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18/02/2010 | FRANCE | N°07/21777

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 18 février 2010, 07/21777


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/21777



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/09435





APPELANTE:



S.C.I. TIMOTE

agissant en la personne de son gérant

ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Maître Clémentine COLÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1387



INTIMÉE:



Société BANQUE...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/21777

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/09435

APPELANTE:

S.C.I. TIMOTE

agissant en la personne de son gérant

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Maître Clémentine COLÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1387

INTIMÉE:

Société BANQUE DELUBAC & COMPAGNIE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par la SCP MIRA - BETTAN, avoué à la Cour

assistée de Maître Olivier GEDIN, avocat au barreau de PARIS, toque K 170 , plaidant pour la SELARL PARDO- BOULANGER & ASSOCIES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

La société civile immobilière Timote est appelante d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris en date du 21 novembre 2007 qui l'a condamnée à payer à la société Banque Delubac les deux tiers de la somme de cent trois mille cent trois euros et cinquante-trois centimes (103.103,53 €), avec les intérêts au taux contractuel Euribor majoré de deux points à compter de la date de chaque échéance impayée, et de celle de soixante-douze mille cent neuf euros et soixante-sept centimes (72.109,67 €), avec les intérêts au taux contractuel Euribor majoré de deux points à compter de la date de résiliation du prêt ; a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par la société civile immobilière Timote au titre d'un préjudice moral subi par Mme [O] [Y] ; a débouté les parties du surplus de leurs demandes ; a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; a partagé les dépens entre la société civile immobilière Timoté et la société Banque Delubac, dans la proportion des deux tiers à la charge de la première, d'un tiers à la charge de la seconde.

Ceux des faits et relations contractuelles qui sont constants peuvent être résumés ainsi qu'il suit :

La société civile immobilière Timote a été constituée le 3 août 1994 entre Mme [O] [Y], titulaire de mille deux cent quarante-neuf (1.249) parts et

M. [B] [V], porteur d'une (1) part, en vue d'acquérir un bien immobilier sis à [Adresse 4]. Ce bien était destiné à accueillir l'activité professionnelle de Mme [Y], commissaire-priseur.

Pour financer cette acquisition, la société civile immobilière Timote a, suivant acte notarié en date du 30 septembre 1994, emprunté à la société Banque Delubac et Cie, la somme d'un million cinq cent vingt-cinq mille francs (1.525.000 F), correspondant à deux cent trente-deux mille quatre cent quatre-vingt-quatre euros et soixante-quinze centimes (232.484,75 €), remboursable par trimestrialités sur quinze (15) ans, à un taux variable.

En mai 2001, Mme [Y] a été atteinte de très graves problèmes de santé, puisqu'elle a été frappée d'une lésion de la moelle épinière déterminant une paralysie des deux membres inférieurs. Mme [Y] est aujourd'hui invalide à 80%.

Il n'est pas contesté que, depuis mai 2001, elle envoie à la banque les arrêts de travail, qui sont renouvelés tous les trois mois.

Il est établi que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 août 2001, Mme [Y] a écrit à la banque pour s'enquérir de la suite donnée à sa demande de prise en charge dans le cadre du contrat d'assurance de groupe invalidité-décès soumis par la banque au moment de la signature du contrat de prêt.

Les remboursements trimestriels du prêt continuant à être prélevés sur le compte de la société civile immobilière, alors que le gestionnaire du compte lui avait assuré que le dossier de prise en charge suivait son cours, Mme [Y], par lettre recommandée du 7 juin 2002, a écrit à la banque pour s'étonner de l'absence de réponse de l'assurance et de la poursuite des prélèvements.

À compter du mois de décembre 2002, la banque a cessé de prélever les échéances du prêt. Toutefois des agios correspondant à ces prélèvements continuaient à apparaître sur les relevés de la société civile immobilière. Mme [Y] s'en étant inquiétée, il lui a été indiqué qu'il s'agissait d'un « problème informatique ».

En dépit de multiples rappels, dont certains sont justifiés par les lettres recommandées produites aux débats, Mme [Y] n'a obtenu aucune réponse écrite de la banque avant que, le 28 septembre 2005 soit quatre ans et demi avant qu'elle ait signalé son état de santé à l'établissement de crédit. À cette date, le médiateur de la banque lui a indiqué qu'il n'avait trouvé aucune trace de son adhésion à l'assurance décès-invalidité :

« Nous vous indiquons n'avoir pas trouvé trace de l'acceptation par la compagnie d'assurance de votre adhésion au contrat groupe invalidité-décès. Cet accord était subordonné à des examens médicaux dont la banque n'a jamais eu connaissance pour des raisons de confidentialité.

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous adresser copie de l'avis d'acceptation de la compagnie d'assurance ou de tout autre document que la compagnie a pu vous adresser directement à l'époque afin de pouvoir vous apporter une réponse dès que possible ».

En date du 2 octobre 2005, Mme [Y] a indiqué à la banque :

« Je n'ai aucun document en provenance de votre compagnie d'assurance. Ces documents sont certainement en votre possession, puisque l'acceptation d'un dossier de crédit est subordonné à l'acceptation de l'assurance ».

En date du 15 novembre 2005, la médiateur de la société Banque Delubac a adressé un courrier à Mme [Y], dans lequel il était indiqué que la compagnie d'assurance avait subordonné son acceptation à des examens médicaux complémentaires, que Mme [Y] ne s'y était pas prêtée en dépit d'une lettre de rappel, de sorte que le dossier avait été classé en avril 1995. Il était en outre indiqué que l'examen des relevés bancaires depuis le 31 décembre 1994, date de la première échéance, révélait qu'aucune prime d'assurance n'avait jamais été payée. De la sorte, la banque en déduisait qu'aucune assurance ne couvrait le prêt, à moins que Mme [Y] n'en ait souscrite une auprès d'une autre compagnie.

Par courrier recommandé du 23 novembre 2005, la banque Delubac a confirmé que la compagnie d'assurance avait classé le dossier faute de réponse de Mme [Y] quant à des renseignements médicaux complémentaires. Elle n'était donc couverte que par la garantie de base, couvrant les risques décès et invalidité définitive, mais pas l'invalidité temporaire.

Par courrier recommandé du 28 novembre 2005, Mme [Y] a indiqué à la banque Delubac qu'elle n'avait jamais reçu les courriers invoqués et lui a demandé de lui en faire parvenir copie.

Par courrier du 7 décembre 2005, la banque s'est bornée à demander paiement des échéances du prêt.

Par courrier du 4 décembre 2005, Mme [Y] a contesté tous les agios figurant sur les relevés depuis septembre 2001.

Faisant valoir que les remboursements du prêt n'étaient plus assurés depuis septembre 2001, la banque Delubac a fait connaître à la société civile immobilière, par courrier du 15 mai 2006, qu'elle entendait se prévaloir de la déchéance du terme, puis, par acte du 21 juin 2006, l'a assignée en paiement devant le Tribunal de grande instance de Paris.

Devant les premiers juges, la société civile immobilière Timote a mis en cause à titre reconventionnel la responsabilité de la banque.

C'est dans le cadre de cette procédure qu'est intervenu, en date du 21 novembre 2007, le jugement entrepris.

Aux termes de ses écritures récapitulatives signifiées le 17 décembre 2009, la société civile immobilière Timote demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la responsabilité pour faute de la banque était engagée ; d'infirmer cette décision en ce qu'il a sous-estimé le préjudice causé, le tribunal l'ayant fixé à un tiers des sommes dues à la banque ; statuant à nouveau, de fixer le préjudice subi au montant des sommes réclamées par la Banque Delubac et Cie ; de prononcer la compensation entre les créances ; de condamner la Banque Delubac et Cie à lui payer en outre la somme de quinze mille euros (15.000 €) à titre de dommages-intérêts ; de condamner la société Banque Delubac et Cie à lui payer la somme de quatre mille euros (4.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; de condamner la société Banque Delubac et Cie aux dépens.

La société civile immobilière Timote indique qu'ayant adhéré à un contrat d'assurance de groupe invalidité-décès soumis à la banque, elle a demandé à celle-ci que les échéances du prêt soient prises en charge par l'assureur.

De premiers manquements de la banque sont immédiatement apparus, puisqu'alors que Mme [Y] avait signalé dès juin 2001 l'état de santé qui était le sien, elle n'a pas obtenu de réaction de l'organisme financier. Une lettre recommandée du 9 août 2001, puis la transmission d'un certificat médical le 30 août 2001 n'ont pas déterminé davantage de réaction.

Le gestionnaire du compte a assuré à Mme [Y] que la prise en charge par la police d'assurance suivait son cours, mais, en dépit de ces bonnes paroles, les échéances du prêt continuaient à être prélevées sur le compte bancaire de la S.C.I. un an plus tard, de sorte que Mme [Y] a, par lettre recommandée du 7 juin 2002, protesté contre cette situation.

Ce n'est qu'en décembre 2002 que la banque a cessé de prélever les mensualités. Elle n'en pas moins continué à facturer des agios sur ces mensualités.

La société civile immobilière Timote s'est plainte de ces procédés, sans obtenir de réactions de la banque.

Mme [Y] ayant adressé le 5 septembre 2005 une lettre à la banque pour protester contre le prélèvement de ces agios indus, le médiateur de cet organisme lui a écrit le 28 septembre 2005, soit quatre ans après qu'elle ait informé la banque de sa maladie, qu'il n'avait pas trouvé trace de son adhésion au contrat d'assurance de groupe décès-invalidité et qu'en outre, l'accord de l'assureur était subordonné à des examens médicaux dont la banque n'avait jamais eu connaissance pour des raisons liées au secret médical. Le médiateur demandait à Mme [Y] de lui adresser copie de l'avis d'acceptation de la compagnie d'assurance.

Il apparaissait donc dès ce moment que la banque n'avait probablement jamais transmis les documents d'assurance à sa cliente.

Par courrier du 2 octobre 2005, Mme [Y] répondait que ce document ne pouvait qu'être en possession de la banque, puisque l'acceptation du dossier de crédit était subordonnée à l'acceptation de l'assurance.

Par courrier du 15 novembre 2005, le médiateur répondait à Mme [Y], qui expose que cette lettre était destinée à amoindrir, dans la mesure du possible, la faute de la banque.

Le médiateur estimait qu'aucune assurance ne couvrait Mme [Y], sauf si celle-ci en avait contracté une de sa propre initiative.

Par courrier du 23 novembre 2005, la banque affirmait à nouveau qu'aucune police de groupe n'avait été souscrite, en raison de l'abstention de Mme [Y] de fournir les renseignements médicaux complémentaires demandés.

La société civile immobilière Timote indique qu'elle a demandé copie des lettres soit disant adressées par la compagnie d'assurance, sans jamais obtenir ces documents allégués.

Les discussions entre les parties n'ont pas évolué.

C'est dans ces conditions que, par lettre recommandée du 31 décembre 2005, Mme [Y] a proposé de justifier de son invalidité définitive et a réclamé copies des courriers que l'assurance de groupe lui aurait adressés ainsi que de la police d'assurance.

La seule réponse de la banque a été de se prévaloir de la déchéance du terme.

La société civile immobilière Timote et Mme [Y] ont renouvelé leurs demandes de communication des lettres de demande invoquées par la banque et de la police d'assurance.

La réponse de la banque a été alors d'assigner en paiement.

Ceci exposé, la société civile immobilière Timote développe les moyens et arguments suivants :

Tout d'abord, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la faute de la banque est incontestable.

Au stade de la conclusion du contrat de prêt, la banque Delubac a, à l'évidence, omis de transmettre à sa cliente les correspondances de l'assureur, ce qui a déterminé la non-activation de l'assurance de groupe.

La banque a commis une seconde faute en ne lui remettant pas la notice d'information prévue à l'article L. 441-4 du Code des assurances.

Enfin, la banque a manqué à son devoir de conseil, car la police de groupe qu'elle a fait souscrire à la cliente ne correspondait manifestement pas à la situation de celle-ci.

Par la suite, la banque a continué à accumuler les fautes en lui faisant croire pendant des années qu'elle s'occupait de son dossier d'assurance, puis qu'elle était effectivement couverte, pour prétendre, des années plus tard, qu'elle n'avait tout simplement jamais été assurée.

Mme [Y] souligne que la banque a soutenu qu'elle avait adressé deux correspondances à la compagnie d'assurance en date des 23 novembre 1994 et 14 février 1995.

