Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/19473
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation en date du 30 Septembre 2008 emportant cassation d'un arrêt rendu le 28 juin 2007 par la Cour d'Appel de Paris (15ème Chambre -Section B) RG n° 05/20758 sur appel d'un jugement rendu le 13 Octobre 2005 par le Tribunal de Commerce d'Evry ( 4ème Chambre), RG n° 1999L01432
DEMANDEUR:
Maître [O] [Z] agissant en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la liquidation judiciaire des SOCIÉTÉS FELIX POTIN, DISPAR, SAIER INVESTISSEMENTS, RANELAGH FINANCES, LA PARISIENNE, DOMAINE SAIER, DOMAINE DES LAMBRAYS et CLOS DU PRIEURE
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoué à la Cour
assisté de Maître Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, toque : G 672
DÉFENDERESSE:
S.A. BNP PARIBAS
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP GUIZARD, avoué à la Cour
assistée de Maître Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1719 et de la SCP LYONNET-BIGOT- BARET ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque P 458
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Claude APELLE, Président
Madame Françoise CHANDELON, Conseiller
Madame Caroline FEVRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code
de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- contradictoire
-rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, comme elles ont été avisées de la date de prorogation du délibéré.
- signé par Madame Marie-Claude APELLE, président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Par arrêt en date du 30 septembre 2008, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation a cassé partiellement l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 28 juin 2007, qui a condamné la société B.N.P.-Paribas à payer à Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements la moitié d'insuffisance d'actif de ladite société et renvoyé la cause, sur ce point, devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.
Suivant conclusions signifiées en date du 19 novembre 2009, Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements, demande à la Cour de fixer l'insuffisance d'actif de la société Saier Investissements provoquée par le soutien abusif de la société B.N.P.-Paribas à la somme de cinquante millions quatre cent vingt-deux mille trente-huit euros (50.422.038 €) ; de condamner la société B.N.P.-Paribas à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts, de la condamner aux dépens.
Me [O] en qualité de liquidateur fait valoir qu'aucun dispositif de décision de justice fixant l'insuffisance d'actif n'a autorité de chose jugée et que l'arrêt de cassation partielle ayant renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris, il est sans équivoque que la discussion sur l'évaluation de ladite insuffisance reste dans le débat.
Aux termes de ses écritures signifiées le 29 novembre 2009 , la société B.N.P.-Paribas demande à la Cour de dire que l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris en date du 28 juin 2007 n'a été cassé que dans ses dispositions relatives au partage de responsabilité entre la société B.N.P.-Paribas et les dirigeants de la société Saier Investissements ; de lui donner acte de son offre de payer à Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements la somme de huit cent quatre-vingt-dix sept mille cinq cent quatorze euros et trente-neuf centimes (897.514,39 €) ; de déclarer Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements irrecevable à rediscuter l'aggravation d'actif de cette société ; à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour jugerait recevable la demande de rediscussion du préjudice résultant du soutien abusif à la société Saier Investissements, de dire que le soutien de la société B.N.P.-Paribas à la société Saier Investissements n'a causé aucun préjudice aux créanciers autres que cette banque ; de dire que Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements est dès lors dépourvu d'intérêt à agir au nom des créanciers de cette société ; de constater que l'aggravation alléguée de l'insuffisance d'actif de la société Saier Investissements consiste exclusivement en une diminution d'actif ; de juger que l'action en responsabilité pour soutien abusif n'a pas pour objet l'indemnisation de la perte de valeur des participations dans les filiales de la société holding, alors qu'il a été définitivement jugé qu'il n'y avait pas soutien abusif à l'égard de ces filiales et que, pour l'essentiel, la diminution d'actif a été provoquée par le dépôt de bilan des filiales ; de dire qu'il n'existe aucun lien de causalité entre soutien, jugé abusif, de la société B.N.P.-Paribas à la société Saier Investissement ; en conséquence, de débouter Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements ; en toute hypothèse, de condamner Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements à lui payer la somme de quinze mille euros (15.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; de le condamner aux dépens.
S'agissant de la portée de l'autorité irrévocable de chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 28 juin 2007, la société B.N.P.-Paribas fait valoir que cette autorité s'attache aux dispositions constatant qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité, que ce soit au titre d'un soutien abusif ou à celui d'un crédit ruineux, envers les sociétés Félix Potin, Ranelagh Finances, La Parisienne, Domaine Saier et Domaine des Lambrays, à celle constatant l'existence d'un soutien abusif à la société Saier Investissements et à celle constatant qu'il n'y a pas eu consentement de crédit ruineux à cette société.
En ce qui concerne la portée de l'arrêt de cassation partielle rendu le 30 septembre 2008, il n'affecte pas l'évaluation de l'insuffisance d'actif de la société Saier Investissements, mais l'obligation à supporter cette insuffisance.
