RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 04 Février 2010
(n°9, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06348
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/02907
DEMANDEUR AU CONTREDIT
Monsieur [E] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Catherine BARBAUD, avocat au barreau de PARIS, P520
DÉFENDERESSE AU CONTREDIT
AGENCE FRANÇAISE POUR LES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Julien BOUTIRON, avocat au barreau de PARIS, P 48 et par Madame [Y] [U], Responsable des Ressources Humaines
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
Madame Catherine BÉZIO, Conseillère
Madame Martine CANTAT, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Patrick HENRIOT, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière présente lors du prononcé.
LA COUR
Statuant sur le contredit formé par [E] [N] à l'encontre d'un jugement
rendu le 19 juin 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS qui s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
Vu le contredit et les conclusions remises et soutenues à l'audience du 7 janvier 2010 de [E] [N] qui demande à la Cour d'accueillir son contredit, de dire le conseil de prud'hommes de PARIS compétent et d'évoquer l'affaire au fond ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 7 janvier 2010 de l'AGENCE FRANÇAISE POUR LES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX qui demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de lui donner acte de ce qu'elle soulève l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire, de se déclarer incompétent et de renvoyer Monsieur [E] [N] à mieux se pourvoir devant le Tribunal Administratif ;
Vu les observations du Ministère Publique qui conclut à l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'en application de l'article 99 du Code de procédure civile, la Cour ne peut être saisie que par la voie de l'appel lorsque l'incompétence est invoquée au motif que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction administrative ;
que néanmoins, en application de l'article 91 du même code, lorsque la Cour estime que la décision qui lui est déférée par la voie du contredit devait l'être par la voie de l'appel, elle n'en demeure pas moins saisie ;
qu'en l'espèce, il est constant que [E] [N] devait diligenter un appel à l'encontre du jugement entrepris alors qu'il a agi par la voie du contredit ; que cependant, eu égard aux dispositions précitées, il convient néanmoins de recevoir son recours ;
Considérant qu'il est constant que [E] [N], fonctionnaire de l'Etat et sous-préfet hors cadre à compter du 1er août 1997, a été mis à disposition puis détaché à la DATAR, puis à l'AGENCE FRANÇAISE POUR LES INVESTISSEMENTS
INTERNATIONAUX (AFII) à compter du 1er juillet 1998 ; qu'il a conclu un 'contrat à durée déterminée' avec l'AFII, le 19 janvier 2006 alors qu'il était maintenu en service détaché pour une durée de cinq ans expirant le 30 novembre 2009 par arrêté du 1er décembre 2004 et qu'il était affecté en qualité de directeur du bureau de cette institution à SHANGHAI ; que ce contrat prévoyait qu'il exercerait ses fonctions 'dans les conditions et avec les droits et obligations mentionnés dans la convention d'entreprise de l'AFII et le livret du détachement auxquels le présent contrat fait référence dans sa version adoptée lors du Conseil d'administration 2005' ; qu'aux termes de ce même contrat, le demandeur déclarait 'accepter les termes de cette convention d'entreprise ainsi que ceux du livret' et s'engageait 'à exercer ses fonctions dans les conditions et en respectant les obligations s'appliquant à sa fonction et à sa situation prévues par cette convention d'entreprise et par le livret de
détachement';
que le 17 octobre 2007, le président de l'AFII lui remettait un courrier lui faisant
savoir qu'il devait, à compter du 11 février 2008, cesser ses fonctions à SHANGHAI pour rejoindre un poste au sein du nouveau pôle 'territoires' en France ; que suite à son refus, il était mis fin à ses fonctions au sein de l'AFFI qui le remettait à la disposition de son administration d'origine ; que ce retour est devenu effectif à compter du 10 février 2008 ;
que contestant la décision de l'AFFI et soutenant être lié à celle-ci par un contrat de travail de droit privé, [E] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS qui a rendu la décision déférée ;
Considérant qu'il n'est pas contesté par les parties que l'AFFI est un établissement
public à caractère industriel et commercial (EPIC) et que les personnels des EPIC sont soumis au droit privé ;
qu'en revanche, celles-ci sont en désaccord sur la possible dérogation invoquée par l'AFFI à ce principe, lorsque le législateur l'autorise ;
Considérant que [E] [N] soutient que l'AFFI dénature le sens et la portée de la loi du 15 mai 2001, du décret du 21 novembre 2001(notamment ses articles 8 et 5) ; qu'il considère que si la loi du 15 mai 2001 a bien prévu une possibilité de dérogation, celle-ci n'a jamais été mise en oeuvre, le décret du 15 mai 2005 n'apportant aucune précision quant aux modalités d'organisation de cette dérogation et le Conseil d'administration, qui au vu du décret, détermine les conditions générales de recrutement, d'emploi et de rémunération du personnel, n'ayant pas le pouvoir d'organiser cette dérogation ; que la convention du personnel n'est pas de nature à lever cette impossibilité et revêt, en toutes hypothèses, un caractère particulièrement ambigu puisque faisant référence à un décret du 18 juin 1969 inapplicable en l'espèce ;
