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18/02/2010 | FRANCE | N°09/09373

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 18 février 2010, 09/09373


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 18 FEVRIER 2010



(n° 78 ,5 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 09/09373



Décision déférée : ordonnance rendue le 02 Mai 2007 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY



Nature de la décision : contradictoire



Nous, Dominique

SAINT-SCHROEDER, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 18 FEVRIER 2010

(n° 78 ,5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/09373

Décision déférée : ordonnance rendue le 02 Mai 2007 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffière présente lors des débats ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 26 novembre 2009 :

- Monsieur [C], [R], [G] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

- Madame [O], [X], [S] [P] épouse [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentés par Maître Fabian LAHAIE, avocat plaidant pour la SELARL LAHAIE THOMAS BELLIARD ), avocat au barreau de Rennes

APPELANT

et

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux,

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Maître Dominique HERBRARD-MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 26 novembre 2009, l'avocat de l'appelant et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 18 Février 2010 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Par ordonnance du 2 mai 2007, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny a, au visa de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales, autorisé la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, ci-après DNEF, à visiter les locaux et dépendances sis [Adresse 3] susceptibles d'être occupés par Monsieur [C] [N] et/ou son épouse née [P] [O] en raison de l'implication de ces derniers dans le fonctionnement des sociétés PARIS EST DIFFUSION et EURO MOTORS DEVELOPPEMENT à l'encontre desquelles a été retenue l'existence de présomptions de fraude consistant dans le fait, pour la première, d'avoir majoré fictivement ses bases de TVA déductible et ses charges déductibles à l'impôt sur les sociétés et de n'avoir déclaré que partiellement à la TVA les acquisitions intra-communautaires ressortant des bases de recoupement intra-communautaire et d'avoir minoré ses bases taxables à la TVA et, pour la seconde, de ne pas avoir déclaré à la TVA les acquisitions intra-communautaires ressortant des bases de recoupement intra-communautaire et de minorer ses bases taxables à la TVA.

La visite a eu lieu le 4 mai 2007 de 7h10 à 8h45 en présence de Monsieur et Madame [N] qui ont signé le procès-verbal de visite et de saisie. Ces derniers ont interjeté appel par acte du 16 janvier 2009.

Dans leurs conclusions du 26 novembre 2009 développées oralement à l'audience, Monsieur et Madame [N] demandent l'annulation de l'ordonnance du 2 mai 2007 aux motifs qu'elle est constituée d'un document pré-rédigé, que la requête comportant 40 pièces et 221 feuillets le juge n'a paspu effectuer un contrôle effectif de la proportionnalité et partant que les articles 6 § 1 et 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme (CESDH) ont été violés. Ils demandent également l'infirmation de l'ordonnance précitée et l'annulation des actes subséquents en l'absence de présomptions de fraude à leur égard et dès lors que la majorité des opérations incriminées réalisées par les sociétés PARIS EST DIFFUSION et EURO MOTORS DEVELOPPEMENT ne rentrerait pas dans le champ d'application territoriale de la TVA française et qu'aucune présomption de fraude ne serait caractérisée. Ils concluent encore à l'annulation de l'ordonnance en l'absence d'information relative à la possibilité d'avoir recours au conseil de son choix et accès au juge ce qui est contraire à l'article 6 § 1 de la CESDH de même que le serait la modification apportée par l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008, loi de validation rétroactive qui serait, en outre, contraire à l'article 1 du Protocole additionnel n°1 en ce qu'elle priverait le contribuable d'un moyen de droit pertinent dans le cadre d'une contestation en cours. Ils réclament la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La DNEF conclut à la recevabilité de l'appel mais à son rejet et à la confirmation de l'ordonnance attaquée. Elle sollicite la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

Sur la conformité de l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008,

Considérant que contrairement à ce que soutiennent Monsieur et Madame [N], la loi du 4 août 2008 n'est pas contraire à l'article 6 § 1 de la CESDH pas plus qu'à l'article 1 du Protocole additionnel n°1 ; qu'en effet, elle ouvre un recours nouveau qui permet d'accéder à un juge pour que soient vérifiées les conditions formelles d'autorisation de la visite domiciliaire, les présomptions articulées au fond pour la délivrance de l'ordonnance et, le cas échéant, les circonstances du déroulement de la visite ;

que la Cour européenne des droits de l'homme a conclu, dans son arrêt « RAVON » du 21 février 2008 que citent les appelants, à la violation de l'article 6 § 1 de la CESDH dans la mesure où le requérant n'avait pu bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif et a précisé que ce contrôle devait porter sur la régularité de la décision prescrivant la visite et des mesures prises sur son fondement ; que cette décision n'a pas eu pour effet de remettre en cause le principe de légalité des visites domiciliaires judiciairement autorisées en cas de fraude ni d'entraîner de fait la nullité de l'ensemble des procédures de visite domiciliaire ;

que, par ailleurs, la modification apportée par l'article 164 de la loi du 4 août 2008 n'a pas couvert les irrégularités passées ; qu'elle a ajouté un contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la décision prescrivant la visite et des mesures prises sur son fondement et a maintenu les mêmes garanties déjà prévues par la loi ;

qu'ainsi, l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction actuelle et les dispositions transitoires de l'article 164 précité sont conformes aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme, à l'article 6 § 1 de la CESDH ainsi qu'à l'article 1 du Protocole additionnel n°1.

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance du 2 mai 2007

Considérant que Monsieur et Madame [N] concluent à l'annulation de l'ordonnance du 2 mai 2007 au visa des articles 6 § 1 et 8 de la CESDH ;

qu'ils font valoir, d'une part, que cette décision est constituée d'un document pré-rédigé par l'administration fiscale, libellé dans les mêmes termes que deux autres ordonnances émanant de juges des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Pontoise et du tribunal de grande instance de Meaux, et qu'apposer sa signature sur un tel document caractériserait une violation du devoir d'impartialité objective et un manquement au contrôle effectif de la proportionnalité, le juge n'ayant pu de surcroît examiner les 40 pièces qui lui étaient soumises dès lors que l'ordonnance a été rendue le même jour que celui de la présentation de la requête de l'administration fiscale ;

qu'ils affirment, d'autre part, que constitue un manquement au droit d'accès au tribunal au sens de l'article 6 § 1 de la CESDH, l'absence d'information du contribuable de la possibilité d'avoir recours au conseil de son choix et que l'ordonnance ne comporte pas plus d'information sur l'accès au juge permettant la suspension ou l'arrêt des mesures durant l'exécution de celles-ci, ce qui justifierait l'annulation de l'ordonnance entreprise.

Mais considérant que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui a rendu et signé cette ordonnance ; que la circonstance que celle-ci soit rédigée dans les mêmes termes que d'autres décisions rendues, dans des affaires liées, par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence est sans incidence sur sa régularité ;

que, par ailleurs, l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ne prévoyant aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision d'autorisation, le nombre de pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de la requête ne peut, à lui seul, laisser présumer que le juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude ; que la circonstance que la décision soit rendue le même jour que celui de la présentation de la requête a d'autant moins d'incidence sur sa régularité que la considération de l'identité typographique entre la requête et l'ordonnance ne permet pas aux appelants de présumer que le juge a fait l'économie de l'examen de la cause et des pièces qui lui ont été fournies, étant observé que Monsieur et Madame [N] ne savent rien des conditions de temps qui furent nécessaires au juge pour rendre sa décision ;

que ces griefs ne sont donc pas caractérisés.

Considérant, s'agissant du défaut d'information sur le droit d'accès au juge, que le juge des libertés et de la détention a nommément désigné deux officiers de police judiciaire pour assister aux opérations de visite et de saisie et le tenir informé de leur déroulement, veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions de l'article L.16 B II du Livre des procédures fiscales ;

que sur l'accès à l'avocat, la loi en vigueur à l'époque de l'ordonnance critiquée ne prévoyait pas la mention d'une telle possibilité ; que la Cour européenne des droits de l'homme n'en avait pas non plus affirmé le caractère indispensable ;

que ces griefs seront en conséquence écartés de même que celui se rapportant à l'absence de contrôle de proportionnalité de la mesure autorisée au domicile des appelants dès lors que le juge des libertés et de la détention a relevé la collaboration de ces derniers à l'activité des sociétés précitées, Monsieur [N] pour être associé de ces deux sociétés au fonctionnement desquelles il semblait participer activement, son nom apparaissant sur des télécopies en provenance de sociétés espagnoles en relation commerciale avec les dites sociétés et Madame [N] pour être l'interlocutrice de l'inspectrice des impôts dans les cadre de la procédure afférente à la société PARIS EST DIFFUSION et en charge de la comptabilité de cette société, et qu'ainsi ils étaient susceptibles de détenir à leur domicile des documents ou supports d'information relatifs à la fraude présumée.

Sur l'absence d'éléments caractérisant une présomption de fraude

Considérant que Monsieur et Madame [N] contestent l'existence d'une présomption de fraude les concernant.

Mais considérant que la visite ordonnée à leur domicile l'a été pour les raisons sus énoncées.