La Cour se rapporte aux écritures des parties pour le détail plus amples de leurs arguments.
SUR CE,
1.- Sur l'irrecevabilité de partie des demandes de Me [O], en sa qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements :
Considérant qu'aux termes de son arrêt rendu le 28 juin 2007, la Cour d'appel de Paris a fixé l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la société Saier Investissements à la somme de onze millions sept cent soixante-quatorze mille six cent soixante dix-sept francs (11.774.677 F), dont la moitié, soit cinq millions huit cent quatre-vingt-sept mille trois cent huit francs et cinquante centimes (5.887.308,50 F) correspondant à huit cent quatre-vingt-dix-sept mille cinq cent quatorze euros et trente-neuf centimes (897.514,39 €), à la charge de la société B.N.P.-Paribas ;
Considérant que l'appelant ne saurait soutenir que l'insuffisance d'actif n'est pas énoncée au dispositif, alors que la condamnation prononcée à l'intérieur de celui-ci impliquait, nécessairement et indissociablement, la fixation de cette insuffisance à onze millions sept cent soixante-quatorze mille six cent soixante dix-sept francs (11.774.677 F), au demeurant clairement énoncé quatre lignes plus haut ; que la nécessité de séparer clairement le dispositif des motifs n'impose pas d'appliquer sans discernement une distinction qui n'est au demeurant imposée par aucune disposition législative ou réglementaire et qui, en l'espèce, serait nécessairement en contradiction avec la loyauté qui doit empreindre la procédure judiciaire ;
Considérant que, par arrêt en date du 30 septembre 2008, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 28 juin 2007, mais seulement en ce qu'il a condamné la société B.N.P.-Paribas à payer à Me [O], en sa qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements, la somme de huit cent quatre-vingt-dix-sept mille cinq cent quatorze euros et trente-neuf centimes
(897.514,39 €) , remis en conséquence, sur ce seul point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision d'appel et renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Paris ;
Considérant qu'il découle de ces constatations que la fixation de l'insuffisance d'actif a autorité définitive de chose jugée, de sorte que toute demande excédant ce montant est irrecevable ;
2.- Sur les sommes dues par la société B.N.P.-Paribas :
Considérant qu'aux termes de ses dernières écritures, la société BN.P.-Paribas, dans le cadre du pouvoir dispositif qui est le sien conformément à l'article 4 du Code de procédure civile, indique ne plus se prévaloir du partage de responsabilité à l'égard de
Me [O] en sa qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements et reconnaît devoir la totalité de l'insuffisance d'actif tel que fixé définitivement par l'arrêté du 28 juin 2007, étant précisé qu'il n'est pas contesté qu'elle a d'ores et déjà payé l'autre moitié au mandataire liquidateur ;
Considérant qu'il échet en conséquence de donner acte à la société B.N.P.-Paribas de son offre de payer à Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements la somme de huit cent quatre-vingt-dix sept mille cinq cent quatorze euros et trente-neuf centimes (897.514,39 €), en sus de la somme du même montant réglé en exécution de l'arrêt du 28 juin 2007 et, en tant que de besoin, l'y condamner ;
3.- Sur les demandes au titre des frais irrépétibles :
Considérant qu'eu égard à la nature et aux circonstances de l'affaire, l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;
4.- Sur les dépens :
Considérant qu'eu égard à l'incontestable bonne foi de la société B.N.P.-Paribas, il échet de faire application de l'article 696 du Code de procédure civile et de partager les dépens afférents à la procédure après cassation par moitié entre les parties ;
PAR CES MOTIFS,
Constate que, par arrêt rendu le 28 juin 2007, la Cour d'appel de Paris a fixé définitivement l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la société Saier Investissements.
Constate que l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris en date du 28 juin 2007 n'a été cassé que dans ses dispositions relatives au partage de responsabilité entre la société B.N.P.-Paribas et les dirigeants de la société Saier Investissements.
Donne acte à la société B.N.P.-Paribas de son offre de payer à Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements la somme de huit cent quatre-vingt-dix sept mille cinq cent quatorze euros et trente-neuf centimes (897.514,39 €), en sus de la somme de même montant réglée en exécution de l'arrêt du 28 juin 2007 et, en tant que de besoin, l'y condamne.
Déclare irrecevables les demandes plus amples de Me [O] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Saier Investissements.
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure de procédure civile.
Fait masse des dépens afférents à la présente procédure, les partage par moitié entre les parties et autorise Me Guizard et la S.C.P. Petit-Lesénéchal, avoués de la cause, de recouvrer directement ceux des dépens d'appel et ceux de l'arrêt cassé dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT