnations prononcées en réparation des préjudices consécutifs au décès de Monsieur [I] [H] et à leur rembourser l'ensemble des sommes payées à ce titre;

Condamne la société MMA à garantir la société ALLIANZ IARD à hauteur des deux-tiers des condamnations prononcées en réparation des préjudices consécutifs au décès de Monsieur [I] [H] et à lui rembourser, dans les mêmes conditions, les sommes réglées de ce chef;

Déboute les parties de leurs autres demandes;

Condamne in solidum les sociétés BISSON et FILS TRANSPORTS, GENERALI IARD, ALLIANZ IARD et MMA aux dépens de première et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC;

Dit que dans leurs rapports entre elles, les sociétés BISSON et FILS TRANSPORTS et GENERALI IARD, supporteront ces dépens à hauteur de la moitié et que la charge de l'autre moitié incombera à hauteur des deux-tiers à la société MMA et à concurrence d'un tiers à la société ALLIANZ IARD.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 06/07456
Date de la décision : 08/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°06/07456 : Statue à nouveau en faisant droit à la demande en tout ou partie


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-08;06.07456 ?
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