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14/01/2010 | FRANCE | N°07/09436

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 14 janvier 2010, 07/09436


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 14 JANVIER 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09436



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Avril 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005041748





APPELANTE



S.A. ESSO SAF, représentée par son Président en exercice

ayant son siège : [Adresse 3]



représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me Jean DAMERVAL plaidant pour la SCP SAINT SAUVER -DAMERVAL et BLANCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 14 JANVIER 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09436

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Avril 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005041748

APPELANTE

S.A. ESSO SAF, représentée par son Président en exercice

ayant son siège : [Adresse 3]

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me Jean DAMERVAL plaidant pour la SCP SAINT SAUVER -DAMERVAL et BLANCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 126,

INTIMEE

S.A.R.L. TINA, représentée par son gérant en exercice

ayant son siège : [Adresse 1]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G 698,

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Catherine LE BAIL, Conseillère et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Hélène DEURBERGUE, Présidente

Madame Catherine LE BAIL, Conseillère

Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Hélène DEURBERGUE, président et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l'appel interjeté par la SA ESSO SAF du jugement rendu le 2 avril 2007 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2005/041748 et 2005/078870,

- dit le contrat entre ESSO SAF et la sarl TINA résilié à effet du 12/11/2003, aux torts exclusifs de ESSO,

- dit les astreintes liquidées non remboursables,

- ordonné à la SA ESSO SAF de donner mainlevée pour la caution de 430 000 F (soit 65 553 €) donnée par la BNP, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement et pour une période de deux mois à l'issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution,

- débouté la SA ESSO SAF de ses demandes d'indemnisation,

- condamné ESSO SAF à payer à la sarl TINA la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

avant dire droit,

désigné M. [F] [G] en qualité d'expert, avec mission de :

$gt; faire les comptes entre les parties,

$gt; chiffrer les pertes subies par TINA comme mandataire,

$gt; chiffrer le préjudice subi du fait de la rupture du contrat par ESSO,

$gt; dire ce qu'il en est de l'apurement des comptes avec ESSO, y compris le versement des primes de fin de gérance et de la prime de fermeture ;

Vu les conclusions signifiées le 3 novembre 2009 par la SA ESSO SAF, qui demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que le contrat a été résilié par ESSO en application stricte des dispositions contractuelles, à la date du 3 novembre 2003, subsidiairement à celle du 12 novembre suivant, de dire en conséquence que les articles 1999 et 2000 du code civil sont inapplicables à l'espèce, de débouter la société TINA de sa demande relative aux pertes d'exploitation, d'ordonner la restitution du montant des astreintes versées, en principal intérêts et frais, soit 257 067,55 €, de condamner la société TINA à payer à ESSO 160 000 € en réparation de son préjudice consécutif à l'inexploitation de la station due à la cessation de la distribution des carburants du 12/11/2003 au 30/06/2004, à titre subsidiaire, si la Cour devait juger que le contrat a pris fin à sa date naturelle d'expiration, le 30 juin 2004, de dire que c'est conformément aux dispositions contractuelles que la société ESSO n'a pas procédé à la livraison de carburants, que l'inexploitation de la station service du 12/11/2003 au 30/06/2004 est donc imputable à la société TINA, débouter cette société de sa demande relative aux pertes d'exploitation, la condamner à restituer les astreintes et à payer 160 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'inexploitation de la station service, en tout état de cause, condamner la société TINA au paiement de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, plus subsidiairement, en cas de confirmation totale ou partielle du jugement, de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce sur ouverture du rapport de M. [G] ;

Vu les conclusions signifiées le 25 septembre 2009 par la sarl TINA qui demande à la Cour, à titre principal, de confirmer le jugement et, dans l'hypothèse où la Cour entendrait évoquer les faits non jugés par le tribunal, d'ordonner la réouverture des débats, à titre subsidiaire, si la Cour estimait le tribunal de commerce dessaisi, de condamner ESSO SAF à lui payer les sommes de 68 811 € en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive et brutale du contrat avant terme, 108 066,76 € ht au titre des pertes du mandat, 11 000 € ht au titre de la prime de fermeture prévue par les AIP, 19 017,31 € ht au titre du solde créditeur apparaissant dans les livres d'ESSO, le tout avec intérêts à compter de l'assignation du 1er novembre 2004 et anatocisme, ainsi que 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE :

Considérant que la société ESSO SAF et la sarl TINA ont conclu, à compter du 11 janvier 1990, plusieurs contrats à durée déterminée, relatifs à l'exploitation d'une station-service [Adresse 2]) ;

Considérant que le régime juridique de ces contrats est double :

- un mandat pour la distribution des produits pétroliers,

- une location-gérance pour les activités annexes ;

Considérant que le dernier contrat, en date du 26 juin 2001 et d'une durée de 36 mois à effet du 1er juillet 2001, comporte un article 16, dont le dernier alinéa prévoit :

'En cas de refonte complète de la station-service, en vue de réorienter ses activités, son mode de gestion ou son mode d'exploitation, ESSO pourra résilier le contrat de plein droit avec un préavis de deux mois' ;

Considérant que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juillet 2003, la SA ESSO SAF a notifié à la société TINA la résiliation du contrat à effet du 3 novembre suivant, lui demandant de prendre ses dispositions pour rendre les lieux libres de toute occupation, et de prendre en conséquence les actes de gestion nécessaires, notamment vis-à-vis du personnel ;

Considérant que la société ESSO a cessé ses livraisons de carburant à compter du 6 novembre 2003, et a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une demande d'expulsion, et que la société TINA a formé une demande reconventionnelle ;

Considérant que, par ordonnance du 28 novembre 2003, le président du tribunal de commerce a constaté l'existence d'une contestation sérieuse sur le fond, et a ordonné à ESSO de reprendre les livraisons de carburants et de réactiver l'informatique de la station, sous astreinte de 3 000 € par jour de retard pendant 60 jours ; que cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la cour d'appel du 27 février 2004 ;

Considérant que la société ESSO n'ayant pas déféré à cette injonction, la société TINA a fait liquider l'astreinte par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, une première fois le 22 mars 2004 puis, une seconde astreinte ayant été ordonnée par le juge de l'exécution dans sa décision, une seconde fois, le 8 juillet 2005 ; que ces deux décisions ont été confirmées, par arrêts des 16 décembre 2004 et 2 mars 2006 ;

Considérant que, parallèlement :

* par acte du 2 juin 2005, ESSO a assigné la sarl TINA devant le tribunal de commerce afin d'entendre :

- à titre principal, dire que le contrat a été résilié de plein droit le 3/11/2003, constater l'apuration des comptes entre les sociétés par le versement, d'ESSO à TINA, du solde créditeur du compte de cette dernière au 12/07/2004, condamner TINA à restituer à ESSO la somme de 107 067,55 € montant de l'astreinte, frais et intérêts compris, versée le 28/07/2004, condamner TINA à payer à ESSO 160 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-exploitation de son fonds de commerce du 3/11/2003 au 30/06/2004 ;

- à titre subsidiaire, au cas où le tribunal estimerait que le contrat n'a pas été résilié le 3/11/03, dire que le contrat a pris fin naturellement le 30/06/2004, et qu'il a, jusqu'à cette date, perduré en toutes ses dispositions, notamment celle concernant le paiement sécurisé prévu au contrat et aux accords interprofessionnels (AIP), condamner TINA à restituer à ESSO la somme de 107 067,55 € versée au titre de l'astreinte ;

* par acte du 3 novembre 2005, la société TINA a assigné la société ESSO devant le tribunal de commerce pour l'entendre condamnée à lui payer la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et brutale du contrat avant terme, ainsi que 184 533,35 € au titre du remboursement des pertes du mandat, à titre subsidiaire, ordonner une expertise afin de chiffrer le montant des pertes afférentes à la seule activité de distribution de carburants, et en tout état de cause, condamner ESSO à calculer et verser la prime de fin de contrat due à TINA, la somme de 11 000 € au titre de la prime de fermeture prévue par les AIP et 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile  ;

Considérant que le tribunal a procédé à la jonction des deux procédures et rendu le jugement rappelé plus haut aux motifs principaux que :

- la clause figurant à l'article 16 in fine du contrat ne sanctionne pas un comportement fautif du distributeur, et présente un caractère purement potestatif ; les usages professionnels disposent que la rupture de relations commerciales de quatorze années ne peut se résoudre avec un préavis de moins de six mois ; les exigences économiques de refonte des systèmes de distribution ne font pas obstacle à une renégociation des contrats avec les distributeurs, assortie de propositions d'indemnisation dans l'esprit du protocole signé le 25 mai 2005 avec le syndicat National des Professions de l'Automobile et le Président de la Commission Nationale des Locataires-Gérants de stations-service, protocole qui, lui-même, se référait aux Accords Interprofessionnels (AIP) en date du 12 janvier 1994 ;

- aucune proposition de cette nature n'a été formulée, au contraire, la signature d'un avenant de 15 000 € dont rien ne dit qu'il soit une contrepartie quelconque de la résiliation du contrat, a été prétendument interprétée comme une acceptation de ladite résiliation ;

- vu les sommes importantes payées en astreintes, qui donnent une idée des budgets qu'il eût été possible d'allouer à une telle renégociation des contrats, le tribunal dira le contrat résilié par ESSO le 12/11/2003 aux torts exclusifs de cette compagnie ;

Sur la résiliation du contrat :

Considérant qu'ESSO soutient que le contrat a été valablement résilié conformément aux dispositions contractuelles, avec effet au 3 novembre 2003, subsidiairement, si la Cour devait confirmer le jugement sur ce point, avec effet au 12 novembre 2003, et qu'aucune faute ne pouvant lui être reprochée, puisqu'elle avait respecté le préavis contractuel de deux mois, et indiqué, par courrier qu'elle examinerait 'les conditions économiques de cette fin d'exploitation dans le strict respect des accords interprofessionnels', le jugement doit être réformé en ce qu'il lui a dit le contrat résilié à ses torts exclusifs ;

Considérant que l'article 16 'résiliation' des conditions générales du contrat est ainsi rédigé :

'Les modalités de résiliation du présent contrat sont soumises aux dispositions de l'article 3.1 de l'Accord Interprofessionnel du 12 janvier 1994.

Le contrat sera résilié de plein droit sans préjudice de tous dommages et intérêts un mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception demeurée infructueuse

si, dans le cadre du mandat, 'LA SOCIETE' : [suivent douze cas où l'exploitant de la station-service ne respecterait pas les dispositions contractuelles ou la réglementation applicable à la matière],

si 'ESSO' :

. est recherché en paiement par un créancier de 'LA SOCIETE' au titre de la solidarité entre le preneur et le bailleur (loi du 20 mars 1956 et article 1684 du code général des impôts),

. est en désaccord avec 'LA SOCIETE' sur l'ajustement de la garantie (article DISTRIBUTION DES PRODUITS ENERGETIQUES chapitre GARANTIES) ou de la redevance (article REDEVANCE).

En cas de refonte complète de la station-service en vue de réorienter ses activités, son mode de gestion, ou son mode d'exploitation, 'ESSO' pourra résilier le contrat de plein droit avec un préavis de deux mois' ;

Considérant que les premiers juges ont exactement relevé que cette dernière disposition, qui ne sanctionne pas un comportement fautif du distributeur, présente un caractère purement potestatif puisqu'elle offre à la société ESSO, et à elle seule, la possibilité, purement discrétionnaire, de mettre fin au contrat avec un préavis très court ; que cette disposition est en outre contraire tant aux usages professionnels, qui imposent un préavis d'au moins six mois en cas de rupture d'une relation commerciale de quatorze ans, qu'à l'esprit du protocole signé le 25 mai 2005 entre le Syndicat National des Professions de l'Automobile et le Président de la Commission National des Locataires Gérants de stations-service et des Accords Interprofessionnels du 12 janvier 1994, qui est que les exigences économiques d'une refonte des systèmes de distribution ne font pas obstacle à une renégociation des contrats avec les distributeurs assortie de propositions d'indemnisation ;

Considérant que s'il est constant qu'une somme de 15 000 € a été portée, en octobre 2003, au crédit de la société TINA, aucun élément ne vient étayer l'affirmation d'ESSO, contredite par la société TINA, selon laquelle ce versement n'aurait pas été une des primes versées dans le cadre de l'exécution du contrat, mais aurait concrétisé une transaction intervenue entre les parties ; que c'est donc vainement qu'ESSO soutient que la société TINA a accepté la résiliation du contrat puis s'est rétractée ;

Considérant que la clause potestative est nulle, que la résiliation à laquelle ESSO a procédé en s'y référant est donc dépourvue de motif légitime ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que le contrat a été résilié aux torts exclusifs d'ESSO à effet du 12/11/2003, date à laquelle la distribution de carburant a cessé, les cuves se trouvant vides, et ESSO refusant de poursuivre les livraisons ;

Sur les demandes d'indemnisation de la société TINA :

Considérant que la société ESSO critique aussi le jugement en ce qu'il a accueilli la demande d'indemnisation formée par la société TINA sur le fondement des articles 1999 et 2000 du code civil, en faisant valoir que cette société a expressément renoncé à l'application de ces articles, qui ne sont pas d'ordre public, et qu'ayant signé de nombreux contrats préalablement à celui du 26 juin 2001, elle ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré les conséquences d'une telle renonciation ;

Qu'elle ajoute qu'elle a établi le compte de la sarl TINA au 30 juin 2004, et que le solde créditeur de ce compte lui a été versé, ainsi qu'il résulte de la pièce qu'elle a communiquée sous le numéro 45 ;

Considérant que l'article 5 'DISTRIBUTION DES PRODUITS ENERGETIQUES' des conditions générales du contrat comporte sept points, identifiés comme suit :

5.1 'Objet du mandat'

5.2 'Produits objet du mandat'

5.3 'Conditions de prix de vente'

5.4 'Réapprovisionnement du stock'

5.5 'Commission'

5.6 'Reddition des comptes'

5.7 'Garanties' ;

Considérant que le point 5.1 qui, seul fait référence aux articles 1999 et 2000 du code civil, est ainsi rédigé :

'ESSO donne mandat à LA SOCIETE de vendre au détail au nom et pour le compte d'ESSO, les produits énergétiques définis (Article CAPACITE DE STOCKAGE DES PRODUITS A DISTRIBUER EN STATION des Conditions Particulières) pour lesquels ESSO met en dépôt un stock de travail utile.

Dans le cadre de ce mandat, LA SOCIETE :

. a la garde des produits,

. se réapprovisionne directement et exclusivement auprès d'ESSO,

. facture, si besoin est, au nom d'ESSO, en utilisant l'imprimé fourni par ESSO,

. encaisse le montant des ventes pour le compte d'ESSO.

Les parties dérogent expressément aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil . [souligné par la Cour]

ESSO se réserve la faculté de modifier, supprimer ou ajouter des produits faisant l'objet du mandat et d'en redéfinir les modalités d'exécution' ;

Considérant qu'il convient d'observer que cette mention lapidaire figure, discrètement, à la fin d'un article dont la nature même n'est pas susceptible d'éveiller l'attention de la société contractante, puisqu'il ne traite ni de la rémunération ni des comptes à établir et que le contenu des textes en question n'est même pas reproduit ; qu'il est impossible, contrairement à ce qui est soutenu par ESSO, de l'analyser comme contenant une renonciation claire et non équivoque de la société TINA à se prévaloir des dispositions des article 1999 et 2000 du Code Civil, avec toutes ses implications ;

