Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 25 FEVRIER 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/19779
RECOURS EN ANNULATION d'une sentence arbitrale rendue
le 1er août 2008 à [Localité 5] par la Commission d'arbitrage RUCIP
composée de M. [K] [B], Président et M.M. [H] [T] et
[G] [I], arbitres sous l'égide du Comité européen des règles et usages du
commerce intereuropéen des pommes de terre
DEMANDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :
La Société POMMIES LIMITED
société de droit anglais
ayant son siège : [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
GRANDE BRETAGNE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
et sa succursale en France sise [Adresse 6]
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN,
avoués à la Cour
assistée de Maître Frédérique BERNARD,
avocat plaidant pour la SELARL RACINE du barreau de Paris Toque L 301
DEFENDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :
La Société [M] - EARL
ayant son siège : [Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Frédéric BURET,
avoué à la Cour
assistée de Maître Jean-Paul MONTENOT,
avocat plaidant pour la SARL CABINET MONTENOT
du barreau de Paris Toque L 150
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 janvier 2010, en audience publique
le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur MATET, président
Madame GUIHAL, conseiller
Madame BADIE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND
ARRÊT :
- Contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick MATET, président et par Mme Raymonde FALIGAND, greffier présent lors du prononcé.
La société POMMIES LIMITED (ci-après POMMIES) est une société de droit anglais, dont une succursale exerce en Champagne une activité de transformation industrielle de pommes de terre. L'EARL [M] (ci-après [M]) est la forme sociale sous laquelle M. [M] exerce en Picardie une activité d'exploitant agricole. Les relations faisant l'objet du présent litige portent sur des marchandises dont il est allégué qu'elles devaient être livrées et payées en France.
En mai 2006, POMMIES a mis en demeure [M] de lui livrer 1.000 tonnes de pommes de terre. [M] a contesté l'existence même du contrat invoqué par POMMIES. Cette dernière, se prévalant d'une clause compromissoire, a formé une demande d'arbitrage sous l'égide du comité européen du commerce intereuropéen des pommes de terre (Comité RUCIP).
La société [M] a contesté l'existence d'une clause compromissoire mais accepté le recours à l'arbitrage sous l'égide du comité RUCIP.
La commission d'arbitrage siégeant au premier degré s'étant déclarée incompétente pour connaître du litige, la société [M] a, conformément au règlement d'arbitrage RUCIP, sollicité un arbitrage au second degré.
Par une sentence rendue le 1er août 2008, le tribunal arbitral siégeant au second degré, composé de M. [B], président, et de MM. [T] et [I], arbitres, s'est reconnu compétent, a rejeté l'action de POMMIES pour cause de tardiveté, et a débouté [M] de ses demandes.
Le 20 octobre 2008, POMMIES a formé un recours contre cette sentence.
Par conclusions du 18 novembre 2009, elle prie la Cour d'en prononcer l'annulation et de condamner [M] à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 13 novembre 2009, [M] sollicite le rejet du recours et la condamnation de POMMIES à lui payer la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur quoi :
Sur le premier moyen d'annulation : le tribunal arbitral a statué sans
convention d'arbitrage (article 1484 1° du code de procédure civile) :
POMMIES soutient que la commission d'arbitrage ne pouvait retenir sa compétence sur le fondement d'une clause compromissoire à laquelle les deux parties avaient renoncé.
Considérant que par requête du 11 décembre 2006, POMMIES a saisi le secrétariat d'arbitrage RUCIP d'une demande d'arbitrage dans un différend l'opposant à [M] ; qu'elle invoquait l'inexécution d'un contrat daté du 2 juin 2005, assorti d'une clause compromissoire, portant sur une livraison de pommes de terre ; que le 5 janvier 2007, elle a consigné la provision à valoir sur les honoraires des arbitres ; que le même jour, la demande d'arbitrage a été transmise par le secrétariat RUCIP à [M] ; que ce dernier, par lettre recommandée adressée le 23 janvier 2007 au secrétariat RUCIP et transmise le 25 janvier au représentant de POMMIES, a contesté l'existence même du contrat invoqué par la partie adverse - et, par conséquent, de la clause compromissoire - mais accepté l'arbitrage sous l'égide du comité RUCIP et désigné son arbitre, conformément au règlement d'arbitrage RUCIP ; que le tribunal arbitral, composé de deux arbitres choisis par chacune des parties et d'un président, a été définitivement constitué par l'acceptation de ce dernier le 23 février 2007 ;
Considérant que, par lettre adressée le 5 septembre 2007 à la commission d'arbitrage, POMMIES a déclaré prendre acte de la dénégation opposée par [M], renoncer à sa demande d'arbitrage et solliciter le remboursement du solde de sa provision ;
Considérant que, pour se déclarer compétente, la commission d'arbitrage statuant au second degré a retenu qu'il existait un courant d'affaires entre les parties ; que le contrat litigieux était similaire à ceux qui avaient été conclus pour les cinq campagnes précédentes ; que ce contrat, qui avait été envoyé par POMMIES à [M] sans contestation de la part de ce dernier, avait reçu un commencement de mise en oeuvre sous la forme d'un suivi cultural par les techniciens de POMMIES des parcelles affectées à son exécution ; que, dès lors, la clause compromissoire devait recevoir application ;
Considérant que POMMIES, qui a elle-même formé la demande d'arbitrage, est irrecevable à soutenir, par un moyen contraire, que le tribunal arbitral aurait statué sans convention d'arbitrage, faute de clause compromissoire qui lui soit opposable ;
Sur le deuxième moyen d'annulation : le tribunal arbitral a statué sur
convention expirée (articles 1456 et 1484 1° du code de procédure civile) :
POMMIES fait valoir que le délai imparti aux arbitres par le règlement RUCIP n'a pas été respecté et ne pouvait être prorogé sans accord des parties ou autorisation judiciaire.
Considérant qu'il résulte de l'article 1456 du code de procédure civile que le délai légal ou conventionnel d'arbitrage peut être prorogé soit par accord des parties, soit, à la demande de l'une d'elles ou du tribunal arbitral, par l'autorité judiciaire ;
Considérant, toutefois, que la prorogation du délai d'arbitrage peut valablement émaner d'une institution tierce, préconstituée, désignée à cette fin par les parties ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7.14 du règlement d'arbitrage RUCIP : 'la sentence est rendue et signifiée dans un délai de six mois à compter du jour de la réception de la provision par le secrétariat. Toutefois, ce délai peut être prolongé à la demande du président de la commission au second degré par le délégué européen';
Considérant que POMMIES, qui a saisi la juridiction arbitrale en vertu d'une clause compromissoire renvoyant à ce règlement, est irrecevable à soutenir que la disposition précitée ne lui serait pas opposable ;
Qu'en l'espèce, la provision ayant été reçue le 19 décembre 2007, et le délai ayant été prorogé par le délégué européen le 14 mai 2008 jusqu'au 19 septembre 2008, la sentence rendue le 1er août 2008 ne l'a pas été sur convention expirée; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen d'annulation : le tribunal arbitral a méconnu le principe de la contradiction (article 1484 4° du code de procédure civile) :
POMMIES soutient que le tribunal arbitral ne pouvait fonder sa décision sur l'existence d'une clause compromissoire sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point alors qu'elles convenaient toutes deux que cette clause n'avait pas lieu de s'appliquer et que le débat ne portait que sur l'existence éventuelle d'un compromis.
Considérant que la juridiction arbitrale avait été initialement saisie par POMMIES en application d'une clause compromissoire; qu'à la suite de la contestation par [M] de l'existence même du contrat, mais non de la compétence des arbitres, POMMIES a conclu à l'absence de convention d'arbitrage ; que les arbitres ont retenu leur compétence en vertu de la clause compromissoire et non d'un compromis ;
Qu'en se déterminant ainsi, le tribunal arbitral, qui s'est fondé sur les pièces versées aux débats retraçant l'ensemble des relations contractuelles entre POMMIES et [M], et qui n'était pas tenu de soumettre aux parties, préalablement au prononcé de la sentence, le détail de sa motivation, n'a pas méconnu le principe de la contradiction ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours de POMMIES doit être rejeté; que la recourante qui succombe sera condamnée à payer à son adversaire la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le recours en annulation de la sentence arbitrale rendue entre les parties le 1er août 2008.
Condamne la société POMMIES LIMITED à payer à l'EARL [M] la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société POMMIES LIMITED aux dépens et admet Me BURET, avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRESIDENT
R. FALIGAND P. MATET