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17/02/2010 | FRANCE | N°09/15065

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 17 février 2010, 09/15065


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 2





ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2010





(n° 99 , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15065



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 20 Mai 2009 du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/13617





APPELANTES



S.A.S. BOUTIQUE 38 MARITHE ET

FRANCOIS GIRBAUD exerçant sous l'enseigne MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD représenté par son Président

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour

assistée de Me Ma...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2010

(n° 99 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15065

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 20 Mai 2009 du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/13617

APPELANTES

S.A.S. BOUTIQUE 38 MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD exerçant sous l'enseigne MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD représenté par son Président

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour

assistée de Me Marie-Estelle TAUDOU-MIQUELARD, plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocats au barreau de PARIS, toque : C610

S.A. WURZBURG HOLDING prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

Luxembourg

L-1611 LUXEMBOURG

représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour

assistée de Me Marie-Estelle TAUDOU-MIQUELARD, plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocats au barreau de PARIS, toque : C610

INTIMÉES

Société EBAY EUROPE SARL

[Adresse 1]

L-2240 LUXEMBOURG

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Thomas ROUHETTE, plaidant pour LOVELLS LLP, avocats au barreau de Parais, toque : J.033

S.A. EBAY FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Thomas ROUHETTE, plaidant pour LOVELLS LLP, avocats au barreau de Parais, toque : J.033

Société EBAY INC

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Thomas ROUHETTE, plaidant pour LOVELLS LLP, avocats au barreau de Parais, toque : J.033

Société EBAY INTERNATIONAL AG

[Adresse 11]

[Adresse 10]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Thomas ROUHETTE, plaidant pour LOVELLS LLP, avocats au barreau de Parais, toque : J.033

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marcel FOULON, Président

Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS

1 - La SA société WURZBURG HOLDING a pour activité principale la création et la commercialisation de vêtements et accessoires de mode haut de gamme sous la marque MARITHE et FRANCOIS GIRBAUD.

2 - La SAS Boutique 38 distribue en France les produits MARITHE et FRANCOIS GIRBAUD via un réseau de magasins à l'enseigne éponyme et dans des 'corners' de grands magasins.

3 - La société WURZBURG HOLDING est notamment titulaire de la marque n° 1431934

MARITHE et FRANCOIS GIRBAUD déposée pour désigner des produits de la classe 25 (vêtements, chaussures, chapellerie).

4 - Expliquant avoir découvert que de nombreux produits contrefaisants étaient présentés à la vente sur la plate-forme d'enchères électroniques 'ebay.fr', ainsi que des reproductions de ses défilés de mode, la SARL eB Europe - eBay E - de droit luxembourgeois, eBay International AG - eBay I - de droit suisse, et eBay INC - eBay INC - de droit du Delaware, en contrefaçon de leur marque MARITHE et FRANCOIS GIRBAUD et en responsabilité du fait de leur qualité de courtier et d'édition du site 'eBay.fr' devant le tribunal de grande instance de Paris.

5 - Par conclusions d'incident du 2 mars 2009, les sociétés WURZBURG HOLDING et la BOUTIQUE 38 ont saisi le juge de la mise en état aux fins que celui-ci ordonne sous astreinte, aux sociétés eBay de leur communiquer le nombre et l'identification exacte de chacun des pseudonymes utilisés par les vendeurs précités sur la plate-forme de vente eBay et ce, sur le site accessible aux adresses 'eBay.fr' et 'eBay.com', le nombre de produits portant la marque MARITHE et FRANCOIS GIRBAUD offerts en vente et vendus par ces vendeurs depuis leur inscription sur ces sites, l'historique des ventes réalisées par les vendeurs précités par pseudonyme comprenant les quantités de produits marqués MARITHE et FRANCOIS GIRBAUD depuis leur inscription sur le site précité, le prix total des produits ainsi marqués et le montant des commissions perçues par l'une ou l'autre des sociétés eBay sur ces ventes.

