RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 02 février 2010
(n° 3 , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08134
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 mars 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris encadrement RG n° 06/09868
APPELANTE
SCP BRUGEROLLE MOREAU CHIROUZE HELLEGOUARCH ET DE ROCHECHOUART-MORTEMART
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Xavier NORMAND BODARD, avocat au barreau de PARIS,
toque : P 141 substitué par Me Céline MICHOUX, avocat au barreau de PARIS,
toque : P141
INTIMÉ
M. [G] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Dominique PETAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A 756
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 mai 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Michèle MARTINEZ, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, crésidente
Mme Michèle MARTINEZ, conseillère
M. Serge TRASSOUDAINE, conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
M. [G] [E] été verbalement engagé à compter du 1er avril 1974 en qualité de clerc par la société Brugerolle Moreau Chirouze Hellegouarch et de [Localité 6] (l'étude Brugerolle), titulaire d'un office notarial à [Localité 5]. Un contrat de travail écrit a été régularisé entre les parties le 23 novembre 2001, aux termes duquel sa classification professionnelle devenait celle de clerc hors rang et sa rémunération mensuelle brute était fixée à 5.230,68 euros.
L'office employait à titre habituel environ cinquante salariés et la convention collective nationale du notariat était applicable aux relations de travail.
Le 6 septembre 2006, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir le paiement d'un rappel de gratification, des intérêts au taux légal et d'une allocation de procédure.
Les relations contractuelles entre M. [E] et l'étude Brugerolle ont pris fin le 1er février 2008, date du départ en retraite du salarié.
Par jugement du 6 mars 2008, le conseil de prud'hommes a condamné l'étude Brugerolle à verser à M. [E] la somme de 48.600 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation à titre de complément de gratification et 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'étude Brugerolle a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [E] demande à la cour de confirmer le jugement sauf à porter à 96.300 euros le montant alloué au titre du rappel de gratification et de lui octroyer une somme supplémentaire de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 18 mai 2009, reprises et complétées lors de l'audience.
Les parties ont adressé à la cour une note en cours de délibéré, comme elles y avaient été autorisées au cours des débats.
Motifs de la décision
M. [E] expose qu'il percevait, comme tout le personnel de l'étude, une gratification semestrielle payée en juin et en décembre, mais qu'à partir de 2005, cette gratification a diminué progressivement jusqu'à disparaître en décembre 2007. Il soutient que l'employeur ne pouvait unilatéralement ni réduire ni supprimer cette gratification, laquelle était un avantage individuel acquis et donc contractualisé, ou, subsidiairement, un usage constant dans l'entreprise et qui n'a pas été dénoncé.
La gratification en question ne résulte ni d'une disposition légale, ni d'une stipulation contractuelle écrite, ni d'une clause conventionnelle.
Non seulement le salarié ne rapporte pas la preuve de la volonté de l'employeur de contractualiser cette gratification, mais le contrat de travail signé en 2001, qui constate par écrit les relations contractuelles, ne la mentionne pas alors qu'il ressort des pièces produites qu'elle était versée depuis 1990.
L'étude Brugerolle n'était donc pas contractuellement tenue de payer la gratification en cause.
Le salarié n'invoque pas l'engagement unilatéral de l'employeur, dont les conditions ne sont d'ailleurs pas réunies en l'espèce.
Pour que l'usage non dénoncé engage l'employeur, sa pratique doit cumulativement être constante, générale et fixe, caractères qu'il appartient à celui qui en revendique l'application de démontrer.
M. [E] verse aux débats une attestation établie par Mlle [W] dans laquelle cette salariée certifie avoir assisté "au 1er trimestre 2005 à une réunion au cours de laquelle le personnel a été informé que le montant des gratifications serait diminué de 20% en raison des travaux effectués dans l'étude'. L'indication que l'employeur s'est adressé au personnel pour faire cette communication ne donne d'indication ni sur la nature des gratifications en question, ni sur le nombre de leurs bénéficiaires dans l'étude.
Les pièces produites, notamment les bulletins de salaire, permettent de constater que non seulement la gratification litigieuse n'avait pas un montant fixe, mais que son montant n'était pas déterminé selon des règles fixes et préalablement connues.
Ainsi, pour l'année 1990, cette gratification s'est élevée à 425.000 francs (64 490 euros). Son montant annuel a fluctué tantôt à la baisse, tantôt à la hausse, entre 115 000 francs (17 531 euros) et 295 500 francs (44 972 euros), pour atteindre 280.000 francs (42.685,72 euros) en 1998, 420.000 francs (64.028,59 euros) en 1999, 400.000 francs (60.979,61 euros) en 2000, 65.500 euros en 2002, 65.000 euros en 2003 et 62 000 euros en 2004.
Il résulte en outre des pièces produites que tous les salariés de l'entreprise n'en bénéficiaient pas
Il s'ensuit que la gratification en cause a bien le caractère d'une libéralité qui n'oblige pas l'employeur.
Le jugement sera par conséquent infirmé et M. [E] sera débouté de toutes ses demandes.
Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas réunies. Les demandes de ce chef seront rejetées.
Par ces motifs
La cour,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. [E] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE