Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 25 FEVRIER 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/22780
Décision déférée à la Cour : Ordonnance d'exequatur rendue le 01 Septembre 2008
par le délégataire du Président du T.G.I. de PARIS d'une sentence arbitrale prononcée
aux Etats-Unis par [J] [K] à New York le 26 juin 2007
APPELANTS
La FEDERATION FRANCAISE D'ETUDES ET DE SPORTS SOUS-MARINS
ayant son siège : [Adresse 3]
[Localité 9]
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés
audit siège
Monsieur [Z] [B]
demeurant : [Adresse 7]
[Localité 6]
précédemment Président de la FFESSM
Monsieur [V] [I]
demeurant : [Adresse 2]
[Localité 4]
précédemment Secrétaire Général de la FFESSM
représentés par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET,
avoués à la Cour
assistés de Maître Jean Philippe LAGRANGE,
avocat du barreau de CASTRES (Tarn)
INTIMEE
La Société [E] & ASSOCIATES P.C.
Société de droit américain
ayant son siège : [Adresse 8]
[Localité 1]
représentée par Monsieur [P] [E]
ayant élu domicile en FRANCE au siège de la STE MC KAY,
Avocats [Adresse 5]
représentée par la SCP FANET - SERRA,
avoués à la Cour
assistée de Maître Patrick MC KAY,
avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 janvier 2010,
en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur PÉRIÉ, président
Madame GUIHAL, conseiller
Madame BADIE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François PERIE, président et par Mme Raymonde FALIGAND, greffier présent lors du prononcé.
La FEDERATION FRANCAISE D'ETUDES ET DE SPORTS SOUS-MARINS (FFESSM) est une association à but non lucratif dont le siège est situé à [Localité 9]. Le 17 novembre 2004, son président, M. [Z] [B] et son secrétaire général, M. [V] [I], ont signé un accord de prestation de services juridiques avec le cabinet d'avocats américain [E] & ASSOCIATES ([E]), afin de défendre à une action intentée devant un tribunal de New York par l'ASSOCIATION EQUIPE COUSTEAU et par la COUSTEAU SOCIETY pour violation des droits attachés à la marque 'Calypso'.
Un différend s'étant élevé au sujet des honoraires dus à [E], ce dernier, en application de la clause compromissoire stipulée au contrat, a saisi l'American Arbitration Association (AAA) d'une demande d'arbitrage.
Par une sentence rendue à New York le 26 juin 2007, l'arbitre unique, Mme [K], a condamné solidairement la FFESSM, M. [B] et M. [I] à payer à [E], après déduction de la provision de 30.000 USD, un solde de 38.201,75 USD, outre 10.922,74 USD d'intérêts arrêtés à la date de la sentence, et les frais.
Cette sentence a été rendue exécutoire en France par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2008, dont appel a été interjeté le 3 décembre 2008 par la FFESSM, M. [B] et M. [I].
Par conclusions du 26 novembre 2009, ceux-ci prient la Cour de constater l'incompétence d'attribution et territoriale du président du tribunal de grande instance de Paris et de déclarer compétent le juge de l'exécution ou, subsidiairement, le président du tribunal de grande instance, de Marseille, d'annuler la sentence pour méconnaissance du principe de la contradiction, de mettre hors de cause à titre personnel M. [B] et M. [I], de constater que [E] a perçu une provision de 30.000 USD et ne justifie d'aucune diligence, enfin, de condamner [E] au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 23 décembre 2009, [E] sollicite le rejet des exceptions d'incompétence, la confirmation de l'ordonnance d'exequatur, le débouté des prétentions des appelants et la condamnation de ceux-ci au paiement de la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur quoi :
Sur les exceptions d'incompétence :
Les appelants soutiennent qu'en application de l'article 1498 du code de procédure civile la compétence matérielle pour ordonner l'exequatur d'une sentence arbitrale étrangère appartient au juge de l'exécution et non au président du tribunal de grande instance. Ils font valoir, en outre, qu'à défaut de dispositions spéciales, le tribunal de grande instance de Paris, qui n'est pas la juridiction du domicile des défendeurs, ni celle dans le ressort de laquelle l'exécution pourrait être poursuivie, n'est pas territorialement compétent.