Considérant que les appelants soutiennent, par ailleurs, que les opérations de vente de véhicules que les sociétés PARIS EST DIFFUSION et EURO MOTORS DEVELOPPEMENT effectuent ne relèvent pas du champ d'application territorial de la TVA française dès lors que le transfert de propriété des véhicules entre elles et leurs clients intervient en Belgique ou en Allemagne ce qui serait notamment le cas lorsque ces clients vont eux-mêmes chercher les véhicules dans ces pays, et qu'il ne peut donc leur être reproché un manquement à des obligations déclaratives en France.

Considérant que l'article L.16 B I du Livre des procédures fiscales demande au juge de vérifier qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au payement de certains impôts énumérés par la loi ;

que la présomption doit être vérifiée au regard des modalités les plus habituelles de la fraude que ce texte énumère ;

que l'article L.16 B II impose au juge de vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée.

Considérant, en l'espèce, que le juge des libertés et de la détention a relevé, s'agissant de la société PARIS EST DIFFUSION, qu'au titre de la période du 01/11/2004 au 31/03/2005, cette société avait comptabilisé des achats de véhicules d'occasion pour un montant total de 3.311.701 € et avait produit les factures dont le montant total s'élevait à la somme de 2.763.642 €, soit un écart de 548.059 €, et qu'au titre de la période du 01/04/2005 au 31/03/2006, l'écart entre les achats de véhicules d'occasion, soit 15.078.123 €, et les factures, soit 14.136.257 €, s'élevait à 941.866 € de sorte que la société PARIS EST DIFFUSION ne justifiant pas la totalité des charges comptabilisées, il pouvait être présumé qu'elle majorait fictivement ses bases de TVA déductible et ses charges au titre de l'impôt sur les sociétés ;

que le juge a, en outre, relevé que les acquisitions intra-communautaires de la société PARIS EST DIFFUSION figurant sur la base de données TTC en provenance de la Communauté européenne s'élevaient à 1.011.702 € au titre de la période du 1/10/2004 au 31/03/2005 et à 14.066.202 € au titre de la période du 01/04/2005 au 31/03/2006 tandis qu'elle mentionnait sur ses déclarations de TVA des acquisitions intra-communautaires pour un montant de 71.420 € au titre du premier exercice et de 253.213 € au titre du second ; qu'il en a conclu que cette société était présumée ne pas déclarer tout ou partie de ses acquisitions sur ses déclarations de TVA et minorer ses bases taxables à la TVA ;

que le juge des libertés et de la détention a de même relevé, s'agissant de la société EURO MOTORS DEVELOPPEMENT, que les acquisitions intra-communautaires de cette société figurant sur la base de données TTC en provenance d'Espagne s'élevaient à 3.893.086 € au titre des deuxième et troisième trimestres 2006 et que cette société n'avait déclaré aucune acquisition intra-communautaire sur ses déclarations de TVA ;

qu'il en a conclu que la société EURO MOTORS DEVELOPPEMENT était présumée ne pas déclarer ses acquisitions intra-communautaires sur ses déclarations de TVA et minorer en conséquence ses bases taxables à la TVA ;

qu'il convient de rappeler que le juge des libertés et de la détention doit vérifier qu'il existe des présomptions de fraude, ce qu'il fit en l'espèce, et non pas que cette fraude est constituée ;

que l'argument suivant lequel les opérations incriminées ne rentreraient pas dans le champ d'application territorial de la TVA française mais relèveraient de la TVA allemande ou belge de sorte que le principe même de la rectification n'était pas fondé et a fortiori une fraude, est inopérant dès lors qu'il s'applique au débat de fond qui ne relève pas de la compétence du juge des libertés et de la détention.

Considérant qu'il suit de ces développements que l'ordonnance déférée doit être confirmée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer à la DNEF la somme qu'elle sollicite au titre de ses frais irrépétibles d'appel ; que le sens de l'arrêt conduit à rejeter la demande formée au même titre par Monsieur et Madame [N].

PAR CES MOTIFS

DÉCLARONS l'appel recevable.

CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 2 mai 2007 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny.

CONDAMNONS Monsieur [C] [N] et Madame [O] [P] épouse [N] à verser à Monsieur le Directeur général des Finances publiques, représenté par le chef des services fiscaux, chargé de la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les déboutons de leur demande formée du même chef.

CONDAMNONS Monsieur [C] [N] et Madame [O] [P] épouse [N] aux dépens.

LA GREFFIÈRE

Fatia HENNI

LA DÉLÉGUÉE DU PREMIER PRESIDENT

Dominique SAINT-SCHROEDER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/09373
Date de la décision : 18/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°09/09373 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-18;09.09373 ?
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