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25/02/2010 | FRANCE | N°09/11375

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 25 février 2010, 09/11375


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 25 FEVRIER 2010





(n° 101 ,4 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11375



Décision déférée : Ordonnance rendue le 13 Février 2008 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : Contradictoire



Nous, Jean-

Jacques GILLAND, Vice -président à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscale...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 25 FEVRIER 2010

(n° 101 ,4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11375

Décision déférée : Ordonnance rendue le 13 Février 2008 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Jean-Jacques GILLAND, Vice -président à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier présente lors des débats ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 14 janvier 2010 :

- La société DR CAP CORNICHE SARL

prise en la personne de son gérant Monsieur [V] [T]

[Adresse 1]

LUXEMBOURG

représentée par Maître Pierre LEROUX, avocat plaidant pour la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau de HAUTS DE SEINE

APPELANTE

et

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par MaîtreDominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 janvier 2010, l'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 25 février 2010 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

CIRCONSTANCES ENTOURANT LA PRÉSOMPTION DE FRAUDE

La S.A.R.L. de droit luxembourgeois DR Cap Corniche a pour principale activité la réalisation d'investissement dans le domaine de l'immobilier.

Ayant acquis fin 2005 un ensemble immobilier à [Localité 5] (Hérault), elle a fait appel pour la réalisation de ce programme à différents intervenants dont la KBC Bank, pour le financement, la société CB Richard Ellis Investors France pour certaines opérations de conseil et d'assistance, l'étude notariale Reveron pour la rédaction des actes et AD Valorem pour la commercialisation du programme.

Elle exercerait sur le territoire national une activité commerciale de marchande de biens sans souscrire la totalité des déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

La direction nationale des enquêtes fiscales a présenté une requête au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, à fins de visites domiciliaires et saisies éventuelles dans les locaux et dépendances de cette société, situés dans son ressort.

CIRCONSTANCES DE LA VISITE ET DES SAISIES

Une visite domiciliaire et des saisies ont été faites le 14 février 2008 dans les locaux indiqués et des documents ont été saisis.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

La S.A.R.L. de droit luxembourgeois DR Cap Corniche a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 13 février 2008 contre la direction nationale des enquêtes fiscales (direction générale des finances publiques).

L'appelante expose que l'ordonnance a été rendue en l'absence de présomption suffisante de fraude au sens de l'article L 16 B du livre de procédure fiscale, n'étant fondée que sur des présupposés, notamment que son adresse était une adresse de domiciliation, et ne reposait que sur des pièces anodines dont on ne pouvait tirer aucune présomption, et, de surcroît, analysées par le juge en une seule journée.

Elle ajoute que le juge de première instance doit avoir eu communication et avoir pris connaissance de toutes les pièces visées par l'ordonnance qui autorise la visite, alors que certaines pièces produitent à l'appui de la demande ne font l'objet d'aucune description, telles les numéros 3, 5, 5-1, 6-4 et 54, visées comme non attribuées, cette non communication démontre, selon elle l'absence de contrôle effectif de ces pièces par le magistrat de première instance.

Elle indique que l'Administration fiscale s'est abstenue de produire les éléments à décharge qu'elle avait en sa possession.

Elle considère que la procédure employée est disproportionnée, et contraire à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme en l'absence de recours effectif suffisant et violant son droit à un procès équitable.

En réponse à son adversaire, la direction générale des finances publiques (direction nationale des enquêtes fiscales) demande, après avoir répondu point par point aux arguments de la redevable, la confirmation de l'ordonnance déférée.

SUR CE

Considérant que, selon la jurisprudence tant nationale qu'européenne, la visite domiciliaire est un procédé compatible avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, dès lors que l'ordonnance qui l'a autorisée est entourée de garanties suffisantes et susceptible de recours, comme le démontre, en l'espèce, le présent appel ;

Considérant que l'ordonnance déférée est motivée sur plus de neuf pages, que le fait de rendre l'ordonnance sollicitée le même jour que celui du dépôt de la requête ne permet pas à l'appelante de présumer que le juge a fait l'économie de l'examen de la cause et des pièces qui ont été fournie ; qu'en effet, l'appelante ne sait rien des conditions de temps ou de lieu dans lesquelles le juge des libertés et de la détention a délibéré avant de délivrer l'ordonnance qui lui était demandée ;

Considérant qu'en ce qui concerne la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, la possibilité d'interjeter appel devant le premier président de la cour d'appel assure à l'appelante le droit à un procès équitable ; que ce moyen est écartée ;

