RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 14 janvier 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/07044
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 septembre 2007 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau - section commerce - RG n° 05/00547
APPELANTE
SA CARS BRIDET NOUVELLEMENT DENOMMEE SAS BIEVRE BUS MOBILITES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Dominique BARTHES, avocat au barreau de PARIS, toque : R 43 substitué par Me Pierre-Damien VENTON, avocat au barreau de PARIS,
INTIME
Monsieur [I] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Aicha VERRIER-OUAHMANE, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC335
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 novembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle BROGLY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Evelyne GIL, conseiller
Madame Isabelle BROGLY, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Francine ROBIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET à l'encontre du jugement prononcé le 5 septembre 2007 par le Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU, section Commerce, statuant en formation de jugement, sur le litige l'opposant à Monsieur [I] [R].
Vu le jugement déféré aux termes duquel le Conseil de Prud'hommes :
- a dit que le licenciement de Monsieur [I] [R] n'est pas fondé.
- a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- a fixé la moyenne des salaires de Monsieur [I] [R] à 1 652, 42 €
- a condamné la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET au paiement des sommes suivantes :
* 295,19 € au titre du rappel de salaire de la mise à pied disciplinaire du 10 au 15 juillet 2000
* 29,52 € au titre des congés payés y afférents
* 3 304,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
330,48 € au titre des congés payés y afférents
* 2 643,87 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
*16 524,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions visées par le Greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles :
La SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET, appelante, poursuit l'infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes et demande en conséquence à la Cour :
- de réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 septembre 2007 par le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau.
Statuant à nouveau :
- de dire et juger que l'avertissement remis en main propre le 5 février 1998 est valable
- de dire et juger que la mise à pied à titre disciplinaire du 6 juillet 2000 prononcée à l'encontre de Monsieur [I] [R] est valable.
- de dire et juger Monsieur [I] [R] irrecevable et de le condamner à restituer les sommes perçues à ce titre.
- de dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [I] [R] est parfaitement fondé
- de dire et juger Monsieur [I] [R] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes
- de le condamner à lui restituer les sommes qu'il a d'ores et déjà perçues en vertu de l'exécution provisoire, soit 5 809,20 €, ainsi que les sommes consignées sur le compte CARPA pour un montant de 16 524 € conformément à la décision du Conseil de Prud'hommes, dont la Cour ordonnera la déconsignation
- de débouter Monsieur [I] [R] de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- de le condamner aux dépens d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur [I] [R], poursuit la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant, demande à la Cour de condamner la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET à lui verser la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CELA ETANT EXPOSE.
Monsieur [I] [R] a été engagé suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 septembre 1992 par la SA CARS BRIDET qui a pour objet le transport de voyageurs, en qualité de Conducteur Receveur, coefficient 140 V de la convention collective des Transports Routiers et Activités Auxiliaires.
Monsieur [I] [R] a fait l'objet de plusieurs sanctions :
- un avertissement en date du 10 février 1998 pour retards répétitifs dans l'exécution de son service
- avertissement en date du 16 juin 1998 pour mauvaises manipulations du stylet de son chrono tachygraphe et pour son refus de restituer le disque à son employeur
- un avertissement du 17 juin 2000, à raison de l'insalubrité de son véhicule constatée le 31 mai précédent
LA SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET a convoqué Monsieur [I] [R] à un entretien préalable fixé au 5 juillet 200, à l'issue duquel elle s'est bornée à lui notifier une mise à pied disciplinaire d'une durée de 5 jours par courrier en date du 6 juillet 2000, lui précisant qu'en cas de récidive, elle pourrait être conduite à envisager touts autre mesure allant jusqu'à la rupture du lien contractuel.
Finalement par courrier du 12 septembre 2000, la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET a convoqué Monsieur [I] [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 septembre suivant.
La société a notifié à Monsieur [I] [R] son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 18 septembre 2000.
C'est dans ce contexte que Monsieur [I] [R] a quitté définitivement le 19 septembre 2000 la société qui lui a remis à cette occasion l'ensemble des documents sociaux.
Monsieur [I] [R], qui n'a jamais contesté ni le bien fondé des sanctions, ni celui du licenciement dont il a fait l'objet, a saisi le 24 mai 2005, soit 5 ans environ après la rupture de la relation de la travail, le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau.
SUR CE
Sur la mise à pied notifiée le 6 juillet 2000.
La SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à Monsieur [I] [R] la somme de 295,19 € au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied disciplinaire du 10 au 15 juillet 2010, ainsi que la somme de 29,51 € au titre des congés payés y afférents.
Au soutien de son appel sur ce point, la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET expose que Monsieur [I] [R] a fait l'objet de cette sanction, à raison de son absence injustifiée du 14 juin 2000, de ses retards répétés et d'insultes proférées à l'égard de l'un de ses responsables hiérarchiques, Monsieur [P] [C].
Pour conclure au mal fondé de la sanction dont il a fait l'objet et donc à son annulation, Monsieur [I] [R] réplique que la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET ne produit aucun élément démontrant qu'il se serait abstenu de se présenter à son service le 14 juin 2000. Il conteste avoir eu des retards chroniques et avoir insulté ses supérieurs hiérarchiques.
La SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET produit aux débats la lettre qu'elle a adressée le 17 juillet 2000 à Monsieur [I] [R] pour lui demander le motif de son absence du 14 juin 2000, ainsi que le courrier remis en main propre à son salarié, contre décharge, le 6 juillet 2000 lui notifiant la mise à pied prise à son encontre.
Monsieur [I] [R] ne justifie pas avoir contesté cette sanction avant le 24 mai 2005, date à laquelle il a saisi le Conseil de Prud'hommes.
La SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET produit également une lettre en date du 28 juin 2000 aux termes de laquelle elle sollicite des explications sur le nouveau retard de plus de vingt minutes de Monsieur [I] [R] le jour même.
Monsieur [I] [R] qui ne prétend pas ne pas avoir été rendu destinataire de ces différents courriers, ne justifie pas avoir répondu à son employeur, notamment pour contester son absence du 14 juin 2000, ou son retard du 28 juin 2000.
Dès lors, même si les insultes alléguées ne sont pas avérées, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré sur ce point en jugeant fondée la mise à pied notifiée le 17 juillet 2000 à Monsieur [I] [R] en raison de ses retards répétés.
Par suite, Monsieur [I] [R] doit être débouté de sa demande au titre de remboursement de son salaire durant la période de 5 jours et de sa demande des congés payés y afférents.
Sur le licenciement.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
'Le 29 août 2000, vous vous êtes présenté pour prendre votre service à 7 heures 50, alors qu'il débutait à 6 heures 25, soit près de 1heure 30 de retard.
Vous n'avez pas daigné répondre à la demande d'explications que nous vous avons adressée le jour même.
Lors de l'entretien avec votre responsable hiérarchique, Monsieur [C], vous avez refusé de nous répondre au motif que nous courriers vous 'agressaient'.
Vous avez ensuite affirmé ne pas avoir à vous justifier, prétendant même avoir le droit de vous absenter, sans justification, jusqu'à trois jours.
Vous n'ignorez pas qu'assurant le transport de voyageurs, vous vous devez d'être ponctuel.
Votre insouciance perturbe la bonne organisation du service et nous occasionne des difficultés avec notre clientèle.
De plus, votre comportement fautif du 29 août n'est pas isolé.
En effet, nous avons déjà été amenés à prendre à votre encontre des sanctions disciplinaires en raison de vos retards répétés : mise à pied disciplinaire du 10 au 15 juillet 2000, avertissement du 5 janvier 1998.
La réitération de ces faits fautifs étant constitutive d'une faute grave, votre licenciement sans préavis prendra effet dès la première présentation de cette lettre par les PTT, date à compter de laquelle nous tiendrons à votre disposition le certificat de travail le solde de tout compte et l'imprimé ASSEDIC'.
La matérialité des faits n'est pas sérieusement contestée par Monsieur [I] [R] et les pièces qu'il verse aux débats, telles la pétition comprenant une quarantaine de noms dont il n'est pas possible de déterminer s'il s'agit réellement des usagers empruntant les cars BRIDET et l'attestation de son nouvel employeur qui témoigne de sa satisfaction sont inopérantes au regard du grief invoqué.
L'absence injustifiée ainsi que les retards réitérés démontrent à l'évidence la désinvolture dont Monsieur [I] [R] a fait montre lors de l'exécution de son contrat de travail. Pour autant, ils ne revêtent pas une gravité telle qu'ils ont été de nature à justifier la rupture immédiate de la relation de travail.
Il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse. Statuant à nouveau il y a lieu de le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Dès lors, Monsieur [I] [R] peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés y afférents, ainsi qu'à l'indemnité conventionnelle de licenciement soit les sommes respectives de 3 304,84 €, de 330,48 € et de 2 643,87 €.
En revanche, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur [I] [R] la somme de 16 524 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Restant débitrice du salarié, la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elles a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Il y a lieu, en équité, de laisser à [I] [R] la charge de ses frais non compris dans les dépens exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS.
LA COUR
Infirme le jugement déféré en jugeant fondée la mise à pied notifiée le 17 juillet 2000 à Monsieur [I] [R] en raison de ses retards répétés.
Déboute Monsieur [I] [R] de sa demande au titre de remboursement de son salaire durant la période de 5 jours et de sa demande des congés payés y afférents.
Infirme le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau, requalifie le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Condamne la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET à verser à Monsieur [I] [R] l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement soit les sommes respectives de 3 304,84 €, de 330,48 € et de 2 643,87 €.
Ordonne le remboursement par Monsieur [I] [R] du surplus des sommes qui lui ont été versées par la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET.
Ordonne la déconsignation au profit de la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET de la somme de 16 524 € qu'elle a versée au compte CARPA.
Déboute Monsieur [I] [R] de ses autres demandes.
Confirme les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
Condamne la SAS BIEVRE BUS MOBILITES venant aux droits de la SA CARS BRIDET aux dépens d'appel.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [I] [R] au titre de l'instance d'appel.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :