Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 03 MARS 2010
(n° 61 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21434
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2004
Tribunal de Commerce de MONTEREAU
APPELANTES
Madame [C] [O]
[Adresse 11]
[Localité 5]
représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques-Michel FRENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 322
SA ROMO PIECES AUTOS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]
représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques-Michel FRENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 322
INTIMES
S.A. [O]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour
assistée de Me Michaël SICAKYUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D611
Monsieur [Z] [O]
[Adresse 11]
[Localité 5]
représenté par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
ayant pour conseil Me Charles ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : M 171
Monsieur [S] [O]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 8]
représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assisté de Me BOUBEE Pierre-Xavier, avocat au barreau de PARIS, toque : K 180
plaidant pour la SELARL DBC, avocat
SAS GREZ PIECES AUTOS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assisté de Me BOUBEE Pierre-Xavier, avocat au barreau de PARIS, toque : K 180
plaidant pour la SELARL DBC, avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 janvier 2010 en audience publique, après qu'il en ait été fait rapport par M.ROCHE, conseiller, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur LE FEVRE, président
Monsieur ROCHE, conseiller
Monsieur VERT, conseiller
qui ont délibéré
Greffier lors des débats Madame CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur LE FEVRE, président et Madame CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu l'arrêt du 24 mai 2006 par lequel la Cour de céans a :
Dit Madame [O] responsable d'une violation de son obligation contractuelle de non concurrence et M.[S] [O] ainsi que les sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS complices de cette violation,
Mis en revanche, hors de cause M.D. [O],
Condamné Madame [O] à indemniser la société [O] du préjudice résultant de sa faute contractuelle et in solidum [S][O] et les sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS du préjudice résultant de leurs fautes délictuelles,
Avant dire droit
- commis [V] [G], expert-comptable , [Adresse 3], afin d'évaluer le préjudice de la société [O] résultant des pratiques de violation de la clause de non-concurrence et de complicité au vu des éléments comptables et autres pièces qui lui seront remis par les parties concernant les activités commerciales de Madame [O] et de la société ROMO PIECES AUTOS, de M. [S][O] et de la société GREZ PIECES AUTOS ainsi que de la société [O],
- fixé à 15 000 € à la charge in solidum de madame [O], de M. [S] [O] et des sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS, la provision qui sera déposée au greffe aux fins de l'expertise et à mois le délai donné à l'expert pour déposer son rapport,
- débouté la société [O] de sa demande de fermeture des fonds de commerce exploités par les sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS,
- débouté les consorts [O] et les sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS de leurs demandes reconventionnelles,
- condamné in solidum madame [O] et la société ROMO PIECES AUTOS, M. [S] [O] et la société GREZ PIECES AUTOS à payer 10.000 € à la société [O] sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Vu le dépôt du rapport d'expertise de Mme [G], en date du 29 avril 2009 ;
Vu, enregistrées le 17 novembre 2009, les conclusions présentées par les sociétés [O] et tendant à faire :
A titre principal :
- déclarer nul et de nul effet le rapport d'expertise déposé par madame [G],
- dire que son préjudice doit être arrêté à la somme de 2.286.000,00 €,
- condamner en conséquence madame [O] à l'indemniser du préjudice résultant de sa faute contractuelle et in solidum M.E [O] ainsi que les sociétés ROMO PIECES AUTOS du préjudice résultant de leurs fautes délictuelles, en les condamnant solidairement à lui payer la somme de 2.286.000,00 €, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,
A titre subsidiaire :
- ordonner en tant que de besoin une nouvelle mesure d'expertise,
En tout état de cause,
- condamner in solidum Madame [O], M.[S] [O] ainsi que les sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS au versement de la somme complémentaire de 20.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu, enregistrées le 31 décembre 2009, les conclusions présentées par Madame [O] ainsi que par la société ROMO PIECES AUTOS et tendant à faire fixer le préjudice de la société [O] à la somme de 104 238 € et celui imputable à elle-même au quart de cette somme ;
Vu, enregistrées le 5 janvier 2010, les conclusions présentées par M. [S][O] et la société GREZ PIECES AUTO et tendant à faire :
- fixer le préjudice total subi par la société [O] résultant des pratiques de violation de l'obligation de non-concurrence et de complicité à la somme de 104 238 € ;
- fixer le préjudice imputable à Mme [O] 'résultant de sa faute contractuelle' à la somme de 26.059,50€ ;
- fixer le préjudice imputable in solidum aux sociétés GREZ PIECES AUTOS, ROMO PIECES AUTOS et à M. [S] [O] et 'résultant de leurs fautes délictuelles' à la somme de 78.178,50€;
- débouter la société [O] du surplus de ses demandes fins et conclusions.