Considérant que vu ces caractéristiques, la circonstance que les précédents contrats contenaient une clause identique ne permet pas, pour autant, d'en déduire que la société TINA était parfaitement informée de la portée de la renonciation ;

Qu'en conséquence, la renonciation à se prévaloir des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code Civil doit être écartée et le jugement confirmé en ce qu'il a commis un expert avec mission, notamment, de chiffrer les pertes subies par cette société comme mandataire ;

Considérant qu'il résulte des écritures des parties qu'elles n'entendent pas renoncer au bénéfice du double degré de juridiction, qu'il n'y a donc pas lieu à évocation, et que l'affaire sera renvoyée devant le tribunal de commerce pour qu'il soit statué sur les demandes d'indemnisation de la société TINA, après dépôt du rapport de M. [G] ;

Sur la demande de restitution des astreintes :

Considérant qu'ESSO demande la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de restitution des sommes payées en exécution des décisions rendues par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris le 22 mars 2004 puis le 8 juillet 2005, qui ont été confirmées, par arrêts de la cour d'appel de Paris des 16 décembre 2004 et 2 mars 2006 ; qu'elle soutient que la société TINA a ainsi obtenu le paiement de sommes sans commune mesure avec les résultats comptables qu'elle aurait obtenus pour cette période de huit mois si elle avait continué l'exploitation de la station-service ; qu'elle a estimé, en toute bonne foi, que, malgré la rédaction imprécise de l'ordonnance de référé du 28 novembre 2003, la société TINA n'était pas dispensée de régler les livraisons de carburant dans les conditions prévues au contrat, à savoir le paiement sécurisé à chaque livraison en cas d'impayés ;

Considérant que les arguments développés par ESSO ne justifient pas non plus la réformation du jugement sur ce point ; qu'en effet, l'astreinte est indépendante des dommages et intérêts, et ne saurait donc être liée au préjudice résultant pour la société TINA de l'impossibilité d'exploiter pendant les huit derniers mois du contrat ; que l'astreinte sanctionne la faute qui consiste à refuser d'exécuter la décision du juge ;

Considérant que la décision du Président du tribunal de commerce de Paris, confirmée en appel nonobstant l'argumentation d'ESSO sur la poursuite implicite des relations contractuelles et l'application justifiée ou non d'un paiement sécurisé, visait simplement à ne pas créer une situation irréversible en attendant la décision au fond ; que le non-respect de cette décision, privant la station-service de carburant, a entraîné, de facto, cette irréversibilité et la rupture du contrat ; qu'il n'y a donc pas lieu à restitution des astreintes ;

Qu'il sera en outre observé que si ESSO soutient que l'arrêt des livraisons de carburant résultait du fait que la société TINA refusait de procéder au paiement sécurisé, tel qu'il est prévu au contrat, cette société ne verse aux débats aucun élément, sommation, constat ou même courrier de TINA, susceptible de démontrer qu'elle aurait tenté d'effectuer une livraison et y aurait renoncé, faute d'être assurée du paiement ;

Sur la demande de levée de la caution bancaire :

Considérant que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a ordonné à ESSO de donner mainlevée, sous astreinte, de la caution de 430 000 F  (65 553 €) donnée par BNP ;

Sur les autres demandes :

Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté ESSO de sa demande de dommages et intérêts pour non-exploitation de la station-service, puisqu'elle est seule responsable de ce défaut d'exploitation ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société TINA l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer ; qu'il lui sera en conséquence alloué, en appel, une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que la société ESSO sera déboutée de sa demande à ce titre ;

Considérant que la société ESSO, qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement,

Condamne la société ESSO SAF à payer à la société TINA la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes contraires aux motifs ci-dessus, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris pour conclusion des parties après dépôt du rapport de M. [G],

Condamne la société ESSO SAF aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier

A.BOISNARD

La Présidente

H. DEURBERGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 07/09436
Date de la décision : 14/01/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°07/09436 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-14;07.09436 ?
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