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25/02/2010 | FRANCE | N°08/07852

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 février 2010, 08/07852


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 25 Février 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/07852



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 06/01590





APPELANT



Monsieur [L] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Martine COUDERC-ROUTCHENKO

, avocat au barreau de PARIS, toque : P84 substitué par Me Danielle SALLES, avocat au barreau de PARIS, toque : P.84





INTIMEE



Me [W] [F]

- Liquidateur amiable de SA MILARIS anc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 Février 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/07852

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 06/01590

APPELANT

Monsieur [L] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Martine COUDERC-ROUTCHENKO, avocat au barreau de PARIS, toque : P84 substitué par Me Danielle SALLES, avocat au barreau de PARIS, toque : P.84

INTIMEE

Me [W] [F]

- Liquidateur amiable de SA MILARIS anciennement dénommée BANQUE BIPOP

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Patrick VIDELAINE, avocat au barreau de PARIS, toque : P586

SA MILARIS anciennement dénommée BANQUE BIPOP

[Adresse 3]

[Localité 6]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise FROMENT, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

et Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Claudette NICOLETIS, conseiller

Mme Marie-Ange LEPRINCE, conseiller

Greffier : Madame Pierrette BOISDEVOT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Madame Pierrette BOISDEVOT, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

*

[L] [J] a, selon contrat de travail à effet au plus tard du 1er juin 2001, été engagé par la SA BIPOP en qualité de cadre hors classification, pour exercer les fonctions de responsable de réseau attribué de conseillers financiers, fonctions consistant à :

-assurer la coordination commerciale du réseau attribué en procurant par différents moyens , directement ou indirectement, aux managers et aux conseillers financiers un niveau de professionnalisme élevé dans l'exercice de leur mission

-effectuer le recrutement de toute personne adéquate et disposée à instaurer avec l'employeur un rapport de collaboration visant à la diffusion de ses produits;

Sa rémunération était composée d'un fixe initialement fixé à 800 000 Francs par an et d'une prime déterminée en fonction du nombre de conseillers financiers recrutés par le responsable lui-même d'une part, du montant des actifs apportés à BIPOP à la suite des recrutements ainsi faits, le versement de cette prime intervenant dans un délai de 90 jours suivant la fin de l'année contractuelle.

Il était stipulé un période d'essai de 9 mois non renouvelable, le contrat de travail pouvant être rompu pendant cette période selon les modalités stipulées à l'article 19 de la convention collective des banques qui régissait les rapports entre les parties, le contrat de travail prévoyant que si l'employeur mettait fin à la période d'essai au motif que l'employeur devait être directement intéressé par une fusion, un apport partiel d'actif, un rachat ou une liquidation, une indemnité égale à 2 ans de salaires serait versée au responsable.

Il était enfin stipulé une clause de non concurrence .

En raison de l'application au sein de la banque de la loi relative à la réduction du temps de travail , un avenant au contrat de travail a été établi le 1er janvier 2002, [L] [J] étant soumis au régime des conventions individuelles de forfaits jours applicables aux cadres autonomes.

Par lettre du 21 février 2002, le DRH de la SA BIPOP lui a confirmé son intégration définitive au sein de la société à compter du 29 février 2002.

Il a été licencié pour motif économique par lettre du 21 février 2005.

Soutenant d'une part que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations contractuelles en ne mettant pas en oeuvre le plan d'action commerciale dont l'exécution conditionnait l'octroi de la prime contractuelle et d'autre part qu'il lui était dû un complément d'indemnité au titre des indemnités conventionnelles complémentaires , [L] [J] a, le 1er février 2006, saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris de diverses demandes, lequel, statuant en départage, a, par jugement du 6 mars 2008, débouté [L] [J] de ses demandes et débouté la SA MILARIS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

[L] [J] , qui a régulièrement relevé appel le 2 mai 2008 de cette décision qui lui avait été notifiée le 4 avril précédent, a, lors de l'audience du 15 janvier 2010, développé oralement ses conclusions visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles il sollicite l'infirmation de la décision attaquée et la condamnation de la SA MILARIS, anciennement dénommée Banque BIPOP, à lui payer 250 000,00 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

La SA MILARIS, prise en la personne de son liquidateur amiable, [W] [F], a, lors de l'audience du 15 janvier 2010, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite la confirmation de la décision déférée et la condamnation de [L] [J] à lui payer 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

MOTIFS ET DECISION DE LA COUR

Considérant que [L] [J] reproche à la SA BIPOP devenue MILARIS d'avoir commis des manquements, tant lors de son engagement, en lui dissimulant la situation réelle de la société, que pendant l'exécution de son contrat de travail, en ne lui fournissant pas les moyens nécessaires à l'exécution de sa mission , ce qui l'a privé de la prime à laquelle il aurait pu prétendre ;

Considérant que la SA MILARIS, anciennement BIPOP réplique que rien ne permet de retenir que l'attribution de la prime était un élément déterminant dans l'acceptation de [L] [J] de collaborer avec la banque et que, par ailleurs, elle n'a commis aucun manquement que ce soit lors de son embauche ou pendant l'exécution du contrat de travail et qu' elle n'est en rien responsable de la non atteinte par [L] [J] de ses objectifs ;

Considérant, sur les manquements qu'aurait commis la SA BIPOP lors de l'engagement de [L] [J] , que ce dernier fait grief à la banque de lui avoir dissimulé lors de son embauche qu'en raison des très mauvais résultats de la filiale française et du projet de fusion entre BIPOP et BANCO DIROMA , il avait été décidé par la direction italienne , peu de temps avant son engagement, que toute dépense concernant des achats , investissements ou embauches, étaient suspendues jusqu'au 30 septembre 2001 et que la décision stratégique de développement commercial n'était plus à l'ordre du jour ;

Considérant que s'il résulte :

- du préambule fait par [Y] [Z], PDG, lors de la réunion du Comité d'entreprise du 12 septembre 2001 que la stratégie recherchée par le groupe BIPOP devait donner lieu à un plan de restructuration car l'arrêt des investissements en mai n'avait pas été suffisant

- d'un courrier électronique de [M] [E], Directeur administratif et financier, en date du 5 juin 2001, que la maison-mère avait, au vu du résultat prévisionnel qui avait été présenté, souhaité que toutes dépenses concernant achats , investissements ou embauches, soient suspendues jusqu'au 30 septembre

il n'en demeure pas moins que bien que le contrat de travail de [L] [J] porte la date du 31 mai 2001, cette date est erronée et ne correspond pas à la réalité , le contrat ayant en réalité été signé le 31 mars 2001 ainsi que cela est établi par :

-la lettre de [L] [J] du 31 mars 2001 adressant à la SA BIPOP son contrat de travail

-ce contrat qui prévoyait une prise de fonction au plus tard le 1er juin 2001, ce qui n'aurait pas eu de sens s'il avait été signé le 31 mai 2001

-[U] [O] qui a précisé dans son attestation versée aux débats par [L] [J] qu'il avait été chargé d'une mission de 'chercheur de tête' par la SA BIPOP en février 2001 ;

Considérant que [L] [J] ne démontre aucunement, au regard de ces éléments, qu'il aurait été trompé par la SA BIPOP sur sa situation réelle, étant de surcroît observé qu'au regard de sa qualification et de son expérience, il est invraisemblable qu'il ne se soit pas préoccupé de la situation financière de son futur employeur ;

Considérant, sur les manquements qu'aurait commis la SA BIPOP , au cours de l'exécution du contrat de travail, que [L] [J] reproche à la société de n'avoir pas mis à sa disposition les moyens de nature à lui permettre de réaliser sa mission et plus précisément celle de recruter des conseillers financiers indépendants ; que la SA MILARIS anciennement BIPOP conteste ces accusations ;

Considérant qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a mis à la disposition du salarié les moyens d'accomplir la prestation de travail pour laquelle il a été engagé ;

Considérant que la SA MILARIS ne saurait sérieusement prétendre que la prime qui était contractuellement prévue ne serait pas un élément essentiel du contrat de travail de [L] [J] alors que, même si la rémunération fixe qui lui a été accordée était supérieure à celle qu'il touchait chez son précédent employeur, cette partie variable contractuelle faisait partie des éléments de discussion ayant participé à l'accord final du salarié pour être engagé et faisait partie intégrante de la rémunération, élément essentiel du contrat de travail ;

Considérant par ailleurs que la preuve de ce que la SA BIPOP aurait mis à la disposition de [L] [J] les moyens nécessaires à la réalisation de sa mission n'est pas rapportée par cette société alors qu'il résulte des pièces produites que :

- si [L] [J] était parfaitement informé, dès le début de son contrat, ainsi que cela ressort de ses observations du 22 juin 2001 annexées à sa note du 2 juillet 2001, qu'il était impossible de créer un système de franchise en France, l'intéressé prévoyait par contre dans sa note du 9 octobre 2001, l'ouverture de 19 'Financial Shop' entre septembre 2001 et décembre 2002 et de 23 autres en 2003 avec un nombre de 'Financial Planners' compris in fine entre 328 et 800 outre 42 'Groupe Manager'

- toutefois le statut de ces 'Financial Planners' n'était pas déterminé et ne l'était toujours pas en février 2002 alors que ceux dont [L] [J] devait assurer le 'recrutement' ne devaient pas être salariés mais des indépendants, cette absence de définition de statut par la SA BIPOP faisant obstacle à ces 'recrutements'

