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28/01/2010 | FRANCE | N°07/20099

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 28 janvier 2010, 07/20099


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 28 JANVIER 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/20099



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG n° 07/00495





APPELANTE:



S.A. CAISSE D'EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

agissant en la personne de ses représ

entants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistée de Maître Alain THUAULT, avocat au barreau d'AUXERRE, plaidant...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 28 JANVIER 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/20099

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG n° 07/00495

APPELANTE:

S.A. CAISSE D'EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

agissant en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistée de Maître Alain THUAULT, avocat au barreau d'AUXERRE, plaidant pour la SCP THUAULT- CHAMBAULT-FERRARIS

INTIMES:

Monsieur [T] [W]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [B] [W]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistés par Maître Benoît MAURIN, avocat au barreau de BESANÇON, plaidant pour SCP MAURIN-TEIXEIRA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, Conseiller,

pour Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de Président, empêchée et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 13 février 2004, M. et Mme [T] [W] ont conclu avec la société Maisons Alliance un contrat de construction de maison individuelle sur un terrain sis [Adresse 2].

La Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche Comté (Caisse d'Epargne) a financé ce projet selon offre de prêt en date du 30 avril 2004 acceptée le 15 mai suivant.

La société Maisons Alliance a abandonné le chantier, alors inachevé, en octobre 2004.

Sa liquidation judiciaire a été prononcée le 25 janvier 2006.

Le constructeur ayant délivré de fausses attestations, au nom de la compagnie Le Mans Caution au titre de la garantie de livraison et de la SMABTP pour l'assurance 'dommage ouvrage', les époux [W] ont du terminer à leur frais les travaux.

Reprochant à la Caisse d'Epargne différents manquements, ils l'ont assignée, par exploit du 3 avril 2007 devant le tribunal de grande instance d'Auxerre.

Par jugement du 19 novembre 2007, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a condamné la Caisse d'Epargne au paiement de 42.069,67 € à titre de dommages intérêts et de 1.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant les autres demandes.

Par déclaration du 29 novembre 2007, la Caisse d'Epargne a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile,

déposées le 22 octobre 2009, la Caisse d'Epargne demande à la Cour de:

- infirmer le jugement,

- débouter les époux [W] de leurs demandes,

- les condamner au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 5 novembre 2009, les époux [W] demandent à la Cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Caisse d'Epargne,

- l'infirmer pour le surplus,

- condamner la Caisse d'Epargne à lui verser 60.005,84 € de dommages intérêts, portant intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- désigner un expert avec mission de déterminer et d'évaluer les malfaçons et non façons,

- condamner la Caisse d'Epargne au paiement d'une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article L231-10 du code de la construction et de

l'habitation (CCH) qui régit le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan (CCMI):

'Aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celle des énonciations mentionnées à l'article L231-2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s'il n'a pas communication de l'attestation de garantie de livraison';

Considérant qu'il résulte de cette disposition que l'obligation du prêteur de

deniers est double; qu'il doit s'assurer, au moment de la remise du contrat, qu'il comporte les énonciations requises par l'article L231-2 du CCH, puis, lors du déblocage des fonds, de la fourniture par le constructeur d'une garantie de livraison;

Considérant que les époux [W] soutiennent que le CCMI ne comporte pas les

énonciations exigées par les paragraphes a), d), h), k) et que la notice descriptive annexée est incomplète;

Considérant que le §a) prescrit de mentionner le titre de propriété ou les droits réels du maître d'ouvrage lui permettant de construire et qu'en l'espèce, les clauses correspondantes ne sont pas renseignées;

Considérant que la Caisse d'Epargne ne saurait utilement soutenir que l'article L231-4 CCH, repris dans les conditions générales, autorisait la conclusion du contrat sous la condition suspensive de l'acquisition d'un terrain ou de droits réels, cette disposition n'étant applicable que dans l'hypothèse où le maître d'ouvrage ne serait titulaire sur le terrain que d'une promesse de vente, la loi du 19 décembre 1990 ayant souhaité mettre un terme aux errements antérieurs comme la signature d'un CCMI par un client ignorant l'endroit même où il allait construire;

Considérant que le §d) prescrit d'indiquer, le coût total des travaux et l'évaluation, s'il y a lieu de ceux dont le maître d'ouvrage se réserve l'exécution;

Qu'il résulte de la notice descriptive que de nombreux travaux sont laissés aux époux [W], que deux d'entre eux mentionnent une évaluation, que les autres n'en comportent pas et qu'aucun récapitulatif général ne figure dans le contrat contrairement aux préscriptions du législateur;

Considérant que le §h) est relatif aux modalités de financement précisant que le CCMI doit comporter les modalités de financement, la nature et le montant des prêts obtenus et acceptés par le maître de l'ouvrage;

Qu'en l'espèce le seul renseignement figurant au contrat porte sur la rubrique 'établissements prêteurs', sous laquelle figure la mention manuscrite: 'Caisse d'Epargne', ce qui ne répond pas aux exigences légales même si l'article L231-4§c) repris dans les conditions générales prescrivait que le contrat était conclu sous condition suspensive de l'obtention du prêt;

