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23/02/2010 | FRANCE | N°07/20619

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 23 février 2010, 07/20619


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 23 FEVRIER 2010



(n° 57, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/20619



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/02289





APPELANT



Monsieur [R] [M]

[Adresse 9]

[Localité 8]

[Localité 3]

représe

nté par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assisté de Me Jane FFRENCH, avocat au barreau de PARIS, toque : P 504

Selarl SDCF





INTIMES



Monsieur [E] [W]

[Adresse 2]

[Localité 7]



MUTUELLES DU MANS AS...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 23 FEVRIER 2010

(n° 57, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/20619

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/02289

APPELANT

Monsieur [R] [M]

[Adresse 9]

[Localité 8]

[Localité 3]

représenté par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assisté de Me Jane FFRENCH, avocat au barreau de PARIS, toque : P 504

Selarl SDCF

INTIMES

Monsieur [E] [W]

[Adresse 2]

[Localité 7]

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentés par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistés de Me Jean-Pierre CORDELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 399

SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN CRJDA, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 décembre 2009, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

La Cour,

Considérant qu'au cours de la nuit du 26 au 27 août 1991, M. [R] [M], alors âgé de 48 ans, a été atteint subitement d'une paralysie du membre supérieur droit associée à une aphasie et à une paralysie faciale droite ; qu'il a été admis à l'hôpital [5] et que les médecins, face un diagnostic d'accident vasculaire ischémique incomplet constitué sur une sténose carotidienne, ont entrepris un traitement anticoagulant par héparine ;

Que, le 9 septembre de la même année, M. [M] a été victime d'une paraplégie flasque avec déficit sensitif complet des membres inférieurs ; qu'il s'agissait d'une ischémie médullaire par thrombose du carrefour aortique, remontant jusqu'au sus-rénal, secondaire à une thrombopénie immuno-allergique à l'héparine et nécessitant un pontage axillo-bifémoral droit et le placement du malade en réanimation ;

Que, le 3 décembre 1991, présentant principalement une paraplégie flasque, des troubles sphinctériens, un déficit sensitivo-moteur du membre supérieur droit, M. [M] était admis dans le service de rééducation de l'hôpital de [Localité 6] ;

Que, le 23 janvier 1996, M. [E] [W], son avocat, présentait une réclamation à l'Assistance publique-Hôpitaux de [Localité 7] en invoquant la faute commise par les médecins ; que la décision de rejet, rendue le 18 juin 1996, n'était frappée d'aucun recours ;

Qu'une deuxième réclamation, présentée le 18 février 1997 par M. [W] sur le fondement de la responsabilité sans faute, était pareillement rejetée le 18 février 1997 ;

Que, saisi d'un recours formé par l'intermédiaire de M. [W] et enregistré le 21 avril 1997, le Tribunal administratif de Paris rejetait la requête de M. [M] comme étant tardive au regard de la notification de la décision de rejet reçue le 19 juin 1996 par le susnommé ;

Considérant que, recherchant la responsabilité de M. [W], M. [M] a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 26 septembre 2007, a déclaré M. [W] et les Mutuelles du Mans Assurances, son assureur, irrecevables en leur exception de nullité de l'assignation et débouté M. [M] de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné le demandeur aux dépens ;

Considérant que, poursuivant l'infirmation de ce jugement, M. [R] [M] demande que M. [W] et les Mutuelles du Mans Assurances soient condamnés « solidairement » à lui payer la somme de 131.126,55 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 février 2005, date de la mise en demeure adressée aux Mutuelles du Mans Assurances, et la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice matériel subi et que soit désigné un expert qui aura pour mission de donner son avis sur les préjudices résultant du déficit fonctionnel et des différents préjudices corporels et psychologiques subis ; qu'il sollicite également une provision d'un euro ;

Qu'à l'appui de son recours, M. [M] soutient que, comme l'ont retenu les premiers juges, M. [W] n'a pas rempli son obligation de conseil et de diligence en déposant tardivement la requête, tant au regard des règles relatives à la prescription quadriennale, que du délai de recours formé sur rejet d'une demande préalable ;