Ces deux documents n'ont été communiqués qu'en janvier 2007, alors qu'elle réclamait ces soit disant demandes de renseignements médicaux depuis plusieurs années.

Or, le premier des ces prétendus courriers ne comporte même pas d'adresse, alors que le second est « à l'attention de M. [U] ».

Il est évident que ces courriers, à supposer qu'ils aient existé, ont été adressés à la banque et non à Mme [Y] ou à la société civile immobilière Timote.

La société civile immobilière ajoute que l'assureur était un assureur de groupe et qu'elle ignorait ses coordonnées, ayant fait toute confiance à la banque : c'est en présence de son interlocuteur à la banque qu'elle avait signé le bulletin d'adhésion et renseigné le questionnaire de santé.

La société civile immobilière note que la banque prétend qu'elle savait qu'elle n'était pas assurée, puisqu'elle ne payait pas de prime d'assurance. Cet argument est totalement fantaisiste alors que le contrat de prêt stipule à l'article 7 que le taux du prêt est inclus dans le coût de la police d'assurance.

La société civile immobilière répond enfin à l'argument de la banque suivant lequel, quand bien même elle eût été assurée, elle n'eût pas été couverte car elle continue à travailler.

La police d'assurance et la notice relative aux garanties n'ont jamais été remises à l'assuré, de sorte que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ, 2e, 25 juin 2009), on ne peut lui opposer une limitation des garanties.

En outre, Mme [Y] est reconnue invalide à 80% jusqu'en 2011, elle a une maladie de la moelle épinière et est paralysée des jambes et son travail se limite en fait à « tenir le marteau » pour une dizaine de ventes publiques par an, chaque vente durant deux à trois heures. L'ironie utilisée par la banque dans ses écritures sur la gravité de son état de santé est donc, selon Mme [Y], plus que déplacée.

Pour le reste, les points discutés par l'appelante. concernent les intérêts :

Elle fait valoir notamment que le taux invoqué par la banque n'a aucun caractère contractuel démontré.

De plus, des agios ont été prélevés sur son compte sur des mensualités de prêt qui devaient être prises en charge par l'assurance.

Suivant écritures du 1er décembre 2009, valant écritures récapitulatives, la société Banque Delubac et Cie demande à la Cour de réformer le jugement entrepris et de condamner la S.C.I. à lui payer les sommes de cent soixante-quinze mille deux cent treize euros et vingt centimes (175.213,20 €) et treize mille quarante-cinq euros et quatre-vingt-dix-huit centimes (13.045,98 €) au titre du prêt, avec les intérêts au taux légal, et la somme de trois mille euros (3.000 €) au titre des frais irrépétibles.

Il y a lieu de constater que la Banque Delubac et Cie ne reprend pas son moyen d'irrecevabilité dans ses écritures récapitulatives.

La société Banque Delubac et Cie fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute, l'absence de prise en charge par l'assureur étant exclusivement imputable à Mme [Y], qui avait seule obligation de souscrire une assurance aux termes de l'acte de prêt notarié du 30 septembre 2004, n'a jamais effectué aucune démarche à cet effet et, bien plus, n'a jamais répondu aux demandes de renseignements de l'assureur.

La banque s'attache à démontrer qu'elle n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil et d'information.

À l'inverse de la société civile immobilière, la banque soutient qu'elle a remis à sa cliente la notice d'adhésion, ce qu'elle a reconnu dans la demande d'adhésion qu'elle a signée.

Ensuite, la banque souligne que les demandes de renseignements n'ont pas été adressées à la société civile immobilière, mais à Mme [Y].

Par ailleurs, la maladie de Mme [Y] n'entre pas dans la catégorie d'invalidité couverte, de sorte que, quand bien même elle aurait été assurée, elle n'aurait pas été garantie pour ce type de maladie, d'autant plus qu'elle n'a pas cessé son activité professionnelle, qui, selon l'intimée, reste très importante.

Enfin, la société intimée s'attache à justifier le détail de sa créance.

La Cour se réfère aux écritures récapitulatives des parties pour le détail plus ample de leurs moyens et arguments.