Considérant que le §k) concerne les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, lesquelles doivent être établies par attestations annexées au contrat;

Qu'en l'espèce, il ne pouvait être exigé de garantie de remboursement laquelle n'est sollicitée que dans l'hypothèse où des versements sont prévus avant la date d'ouverture du chantier ce qui n'a pas été le cas en l'espèce;

Que la garantie de livraison devait cependant être annexée au contrat, ce qui n'a pas été fait;

Qu'il en résulte que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que la Caisse d'Epargne n'avait pas effectué son devoir de vérification formelle du contrat de construction;

Considérant que Caisse d'Epargne n'a procédé au premier règlement de travaux

que le 9 août 2004, soit après avoir reçu l'attestation de garantie de livraison prétendument émise par l'assureur 'Le Mans Caution' le 29 juillet 2004 satisfaisant ainsi à l'obligation légale prescrite par l'article L231-10 CCH précité;

Considérant que ce document s'est révélé être un faux comme l'assurance dommage; que leur constructeur ayant été mis en liquidation judiciaire le 25 janvier 2006, il en est résulté un préjudice important pour les maîtres d'ouvrage qui n'ont disposé d'aucun recours pour voir terminer leur chantier abandonné en octobre 2004 ou faire reprendre les malfaçons parmi lesquelles une non conformité au permis de construire dénoncée par un arrêté interruptif de travaux que leur a notifié la mairie de commune de [Localité 4] le 30 octobre 2005;

Considérant que pour établir le lien de causalité entre les fautes relevées et le préjudice subi par les époux [W], les premiers juges ont considéré que la Caisse d'Epargne n'a pas respecté son propre formalisme contractuel, l'offre de prêt subordonnant le versement des fonds à l'obtention des originaux de l'attestation de garantie de livraison et de l'assurance et qu'en 'se contentant de simples copies d'attestations sans exiger la production des originaux des attestations d'assurance qui (leur) aurait assurément permis de comprendre que les copies leur ayant été remises étaient des faux, la Banque a failli à ses obligations contractuelles ';

Qu'ils en ont déduit que le préjudice subi devait être analysé comme une perte de chance de bénéficier du régime légal de la garantie de livraison et de l'assurance dommages ouvrage et que la Caisse d'Epargne devait se substituer aux assureurs;

Mais considérant qu'aucune pièce n'établit que les attestations fournies à la Caisse d'Epargne aient été des copies, ce qu'elle conteste, précisant en page 10 de ses écritures qu'elle n'a pu fournir les originaux qui ont été transmis à la gendarmerie de [Localité 5] le 18 septembre 2007 dans le cadre de la plainte pénale déposée par les époux [W] contre leur constructeur;

Considérant que les attestations produites en copie sont apparemment régulières, que rédigées sur papier à en-tête des assureurs prétendus, elles comportent tous renseignements sur le chantier outre la signature manuscrite du représentant de la société émettrice ne permettant pas à la Caisse d'Epargne de mettre en doute leur véracité;

Considérant ainsi que la Caisse d'Epargne s'étant assurée de la souscription d'assurances à même de couvrir toute défaillance du constructeur, elle ne saurait supporter le préjudice consécutif à l'inachèvement de l'ouvrage ou à ses malfaçons et qu'il n'y a pas lieu à faire droit à la demande d'expertise des intimés pour le déterminer;

Considérant que les époux [W] ne peuvent encore soutenir que les irrégularités du CCMI affecteraient sa validité et par voie de conséquence celle de l'offre de prêt, dès lors que cette sanction n'est pas prévue par la loi;

Considérant par contre qu'ils doivent être déclarés bien fondés à soutenir qu'ils auraient pu, si la Caisse d'Epargne avait attiré leur attention sur les différentes omissions relevées, se détourner de ce constructeur peu respectueux de la législation en vigueur;

Que leur préjudice s'analyse donc en une perte de chance que la Cour dispose d'éléments suffisants d'appréciation pour évaluer à 20.000 €,

Considérant que l'article L312-19 du code de la consommation ne prévoit la

 suspension de l'exécution du contrat de prêt que lorsqu'une contestation affecte le contrat de construction; qu'il n'a donc vocation à s'appliquer que dans un litige opposant maître de l'ouvrage et constructeur(s),

Que les époux [W] seront déboutés de ce chef de demande;

Considérant qu'il apparaît équitable de confirmer le jugement du chef de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Considérant que chaque partie succombant partiellement en cause d'appel gardera à sa charge les frais irrépétibles exposés;

PAR CES MOTIFS

Confirme partiellement le jugement entrepris;

L'infirme du chef des dommages intérêts alloués;

Et statuant à nouveau quant à ce,

Condamne la Caisse d'Epargne à verser à M. [T] [W] et à Mme [B] [W] 20.000 € de dommages intérêts;

Rejette les autres demandes;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 07/20099
Date de la décision : 28/01/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°07/20099 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-28;07.20099 ?
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