Que, sur ce point, il conteste la position adoptée par M. [W] et son assureur qui soutiennent que le recours engagé devant le Tribunal administratif de Paris était dirigé contre la décision du 18 février 1997 qui se distinguait de la décision du 18 juin 1996 dès lors qu'en réalité, il ne s'agissait pas d'une nouvelle décision ouvrant droit à un nouveau délai de recours et qu'en outre, la prescription quadriennale était déjà acquise au regard de la décision du 18 juin 1996 ; qu'il ajoute que, même si son médecin conseil est intervenu en 1995, il appartenait à M. [W] d'exercer un recours à titre conservatoire ; qu'enfin, il fait observer qu'aucun recours n'a été exercé contre le jugement du Tribunal administratif de Paris, qui est « cohérent » ;

Que, s'agissant du préjudice, l'appelant expose que, compte tenu de l'irrecevabilité de la requête présentée à la juridiction administrative, aucune expertise médicale n'a été ordonnée alors que, pour conclure à la responsabilité sans faute du service public hospitalier, il soutenait, dans les conditions retenues par la jurisprudence du Conseil d'Etat, que le dommage qu'il a subi n'est pas dû à un état préexistant de sorte qu'il disposait d'importantes chances d'obtenir gain de cause ;

Qu'enfin, M. [M] ajoute que son préjudice corporel est caractérisé par un taux d'invalidité de l'ordre de 65 à 70 %, les souffrances endurées, le retentissement professionnel, le préjudice esthétique et un préjudice sexuel, outre le préjudice matériel résultant de l'impossibilité de se rendre en Nouvelle-Calédonie où il avait été nommé en qualité de professeur de collège ;

Considérant que M. [E] [W] et les Mutuelles du Mans Assurances concluent à la confirmation du jugement tout en soutenant que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal de grande instance de Paris, M. [W] n'a commis aucune faute dès lors que la décision de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris en date du 18 février 1997 rejetait la demande de M. [M] en lui rappelant qu'il pouvait contester cette décision dans un délai de deux mois et que le Tribunal administratif de Paris a rejeté, comme tardif, le recours formé contre la décision du 18 juin 1996 alors qu'était poursuivie l'annulation de la décision du 18 février 1997 ; qu'ils en déduisent que, M. [W] ayant été dessaisi du dossier et privé de la possibilité de poursuivre sa mission en exerçant un recours contre le jugement, aucune faute ne saurait lui être reprochée ;

Que, sur le préjudice, les intimés font valoir que les pièces médicales versées aux débats démontrent que les accidents de santé subis par M. [M], même s'ils ont été aggravés par une allergie à l'héparine, ne sont pas dépourvus de lien avec son état antérieur et qu'en particulier, les phénomènes de paralysie présentés le 27 août 1991 étaient, dès cette époque, de nature à compromettre sa carrière ; que, soutenant que le susnommé ne justifie pas d'une perte de chance réelle et sérieuse d'obtenir gain de cause devant la juridiction administrative, ils en déduisent que le dommage dont se plaint M. [M] est dépourvu de lien de causalité avec la prestation de son avocat ;

Sur la faute reprochée à M. [W] :

Considérant que, comme le demandent M. [W] et son assureur, il y a d'abord lieu de rechercher si M. [W], saisi au mois d'octobre 1995, a rempli son obligation de conseil et de diligence en déposant, dans les délais légaux, la requête introductive d'instance, tant au regard des règles relatives à la prescription quadriennale, que du délai de recours formé sur rejet d'une demande préalable ;

Considérant que, comme il est dit supra, M. [M] a été victime d'une allergie à l'héparine le 9 septembre 1991 ; que, le 23 janvier 1996, M. [E] [W] a présenté une réclamation à l'Assistance publique-Hôpitaux de [Localité 7] en imputant une faute aux médecins et que la décision de rejet a été rendue le 18 juin 1996 sans être, ensuite, frappée de recours ; que la deuxième réclamation, présentée le 11 février 1997 par M. [W] sur le fondement de la responsabilité sans faute, a été rejetée le 18 février 1997 et que, sur le recours formé par l'intermédiaire de M. [W] et enregistré le 21 avril 1997, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. [M] comme étant tardive au regard de la notification de la décision de rejet reçue le 19 juin 1996 par le susnommé ;