6- Par ordonnance contradictoire entreprise du 20 mai 2009, le juge de la mise en état de ce tribunal :

* soutenait que la 'compétence des juridictions françaises n'est acquise que s'il existe un lien de rattachement suffisant entre l'acte dommageable et le marché national', déclarait incompétent le tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur les faits allégués de contrefaçon sur le site internet 'eBay.com' ;

7 - * rejetait la mise hors de cause de eBay INC, aux motifs que celle-ci héberge sur ses serveurs le site de eBay.fr sur lequel son commis des actes argués de contrefaçon de la marque MARITHE et FRANCOIS GIRGAUD ;

8 - * déboutait WURZBURG HOLDING et Boutique 38 de leurs demandes de production de pièces.

WURZBURG HOLDING et Boutique 38 interjetaient appel le 2 juillet 2009.

L'ordonnance de clôture était rendue le 13 janvier 2010.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE WURZBURG HOLDING ET BOUTIQUE 38

9 - Par dernières conclusions en date du 2 novembre 2009, auxquelles il convient de se reporter, WURZBURG HOLDING et Boutique 38 invoquent une nombreuse jurisprudence retenant le critère de 'l'accessibilité', pour donner compétence aux juridictions françaises.

Elles précisent qu'il est établi :

10 - que de nombreuses annonces reproduisent la marque MARITHE et FRANCOIS GIRBAUD et ce, sans autorisation ;

11 - que des articles contrefaisants ont été achetés depuis la France et livrés en France à partir du site eBay.com ;

12 - qu'il importe peu que les annonces du site soient faites en anglais ;

13 - que les actes incriminés ont bien un réel impact économique sur le public français ;

14 - que de toutes façons il existe un lien substantiel ou significatif entre les faits litigieux et le dommage subi,

Pour conclure à la compétence des juridictions françaises.

15 - Elles ajoutent :

- Ebay INC étant hébergeur de tous les sites du groupe eBay (dont eBay.fr et eBay.com), leur demande de communication de pièces, à l'égard de celle-ci, est recevable et bien fondée ;

16 - Ebay INC étant responsable de l'exploitation de l'ensemble des sites eBay, et en qualité de titulaire du nom de domaine eBay.fr, elles sont recevables et bien fondées à solliciter auprès de celle-ci la communication desdits documents ;

17 - que la participation de Ebay Europe dans la gestion de eBay.fr est établie ;

18 - qu'est établi le rôle actif de eBay.fr dans la vente des articles contrefaisant sur les sites eBay.com et eBay.fr ;

19 - que l'article L. 719-7-1 du Code de la propriété intellectuelle vise également les personnes qui fournissent des services utilisés dans des activités de contrefaçon, ce qui est le cas des sociétés eBay, qui intermédiaires dans la commercialisation de produits contrefaisant sont en mesure de communiquer tous documents permettant d'établir l'origine et les réseaux de distribution desdits produits ;

20 - que l'article L. 719-7-1 du Code de la propriété intellectuelle s'applique immédiatement sans qu'il soit nécessaire qu'une décision statue au préalable sur le caractère contrefaisant des biens en cause ;

21 - que les sociétés eBay ne sont pas fondées à soulever un empêchement litigieux à la demande de communication faite contre elles.

Elles demandent :

22 - * l'infirmation de l'ordonnance ;

* de déclarer compétent le tribunal de grande instance de Paris ;

23 - * d'ordonner sous astreinte aux sociétés eBay INC, eBay I, eBay E et Ebay F. De communiquer :

- le nombre et l'identification exacte de chacun des pseudonymes utilisés par les vendeurs précités sur la plate-forme de vente aux enchères eBay, et ce sur les sites accessibles aux adresses : www.ebay.fr et www.ebay.com ;

- le nombre de produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD offerts à la vente et vendus par les vendeurs précités, par pseudonyme, depuis leur inscription sur les sites accessibles aux adresses www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;

- l'historique détaillé des ventes réalisées par les vendeurs précités, par pseudonyme comprenant les quantités vendues de produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD depuis leur inscription sur les sites accessibles aux adresses

adresses www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;

- le prix total des produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD vendus sur eBay par les vendeurs précités depuis leur inscription sur les sites accessibles www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;

- le montant des commissions perçues par l'une ou l'autre des sociétés suivantes : les sociétés eBay Inc., eBay International AG, eBay Europe et eBay France, et le chiffre d'affaires réalisés sur les ventes des vendeurs précités sur les produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD depuis leur inscription sur les sites accessibles aux adresses www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;'

24 * aux sociétés eBay, tenues in solidum 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ces parties entendent bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES SOCIETES EBAY

Par dernières conclusions en date du 8 décembre 2009, auxquelles il convient de se reporter, ces sociétés, se présentent ainsi qu'il suit :

25 -'eBay Inc. : Société de droit du Delaware ayant son siège en Californie, est la société mère du groupe eBay. Les serveurs à partir desquels les sites du groupe eBay fonctionnent sont installés dans ses locaux. Elle n'exploite cependant que le site ebay.com ;

[Adresse 4] : Société de droit suisse qui exploite notamment une plate-forme de commerce électronique accessible à l'adresse ebay.fr. eBay International AG est un hébergeur qui permet aux utilisateurs de stocker, pour mise à disposition du public, des offres de vente de produit. eBay International AG est également le titulaire du nom de domaine eBay.fr depuis le 6 mai 2008 ;

27 -eBay Europe SARL : Société de droit luxembourgeois immatriculée le 30 octobre 2006, est la société contractuellement liée aux utilisateurs qui résident dans l'Union Européenne ;

28 -eBay France : Filiale d'eBay International AG, chargée de promouvoir la notoriété de la marque eBay en France. Elle n'exploite, ni n'héberge aucun site internet. Elle n'est plus titulaire du nom de domaine eBay.fr depuis le 6 mai 2008 ;3

Elles exposent :

29 * que Ebay I a retiré des annonces litigieuses dès le 7 juillet 2008 ;

30 * qu'en l'absence de conventions internationales entre les USA et la France seul l'article 46 du Code de procédure civile peut recevoir application ;

31 * que le critère de l'accessibilité a été abandonné par la jurisprudence ;

32 * qu'un tel critère aboutirait à une compétence universelle des juridictions françaises ;

33 * que la jurisprudence recherche au contraire in concreto si le site en cause vise le public français, autrement dit la caractérisation pour chaque cas particulier d'un 'lien suffisant, substantiel ou significatif 'entre les faits ou actes et le dommage allégué' ;

34 * que la recherche sur eBay.com requiert un acte positif de l'utilisateur ;

35 * que les procès-verbaux de constat incomplets doivent être écartés des débats ;

pour conclure à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré incompétent le tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur les contrefaçons alléguées sur le eBay.com.

Elles précisent que le premier juge s'est trompé en maintenant eBay.INC dans la cause puisque :

36 * les activités d'eBay INC se limitent à l'exploitation de eBay.com à laquelle ne participent aucune des autres sociétés eBay et qu'ainsi les demandes concernant eBay.com formées contre eBay.F, eBay.E et eBay.I sont irrecevables ;

37 * eBay INC n'est ni hébergeur, ni l'exploitant de eBay.fr ;

38 * eBay.F et eBay.E ne sont ni les hébergeurs, ni les exploitants du site eBay.fr.

Elles ajoutent :

39 * que la production de pièces est prématurée tant que le tribunal n'aura pas statué au fond (l'article L 716-7-1 Code de la propriété intellectuelle mentionnant 'des produits contrefaisants' et non pas 'produits argués de contrefaçon') ;

40 * que les constats d'huissiers communiqués sont des indices non pertinents pour apprécier la contrefaçon ;

41 * que la preuve de la présence de produits contrefaisant sur le site eBay.fr - ou sur le site ebay.com - n'est pas apportée ;

42 * que l'article L 716-7-1 Code de la propriété intellectuelle ne s'applique pas à ceux qui ne participent pas à des activités illégales de contrefaçon ;

43 * que ni eBay.INC, ni eBay.F, ni eBay.E ne sont les hébergeurs ou exploitants du site eBay.fr (rôles remplies par eBay.I) et ne sont donc pas en possession des informations réclamées ;

44 * que eBay.I ne peut communiquer les informations par elle détenues que sur décision judiciaire (art. 6 II de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique).