Sur la régularité du rapport expertal
Considérant que l'expert a tenu 4 réunions et établi 2 notes de synthèse avant le rapport ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande principale aux fins de constat de la nullité du rapport d'expertise la société [O] excipe, tout d'abord, de la 'durée et du déroulement anormal des opérations d'expertise' en ce que celles-ci ont pris 18 mois alors que dès la première réunion elle avait remis une note de son expert, M. [L], lequel déterminait avec précision son préjudice à 2 286.000 € 'selon une méthodologie simple après étude des mêmes éléments comptables que ceux que l'expert judiciaire a eu en main pour répondre à sa mission '; que si la société [O] ajoute à cette critique l'absence du 'pré-rapport' annoncé par l'expert pour le mois d'octobre 2007, il convient, toutefois, de relever que dans sa note de synthèse du 4 avril 2008 Madame [G] avait elle-même souligné : 'je n'ai pas annoncé lors de votre réunion du 6 septembre 2007 que j'établirai un pré-rapport. Je n'établis un pré-rapport que lorsque la décision de justice me le demande expressément'; qu'en tout état de cause, la circonstance que l'expert ait adressé aux parties une seconde 'note de synthèse' et non un pré-rapport ne saurait aucunement constituer une irrégularité susceptible d'entacher de nullité son rapport ; qu'il en est de même de la durée des opérations, laquelle a été induite par la complexité de l'évaluation à effectuer et par l'opposition même entre les parties sur les calculs à réaliser et les paramètres à prendre en compte ; qu'enfin la société [O] ne peut utilement reprocher à l'expert d'avoir accompli sa mission et de ne pas s'être contenté de reprendre l'analyse de M. [L] ;
Considérant que la société [O] soutient, en deuxième lieu, que l'expert n'aurait pas tenu compte de l'impact de la société CASH AUTO dans la détermination de son préjudice et ce en violation de l'autorité de la chose jugée puisque l'arrêt susvisé mentionne expressément cette société dans l'appréciation des faits reprochés à Madame [O] ; que, cependant, il ressort de l'examen des énonciations de rapport expertal que celui-ci a expressément pris en considération l'impact allégué de la société CASH AUTOS et, après
une analyse précise du chiffre d'affaires réalisé par la société [O], écarté toute incidence sur l'activité de cette dernière de l'installation de ladite société ; qu'aucune violation de l'autorité de la chose jugée ne saurait, dès lors, être imputée à madame [G] de ce chef ;
Considérant que la société [O] reproche, en troisième lieu, au rapport d'expertise 'la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense' au motif d'une 'prétendue absence de transmission de pièces dont il est avéré qu'elle est inexacte' ; que, cependant , l'intéressée indique elle-même dans ses écritures n'avoir transmis que le seul 'chiffre d'affaires mensuel de l'année 2000 - 2001" alors que l'expert avait sollicité 'le cumul de chiffres d'affaires de 2000 à 2001 et les modalités de traitement du compte Frais-FILIA-MAIF dans la présentation des chiffres d'affaires mensuels pour les années 2001 à 2005"; que la société [O] ne peut, dès lors, se prévaloir de ses propres carences dans la communication des documents sollicités pour invoquer une prétendue violation du principe du contradictoire ;
Considérant enfin, que la société [O] soutient que le rapport serait, en tout état de cause, nul du fait de son 'incohérence' et de ses 'contradictions manifestes' ; qu'elle considère que le fait pour l'expert d'avoir envisagé dans le cadre d'une note de synthèse en date du 18 janvier 2008 une évaluation de son préjudice à la somme de 458 000 € ne pouvait l'autoriser à le réduire ultérieurement à société à la somme de 104 238 € ; qu'il s'agirait, selon la société [O], d'une 'volte face inexplicable autrement que par une mesure de rétorsion' consécutive à la saisine par ses soins du magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise ; qu'il sera, néanmoins, relevé que si l'expert avait effectivement procédé à une première analyse du préjudice l'estimant à 458.000 €, aucune nullité ne saurait, en tant que telle, s'inférer du fait qu'à la suite de la poursuite des opérations expertales et, notamment, de la transmission de dires les 8 et 15 février 2008, une nouvelle évaluation du préjudice soit proposée au regard des nouvelles explications fournies et des nouveaux éléments comptables et financiers produits par les parties ;
Considérant qu'il échet, en conséquence, de rejeter l'ensemble des moyens invoqués par la société [O] à l'appui de sa demande aux fins de nullité du rapport d'expertise déposé par madame [G] .
