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04/02/2010 | FRANCE | N°09/07774

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 04 février 2010, 09/07774


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 04 Février 2010



(n°12, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07774



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 20 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/08909





APPELANT

Monsieur [M] [P]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Jean-Jacques GODARD, avocat au barreau de NANTESr>






INTIMÉES

SA EDF

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Jean-Louis LEROY, avocat au barreau de PARIS, G 891



CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIÈRES (CNIEG)

[Ad...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 04 Février 2010

(n°12, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07774

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 20 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/08909

APPELANT

Monsieur [M] [P]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Jean-Jacques GODARD, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES

SA EDF

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Jean-Louis LEROY, avocat au barreau de PARIS, G 891

CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIÈRES (CNIEG)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-François MARTIN, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Manuela SMADJA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BÉZIO, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

Madame Martine CANTAT, Conseillère

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par à l'encontre de l'ordonnance de référé en date du 20 février 2009 par laquelle le conseil de prud'hommes de Paris a dit n'y avoir lieu à statuer, en référé, sur les demandes formées, à l'encontre de la société EDF et en présence de la CNIEG, par M. [M] [P], après que le conseil de prud'hommes s'est néanmoins déclaré compétent pour connaître de ces demandes ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 13 janvier 2010 par M. [P] qui prie la Cour de condamner la société EDF, sous astreinte, à l'admettre au bénéfice de la mesure de mise en inactivité par anticipation avec bonification de la pension pour trois enfants, et de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CNIEG (ou Caisse nationale des Industries Electriques et Gazières) ' avec allocation en outre d'une indemnité de 10.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral et paiement de la somme de 3.000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures développées à la barre par la société EDF qui, à titre principal, maintient la demande de sursis à statuer soulevée devant les premiers juges, au profit du Tribunal des Affaires de sécurité Sociale (TASS) de NANTES, dans l'attente de la décision de cette juridiction statuant sur la question de l'ouverture du droit au pension de M. [P], et subsidiairement, objecte que les conditions de la procédure en référé ne sont pas remplies en l'absence de trouble manifestement illicite, -alors que selon les dispositions du décret du 27 juin 2008, applicable à M. [P], celui-ci ne remplit pas les conditions exigées pour prétendre à la mise en inactivité qu'il requiert ;

Vu les écritures exposées oralement par la CNIEG qui déclare s'en rapporter à l'appréciation de la Cour sur la demande de mise en inactivité de M. [P] et prie la Cour de constater qu'elle en fait l'objet de la part de M. [P] que d'une demande d'opposabilité de l'arrêt à intervenir ;

SUR CE LA COUR

FAITS ET PROCEDURE

Considérant que M.[P] né le [Date naissance 6] 1958 est agent statutaire EDF depuis le 15 novembre 1982 ; qu'il est père de cinq enfants, et en tout cas , de trois enfants d'après les mentions de son livret de famille ;

Que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 juin 2008, il a demandé à la société EDF, à être placé en mise en inactivité de façon à pouvoir bénéficier des modalités prévues aux statuts d'EDF, autorisant les mères de famille, de trois enfants au moins, disposant en outre de quinze années de service, à prendre leur retraite ;

Que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er août 2008, la société EDF a rejeté cette demande en faisant,valoir que le bénéfice des dispositions statutaires invoquées par M.[P] était réservé aux seules mères de familles et que les hommes ne pouvaient donc y prétendre ;

Que dans ces conditions, M.[P] a saisi, en référé, le conseil de prud'hommes, afin de voir condamner la société EDF , -en présence de la CNIEG, organisme, appelé dans l'avenir, à servir sa pension de retraite à M.[P] 'à le mettre en inactivité ;

*

MOTIVATION

Sur le sursis à statuer

Considérant que la société EDF fait tout d'abord plaider devant la Cour comme elle l'avait fait devant le conseil de prud'hommes, que M. [P] devrait préalablement saisir la CNIEG d'une demande de liquidation de pension avant que la juridiction prud'homale soit en mesure de statuer sur la mise en inactivité requise ;

qu'en sa qualité d'employeur, elle est compétente pour prononcer la mise en inactivité de ses salariés (qui ne peut intervenir qu'après épuisement des soldes de congés par application des circulaires Pers.77 et 281 prises en application du statut) mais qu'elle ne l'est pas pour se prononcer sur la liquidation de pension, les éventuelles bonifications de pension et les majorations, ces dernières compétences étant confiées par la Loi du 9 août 2004 à la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières-CNIEG ;

que si le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur la demande de mise en inactivité, cette demande suppose que l'ouverture du droit à pension soit préalablement tranchée puisque la rupture du contrat de travail ne peut être envisagée que comme étant la conséquence de l'ouverture d'un droit à pension de retraite ;

que le Tribunal des affaires de Sécurité sociale, quant à lui, est la juridiction compétente pour statuer sur la question de savoir si l'intéressé peut percevoir immédiatement une pension d'ancienneté proportionnelle, et donc d'une prestation de sécurité sociale ;

qu'ainsi, avant de se prononcer sur la demande que lui soumet l'appelant la Cour doit surseoir à statuer jusqu'à ce que le Tribunal des affaires de Sécurité sociale se soit prononcé sur l'existence même du droit à pension allégué par l'appelant ;

Mais considérant qu'il convient de distinguer, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 août 2004, relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières et instituant la Caisse nationale des industries électriques et gazières -CNIEG -, entre les dispositions statutaires régissant la mise en activité anticipée ainsi que les conditions d'ouverture du droit à pension d'une part, et la liquidation de la pension d'autre part ;

que s'il incombe à la CNIEG, organisme de sécurité sociale de droit privé, de procéder à la liquidation des droits à pension, sous le contrôle de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, il en va différemment en ce qui concerne le présent litige relatif à la décision de mise en inactivité du salarié, laquelle relève du seul pouvoir de l'employeur, la société intimée, comme se rattachant à la rupture du contrat de travail liant les parties ;

qu'en effet, c'est à tort que l'intimée soutient que la demande relative au droit à pension précède et subordonne celle de la mise en inactivité, puisque que la CNIEG ne pourra, nécessairement, examiner la demande de l'agent qu'une fois prononcée la rupture anticipée du contrat de travail ;

que la société EDF est, par conséquent, mal fondée à solliciter de la Cour qu'elle sursoie à statuer dans l'attente d'une éventuelle décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de NANTES ;

°

Sur le référé

Considérant que la société EDF soutient ensuite que la demande de M.[P] serait irrecevable en référé ;

Mais considérant qu'en application de l'article R.1455-5 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation des référés peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse t que justifie l'existence d'un différend ; qu'aux termes de l'article R.1455-7 du même code, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; qu'en application de l'article R.1455- 6 la formation de référé, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

qu'outre le fait que la demande de l'appelant présente incontestablement un caractère d'urgence, il ressort des écritures des parties que si le refus, par l'employeur, de respecter les obligations résultant du statut du personnel des industries électriques et gazières est établi, il constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ;

°

Sur la demande de mise en inactivité

Considérant que l'agent soutient qu'il remplit les conditions pour se voir appliquer les dispositions du 1er § de l'article 3 de l'annexe 3 du Statut National des Industries Electriques et Gazières approuvé par décret du 22 juin 1946 ainsi que celles du c) du § 112.35 ;

que conformément à ce texte, ayant cinq enfants et plus de 15 ans de service, ayant été embauché le 15 novembre 1982, il peut prétendre à l'octroi d'une pension de retraite à jouissance immédiate ; que réserver le bénéfice de ce texte aux seules mères de famille constitue une discrimination au préjudice des agents masculins, ainsi que l'ont d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat, le 7 juin 2006, et la Cour de cassation, le 23 octobre 2007 ;

Considérant que le paragraphe 1alinéa 2 de l'article 3 de l'annexe 3 du statut du personnel des industries électriques et gazières, relatif aux prestations pensions d'ancienneté et d'ancienneté proportionnelle, énonce :

"Les agents mères de famille ayant eu trois enfants bénéficieront d'une bonification d'âge et de service d'une année par enfant"

que le paragraphe 2 de ce même article poursuit :

"Pour avoir droit aux prestations pension proportionnelle, l'agent doit totaliser quinze ans de services décomptés conformément au paragraphe 5 de l'article 1er.

L'agent mère de famille bénéficie des bonifications de service définies à l'alinéa précédent.

La jouissance de la pension proportionnelle est différée jusqu'à l'âge requis pour la pension d'ancienneté, sauf pour l'agent mère de famille répondant aux conditions précisées au paragraphe 1 , 2 alinéa du présent article, qui la perçoit immédiatement" ;

que cet avantage est par ailleurs explicité dans le manuel pratique des questions de personnel d'EDF/GDF, chapitre 263, paragraphe 112-35 ;

Considérant qu' il y a lieu de relever que si la CNIEG a l'obligation d'appliquer ces dispositions tant qu'elles n'ont pas fait l'objet de modification ou annulation, il appartient à la Cour de dire si elles peuvent s'appliquer à tous les agents d'EDF-GDF, et non pas aux seuls agents mères de famille, dès lors que sont remplies les conditions requises quant au nombre d'enfants et à l'ancienneté ;