Considérant que l'AFFI soutient, quant à elle, que les textes à l'origine de sa création lui permettent expressément de déroger au principe dégagé par la jurisprudence relative aux personnels des EPIC, que le décret du 21 novembre 2001a clairement défini que le personnel de l'AFII était constitué d'agents contractuels de droit privé, d'agents contractuels de droit public, d'agents contractuels de droit local et de fonctionnaires civils et militaires détachés ou mis à disposition et a donné mission au Conseil d'administration de déterminer les conditions générales de recrutement, d'emploi et de rémunération du personnel ; que la dérogation est parfaitement en cohérence avec le statut des représentations de l'AFII à l'étranger, placées sous la subordination de l'ambassadeur, étant des représentations de l'Etat dont les directeurs (dont M. [N]) bénéficient d'un passeport diplomatique et des dispositions de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques ;
*
Considérant qu'aux termes de la loi du 15 mai 2001 créant l'AFII, les personnels de celle-ci, contrairement aux règles applicables aux autres EPIC, peuvent être des agents de droit public ; que le décret du 21 novembre 2001 pris, après avis du Conseil d'Etat, en application de cette loi, définit le fonctionnement de l'Agence en instaurant notamment un Conseil d'Administration dont les fonctions sont définies à l'article 5 du décret ; qu'au nombre de celles-ci, il est confié à ce Conseil, la définition des conditions générales de recrutement, d'emploi et de rémunération du personnel ;
qu'en son article 8, ce même décret précise que le personnel de l'agence est constitué d'agents contractuels de droit privé, d'agents contractuels de droit public, d'agents contractuels de droit local, ainsi que des fonctionnaires civils et militaires détachés ou mis à disposition ;
qu'il résulte de ces textes que l'AFII bénéficie d'un régime dérogatoire au regard des conditions d'emplois au sein des EPIC et que le décret du 21 novembre 2001 est venu énoncer les divers statuts pouvant s'appliquer à son personnel en laissant au Conseil d'Administration la tâche de déterminer quels seront les salariés soumis au droit privé et au droit public ; qu'en effet en indiquant que ce conseil définira les conditions de recrutement et d'emploi des personnels de l'AFFI, le décret a nécessairement donné à celui-ci le pouvoir de conférer à chaque membre du personnel un statut de droit privé ou de droit public ; que cette prérogative, pour exorbitante qu'elle puisse paraître, a été instaurée dans des conditions régulières par le décret d'application du 21 novembre 2001 et que force est de constater que ce texte n'a été l'objet d'aucun recours en contestation de sa légalité ; que ce n'est qu'en conformité avec les textes ci-dessus qu'ont été adoptés le 5 décembre 2005, la convention du personnel et le livret de détachement et qu'ont été distingués les personnels soumis au droit privé et ceux soumis au droit public, dont notamment les personnels recrutés pour être affectés dans les bureaux de l'AFII à l'étranger qui voient leurs conditions de détachement fixées par référence aux dispositions publiques du décret 69-687 du 18 juin 1969 modifié portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat en service à l'étranger ; que ces dispositions ne présentent aucune ambiguïté et qu'il ne peut être invoqué le statut des personnels au cours de la période courant de 2001 à 2005, antérieurement à l'adoption de la convention du personnel, pour soutenir que celle-ci ne serait pas applicable au demandeur, dès lors que celui-ci a signé, le 19 janvier 2006 avec l'AFII un contrat de travail à durée déterminée le soumettant expressément aux conditions, droits et obligations mentionnés dans cette convention et dans le livret de détachement et actant son acceptation des termes de ceux-ci ;
qu'au surplus, il sera relevé que dans l'exercice de ses fonctions, [E] [N] bénéficiait d'un passeport diplomatique, que sa nomination était accréditée par le Ministère des Affaires étrangères, qu'il bénéficiait du statut fiscal des agents publics exerçant à l'étranger et bénéficiait des conventions internationales régissant les relations diplomatiques ;
Considérant dans ces conditions, qu'il apparaît au vu de l'ensemble de ces éléments, que la situation de [E] [N] relève du droit public et que les juridictions de l'ordre judiciaire sont incompétentes pour connaître du litige l'opposant à l'AFII ;
que l'appel doit, en conséquence, être rejeté et la décision déférée confirmée ;
que [E] [N] qui succombe en ses prétentions, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris ;
RENVOIE [E] [N] à mieux se pourvoir ;
LE CONDAMNE aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE