Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 21 JANVIER 2010
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20861
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2008 rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 04/09896 - 1ère chambre - 1ère section
APPELANT
Monsieur [Y] [N]
né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 10] (MAURITANIE)
demeurant : [Adresse 1]
[Localité 8]
représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS,
avoués à la Cour
assisté de Maître Aurélia PIERRE,
avocat au barreau de Paris Toque G 678
AIDE JURIDICTIONNELLE PARTIELLE :
numéro 08/54477 du 12/12/2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS
INTIME
Le MINISTERE PUBLIC
pris en la personne de
Monsieur le PROCUREUR GENERAL
près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet
au Palais de Justice
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Mme VICHNIEVSKY, avocat général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code
de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2009,
en audience publique, le rapport entendu, l'avocat de l'appelant et
Madame l'Avocat Général ne s'y étant pas opposé, ,
Madame BOZZI, conseiller, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur PÉRIÉ, président
Madame BOZZI, conseiller
Madame GUIHAL, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme ROLLOT faisant fonction de greffier
Ministère public :
représenté lors des débats par Mme VICHNIEVSKY, avocat général,
qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRÊT :
- Contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François PERIE, président et par Mme Raymonde FALIGAND, greffier présent lors du prononcé.
Par jugement en date du 30 septembre 2008 le tribunal de grande instance de Bobigny a constaté l'extranéité de M. [Y] [N], né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 10] (Mauritanie), annulé le certificat de nationalité française délivré à ce dernier le 20 avril 2006 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Pantin et condamné le défendeur aux dépens.
M.[N] a interjeté appel le 3 novembre 2008.
Par conclusions en date du 23 octobre 2009 l'appelant prie la cour d'infirmer le jugement, de dire qu'il est français par filiation, à titre principal, dans la mesure où le ministère public échoue à rapporter la preuve de son extranéité, à titre subsidiaire, en ce que son père a conservé la nationalité française lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance et en tout état de cause, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil et de «condamner le ministère public» à lui verser la somme de 1185 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de son appel M. [N] expose qu'il est titulaire d'un certificat de nationalité française, établi le 20 avril 2006 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Pantin dans des conditions conformes à la loi et lui-même dressé sur le vu de deux certificats de nationalité française délivrés en 1965 et en 1992, à son père M.[O] [N], né le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 9] (Sénégal), sur avis conforme du ministère de la justice en date du 21 février 1965 et 24 juin 1992 lequels, selon la réglementation applicable liaient le greffier en chef, en sorte que ces pièces, qui établissent de manière insusceptible d'être contestée que M. [O] [N] était français, justifient que lui-même le soit également, étant précisé que le ministère public sur lequel repose la charge de la preuve, ne rapporte aucun élément de nature à démontrer son extranéité. Il ajoute au surplus qu'il est établi que son père a conservé la nationalité française pour avoir établi en France son domicile de nationalité lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance et que lui-même est dès lors, également français à ce titre.
Par conclusions en date du 6 juillet 2009, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement et d'ordonner l'accomplissement des formalités de publicité prévue par la loi.
La procédure a été close par ordonnance et à l'audience du 11 décembre 2009 le conseil de M.[N] a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture motif pris de ce qu'il entendait produire un arrêt de la cour d'appel de Rouen dont la teneur était susceptible d'influer sur l'issue du présent litige.
Sur quoi,
Considérant que la production d'un arrêt de cour d'appel postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture, dans une espèce ne présentant qu'une apparente analogie avec le présent litige, ne contitue pas une cause grave de nature à justifier la révocation de cette ordonnance ; que la demande formée à cette fin est rejetée ;
Considérant que selon les dispositions de l'article 30 du Code civil, la charge de la preuve de la nationalité incombe à celui dont la nationalité est en cause, cette charge reposant toutefois sur celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité délivré conformément aux articles 31 et suivants du Code civil ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M.[Y] [N] né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 10] (Mauritanie) est issu du mariage de [O] [N], né le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 9] (Sénégal) et de [V] [N], née le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 10] (Mauritanie), célébré le [Date mariage 6] 1968 en cette ville ; que le seul point de contestation tient donc à la preuve de la conservation de la nationalité française par [O] [N] ;
Considérant que selon l'article 17-2 du Code civil dans sa rédaction de la loi du 22 juillet 1993 qui ne fait que reprendre les dispositions de l'ancien l'article 4 du code de la nationalité française, l'acquisition ou la perte de cette nationalité sont régies par la loi en vigueur au temps de l'acte ou du fait auquel la loi attache ses effets ; qu'en l'espèce, le fait susceptible d'avoir fait perdre la nationalité française à [O] [N] est l'accession à l'indépendance du Sénégal, le 20 juin 1960 ;
Considérant que les conséquences sur la nationalité de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'outre-mer de la France, sont régies par la loi du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre premier-bis du livre premier (articles 32 à 32- 5 inclus) du Code civil qui s'est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction de 1973, lequel s'était également substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code, dans sa rédaction de la loi du 28 juillet 1960 ;
Considérant qu'il résulte de l'application combinée de ces textes, qu'ont conservé la nationalité française :
- 1° les originaires du territoire de la République française, tel qu'il était constitué le 28 juillet 1960 ainsi que leurs conjoints, veufs ou descendants,
- 2° les personnes originaires de ces territoires qui avaient établi leur domicile hors de l'un des Etats de la Communauté, lorsqu'ils sont devenus indépendants,
- 3° les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de nationalité française,
- 4° les personnes qui ne se sont pas vues conférer la nationalité de l'un des nouveaux Etats ainsi que leurs enfants mineurs de 18 ans au jour de l'indépendance ;
Considérant que pour établir la réalité du domicile de M. [O] [N] en France, seul motif sur le fondement duquel avaient été délivrés les certificats de nationalité précités, ce domicile s'entendant au sens du droit de la nationalité, d'une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales ainsi que des occupations, que sont produits de nombreux certificats de travail et bulletins de salaire concernant M.[O] [N] ainsi qu'un relevé de carrière qui démontrent que celui-ci a travaillé en France du 25 mars 1960 au 18 décembre 2003, époque à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite ; que toutefois il apparaît que l'intéressé s'est marié en 1968 en Mauritanie, pays où l'appelant est né le [Date naissance 3] 1974 et qu'il résulte des écritures de ce dernier que Mme [V] [N] a rejoint son mari en France en 1980 ; qu'il ne peut dès lors être soutenu, la naissance ultérieure d'enfants en France étant sans incidence à cet égard, que M. [O] [N] avait établi en France son domicile au sens du droit de la nationalité ; qu'en conséquence, il n'a pas conservé la nationalité française lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance et n'a pu de ce fait, la transmettre à son fils ; que dès lors, le jugement est confirmé et les demandes de M.[Y] [N] rejetées, ce dernier étant en outre condamné aux dépens ;
Par ces motifs,
- rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture,
- confirme le jugement,
- ordonne la mention prévue par l'article 28 du Code civil,
- laisse les dépens à la charge de M. [Y] [N].
LE GREFFIER, LE PRESIDENT
R. FALIGAND J.F. PERIE