RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 03 Mars 2010
(n° 1 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/07837-AC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Février 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/00520
APPELANT
Monsieur [N] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne
INTIMÉE
S.C.P. LE FOYER DE COSTIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Marie-Alice JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P487
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain CHAUVET, Président
Madame Anne-Marie LEMARINIER, Conseillère
Madame Claudine ROYER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Alain CHAUVET, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 7 février 2008 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :
-ordonné à la SCP LE FOYER DE COSTIL ET GUILLARD de remettre à Monsieur [B] [N] un certificat de travail pour la période du 17/10/2002 au 20/02/2006.
-débouté Monsieur [B] du surplus de ses demandes.
Monsieur [B] a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 mai 2008.
Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 25 janvier 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments et par lesquelles Monsieur [B] demande à la cour de :
-déclarer la procédure de licenciement économique irrégulière et son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
-constater le non versement de l'intégralité de la rémunération due conformément au contrat de travail et/ou la convention collective.
-condamner la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD au paiement des sommes suivantes :
-81 836,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-119 168 euros due au titre du rappel de salaire conformément au principe ' à travail égal salaire égal'.
-3011,95 euros au titre du rappel de salaire.
-11 129,41 euros au titre de la prime d'ancienneté.
-4374,07 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
-confirmer le jugement sur la délivrance du certificat de travail et condamner sous astreinte la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD à la délivrance :
-d'un certificat de travail conforme.
-les bulletins de salaire afférents.
-l'attestation ASSEDIC dûment rectifiée en considération des sommes allouées.
-condamner la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD au paiement de la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
-condamner solidairement Maître [F] LE FOYER DE COSTIL et Maître [J] GUILLARD en leur qualité de gérant et associé principal de la SCP au paiement de toutes les sommes que la SCP serait condamnée à payer.
Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 25 janvier 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments et par lesquelles la SCP LE FOYER DE COSTIL demande à la cour de :
-confirmer le jugement.
-constater qu'antérieurement au 1er septembre 2004 Monsieur [B] n'était pas salarié de la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD.
-pour toutes les demandes antérieures au 1er septembre 2004,
-mettre hors de cause la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD.
-constater que les dispositions de la convention collective ne prévoient de majoration des heures supplémentaires qu'à hauteur de 10 %.
-constater que Monsieur [B] a perçu la rémunération contractuelle prévue ;
-constater que Monsieur [B] ne rapporte pas la preuve d'une disparité salariale;
-constater que la rupture du contrat de travail est intervenue dans le cadre de difficultés économiques avérées.
-constater que la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD a remis le certificat de travail.
-débouter Monsieur [B] de l'intégralité de ses demandes.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
Considérant que Monsieur [B] a été employé en qualité de juriste par Monsieur [K] avocat du 12 octobre 1995 au 21 décembre 2001 date de prise d'effet de sa démission ; qu'ayant été réembauché dans les mêmes fonctions le 17 octobre 2002 et suite au décès de Monsieur [K], son contrat de travail a été repris le 1er septembre 2004 par la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD qui l'a licencié le 13 mars 2006 pour le motif économique suivant :
-baisse constante du chiffre d'affaires réalisé avec la Caisse de Crédit Agricole de la Guadeloupe client principal du cabinet qui est passé de plus de 900 000 euros HT en 2003 à un peu moins de 350 000 HT en 2005, ce qui a conduit à la résiliation du bail des locaux où il exerçait ses fonctions et à l'impossibilité de maintenir son poste.
-impossibilité de reclassement compte tenu de la petite taille du cabinet.
Considérant que Monsieur [B] a adhéré à une convention de reclassement personnalisé le 20 février 2006.
Considérant que le fait que la rupture est réputée intervenir d'un commun accord ne prive pas le salarié de la possibilité de contester les motifs du licenciement.
Considérant selon les articles L.1233-3 et L.1233-4 du Code du Travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Considérant que la lettre de licenciement doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise mais également l'énonciation des incidences sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié de ces éléments.
Considérant par ailleurs que le licenciement ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient et dont l'activité permet la permutabilité du personnel.
-sur la régularité de la procédure
Considérant que Monsieur [B] a été régulièrement convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui a eu lieu le 7 février 2006, qu'il a signé le 20 février suivant la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été remise à cette occasion, ce qui vaut rupture du contrat d'un commun accord entre les parties.
Considérant que c'est donc à tort qu'il soutient que son licenciement n'a pas de date certaine faute de lui avoir été notifié par lettre recommandée avec AR , alors au surplus qu'il ne conteste pas avoir reçu la dite lettre.
Que le moyen soulevé de ce chef sera rejeté.
-sur le fond
Considérant que bien qu'aucun document comptable précis ne soit communiqué sur l'activité du cabinet [K] en 2003 et 2004, la matérialité du motif de licenciement invoqué à savoir, la baisse du volume d'affaires confié à la SCP par la Caisse de Crédit Agricole de la Guadeloupe (CRCAMG) en 2005, n'est pas sérieusement contestable.
Qu'il résulte en effet des pièces produites que la banque a décidé de reprendre la gestion d'un certain nombre de dossiers précédemment confiés au Cabinet [K], que le montant d'honoraires annoncé par la CRCAMG pour l'année 2005 à 400 000 euros ne s'est élevé en fait qu'à 350 000 euros et que le chiffre d'affaires de la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD est passé de 2 146 836 euros au 31 juillet 2005 à 1 473 387 euros au 31 juillet 2006 et le résultat de 207 443 euros en 2005 à 6344 euros en 2006.
Considérant qu'il est également attesté de difficultés de trésorerie qui ont entraîné la signification de contraintes et inscription de privilège de la part des organismes sociaux (URSSAF, ARRCO, GARP) en 2006.
Considérant toutefois que s'il n'est pas contesté que Monsieur [B] était principalement chargé du traitement des dossiers de la CRCAMG et que son licenciement est directement lié selon l'employeur à la diminution du volume d'affaires avec cet organisme et à l'impossibilité de maintenir son contrat de travail faute de tâches à lui confier, il ne peut pour autant se déduire des correspondances échangées entre la SCP et la CRCARMG en décembre 2005, janvier et février 2006, qu'elles aient cessé toute collaboration et que l'activité générée ait disparu. (cf notamment lettres SCP des 5/01 et 28/02/ 2006)
Considérant par ailleurs que si l'obligation de reclassement doit s'apprécier en fonction de la taille et des moyens de l'entreprise, encore est il nécessaire qu'il soit justifié d'une recherche sérieuse en ce sens, au besoin par une transformation ou adaptation du poste ou une réduction du temps de travail.
Considérant que la SCP LE FOYER DE COSTIL & GUILLARD ne démontre pas avoir satisfait à ses obligations à ce titre.
Considérant ainsi qu'elle ne justifie pas avoir procédé à un examen individuel des possibilités de reclassement du salarié, éventuellement par la proposition d'un contrat de collaboration alors qu'il n'est pas contesté que ce type de contrat était utilisé par la SCP, ni d'ailleurs n'explique concrètement en quoi tout reclassement était impossible, la seule référence à la petite taille de la structure ne valant pas preuve d'une telle impossibilité.
Considérant qu'en l'état de ces constatations le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Que le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les demandes de Monsieur [B]
-sur la demande de rappel de prime d'ancienneté et de complément d'indemnité de licenciement
Considérant que Monsieur [B] a été réembauché par Monsieur [K] le 17 octobre 2002 sans reprise d'ancienneté pour la période précédant sa démission en 2001.
Qu'en effet le contrat conclu à cette occasion ne prévoit pas de reprise d'ancienneté.
Que les bulletins de salaire de l'appelant émis depuis cette date ne font également état que d'une ancienneté remontant au 17 octobre 2002.
Que la prime versée au salarié a donc été correctement calculée sur la base de son ancienneté réelle.
Qu'il n'y a pas lieu non plus au rappel d'indemnité de licenciement réclamé sur le même fondement.
Que le jugement confirmé sur ce point.
-sur la demande de rappel de salaire au titre du contrat de travail
Considérant que le contrat de travail du 17 octobre 2002 qui fait la loi des parties stipule que Monsieur [B] « percevra une rémunération nette mensuelle de 3100 euros. »
Considérant que la rémunération mensuelle nette doit s'entendre de la rémunération effectivement perçue chaque mois par le salarié.
Considérant que la reprise du contrat de travail de Monsieur [B] s'est faite dans le cadre des dispositions de l'article L.1224-1 Code du Travail, ainsi d'ailleurs que l'admet l'intimée aux termes de ses écritures.
Considérant que dans un tel cas le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.
Considérant que la SCP LE FOYER DE COSTIL se trouve donc tenue pour la période antérieure au 1er septembre 2004.
Considérant que le décompte présenté par l'appelant ne peut être retenu car il ne prend pas en compte la différence entre la somme payée et celle garantie.
Considérant qu'après vérification des sommes perçues le différentiel de salaire s'élève aux sommes suivantes :
-année 2003 : 30 euros.
-année 2004 : 105,39 euros.
-année 2005 : 242,88 euros, soit au total la somme de 621,15 euros que l'intimée devra verser au demandeur.
-Sur la demande de rappel de salaire au titre de l'égalité salariale
Considérant qu'en application de la règle 'à travail égal, salaire égal', l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique.
Considérant que s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs dont il appartient au juge d'apprécier la pertinence et la réalité, justifiant cette différence.
Considérant qu'en l'espèce Monsieur [B] prétend que Monsieur [U] [S] recruté en 1999 mais juriste comme lui, percevait une rémunération plus importante que la sienne alors selon lui qu'ils exerçaient tous deux les mêmes fonctions, que leurs connaissances professionnelles étaient comparables et qu'il bénéficiait même d'une pratique professionnelle en cabinet d'avocat supérieure à celle de son collègue.
Considérant toutefois que Monsieur [B] ne verse pas le moindre élément de fait susceptible d'étayer sa demande fondée sur une disparité salariale, alors qu'il n'apparaît par ailleurs pas contesté que Monsieur [S] était rémunéré sur la base d'un coefficient et d'un indice conventionnels supérieurs.
Que la demande sera rejetée.
-sur l'indemnisation de la rupture
Considérant qu'il y a lieu à application de l'article L.1235-5 du Code du Travail, l'effectif salarié habituel du cabinet étant inférieur à onze.
Considérant qu'eu égard à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, à son âge, au montant de sa rémunération et aux justificatifs produits, la cour peut fixer à 20 000 euros la réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail.
-sur la demande de remise d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC et de bulletins de salaire conformes
Considérant que la SCP défenderesse produit la copie d'une lettre recommandée AR datée du 13 février 2008 libellé à l'adresse mentionnée comme étant la sienne à la date du jugement.
Considérant que l'avis de réception de ce courrier également communiqué en copie ne permet pas de s'assurer que le salarié qui demeure depuis à une autre adresse ait bien été destinataire de cet envoi.
Considérant que le jugement sera donc confirmé de ce chef sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Considérant qu'il y a lieu à remise de bulletins de salaire et d'une attestation ASSEDIC conformes au présent arrêt.
Considérant que la SCP LE FOYER DE COSTIL qui succombe au moins en partie supportera les dépens et indemnisera Monsieur [B] des frais exposés dans l'instance à concurrence de la somme de 800 euros.
Considérant que rien ne justifie la condamnation conjointe de Monsieur [F] LE FOYER DE COSTIL et de Monsieur [J] GUILLARD en leur qualité de gérant et d'associé principal de la SCP.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement
Infirmant partiellement le jugement déféré,
Condamne la SCP LE FOYER DE COSTIL à payer à Monsieur [N] [B] les sommes suivantes :
-621,15 euros à titre de rappel de salaire.
-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-800 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ordonne la remise d'une attestation ASSEDIC et de bulletins de salaire conformes au présent arrêt.
Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires aux présentes.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la SCP LE FOYER DE COSTIL aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,