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des articles 1477, 1478, 1498, 1500 du code de procédure civile et R 212-8 2° du code de l'organisation judiciaire que le président du tribunal de grande instance, statuant à juge unique par ordonnance sur requête non contradictoire, a seul compétence pour connaître d'une demande d'exequatur en France d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger ; que l'exception d'incompétence matérielle doit donc être écartée ;
Considérant, en second lieu, qu'en matière d'arbitrage international, hors toute fraude, le président du tribunal de grande instance de Paris est compétent pour statuer sur une demande de reconnaissance ou d'exécution d'une sentence rendue à l'étranger dès lors que le législateur n'a institué aucune compétence territoriale spécifique, que l'article 42 du code de procédure civile n'a pas de vocation privilégiée à s'appliquer en la matière et que le choix de cette juridiction est approprié en considération de l'internationalité du litige ; que l'exception d'incompétence territoriale des appelants, qui ne démontrent aucune fraude dans le choix du tribunal de grande instance de Paris, doit donc également être rejetée ;
Sur les moyens pris de l'irrégularité de la désignation de l'arbitre unique et de la méconnaissance du principe de la contradiction (article 1502 2° et 1502 4° du code de procédure civile :
Les appelants soutiennent que la saisine de l'arbitre ne leur a pas été dénoncée, en méconnaissance des exigences du droit interne et du droit international, spécialement des stipulations de la convention de La Haye du 15 novembre 1965; que les actes de la procédure n'ont pas été traduits en français contrairement aux dispositions de l'article 4-2° de la convention de New York du 10 juin 1958 ; que l'accord de prestations juridiques ne fixait aucune règle de procédure en cas de recours à l'arbitrage et que la seule référence au règlement d'arbitrage de l'AAA est insuffisante à imposer l'américain comme langue de la procédure; que leur défaillance à la procédure d'arbitrage imposait que tous les actes de procédure leur fussent notifiés en traduction française.
Considérant qu'aux termes de l'article 1494 du code de procédure civile : 'la convention d'arbitrage peut, directement ou par référence à un règlement d'arbitrage, régler la procédure à suivre dans l'instance arbitrale ; elle peut aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure qu'elle détermine ;'
Considérant que l'article 7 de la convention du 17 novembre 2004 conclue entre les parties stipule que d'éventuels désaccords sur les honoraires seront soumis à l'arbitrage d'un arbitre unique selon le règlement et sous les auspices de l'AAA ;
Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article 2 de ce règlement, une demande écrite d'arbitrage, précisant l'objet et la cause de la requête, a été adressée par [E] les 12 et 14 mars 2007 à la FFESSM, à M. [B] et à M. [I] ainsi qu'à l'administrateur de l'International center for dispute resolution (ICDR), branche internationale de l'AAA ; que faute de réponse des défendeurs aux courriers avec accusé de réception les invitant à choisir leur arbitre, celui-ci a été désigné par l'administrateur;
Que les conditions de saisine de la juridiction arbitrale et de désignation de l'arbitre - qui ne sont pas assujetties aux dispositions énoncées par la convention de La Haye du 15 novembre 1965 pour la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires - apparaissent conformes aux règles de procédure auxquelles les parties ont convenu de se soumettre par le renvoi de la clause compromissoire au règlement d'arbitrage de l'AAA ;
Considérant, en second lieu, que suivant l'article 14 de ce règlement, la langue de l'arbitrage est celle du document contenant l'accord d'arbitrage ; que la convention signée par les appelants et contenant la clause compromissoire est rédigée en américain ; que, dès lors, la circonstance que, conformément à la volonté des parties, la procédure se soit déroulée dans cette langue ne viole pas le principe de la contradiction; qu'elle ne méconnaît pas davantage les stipulations de la convention de New York du 10 juin 1958, dont l'article 4 se borne à prévoir, pour les besoins de l'exequatur, la traduction de la sentence dans la langue de l'Etat sur le territoire duquel l'exécution est demandée;
Considérant, enfin, que contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, ceux-ci ont été informés par courriers avec accusé de réception de toutes les étapes de la procédure arbitrale et mis en mesure d'y présenter leur défense dans les conditions prévues par le règlement d'arbitrage ;
Que, dès lors, les moyens pris de l'irrégularité de la désignation de l'arbitre et de la méconnaissance du principe de la contradiction ne peuvent être accueillis;
Sur le moyen tiré de la fraude :
Les appelants allèguent que [E] a trompé l'arbitre en obtenant une condamnation solidaire de la FFESSM et de ses dirigeants, alors que la Fédération était seule partie au contrat de prestation de services juridiques puisque l'assignation de la COUSTEAU SOCIETY et de l'ASSOCIATION EQUIPE COUSTEAU n'était dirigée que contre elle.
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le contrat de prestation de services juridiques, incluant la clause compromissoire, a été signé distinctement par la FFESSM représentée par M. [Z] [B], par M. [Z] [B] et par M. [V] [I]; que le moyen, qui critique en réalité le fond de la décision de l'arbitre et invite la Cour à procéder à une révision de la sentence interdite au juge de l'annulation, ne peut qu'être écarté ; que pour le même motif, il ne saurait être fait droit à la demande de mise hors de cause de M. [B] et de M. [I] ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance d'exequatur doit être confirmée et les demandes des appelants rejetées ; que ceux-ci, qui succombent, devront payer à [E] la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette les exceptions d'incompétence.
Confirme l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2008 accordant l'exécution de la sentence rendue entre les parties à New York le 26 juin 2007.
Déboute la FEDERATION FRANCAISE D'ETUDES ET DE SPORTS SOUS-MARINS, M. [Z] [B] et M. [V] [I] de leurs demandes.
Condamne solidairement la FEDERATION FRANCAISE D'ETUDES ET DE SPORTS SOUS-MARINS, M. [Z] [B] et M. [V] [I] à payer à la société [E] & ASSOCIATES PC la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les mêmes solidairement aux dépens et admet la SCP FANET et SERRA, avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT
R. FALIGAND J.F. PERIE