Elles demandent :

45 - la confirmation de l'ordonnance ayant déclaré incompétent le tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur les faits de contrefaçon allégués sur le site eBay.com ;

46 - l'infirmation de l'ordonnance ayant rejeté la mise hors de cause de eBay.INC ;

47 - la confirmation de l'ordonnance ayant débouté WURZBURG HOLDING et Boutique 38 de leurs demandes de production de pièces ;

48 - à titre subsidiaire :

* dire que eBay. INC, eBay.F et eBay.E sont légitimement empêchées à toute communication ;

* de constater que eBay.I ne pourrait s'exécuter que dans le cadre de l'article 6 - 11 de la LCEN .

49 - à WURZBURG HOLDING et Boutique 38, tenues in solidum 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ces parties entendent bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la compétence

Considérant qu'il résulte de l'article 46 du Code de procédure civile, lorsqu'il s'applique en matière internationale, qu'en matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur pour obtenir la réparation de l'intégralité de son préjudice, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi pour obtenir réparation du dommage subi dans l'Etat où demeure le demandeur ;

Considérant qu'il convient de faire une distinction entre les critères permettant de déterminer l'éventuelle compétence du juge français, qui, ne préjugeant bien évidemment pas de la décision au fond, ne doivent pas, par une excessive complexité, interdire l'accès à un juge dans un délai raisonnable, et ceux permettant à ce juge d'apprécier concrètement si les faits allégués constituent ou non une contrefaçon ;

Considérant qu'il est établi que le site exploité aux Etats-Unis d'Amérique est accessible sur le territoire français ; que le préjudice allégué, ni virtuel, ni éventuel, subi sur ce territoire, peut donc être apprécié par le juge français, sans qu'il soit utile de rechercher s'il existe ou non un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits allégués et le territoire français ; qu'il importe donc peu que les annonces du site litigieux soient rédigées en anglais, la compréhension de quelques mots basiques en cette langue étant aisée pour quiconque (l'acheteur moyen étant en outre habitué aux tailles exprimées en mesures américaines, qui figurent sur de très nombreux articles à côté des tailles 'européennes'); que la vente en France de produits prétendus contrefaisants est établie et que l'appellation '.com' n'emporte aucun rattachement à un public d'un pays déterminé ;

Considérant qu'aux critiques apportées par eBay à la décision de la présente Cour dans une précédente affaire, il y a lieu de redire que la demande litigieuse ne concerne que les dommages subis en France et non pas 'tout préjudice', ce qui exclut la 'compétence universelle des tribunaux français' (page 10 des conclusions eBay) ;

Considérant que rien ne justifie que soient écartés des débats les constats d'huissier, dont la régularité n'est pas contestée (page 16 des conclusions),

Qu'il convient de préciser :

* que les quantités d'achats effectués par les utilisateurs français serviront aux juges du fond pour apprécier le préjudice ;

* que toute recherche sur un site implique un acte 'positif', l'utilisateur n'étant pas obligé de se laisser 'guider' par le site ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise concernant la compétence ;

Sur le rejet de la mise hors de cause de eBay.INC

Considérant qu'il n'y a pas lieu de statuer par une mesure provisoire sur la mise hors de cause de eBay.INC ; qu'il appartiendra au juge du fond de le faire (article 768-1 et 775 du Code de procédure civile) ;

Sur la production de pièces

Considérant que le moyen invoqué par les sociétés et rappelé au § 39 ci-dessus consiste à donner au juge de la mise en état le pouvoir de prendre les mesures d'informations prévues à l'article L 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'il convient de remarquer que ce juge dispose de pouvoirs prévus à l'article 770 du Code de procédure civile (dont celui de production de pièces) au sens de l'article 140 du même Code ;

Considérant que l'article L 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle est la transposition du droit français de l'article 8 de la directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative aux droits de propriété intellectuelle selon lequel 'les Etats membres veillent à ce que ... les autorités judiciaires puissent ordonner que de informations sur l'origine et les réseaux de distribution de marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle soient fournis par toute ... personne ... qui a été trouvée en train de fournir à l'échelle commerciale, des services utilisés dans des activités contrefaisantes' ; que eBay qui ne connaît pas les produits litigieux pour ne les avoir jamais vus, ne peut sérieusement contester les très fortes présomptions alléguées et justifiées donnant à penser qu'il s'agit de produits contrefaisants ; qu'aucun texte (alors que l'esprit de la loi est de donner au juge les moyens de lutter contre les contrefaçons) n'exige que le juge du provisoire - qui présente toutes les garanties d'un juge - soit contraint d'attendre une décision au fond sur l'existence de la contrefaçon, pour statuer sur ce droit d'information ;

Qu'il dispose ainsi des pouvoirs suffisants pour ordonner la production de pièces, permettant d'obtenir des informations sur les réseaux, sur la masse contrefaisante, sur l'étendue du préjudice, mais aussi de conforter les faits de contrefaçon, et ce à l'hébergeur qui fournit des services au sens de l'article 8 de la directive susvisée, ou intervient dans la distribution de ces produits au sens de l'article L 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, peu important que ledit hébergeur ait ignoré la nature contrefaisante de l'objet ;

Considérant qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de production de pièces à l'encontre de eBay.I, qui ne nie pas posséder les informations réclamées ;

Considérant que les sociétés eBay n'expliquent pas en quoi la présente condamnation, qui émane d'une autorité judiciaire serait contraire à l'article 6.II de la loi 2004.575 du 21 juin 2004 ;

Sur les demandes de WURZBURG HOLDING et Boutique 38 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de WURZBURG HOLDING et de Boutique 38 les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de leur accorder à ce titre la somme visée dans le dispositif ;

PAR CES MOTIFS

- Infirme l'ordonnance entreprise,

- Déclare territorialement compétent le Tribunal de grande instance de Paris,

- Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société eBay Inc.,

- Condamne eBay International AG à produire :

- le nombre et l'identification exacte de chacun des pseudonymes utilisés par les vendeurs des produits litigieux sur la plate-forme de vente aux enchères eBay, et ce sur les sites accessibles aux adresses : www.ebay.fr et www.ebay.com ;

- le nombre de produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD offerts à la vente et vendus par les vendeurs précités, par pseudonyme, depuis leur inscription sur les sites accessibles aux adresses www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;

- l'historique détaillée des ventes réalisées par les vendeurs précités, par pseudonyme comprenant les quantités vendues de produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD depuis leur inscription sur les sites accessibles aux adresses

adresses www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;

- le prix total des produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD vendus sur eBay par les vendeurs précités depuis leur inscription sur les sites accessibles www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;

- le montant des commissions perçues par l'une ou l'autre des sociétés suivantes : les sociétés eBay Inc., eBay International AG, eBay Europe et eBay France, et le chiffre d'affaires réalisés sur les ventes des vendeurs précités sur les produits portant la marque MARITHE ET FRANCOIS GIRBAUD depuis leur inscription sur les sites accessibles aux adresses www.ebay.fr et www.ebay.com jusqu'à ce jour ;

et ce dans les 15 jours de la signification de la présente décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- Condamne les sociétés eBay Inc., eBay International AG, eBay Europe SARL, eBay France SA, à payer aux appelants 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne les sociétés eBay Inc., eBay International AG, eBay Europe SARL, eBay France SA, aux entiers dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/15065
Date de la décision : 17/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°09/15065 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-17;09.15065 ?
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