RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 04 Mars 2010
(n° 17 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01201 BF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Janvier 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de EVRY RG n° 08-00331
APPELANTE
CENTRE HOSPITALIER [7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Rachid MEZIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : K084 substitué par Me Alann GAUCHOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K 084
INTIMEE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE CPAM 49
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Mme [R] en vertu d'un pouvoir spécial
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales -
DRASS PAYS DE LA LOIRE 44 - 49 - 53 - 72 - 85
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2],
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2010, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bertrand FAURE, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Mademoiselle Séverine GUICHERD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par le CENTRE HOSPITALIER [7] d'un jugement rendu le 8 Janvier 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY dans un litige l'opposant à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) d'ANGERS ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que [D] [E] était salariée pour le compte du CENTRE HOSPITALIER [7] en qualité d'aide soignante depuis le 15 Septembre 1971 ; le 6 Décembre 2004 le CENTRE HOSPITALIER [7] a complété une déclaration d'accident du travail au titre d'un accident dont [D] [E] lui a déclaré avoir été victime aux temps et lieu de travail le 4 Décembre 2004 ; des circonstances de l'accident telle que relatées par l'employeur sur cette déclaration il ressort que le 4 Décembre 2004 à 19h45 alors qu'elle se trouvait dans le service de psychiatrie la salariée a senti son épaule ' craquer ' avec une douleur violente en procédant au change d'une patiente alitée ; s'agissant du siège des lésions invoquées au titre de cet accident il a été mentionné un traumatisme à l'épaule droite ; le certificat médical initial dressé pour cet accident a été établi le 6 Décembre 2004 ;
Le 18 Janvier 2008 le CENTRE HOSPITALIER [7] a saisi la Commission de Recours Amiable de la CPAM d'ANGER aux fins de se voir déclarer inopposable la décision de cet organisme ayant reconnu le caractère professionnel de l'accident en cause ; en sa séance du 7 Février 2008 ladite Commission a rejeté la requête présentée en retenant qu'à la lecture de la déclaration d'accident du travail la matérialité du fait accidentel était suffisamment établie pour faire l'objet sans investigation complémentaire d'une prise en charge au titre de la législation professionnelle, et en justifiant ainsi une reconnaissance implicite ; le CENTRE HOSPITALIER [7] s'est alors pourvu devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY qui par le jugement déféré l'a débouté de ses demandes ;
Sur le principe du contradictoire les premiers juges ont estimé qu'en l'absence de réserves de l'employeur sur la déclaration d'accident du travail la Caisse était en droit de prendre en charge d'emblée et par décision implicite l'accident du travail déclaré par [D] [E], ce sans avoir à procéder à une mesure d'instruction ; sur la matérialité du fait accidentel ils ont admis l'existence de présomptions suffisantes de la survenance de celui-ci aux temps et lieu de travail ; ils ont par ailleurs écarté l'existence de nouvelles lésions en retenant notamment d'une part que les lésions constatées postérieurement à l'accident, dont la réparation de la coiffe de rotateurs, étaient survenues au siège de la lésion initiale et qu'elles en étaient donc la conséquence, d'autre part qu'il importait peu que la Caisse ait sollicité l'avis de son médecin conseil sur les troubles constatés postérieurement à l'accident, cette sollicitation pouvant s'analyser en une mesure d'instruction obligatoire en vertu de l'article R 441-11 du Code de la Sécurité Sociale ; ils ont enfin retenu l'existence d'un lien de causalité entre les différents symptômes constatés, les soins effectués et l'accident du travail, de sorte que la présomption d'imputabilité édictée par l'article L 411-1 du même Code n'était pas détruite ;
Le CENTRE HOSPITALIER [7] fait déposer et développer oralement par son conseil des conclusions où il est demandé à la Cour :
Déclarer le CENTRE HOSPITALIER [7] recevable et bien fondée en son appel,
A titre principal :
Constater que la preuve de la matérialité de l'accident dont Madame [E] a déclaré avoir été victime aux temps et lieu du travail le 4 décembre 2004 n'est pas rapportée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie D'ANGERS,
Infirmer le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY du 8 Janvier 2009,
En conséquence, dire et juger que la décision de prise en charge de cet accident est inopposable au CENTRE HOSPITALIER [7], avec toutes conséquences de droit,
A titre subsidiaire :
Constater que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'ANGERS n'a pas respecté les principes gouvernant la procédure contradictoire prescrits par les articles R 441-11 et suivants du Code de la Sécurité Sociale,
Dire et juger que la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'ANGERS de lésions distinctes de celles initialement constatées des suites de l'accident du travail déclaré par Madame [E] le 4 décembre 2004 est inopposable au CENTRE HOSPITALIER [7], avec toutes conséquences de droit,
Constater que la preuve d'un lien de causalité entre les lésions et séquelles indemnisées et l'accident du travail du 4 décembre 2004 n'est pas rapportée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'ANGERS,
En conséquence, dire et juger que la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie
d'[Localité 5] de prendre en charge au titre de la législation professionnelle les troubles et séquelles invoquées au titre de l'accident du travail déclaré le 4 décembre 2004 par Madame [E] est inopposable au CENTRE HOSPITALIER [7], avec toutes conséquences de droit,
A titre infiniment subsidiaire :
Ordonner une expertise médicale judiciaire aux fins d'éclairer la Cour de céans et les parties sur l'origine et l'imputabilité des lésions invoquées par Madame [E], suivant la mission ci-dessous définie,
Dans ce cadre, demander à l'expert de :