SUR CE,

1.- Sur les sommes dues par la société civile immobilière Timote à la société Banque Delubac et Cie :

Considérant que la société civile immobilière Timote ne conteste pas que les échéances trimestrielles du prêt ont cessé d'être prélevées sur son compte au-delà du prélèvement de fin septembre 2000 ;

Considérant que, les échéances contractuellement stipulées n'ayant pas été réglées à la date prévue, les intérêts de retard au taux contractuel ont nécessairement couru, étant précisé, comme l'ont relevé très exactement les premiers juges, que les intérêts déjà inclus dans les échéances sont seulement ceux dus pour un paiement intervenu au jour convenu ;

Considérant que la société civile immobilière Timote, outre le montant des échéances impayées et le capital restant dû, soit au total cent soixante-quinze mille deux cent treize euros et vingt centimes (175.213,20 €), doit les intérêts au taux du contrat sur chaque échéance à compter de sa date et sur le capital devenu exigible à la date de résiliation ; que les fautes commises par la banque ne peuvent déterminer une réduction des intérêts, comme le soutient l'appelante, mais doivent être réparées par l'allocation de dommages-intérêts ;

Considérant ensuite qu'il est démontré par les pièces produites aux débats qu'à compter du 30 septembre 2001, les échéances du prêt ont été extournées du compte courant, de sorte que ce compte étant créditeur à cette date et n'ayant plus fonctionné depuis, des agios sur ce compte, correspondant à treize mille quarante-cinq euros et quatre-vingt-dix-huit centimes (13.045,98 €), ne peuvent être dus à la banque Delubac ;

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, la société Timote doit être condamnée à payer à la société Banque Delubac et Cie : a) la somme de cent trois mille cent trois euros et cinquante-trois centimes (103.103,53 €), représentant les échéances impayées avant déchéance du terme, avec les intérêts au taux contractuel Euribor majoré de deux (2) points à compter de la date de chaque échéance impayée jusqu'à la date de déchéance du terme et b) celle de soixante-douze mille cent neuf euros et soixante-sept centimes (72.109,67 €), avec les intérêts au taux contractuel Euribor majoré de deux (2) points à compter du 15 mai 2006, date de la mise en demeure ;

2.- Sur les fautes reprochées à la société Banque Delubac :

a.- Considérant que toute banque doit à ses clients une obligation de conseil, d'information et de diligence ; que cette obligation était due sans restriction aucune à la société civile immobilière Timote, qui n'était en aucune manière une professionnelle des activités financières ;

Considérant que, lorsqu'existe un contrat d'assurance-groupe, ce qui est constant en l'espèce, et au demeurant mentionné au document n° 9 communiqué par la société Banque Delubac, la banque, en sa qualité d'intermédiaire professionnel entre son client et l'assureur, a le devoir d'informer complètement et diligemment le premier sur les différents types de polices proposés et les garanties correspondantes ; qu'elle doit également transmettre à l'emprunteur les documents qu'elle a reçus comme intermédiaire de l'assureur ; qu'elle a l'obligation de vérifier la bonne réception par l'emprunteur de ces documents, de leur retour à la compagnie d'assurance, s'il apparaît qu'ils n'ont pas été retournés, de s'enquérir de la raison de ce fait, enfin, d'informer son client d'un refus ou d'un classement de la demande par l'assureur ; qu'en cours d'exécution du contrat, la banque intermédiaire a l'obligation de donner tous renseignements nécessaires et en temps utile à l'emprunteur qui demande la mise en 'uvre de l'assurance ;

Considérant que, conformément à l'article 1315 du Code civil celui qui est débiteur d'une obligation doit démontrer qu'il l'a exécutée ;

b.- Considérant en premier lieu que la Banque Delubac et Cie ne justifie pas avoir conseillé la société civile immobilière sur le choix des deux types d'assurance-groupe qui étaient proposés, sur les risques couverts dans l'une et l'autre de ces hypothèses et sur l'intérêt d'opter pour l'une ou l'autre eu égard au montant de l'emprunt, à la nature de l'investissement programmé et aux risques spécifiques aux professionnels libéraux ; que l'établissement de crédit invoque avoir remis à Mme [Y] une « note d'information », mais s'abstient d'en produire un exemplaire, de sorte qu'il est impossible de retenir que ce document comportait quelque renseignement utile que ce soit pour la contractante ;

Qu'il se déduit de ces constatations que la société Banque Delubac et Cie a commis une première faute engageant sa responsabilité civile ;

c.- Considérant en second lieu que la banque soutient que l'assureur de groupe, la compagnie Euralliance, a adressé à Mme [Y] deux correspondances en date des 23 novembre 1994 et 14 février 1995, lui demandant de transmettre à son médecin conseil divers tests et examens médicaux ;

Or considérant que la Cour constate que ne figurent parmi les pièces produites que deux documents, tous deux en date du 23 novembre 1994 ;

Considérant que le premier de ces documents consiste en un formulaire avec cases cochées, émanant de la compagnie Euraliance et demandant la transmission de différents documents médicaux à son médecin-conseil ; qu'il n'y figure aucune adresse de destinataire et que le nom de Mme [Y] a été marqué sur le coin haut à droite par une écriture manifestement différente de celle qui figure dans le corps du document ; que strictement rien ne prouve que ce document a été transmis à Mme [Y], que ce soit par la banque ou l'assureur ;

Considérant ensuite que, contrairement à ce que soutient la banque Delubac, il n'y a pas eu de rappel démontré de la compagnie d'assurance en date du 14 février 1995, puisque la pièce n° 12 de sa communication qu'elle invoque à l'appui de cette allégation n'est pas de cette date et n'a pas cette teneur ; qu'il s'agit en réalité d'un formulaire Euraliance du 23 novembre 1994 ; que ce document est étrangement intitulé « 1er rappel », alors qu'il est du même jour que la demande de renseignements seule justifiée ; que, si en référence figure le nom de Mme [Y], il est certain qu'il ne lui pas été adressé par l'assureur, puisque figurent les coordonnées du destinataire suivantes : « U.A.A. 61263. À l'attention de

M. [U] » [la Cour souligne] ; qu'aucun document ne démontre qu'il a été transmis à Mme [Y] par la banque ;

Considérant qu'il s'évince de ces constatations que la banque Delubac, à qui incombe la charge de la preuve d'avoir transmis les documents nécessaire à la souscription de la police, ne démontre pas que ces documents aient été adressés à Mme [Y] ou à la société civile immobilière Timote par qui que ce soit, et plus particulièrement par elle, qui était débitrice de cette obligation dans le cadre d'un système d'assurance-groupe ; qu'elle ne justifie donc pas s'être acquittée de l'obligation de transmission diligente qui était la sienne en tant qu'intermédiaire professionnelle ;

Considérant, à titre surabondant, que ces deux documents, qui n'ont de toute manière aucune valeur probante, n'ont été communiquées qu'en janvier 2007, dans le cadre de la présente instance en justice, alors que Mme [Y] avait signalé qu'elle était en arrêt de travail dès mai 2001, soit plus de cinq ans et demi auparavant, et qu'elle réclamait depuis plusieurs années en vain la production des documents d'assurance ; qu'une communication aussi tardive et dans de telles circonstances ne peut que faire peser un doute sérieux sur la loyauté de telles pièces ;

Considérant que les manquements sus-énoncés caractérisent des fautes contractuelles ;

d.- Considérant enfin qu'il est justifié qu'alors que Mme [Y] avait fait connaître dès mai 2000, donc sans retard, qu'elle était en arrêt de travail, la banque, qui connaissait parfaitement l'extrême gravité de sa maladie au vu des pièces médicales fournies, a choisi délibérément l'atermoiement et le dilatoire ; que, non seulement, elle ne justifie pas avoir pris contact avec l'assureur, à tout le moins avant novembre 2005, puisque c'est seulement le 15 novembre 2005 qu'une lettre de son médiateur évoque pour la première fois la possibilité d'une absence de prise en charge par l'assurance-groupe ; que, bien plus, la banque a cessé de prélever les échéances trimestrielles du prêt à compter de décembre 2002, ce qui ne pouvait que convaincre la société civile immobilière que la maladie de sa principale actionnaire était bien prise en charge au titre de l'assurance de groupe ;

Que de tels manquements engagent également la responsabilité civile de la banque intermédiaire ;

3.- Sur la rapport de causalité entre les manquements de la société Banque Delubac et Cie et le préjudice de la société civile immobilière Timote :

Considérant que les fautes ci-dessus spécifiées ont : a) du fait du manquement de la banque à son devoir de conseil, empêché la société civile immobilière Timote de faire un choix éclairé et adapté de l'assurance, b) du fait de son manquement à son obligation de veiller à la transmission correcte des documents à l'assureur-groupe, puis à l'emprunteur, à la fois empêché la société civile immobilière de réagir en temps utile et de rectifier un choix d'assurance inadapté, ce qu'elle aurait évidemment fait au vu d'une police en bonne et due forme, c) enfin, du fait de son inertie coupable, durable et intéressée, mis pendant des années la société civile immobilière Timote dans l'impossibilité de programmer les mesures adéquates pour provisionner le risque financier d'une absence de couverture ; que ces manquements constituent la cause directe du préjudice subi par la société appelante ;

4.- Sur la détermination du préjudice :

Considérant qu'il ne peut être affirmé que, si la société civile immobilière Timote avait été correctement informée, elle eût opté comme par une totale nécessité pour le type d'assurance garantissant les conséquences de la maladie dont Mme [Y] a été victime ;

Qu'il s'ensuit que le préjudice ne peut être évalué qu'en termes de perte de la chance de choisir la police prenant en charge l'invalidité absolue et définitive de deuxième catégorie de la Sécurité sociale, qui aurait déterminé la prise en charge complète des remboursements par l'assureur ;

Considérant qu'eu égard a) à la gravité et à la multiplicité des fautes commises par la banque Delubac et Cie, b) à la très forte probabilité de l'option de la société civile immobilière pour la garantie la plus étendue eu égard à son faible coût en raison de l'âge de Mme [Y] et son excellent état de santé à la date du contrat de prêt, c) au montant des sommes qui auraient été prises en charge si l'assurance adéquate, correctement conseillée et normalement transmise, avait été souscrite et d) à la perturbation extrêmement grave causée au fonctionnement de la société, dont la structure économique a été totalement déstabilisée par les manquements de la banque (d'autant plus que la banque lui a fait accroire pendant plusieurs années qu'elle était couverte et que, par ailleurs, le taux effectif global incluant les primes d'assurances aux termes de l'acte notarié de prêt, il était impossible, même pour une personne attentive, de se rendre compte que les primes d'assurance n'étaient pas prélevées), la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer le préjudice financier subi par la société civile immobilière Timote à la somme de cent cinquante mille euros (150.000 €) étant précisé que la somme de quinze mille euros (15.000 €) demandée à titre de dommages-intérêts distincts n'est pas argumentée, a fortiori étayée par des justificatifs ;

5.- Sur la compensation :

Considérant qu'il échet d'ordonner la compensation entre les deux créances, conformément à l'article 1289 du Code civil ;

6.- Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant qu'eu égard à la nature et aux circonstances de l'affaire, l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a engagés ;

7.- Sur les dépens :

Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, et en particulier au fait que la société civile immobilière Timote est débitrice, mais qu'en revanche la gravité particulière des manquements commis par la banque Delubac et Cie est incontestable, il échet de dire, par application de l'article 696 du Code de procédure civile, que les dépens, dont il sera fait masse, seront partagés par moitié entre les parties ;

PAR CES MOTIFS,

Réformant le jugement entrepris.

Condamne la société civile immobilière Timote à payer à la société Banque Delubac et Cie : a) la somme de cent trois mille cent trois euros et cinquante-trois centimes (103.103,53 €), représentant les échéances impayées avant déchéance du terme, avec les intérêts au taux contractuels Euribor majoré de deux (2) points à compter de la date de chaque échéance impayée jusqu'à la date de déchéance du terme et b) celle de soixante-douze mille cent neuf euros et soixante-sept centimes (72.109,67 €), avec les intérêts au taux contractuel Euribor majoré de deux (2) points à compter du 15 mai 2006, date de la mise en demeure.

Condamne la société Banque Delubac et Cie à payer à Mme [O] [Y], à titre de dommages-intérêts, la somme de cent cinquante mille euros (150.000 €) , avec les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt.

Ordonne la compensation entre les deux créances.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples.

Fait masse des dépens et dit qu'il seront supportés par moitié par chacune des parties, avec bénéfice pour les S.C.P. Lagourgue & Olivier et Mira & Bettan, avoués à la Cour, de recouvrer directement ceux dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 07/21777
Date de la décision : 18/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°07/21777 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-18;07.21777 ?
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