Or, considérant que les dispositions du Statut National du Personnel des Industries Electriques et Gazières, ci-dessus rappelées ne sont justifiées par aucune différence de situation relativement à l'octroi des avantages en cause ;

que s'il est observé, de manière générale, que les femmes connaissent un ralentissement de leur carrière du fait des contraintes liées à la maternité et à l'éducation des enfants, rien ne permet de démontrer que tel est le cas des femmes salariées d'EDF, dès lors que le statut prend en compte les aléas liés à la situation particulière des mères de famille, en leur assurant le maintien de l'intégralité de leurs droits ;

que la discrimination positive n'a donc pas lieu de s'appliquer au régime spécifique des agents relevant du statut ;

Considérant, de plus, que par arrêt du 7 juin 2006, le Conseil d'état, statuant au contentieux, a, notamment au visa du traité instituant la communauté européenne, le code du travail, la loi n°46-628 du 8 avril 1946,modifiée, et le décret du 22 juin 1946 modifié, "déclaré que les dispositions des 1er et 2 paragraphes de l'article 3 de l'annexe au statut national du personnel des industries électriques et gazières ainsi que les dispositions du c) paragraphe 112-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personnel d'Electricité de France et de Gaz de France sont illégales en tant qu'elles excluent du bénéfice des avantages qu'elles instituent des agents masculins ayant assuré l'éducation de leurs enfants" ;

que toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut pas par conséquent faire application du texte déclaré illégal, comme introduisant une discrimination entre agents masculins et féminins non justifiée par une différence de situation relativement à l'octroi des avantages en cause ;

Considérant qu'il n'est pas sérieusement contestable que l'appelant a eu cinq enfants, qu'il réunit plus de quinze années de service et remplit par conséquent les conditions lui permettant de bénéficier des dispositions du premier paragraphe de l'article 3 de l'annexe 3 du statut des industries électriques et gazières ainsi que celles du c) du paragraphe 122-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions du personnel EDF/GDF ;

qu'il est fondé dans ces conditions à solliciter qu'il soit mis fin au trouble manifestement illicite résultant pour lui du refus de l'employeur de l'admettre au régime anticipé de mise en inactivité à jouissance immédiate, prévu par les dispositions ci-dessus rappelées, auquel il peut prétendre ;

qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau, d'ordonner à l'intimée d'admettre l'appelant au bénéfice de ces dispositions, dans les conditions précisées ci-après ;

°

Considérant qu'en vain, la société EDF oppose M. [P] la nouvelle règlementation issue du décret du 27 juin 2008 'qui exige dorénavant pour que l'agent puisse prétendre au bénéfice des dispositions litigieuses, une condition d'arrêt d'activité à l'occasion de la naissance, que ne remplit pas M.[P]- ;

qu'en effet, il n'est pas contesté que M. [P] a formé sa demande de mise en inactivité auprès de la société EDF, à une date antérieure à l'entrée en vigueur du décret en cause ; que cette demande de mise en inactivité de M. [P] ne pouvait dès lors être appréciée par la société EDF qu'au regard des textes applicables à la date de cette demande ;

°

Considérant que la demande d'indemnité provisionnelle n'apparaît pas non plus sérieusement contestable alors que par son refus de le mettre en inactivité, la société EDF a causé un évident préjudice moral à M. [P], en retardant la possibilité pour lui de mettre à exécution les projets qu'il concevait dans le cadre d'une cessation d'activité ; qu'une provision de 1.000 € sera allouée à l'appelant de ce chef ;

*

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société EDF versera en outre à M. [P] la somme de 1.500 €

*

Considérant qu'aucune disposition ne s'oppose à ce que le présent arrêt soit déclaré opposable à la CNIEG qui d'ailleurs, elle-même, n'élève aucune contestation à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce que les premiers juges y ont refusé de surseoir à statuer ;

STATUANT à nouveau

ORDONNE à la S.A. EDF d'accorder à l'appelant le bénéfice de la mesure de mise en inactivité prévue au premier paragraphe de l'article 3 de l'annexe 3 du statut des industries électriques et gazières ainsi qu'au c) paragraphe 122-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions du personnel EDF/GDF ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à la CNIEG ;

CONDAMNE la S.A.EDF à verser à l'appelant la somme de 1.000 € à titre de provision sur dommages et intérêts et celle de 1.500 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société EDF aux dépens d'appel et de première instance.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/07774
Date de la décision : 04/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°09/07774 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-04;09.07774 ?
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