-dans les deux documents du 22 juin 2001 et 9 octobre 2001, [L] [J] subordonnait la réalisation de ses projets à la capacité de la SA BIPOP de mettre à la disposition des ces 'Financial Planners' les moyens en produits et services et de leur offrir une gamme complète de produits de placement pour satisfaire les besoins de leurs clients, de répondre à l'offre de la concurrence et de leur permettre, ainsi, d'atteindre un niveau de rémunération à la hauteur de leurs ambitions

-le 20 mars 2002, alors que cela était promis depuis février 2001, la maison-mère italienne n'avait toujours pas autorisé sa filiale française à commercialiser ses produits et n'avait pas créé de nouveaux produits ainsi que cela résulte du compte-rendu de la réunion du Comité d'Entreprise du même jour , ce document mettant aussi en évidence que si dans le 'business plan' initial il devait il y avoir 15 ouvertures de 'Financial Shops' en Ile de France et une cinquantaine sur toute le France, il avait fallu avancer sans beaucoup investir d'argent et que la Direction avait mis en place un bureau dans lequel une personne travaillait

-les moyens en produits et services, nécessaires à la réalisation des objectifs fixés, n'ont donc pas été mis en place alors par ailleurs que :

- toutes opérations d'achats, d'investissements ou d'embauche avaient été suspendues du mois de juin au mois de septembre 2001, ce qui, même si cette situation était provisoire, ne permettait pas à [L] [J] , chargé de mettre en place un réseau de collaborateurs indépendants, de procéder, dès son embauche, à sa mission

-le 18 mai 2002, le Directeur Général de la banque indiquait que cette dernière n'avait pu opérer à plein régime que pendant 12 semaines et qu'il était toujours en attente du feu vert de la maison-mère, qui avait demandé de mettre en place une politique draconienne de réduction des coûts assortie d'un gel des investissements, pour relancer BIPOP

-alors qu'il avait organisé des rendez-vous pour les ouvertures à [Localité 7] et à [Localité 9], défini le calendrier des démarches préalables aux ouvertures et même recherché des solutions d'hébergement des représentations en province, et en particulier à [Localité 8], il n'y a été donné aucune suite, [M] [E] ayant, dans un courrier électronique du 15 mars 2002, demandé de suspendre toute recherche pour un éventuel devis à fournir pour le 'Financial Shop' de [Localité 8]

-la restriction budgétaire ainsi imposée s'était poursuivie en 2002 et avait été projetée sur 2003

-si des conseillers financiers salariés avaient été embauchés pendant toute la période, la situation était pour ces derniers très différente puisque leur statut était connu et ne dépendait pas d'investissements autres que salariaux, nombre d'entre eux n'étant au demeurant restés que quelques mois

Considérant qu'en ne mettant pas à la disposition de [L] [J] les moyens nécessaires à l'exécution de la mission qu'elle lui avait confiée, et en n'exécutant donc pas de bonne foi, le contrat de travail, la SA BIPOP, qui à l'issue de l'entretien d'activité du 12 décembre 2002 notait que 'par rapport au contexte de la banque (moyen mis à disposition pour recruter) et du marché (difficultés de transferts de client des Financial Planners) le résultat global était acceptable', a causé un préjudice à [L] [J] qui, de ce fait, a perdu une chance de percevoir la prime qui était susceptible de lui être versée s'il atteignait les objectifs qui lui étaient fixés et dont le montant dépendait d'une part du nombre de conseillers financiers recrutés et d'autre part du montant minimum des actifs apportés, le terme 'conseillers financiers recrutés' s'entendant, au regard de la mission de [L] [J] qui était de recruter des indépendants et de leur faire apporter un actif, non de conseillers salariés, dont le recrutement ne dépendait pas de lui, mais de conseillers indépendants ;

Considérant qu'au regard notamment du montant de la prime minimale et maximale qui était ainsi prévue, il y a lieu d'allouer à [L] [J] en réparation du préjudice qu'il a subi de ce chef la somme de 200 000,00 € à titre de dommages-intérêts, étant observé que rien ne permet de retenir que l'employeur aurait mis fin à la période d'essai, en confirmant l'embauche de [L] [J] en contrat à durée indéterminée, de manière prématurée, pour éviter d'avoir à lui payer l'indemnité de 2 ans de salaires prévue dans le contrat de travail , de surcroît dans des hypothèses non réalisées pendant les 9 mois de l'essai ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de [L] [J] l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits ; qu'il y a lieu de lui allouer une somme de 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Considérant que, succombant, la SA MILARIS anciennement la SA BIPOP supportera ses frais irrépétibles et les dépens ;

Par ces Motifs

Infirme la décision attaquée,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA MILARIS anciennement SA BIPOP, à payer à [L] [J] :

-200 000,00 € de dommages-intérêts

-3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Déboute la SA MILARIS de sa demande de ce chef et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/07852
Date de la décision : 25/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°08/07852 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-25;08.07852 ?
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