Au fond
Considérant, que si aux termes de sa note de synthèse susmentionnée du 18 janvier 2008, l'expert avait initialement considéré que 'le calcul du préjudice de la société [O] peut s'effectuer en considérant que la seule existence de la société GREZ PIECES AUTOS s'est effectuée au détriment de la société [O] et que la totalité du chiffre d'affaires réalisé par la société GREZ PIECES AUTOS entre le 1er juin 2002 et le 9 mars 2003 aurait dû être réalisé par la société [O]', il a, par la suite, modifié son approche, ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, après avoir observé que, du 1er octobre 2000 au 31 mai 2002, date de création de la société GREZ PIECES AUTOS, le chiffre d'affaires de la société [O]
avait d'ores et déjà baissé de plus de 457 500 € ; qu'il a, alors , justement considéré que
' la baisse d'activité [O] n'est pas due aux seuls effets des agissements des sociétés
GREZ PIECES AUTOS et ROMO PIECES AUTOS contrairement à ce que (la SA [O]) a pu soutenir' (point 5.5.1 du rapport) ; qu'en outre l'expert a également souligné que le chiffre d'affaires dont s'agit ne pouvait, en aucun cas, constituer une base pertinente d'évaluation du préjudice allégué et qu'il convenait de limiter la base de calcul au seul chiffre d'affaires afférent aux clients identifiés comme ayant été perdus par la société [O] et captés par la société GREZ PIECES AUTOS ; que, par ailleurs, le préjudice considéré avait été, lors d'une première approche, calculé sans limitation dans le temps avant d'être réduit à la durée d'application des clauses de non-concurrence méconnues ;
Considérant que la critique d'ensemble formulée par la société [O] à l'encontre de la méthode sus-analysée revient à considérer la baisse cumulée de son chiffre d'affaires entre 2000 et 2005 comme étant imputable à la seule création de la société GREZ PIECES AUTOS alors même qu'aucun élément de fait ou de droit ne permet de rattacher la baisse invoquée, indépendamment des opérations précisément relevées par l'expert et ayant été à l'origine du détournement de clientèle retenu, à d'autres agissements déloyaux ou violation d'une obligation de non-concurrence de la part des appelants ; que c'est ainsi à bon droit que l'expert commis a estimé que la perte de marge brute (évaluée sur la base de la marge brute moyenne de la société [O] 'afin de la replacer autant que faire se peut dans la situation initiale, c'est-à-dire, dans une situation où elle n'aurait pas subi de préjudice') afférente au chiffre d'affaires identifié comme correspondant aux clients captés dont la liste a été précisément établie constituait le seul préjudice indemnisable subi par la société [O] au titre de sa perte d'activité ; que la Cour fait sien le mode de calcul retenu de ce chef par l'expert, lequel a évalué le préjudice en cause à la somme de 74 134 € ;
Considérant que l'expert a également pris en compte la dévalorisation du fonds de la société [O] liée à la perte de sa clientèle 'captée' par la société GREZ PIECES AUTOS ; que se fondant à cet effet sur les coefficients de valorisation de clientèle tels qu'ils ressortent des actes du 9 mars 2000 ainsi que du 31 mai 2002 et les rapportant au chiffre d'affaires réalisé par la société GREZ PIECES AUTOS, l'expert a exactement évalué le préjudice correspondant, distinct de la perte d'activité ci-dessus analysée, à la somme de 30104 € ;
Considérant qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une quelconque nouvelle mesure d'expertise, d'arrêter à la somme de 104 238€ le préjudice total de la société [O] et, eu égard à l'égale importance des fautes tant contractuelle que délictuelle commises par les auteurs du dommage, de condamner, d'une part, Madame [O] à verser à la société [O] la somme de 26059, 50 € et, d'autre part, de condamner in solidum les sociétés GREZ PIECES AUTOS, ROMO PIECES AUTOS ainsi que M. [S] [O] à payer la somme de 78178,50 € à la société [O], lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent arrêt;
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de condamner in solidum madame [O], M. [S][O] ainsi que les sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS à payer à la société [O] la somme de 2 000 € au titre des frais hors dépens afférents à la procédure postérieure à l'arrêt susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Fixe le préjudice total de la société [O] à la somme de 104 238 €.
Condamne madame [O] à verser à la société [O] la somme de 26 059,50 € outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Condamne in solidum les sociétés GREZ PIECES AUTOS, ROMO PIECES AUTOS ainsi que M. [S] [O] à payer la somme de 78 178,50 € à la société [O] outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives.
Condamne in solidum M. [S] [O] et Mme [O], ainsi que les sociétés ROMO PIECES AUTOS et GREZ PIECES AUTOS aux dépens, y compris les frais d'expertise, afférents à la procédure postérieure à l'arrêt susvisé.
Les condamne sous la même solidarité à payer à la société [O] la somme de 2 000 € au titre des frais hors dépens afférents à la procédure postérieure à l'arrêt susvisé.
LE GREFFIER LE PRESIDENT