Se faire communiquer l'entier dossier médical constitué par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'ANGERS concernant l'accident du travail déclaré par Madame [E] le 4 décembre 2004,
Se faire communiquer la copie du dossier médical détenu par la Médecine du Travail concernant Madame [E],
Déterminer la lésion directement et exclusivement imputable à l'accident du travail déclaré par Madame [E] le 4 décembre 2004,
Préciser, le cas échéant, la nature de cet état pathologique antérieur ou indépendant de cet accident,
Dire si cet état pathologique antérieur est responsable en tout ou partie des lésions et arrêts de travail pris en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie D'ANGERS au titre de l'accident déclaré par Madame [E] le 4 décembre 2004,
Dans l'affirmative, fixer la durée de l'arrêt de travail de Madame [E] en rapport avec cet état pathologique antérieur,
Déterminer la durée de l'arrêt de travail de Madame [E] ayant un lien direct et exclusif avec l'accident du travail déclaré par Madame [E] le 4 décembre 2004,
Fixer la date de consolidation des lésions directement et exclusivement consécutives à l'accident du travail déclaré par Madame [E] le 4 décembre 2004, indépendamment du rôle d'un état antérieur ;
Fixer le taux d'incapacité permanente partielle relatif aux séquelles directement et exclusivement imputables à l'accident déclaré par Madame [E] le 4 décembre
2004 ' ;
La CPAM d'ANGER fait déposer et développer oralement par son représentant des conclusions où il est sollicité ce qui suit :
' Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY ;
Condamner le centre hospitalier de [7] à payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du NCPC ' ;
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant que le jeu de la présomption d'imputabilité, suppose la survenance d'un fait accidentel aux temps et lieu du travail ; qu'en d'autres termes ce n'est que lorsque la matérialité des faits est établie que peut s'appliquer la présomption d'imputabilité dispensant la victime d'établir le lien de causalité entre le fait établi et les lésions ; que pour autant la décision par laquelle la CPAM d'ANGERS a pris en charge l'accident dont a été victime [D] [E] n'est pas ipso facto opposable au CENTRE HOSPITALIER [7] qui de premier chef, conteste la réalité de cet accident et n'emporte donc pas renversement de la charge de la preuve à l'égard de cet employeur ; qu'en conséquence en présence de la contestation élevée par celui-ci après coup, il incombe à la Caisse substituée dans les droits de la victime et qui a considéré comme établie à son égard la matérialité de l'accident survenu à [D] [E] d'en rapporter la preuve, en précisant les présomptions graves précises et concordantes retenues par elle et fondant sa décision ;
Considérant que la preuve de cette matérialité peut être administrée par l'existence de témoin(s) ou par la recherche d'éléments objectifs susceptibles d'être admis à titre de présomptions ;
Considérant qu'en l'espèce il résulte du dossier et des débats qu'il n'existe aucune personne pouvant attester de l'état physique de [D] [E] au début de sa plage horaire de travail, se situant le 4 Décembre 2004 à 19h30 ; que l'intéressée a poursuivi son travail jusqu'à 7 heures 30 le lendemain ; qu'elle a de surcroît normalement occupé son poste le 5 Décembre 2004 ; que le CENTRE HOSPITALIER [7] n'a eu connaissance de l'accident que le 6 Décembre 2004, soit deux jours après la survenance des faits allégués ; que dans la déclaration réglementaire qu'il a établi à cette date - fut - ce en l'absence de réserves, qui ne vaut pas reconnaissance, de la part de l'employeur - il n'a fait que reporter les circonstances de l'accident telles qu'elles lui ont été décrites ainsi que l'identité du témoin désigné, en l'espèce Madame [J] ; que la seule mention de ce témoin ne saurait constituer un élément de preuve objectif dès lors qu'il n'est pas établi que celui-ci ait été interrogé par la Caisse ; que de même, rappel étant fait que la présomption d'imputabilité ne bénéficie qu'aux lésions constatées dès l'accident ou dans un temps voisin et qui ont une relation de cause à effet avec le fait accidentel ce n'est encore que le 6 décembre 2004 qu'à été délivré le certificat médical initial dressé au titre de l'accident en cause ; qu'en tant que de besoin la Cour ajoutera que le CENTRE HOSPITALIER [7] dispose d'un registre de déclaration d'accidents du travail bénins pour lequel il a désigné dans l'établissement différents donneurs de soins ; que pour autant il apparaît que l'accident invoqué par [D] [E] n'a pas été mentionné sur ce registre, cette dernière, ne s'étant pas non plus rapprochée d'un des donneurs de soins ; qu'ainsi en définitif il n'est pas non plus démontré que des doléances quelconques de l'intéressée aient été recueillies après l'accident et avant la fin de sa plage horaire de travail ; qu'il s'ensuit que la CPAM d'ANGERS n'administre pas la preuve lui incombant aucun des éléments du dossier n'ayant valeur probante au regard de la matérialité du fait accidentel et l'hypothèse restant réservée d'un accident survenu dans d'autres circonstances que celles alléguées, c'est à dire alors que l'assurée ne se trouvait pas sous la subordination de son employeur ;
Considérant dans ces conditions qu'à tort cet organisme a reconnu le caractère professionnel de l'accident invoqué par [D] [E] ; que cette prise en charge doit dont être déclarée inopposable au CENTRE HOSPITALIER [7] ;
Considérant qu'en conséquence, et sans y avoir lieu à suivre plus avant sur les mérites de l'argumentaire des parties la décision déférée doit être infirmée ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce l'équité ne commande pas de faire bénéficier la CPAM d'ANGERS partie succombant à l'instance, des dispositions de l'article 700 du CPC ;
PAR CES MOTIFS
Déclare le CENTRE HOSPITALIER [7] recevable et bien fondé en son appel ;
Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
Déclare inopposable au CENTRE HOSPITALIER [7] la décision prise par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'ANGERS de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident invoqué au 4 Décembre 2004 par [D] [E] ;
Déboute la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'ANGERS de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Le Greffier, Le Président,