Considérant qu'en ce qui concerne la motivation de l'ordonnance sur des pièces mentionnées mais non décrites, il apparaît à l'analyse des pièces du dossier remise que les pièces numéros 3, 5 ,5-1, 6-4 et 54 n'ont pas d'existence et que seule la cotation non attribuée à ces pièces a été mentionnée ; qu'ainsi ces numérations n'ont pas servi à la motivation de l'ordonnance attaquée, le magistrat de première instance ayant établi la liste des pièces qui lui ont été soumises et dont il a relevé l'origine apparemment licite, satisfaisant à son obligation de contrôle ; qu'il convient de rappeler que le magistrat de première instance n'instruit pas à charge et à décharge, mais qu'il doit vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information qui lui sont fournis, que la demande d'autorisation est fondée sur des présomptions suffisantes de fraude fiscale ; que de plus, les éléments qualifiés à décharge par l'appelante, s'ils démontrent l'existence légale de la S.A.R.L. DR Cap Corniche au Luxembourg, n'ont que peu de rapport avec la fraude fiscale présumée ; que ce moyen est infondé ;

Considérant qu'il résulte incontestablement des pièces de la cause et du dossier que l'appelante a son siège social au [Adresse 4], pour gérants la S.A.R.L. CD Richard Ellis et Monsieur [V] [T] et pour objet social la prise de participation dans des sociétés luxembourgeoises ou autres, l'acquisition et la vente de biens immobiliers au Luxembourg ou à l'étranger, ainsi que toutes opérations liées à ces biens immobiliers ; que son associée unique est la société de droit luxembourgeois Dynamique Résidentiel, qui à son siège social à la même adresse et les mêmes gérants eux-mêmes domiciliés à la même adresse, à laquelle se trouvent aussi au moins 15 autres sociétés ; que cela laisse supposer qu'elle ne dispose pas des moyens propres, au Luxembourg, pour une activité conforme à son objet social déclaré ; que, de même, son unique associé étant elle-même administrée par CB Richard Ellis Investors Llc, il pouvait être ainsi présumé, qu'à travers celle-ci, elle faisait partie du groupe CB Richard Ellis Investors et ce, d'autant plus, que Monsieur [V] [T] était aussi dirigeant d'autres sociétés françaises de ce groupe ; qu'elle possédait trois comptes bancaires en France ;

Considérant que pour la commercialisation de son programme immobilier en France, il était relevé de nombreux appels à destination de la S.A.S. CB Richard Ellis Investors, ce qui permettait de présumer que celle-ci était partie prenante de l'opération ;

Considérant que ces éléments, rassemblés, ont permis au juge de première instance d'apprécier l'existence de présomptions d'agissement justifiant l'acceptation de la mesure sollicitée, n'étant pas tenu d'établir l'existence des agissements suspectés, le défaut de passation des déclarations fiscales constituant un indice de l'omission de passation des écritures comptables, agissement visé par l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, le juge n'ayant qu'à vérifier l'existence de soupçons d'agissement frauduleux et non la réalité des dits agissements ;

Considérant que la fraude consiste dans le fait pour une personne de soustraire à l'impôt tout ou partie de la matière imposable, que le fait pour un opérateur économique exerçant son activité en France de ne pas souscrire de déclarations pour l'un ou l'autre impôts commerciaux auxquels elle devrait être soumise ne peut qu'être présumé volontaire, sans pour autant que la mention du terme 'sciemment' soit nécessaire ; que les présomptions retenues concernaient l'existence d'une activité régulière en France par une société de droit non national, dont il pouvait être présumé qu'elle ne disposait pas de moyens à l'adresse de son siège et qu'elle était gérée à partir de locaux en France ; qu'une visite domiciliaire est justifiée, comme en l'espèce, quand il existe des signaux d'une situation fiscale pour le moins atypique et nécessitant des vérifications sérieuses et ce sans que ceux-ci soient nécessairement qualifiés d'incontestables, l'extranéité d'une des parties au marché justifiant des recherches très approfondies ;

Considérant, qu'en conséquence, l'ensemble des griefs avancés sont écartés, et que le magistrat de première instance disposait des éléments suffisants pour présumer la fraude ; que l'ordonnance déférée est confirmée en toute ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 février 2008 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a autorisé une visite domiciliaire et des saisies de documents,

CONDAMNONS la S.A.R.L. de droit luxembourgeois DR Cap Corniche aux entiers dépens.

LE GREFFIER

Fatia HENNI

LE DÉLÉGUÉE DU PREMIER PRESIDENT

Jean-Jacques GILLAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/11375
Date de la décision : 25/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°09/11375 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-25;09.11375 ?
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