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25/02/2010 | FRANCE | N°09/05442

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 25 février 2010, 09/05442


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 25 Février 2010



(n°9, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05442



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 22 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de Bobigny RG n° 09/00099



APPELANTS

Monsieur [U] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [J] [T] épouse [N]

[Adresse 4]

[Localité 8]



compara

nts en personne, assistés de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de VAL D'OISE



Monsieur [Z] [E]

[Adresse 3]

[Localité 7]

SYNDICAT UFICT CGT

[Adresse 1]

[Localité 8]



représentés par Me Savine B...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 25 Février 2010

(n°9, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05442

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 22 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de Bobigny RG n° 09/00099

APPELANTS

Monsieur [U] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [J] [T] épouse [N]

[Adresse 4]

[Localité 8]

comparants en personne, assistés de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de VAL D'OISE

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 3]

[Localité 7]

SYNDICAT UFICT CGT

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentés par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de VAL D'OISE

INTIMÉE

SAS IBM FRANCE

[Adresse 9]

[Localité 6]

représentée par Me Joël GRANGE, avocat au barreau de PARIS, P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

Madame Martine CANTAT, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Patrick HENRIOT, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par M. [U] [B], [Z] [E], Mme [J] [T] 'ci-après les consorts [B]- et le syndicat UFICT CGT à l'encontre de l'ordonnance de référé en date du 22 mai 2009 par laquelle le conseil de prud'hommes de BOBIGNY a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par les appelants à l'égard de la société Compagnie IBM France'SAS, ci-après la société IBM ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 7 janvier 2010 par les Consorts [B] tendant à voir infirmer l'ordonnance déférée et en conséquence condamner la société IBM France' au paiement des sommes suivantes :

- à M. [B], 17.661 € à titre de provision sur rappel de salaire d'avril 2008 à décembre 2009 et 1.766, 10 € à titre de provision sur congés payés afférents

- à M. [E], 2.919 € à titre de provision sur rappel de salaire d'avril 2008 à décembre 2009 et 291, 90 € à titre de provision sur congés payés afférents

- à Mme.[T], 13.193, 10 € à titre de provision sur rappel de salaire d'octobre 2008 à décembre 2009 et 1.319, 31 € à titre de provision sur congés payés afférents

à chacun des appelants précités, 9.000 € d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice

- au syndicat UFICT CGT, 9.000 € sur le fondement des dispositions de l'article L.2132-3 du code du travail

le tout avec intérêts légaux capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et allocation de la somme de 1.200 € au profit de chaque appelant, en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les écritures développées à la barre par la société IBM France' qui sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de chacun des appelants à lui verser la somme de 1.500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

SUR CE LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties qu'en juin 2005 la société IBM France' a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi concernant 1000 salariés'; que dans le cadre de la réorganisation qu'impliquait ce plan, il était décidé notamment la suppression du service pilotage employant environ 80 salariés';

Que ces salariés, compte tenu de la nature de leur emploi étaient astreints à des conditions de travail (équipe, «week end», dimanches') justifiant le versement de primes adaptées en conséquence';

Que, compte tenu de la suppression de leur poste, ces salariés -dont MM. [B] et [E] ainsi que Mme [T]- ont été conduits à opter pour de nouveaux postes entraînant un déclassement avec diminution de leur rémunération';

Qu'avant la mise en 'uvre de ce plan, a été conclu, le 9 juin 2005,entre la société IBM France'et les syndicats CGC, FO et SNA un accord cadre, anticipant le contenu du Plan de sauvegarde de l'Emploi'; que cet accord prévoyait, en faveur des salariés acceptant leur déclassement, le versement d'une indemnité forfaitaire de déclassement et précisait aussi':

'par ailleurs la Compagnie garantit aux salariés en équipes alternées de Jour, en équipes Nuit et VSD (week end) qu'à l'issue des 2 ans suivant l'acceptation du poste de reclassement, le salaire (nouvelle RTR plus majorations de type heures supplémentaires, astreintes, primes d'horaire décalé éventuelles) soit au moins égal à la RTR de départ + 50 % primes et majorations spéciaux/équipe'';

qu'ainsi, dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi, élaboré quelques mois plus tard, la société IBM France' s'engageait en ces termes':

'Il ne pourra être envisagé de déclassement pour un non-cadre

Cependant si sa rémunération globale devait être réduite par la disparition de primes spécifiques attachées à son poste actuel (primes d'équipes- horaires spéciaux') il pourra bénéficier des dispositions compensatoires présentées au paragraphe ci-après.'

Qu'au nombre des mesures compensatoires figurait l'engagement suivant de la société IBM France':

'La compagnie IBM France garantit aux salariés concernés (personnel en équipes alternées de jour, équipes de nuit et vendredis, samedis et dimanches) qu'à l'issue des deux ans suivant l'acceptation du poste de reclassement, elle veillera à réaligner leur salaire de base pour que leur rémunération globale moyenne (nouvelle RTR plus majorations de type heures supplémentaires, astreintes, primes d'horaire décalé éventuelles) correspondent à la RTR de départ + 50 % primes et majorations horaires spéciaux/équipe' ;

Qu'enfin, les Consorts [B], -qui ont tous accepté un poste de déclassement dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi- ont, chacun pris isolément, signé avec la société IBM France' un avenant à leur contrat de travail, formalisant à la fois l'acceptation de leur reclassement avec perte de rémunération et l'engagement ci-dessus de la société IBM France';

Qu'en effet, après leur déclassement et aux termes d'avenants respectivement signés les 30 novembre 2005 pour les deux premiers et 6 avril 2006 pour Mme [T],

- M. [B] passait d'une moyenne mensuelle, primes comprises, de 3.355 € à 2.444 €,

- M. [E] passait d'une moyenne mensuelle, primes comprises, de 2.832, 66 € à 2.295 €,

- Mme [T] (travaillant à temps partiel, soit 108, 34 heures par mois) passait de 3.839,41 € à 3.120 €'-avec cette précision que la salariée, en congé de maternité au jour de la signature de l'avenant, a opté dans l'avenant pour une reprise à temps complet puis, lors de la reprise effective de son travail, à son retour de congé, le 6 novembre 2006, a choisi de ne travailler qu'à 80 % dans le cadre d'un congé parental, de sorte que son salaire mensuel antérieur de 3.939, 41 €, lorsqu'elle travaillait 108, 34 heures, s'avérait inférieur à celui qu'elle a perçu depuis sa reprise en congé parental, avec travail à 80 %';

que les avenants reproduisaient, tous, les dispositions suivantes':

'à l'issue des deux ans suivant l'acceptation de votre nouveau poste, votre rémunération sera réexaminée et le cas échéant, votre salaire de base revu conformément à l'accord déjà cité'';

°

Considérant que le litige actuel a pris naissance entre les parties lorsqu'au mois de novembre 2007, à l'issue du délai de deux ans, visé dans l'accord d'entreprise, dans le plan de sauvegarde et dans les avenants au contrat de travail précités, les salariés, soutenus par les délégués du personnel CGT, ont demandé à la société IBM France à bénéficier de la revalorisation salariale à laquelle ils estimaient avoir droit, en vertu de ces diverses dispositions';

Que la société IBM France' a donc versé aux salariés concernés, -dont MM. [B] et [E]- une «prime différentielle», pour respecter l'engagement de la Compagnie, -ainsi qu'elle l'écrivait dans ses courriers des 5 et 10 décembre 2007- représentant, conformément à leur demande la somme mensuelle respective de 841 € à compter du 1er novembre 2007 et 139 € à compter du 1er octobre 2007, en faisant application de la formule de calcul, énoncée tant dans l'accord d'entreprise que dans les avenants de 2005';

Qu'à la même époque, elle a fait également parvenir aux intéressés, pour signature, un nouvel avenant stipulant que si leur situation devait évoluer vers de nouvelles fonctions ou une modification d'organisation du temps de travail à intervenir, dont la conséquence serait de (les) replacer dans les conditions d'emploi analogues à celles en place avant le déclassement en termes de régime de majorations (retour par exemple dans une organisation en horaire posté) alors le versement de la prime serait revu et le cas échéant supprimé';

Que le syndicat UFICT CGT lors de la réunion, du mois de mars 2008, des délégués du personnel, a fait valoir qu'en vertu des diverses dispositions conventionnelles et contractuelles précédentes, cette «prime différentielle» était constitutive, en réalité, d'une augmentation du salaire de base, acquise, donc, aux intéressés qui ne pouvait être supprimée sans leur accord';

qu'il n'y avait pas lieu, pour les salariés concernés, de signer l'avenant que leur avait proposé la société IBM France';

qu'à compter du mois d'avril 2008, faute pour les intéressés d'avoir signé l'avenant litigieux,' la société IBM a cessé les règlements qu'elle effectuait depuis quelques mois en faveur de M.M.[B] et [E], au titre de la prime différentielle, en objectant qu'aucune modification du contrat de travail ne pouvant intervenir sans leur accord, la modification résultant du versement de la prime différentielle ne pouvait leur être imposée';

qu'en ce qui concerne, Mme [T] la société IBM France' n'a réglé aucune somme, estimant que, deux ans après son déclassement, celle-ci percevait une rémunération supérieure à celle qui était la sienne avant ce déclassement et que, dans ces conditions, l'engagement, pris par elle dans l'accord d'entreprise du 9 juin 2005 et la clause d'augmentation insérée dans l'avenant au contrat de travail, invoqués par la salariée, ne s'appliquaient pas à cette dernière';

Considérant que les Consorts [B] ont ainsi saisi le conseil de prud'hommes, statuant en référé, afin d'obtenir, à titre de provision, le montant des rappels de salaires rappelés en tête du présent arrêt, correspondant, selon eux, à l'application des diverses dispositions conventionnelles et contractuelles précitées';

Que les premiers juges ont rejeté cette demande provisionnelle,en estimant qu'elle se heurtait à l'existence d'une contestation sérieuse';

*

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Considérant que les Consorts [B] estiment que les dispositions de l'accord collectif, du plan de sauvegarde de l'emploi et de l'avenant, signé en 2005 pour MM. [B] et [E], et en 2006, pour Mme [T], sont claires et se corroborent mutuellement ; qu'elles confèrent au différentiel, résultant du calcul institué par ces textes, -et sans autre condition que celles induites par ce calcul- la nature d'une augmentation du salaire de base des salariés, comme eux, voués, lors de leur déclassement, à la perte du régime de rémunération spécifique lié aux emplois qu'ils occupaient jusqu'alors au sein du service du Pilotage, supprimé dans le cadre de la réorganisation entreprise par la société IBM France, à l'origine du plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par cette société';'

Qu'en conséquence, son obligation s'avérant non sérieusement contestable, la société IBM France' n'est pas fondée à leur refuser le paiement des sommes requises au titre de cette augmentation, contractuellement et conventionnellement prévue ;

Considérant que pour la société IBM France, au contraire, aucune des dispositions conventionnelles ou contractuelles intervenues avant qu'elle ne propose aux appelants la signature de l'avenant contesté, ne l'autorisaient à procéder à l'augmentation qui apparaissait effectivement due aux intéressés à l'issue de la période de deux ans, retenue par ces divers textes'; que l'avenant en cause n'étant pas signé, c'est à juste titre qu'elle a refusé de procéder aux versements réclamés, -l'intimée ajoutant, en droit, que les prétentions des appelants se heurtent au principe «'à travail égal, salaire égal'» et, en fait, à propos de la demande de Mme [T], que celle-ci percevait, à l'expiration de la période contractuelle de deux ans, un salaire supérieur à celui qui était le sien à la date de son déclassement, et n'avait ainsi droit à aucune augmentation de sa rémunération';

*

MOTIVATION

Considérant qu'en dépit des termes susvisés de l'accord du 9 juin 2005, repris, presqu'à l'identique, dans le plan de sauvegarde de l'emploi, puis, à l'identique, dans les avenants de 2005 et 2006 aux contrats de travail des consorts [B], la société IBM prétend qu'un nouvel avenant à ces contrats était nécessaire pour qu'elle s'acquitte auprès de ces derniers, deux ans après leur déclassement, du différentiel de rémunération, prévu par ces textes ;

Mais considérant que la Cour, guidée par l'évidence qui fonde ses pouvoirs de juge des référés, ne peut, tout d'abord, manquer de s'interroger sur l'utilité qu'auraient revêtue les prévisions successives et détaillées figurant dans ces divers textes rappelés dans l'exposé des faits, en tête du présent arrêt - puisque le calcul et la date du versement du différentiel à régler par la société y sont clairement définis- si un nouvel avenant avait encore dû être conclu entre les parties, pour que soit déterminée l'obligation de la société IBM au paiement de ce qu'elle a appelé 'une indemnité différentielle';

qu'on cherche d'ailleurs en vain, dans les conclusions de la société IBM, l'élément nouveau qui aurait nécessité la conclusion d'un second avenant ;

que de même, la Cour ne peut que s'étonner de cette prétendue exigence d'un nouvel avenant, alléguée par l'intimée, alors que celle-ci, en l'absence de tout avenant signé par les salariés, a néanmoins accepté, pendant plusieurs mois, de verser à MM.[B] et [E] le montant de cette indemnité, conformément à leur demande ;

qu'enfin, parmi les évidences qu'il convient de souligner, la Cour observe que c'est à la date du déclassement, opéré en novembre 2005 pour MM.[B] et [E] et en novembre 2006 pour Mme [T], que l'obligation de la société IBM au paiement du différentiel devait être déterminée ; qu'en effet, puisque cette obligation constituait l'une des contreparties en vertu desquelles les salariés s'engageaient, à cette date, à accepter leur déclassement, l'étendue et les modalités de cette obligation devaient, également à cette même date, être connues des intéressés et donc convenues entre les parties ;

Considérant qu'ainsi, contrairement à ce que fait plaider la société IBM, il résulte d'emblée et à l'évidence, des faits eux-mêmes, que l'obligation pour la société IBM de verser un différentiel, à titre de rémunération, existait en raison de ces seuls textes, deux ans après le déclassement accepté par les salariés, sans, donc, qu'il y ait lieu de recourir à la signature d'un nouvel avenant ;

Et considérant que la lettre même des textes en cause confirme cette évidence ;

qu'il ressort, en effet, de la simple lecture des divers engagements contractés par la société IBM (accord du 9 juin 2005, avenants, plan de sauvegarde de l'emploi) que par l'instauration de ce différentiel, -issu de la déduction, opérée deux ans après l'acceptation par le salarié de son déclassement, entre d'une part, son ancien RTR avant déclassement + 50 % des primes perçues durant l'année ayant précédé ce déclassement, et d'autre part, son nouveau RTR après déclassement + les primes perçues durant l'année précédente-, les parties ont entendu réactualiser la rémunération du salarié ayant accepté son déclassement avec baisse de sa rémunération, en prévoyant d'aligner, à l'issue d'un délai de deux ans, le montant de cette rémunération, sur le premier terme de la formule de calcul (soit, ancien RTR avant déclassement + 50 % des primes perçues durant l'année ayant précédé le déclassement), dans l'hypothèse où le salarié percevrait, dans son nouvel emploi, une somme inférieure au montant de ce premier terme ;

que la seule condition édictée par les divers actes et conventions litigieux résidait en conséquence dans la perception par le salarié, à l'expiration du délai de deux ans, d'une rémunération globale inférieure au terme de référence ; que le versement du différentiel tendait ainsi à assurer aux salariés qui avaient accepté leur déclassement, une sorte de 'garantie de salaire', à l'issue des deux années pendant lesquelles ils avaient subi une baisse salariale corrélative ;

qu'en outre, aucune disposition de ces divers textes ne venait limiter dans le temps le bénéfice de la perception de ce différentiel, acquis donc aux salariés, quelle que soit, dans l'avenir, leur évolution de carrière ;

Considérant que le projet d'avenant litigieux -refusé par les consorts [B]- contenait en revanche des dispositions aux termes desquelles, le bénéfice de ce différentiel pourrait être retiré aux salariés concernés, dans l'hypothèse où ceux-ci viendraient à occuper, à nouveau, un emploi impliquant, -comme celui occupé par eux avant leur déclassement- la perception de primes particulières ;

que ce texte venant restreindre l'étendue de l'obligation contractée par la société IBM -en exécution, tant de l'accord collectif du 9 juin 2005, que du plan de sauvegarde et encore des avenants de 2005 et 2006- modifiait incontestablement les dispositions issues des avenants signés par elle avec les salariés ;

que les consorts [B] étaient dès lors libres de refuser de conclure le nouvel avenant que leur proposait la société IBM ; qu'en revanche l'inexécution par la société IBM des dispositions contractuelles qui liaient les parties s'est avérée manifestement déloyale, puisque celle-ci -entendant subordonner à la signature de l'avenant litigieux, le versement du différentiel, pourtant dû- a suspendu le paiement de la somme mensuelle qu'elle avait commencé à verser à ce titre, à MM. [B] et [E] ;

*

Considérant qu'ainsi, en fait, comme en droit, l'obligation de la société IBM au paiement du rappel de salaire, réclamé par les appelants deux ans après l'acceptation de leur déclassement, n'apparaît pas sérieusement contestable ; que la demande provisionnelle formée de ce chef par les appelants doit être accueillie comme dit ci-après, étant précisé que, s'agissant de M.M. [B] et [E], le montant des sommes requises n'est, en lui-même, pas contesté par la société IBM ;

qu'en vain, la société IBM objecte, pour se soustraire à cette condamnation, que l'application des avenants, à l'origine de son obligation, conduirait à une violation de la règle à travail égal, salaire égal, alors que pour trouver application cette règle doit appréhender des situations comparables ;

que tel n'est, en effet, pas le cas en l'espèce puisqu'aussi bien, le différentiel de salaire que la société IBM s'est engagée à verser, trouve sa justification dans l'acceptation d'un déclassement, avec baisse de rémunération pendant deux ans, qu'ont accepté des salariés, souvent anciens dans l'entreprise, pour conserver leur emploi au sein de la société IBM ;

que la situation de ces salariés n'est manifestement pas identique à celle des salariés nouvellement venus dans l'entreprise, quand bien même ceux-ci devraient occuper des postes identiques à ceux des bénéficiaires des avenants litigieux ;

Et considérant, de même, que la société IBM est mal venue à contester l'existence de son obligation à l'égard de Mme [T] ;

que s'il est exact qu'à l'expiration du délai de deux ans suivant le déclassement qu'elle a accepté, Mme [T] percevait une somme supérieure à celle constituant le premier terme du calcul différentiel, prévu dans l'avenant signé entre elle et la société IBM, force est de constater que cette situation ne résultait pas de la perception par Mme [T] d'une rémunération, en elle-même, supérieure à celle qu'elle percevait avant son déclassement, -selon la formule précitée- mais de l'accomplissement par l'intéressée d'un nombre d'heures de travail supérieur à celui qu'elle effectuait avant ce déclassement ;

que sauf à faire une application discriminante, à l'égard des salariés à temps partiel, des dispositions de l'avenant signé en exécution de l'accord collectif et du plan de sauvegarde précités, il appartenait à la société IBM, pour déterminer si elle était débitrice de l'indemnité différentielle litigieuse à l'égard de Mme [T], de vérifier, -en novembre 2008, deux ans après le reclassement de la salariée- si celle-ci percevait, à rémunération horaire égale et selon la formule voulue par les parties, une rémunération globale (RTR + primes de l'année précédente) inférieure à celle constituant le premier terme du calcul (soit RTR avant déclassement+ 50 % des primes, égal, en l'espèce, à 3.010 € ainsi qu'il résulte des pièces et conclusions non contestées de Mme [T]);

qu'ainsi, en prenant pour référence et comparaison la rémunération horaire découlant de ce premier terme de calcul (3.010/108, 32= 27, 82), il apparaît que la société IBM n'aurait dû aucune indemnité différentielle à Mme [T] si la rémunération globale, effectivement perçue par celle-ci après deux ans, avait été supérieure à 3.375, 68 € (ou 121, 34 X 27, 82) ;

Or considérant qu'il n'est pas contesté qu'en novembre 2008, la rémunération globale de Mme [T] (RTR + primes perçues les 12 mois précédents) n'était que de 2.536 € ;

Considérant qu'à titre provisionnel, Mme [T] est en conséquence fondée à solliciter, à tout le moins, un rappel de salaire égal à un différentiel mensuel de 839,66 €, soit la somme de 11.755, 24 € pour 14 mois, jusqu'au mois de décembre 2008 ;

*

Considérant qu'outre le paiement des sommes réclamées à titre principal, avec intérêts capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, Mme [T] ainsi que MM. [B] et [E] sont en droit d'obtenir une provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice tant matériel que moral, consécutif pour eux, non seulement, à l'inexécution par la société IBM d'un engagement, clair et non ambigu, contracté envers les intéressés, mais également, au comportement, tout aussi manifestement déloyal, dont la société a fait preuve à l'égard de MM. [B] et [E], en suspendant les règlements qu'elle avait commencé à faire à ces derniers, afin qu'ils signent le projet d'avenant litigieux modifiant l'étendue de son engagement contractuel ;

que la Cour dispose des éléments suffisants pour allouer, de ce chef, la somme de 2.000 € à M. [E], et celle de 1.000 €, respectivement à M. [B] et à Mme [T] ;

Considérant que le syndicat UFICT CGT est, de même, fondé en sa demande tendant à l'allocation d'une indemnité provisionnelle, dès lors que la société IBM s'avère avoir méconnu, non seulement, les dispositions des accords conclus individuellement avec les salariés, mais également, les termes d'engagements, pris en matière d'emploi et de rémunération, à l'égard des salariés de l'entreprise et que se trouvent, donc, lésés les intérêts collectifs que le syndicat a mission de défendre ;

qu'une provision de 1.000 € lui sera également allouée de ce chef ;

Considérant qu'enfin, il y a lieu de condamner la société IBM à verser à chaque appelant la somme de 2.000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise ;

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la société IBM à verser - avec intérêts légaux à compter du 29 janvier 2009, date de l'assignation de première instance, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil- :

- la somme de 17.661 € à M.[B]

- la somme de 2.919 € à M.[E]

- la somme de 11.755, 24 € à Mme [T]

CONDAMNE en outre la société IBM à payer, à titre d'indemnité provisionnelle :

- la somme de 2.000 € à M. [B]

- la somme de 1.000 € à M. [E]

- la somme de 1.000 € à Mme [T]

- la somme de 2.000 € au syndicat UFICT CGT

CONDAMNE la société IBM aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement, au profit de chacun des quatre appelants, de la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/05442
Date de la décision : 25/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°09/05442 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-25;09.05442 ?
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