Considérant que, pour rejeter la requête, le Tribunal administratif de Paris énonce que « M. [M] a reçu le 19 juin 1996 notification de la décision du directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris rejetant sa demande préalable et que cette notification mentionnait les délais et voies de recours ouverts à l'encontre de ladite décision » et que « la requête de M. [W] n'a été enregistrée au greffe du tribunal que le 21 avril 1997 » ; qu'en se déterminant par ces motifs d'où il ressort que les deux demandes préalables adressées à l'administration n'en formaient qu'une, leur fondement juridique fût-il différent, le Tribunal administratif n'a fait qu'appliquer les textes et la jurisprudence relatifs au point de départ du cours de la prescription applicable en matière de recours contentieux ; que soutenir le contraire, comme le fait M. [W], reviendrait à admettre qu'en présentant des réclamations successives à l'Administration en vue de provoquer de nouvelles décisions préalables, l'usager ait la possibilité de repousser indéfiniment le point de départ du recours contentieux ;

Qu'il suit de là que le recours formé contre la décision du 18 février 1997 était voué à l'échec et qu'en s'abstenant de former un recours contentieux contre la décision du 18 juin 1996, M. [W] a commis un manquement à son obligation de conseil et de diligence ;

Considérant qu'en outre, la réclamation du 23 janvier 1996 a été adressée par M. [E] [W] à l'Assistance publique-Hôpitaux de [Localité 7] après l'expiration du délai de prescription quadriennale dès lors que le fait dont se plaint M. [M] s'est produit le 9 septembre 1991 et que, partant, le délai utile pour saisir utilement l'administration prenait fin le 31 décembre 1995 ;

Qu'à cet égard également, et même si le Tribunal administratif, en vertu de la règle non écrite du « moyen utile », n'a pas retenu ce motif, M. [W], chargé des intérêts de M. [M] depuis le mois d'octobre 1995, a commis un manquement à son obligation de conseil et de diligence ;

Sur la perte de chance subie par M. [M] :

Considérant qu'il convient alors d'examiner si la faute imputable à M. [W] a fait perdre à M. [M] une chance réelle et sérieuse d'obtenir devant la juridiction administrative réparation des chefs de préjudice qu'il allègue ;

Considérant qu'en l'état du droit applicable aux faits de la cause, le Conseil d'Etat estime que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade comporte un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle, et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient, comme avec l'évolution prévisible de cet état et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'en fait, M. [M] a présenté une réaction allergique à l'héparine, médicament présent de longue date sur le marché et utilisé pour fluidifier le sang ; qu'à cet égard, il n'est pas contesté que, comme le rapporte la décision de l'Assistance publique-Hôpitaux de [Localité 7] en date du 18 février 1997, « Monsieur [M] présentait des épisodes d'accident vasculaire cérébral avec aphasie et hémiparésie droite et son état de santé laissait apparaître des antécédents de troubles de la coagulation » de sorte que « compte tenu de ces accidents vasculaires récidivants, il était impératif de prescrire un traitement à l'héparine » ;

Qu'il s'ensuit que le dommage dont se plaint M. [M] n'est pas dépourvu de rapport avec son état de santé initial qui a été constaté dès la nuit du 26 au 27 août 1991 lorsqu'il a été atteint subitement d'une paralysie du membre supérieur droit associée à une aphasie et à une paralysie faciale droite ;

Qu'en conséquence, M. [M] n'avait aucune chance réelle et sérieuse d'être indemnisé sur le fondement de la règle appliquée par le Conseil d'Etat ;

Considérant que, de plus, le préjudice de carrière, comme le préjudice né de frais de déménagement inutiles, sont dépourvus de lien de causalité avec les reproches adressés à l'avocat dès lors que le mal qui s'est déclaré la nuit du 26 au 27 août 1991 a suffit, à lui seul, à modifier le cours de la carrière de M. [M] ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, d'approuver les premiers juges qui ont débouté M. [M] de toutes ses demandes ;

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Considérant que les parties sollicitent une indemnité en invoquant les dispositions susvisées ; que, succombant en ses prétentions, M. [M] sera débouté de sa réclamation ; que l'équité ne commande pas qu'il soit donné satisfaction à M. [W] et aux Mutuelles du Mans Assurances quant à ce chef de demande ;

Considérant que, compte tenu de la faute commise, M. [W] et les Mutuelles du Mans Assurances supporteront les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 26 septembre 2007 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a condamné M. [R] [M] aux dépens ;

Déboute M. [M], M. [E] [W] et les Mutuelles du Mans Assurances, chacun de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [W] et les Mutuelles du Mans Assurances aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par la S.C.P. Ribaut, avoué de M. [M], conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 07/20619
Date de la décision : 23/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°07/20619 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-23;07.20619 ?
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