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13/01/2010 | FRANCE | N°07/19149

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 13 janvier 2010, 07/19149


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 13 JANVIER 2010



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/19149



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2007 -Tribunal de Commerce de MEAUX (Monsieur GAILLOT Président) - RG n° 2006/00319





APPELANTES



S.A. CINETIC ASSEMBLY

agissant en la personne de son Présid

ent du Conseil d'Administration

ayant son siège [Adresse 4]



S.A. FINAMUR, venant aux droits de la société SLIBAIL IMMOBILIER

agissant en la personne de son Président du Conseil d'Admi...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 13 JANVIER 2010

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/19149

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2007 -Tribunal de Commerce de MEAUX (Monsieur GAILLOT Président) - RG n° 2006/00319

APPELANTES

S.A. CINETIC ASSEMBLY

agissant en la personne de son Président du Conseil d'Administration

ayant son siège [Adresse 4]

S.A. FINAMUR, venant aux droits de la société SLIBAIL IMMOBILIER

agissant en la personne de son Président du Conseil d'Administration

ayant son siège [Adresse 1]

représentées par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistées de Me NICOLAS (SCP WHITE and CASE) avocat

INTIMEES

S.A.S. ALSEI, anciennement dénommée ADIM

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 2]

représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistée de Me REZEAU, (cabinet REZEAU LAMAGE) avocat

S.A.R.L. CABINET MW ARCHITECTURE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 2]

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS - MAF

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 5]

représentées par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assistées de Me VARGUN substituant Me GUILLOT (SCP GUILLOT MARTIN CHABROT PRINCE) avocat

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 3]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me HODÉ (SCP RODIER HODE) avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel ZAVARO, président

Madame Marie-José THEVENOT, conseillère

Madame Dominique BEAUSSIER, conseillère

qui en ont délibéré.

rapport oral de Monsieur ZAVARO président, conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Hélène ROULLET

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur ZAVARO, président et par Madame ROULLET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La société CINETIC ASSEMBLY et la société FINAMUR aux droits de SLIBAIL Immobilier ont passé un contrat de promotion immobilière avec la société ALSEI anciennement dénommée ADIM pour la réalisation de chaînes de montage pour l'industrie automobile. La livraison de l'ensemble immobilier est intervenue le 27 janvier 2004 avec une réserve concernant la propagation des bruits en zone d'activité.

Le rapport de SOCOTEC du 1er juillet 2004 ainsi que le rapport de Monsieur [C] du 15 novembre 2005 établi en vertu d'une ordonnance de référé du 10 mars 2005 montrent que le bâtiment n'est pas conforme au regard des prescriptions de l'arrêté du 30 août 1990 pris en application de l'article R 232-2-11 du Code du travail. Les reprises nécessaires à la mise en conformité sont évaluées à la somme de 156.392 € HT. Les travaux ont été exécutés et payés par la société CINETIC.

Le tribunal de commerce de Meaux par jugement du 4 septembre 2007 a partagé la charge financière du sinistre entre CINETIC SLIBAIL (60% - 93.835,20 € HT) ADIM (30%- 46.917,60 € et MW Architecture et MAF (10% - 15.639,20 €) et condamné ADIM et MW Architecture à payer les sommes correspondantes. Il a condamné SLIBAIL Immobilier à payer à la société ALSEI le solde de ses travaux, soit 167.440 € avec intérêts depuis le 19 décembre 2005.

Les sociétés CINETIC Assembly et FINAMUR ont relevé appel de ce jugement. Elles demandent la condamnation in solidum à lui payer la somme de 156.392 € HT  des Mutuelles du [Localité 6] assureur dommage ouvrage et assureur responsabilité décennale d'ALSEI ainsi que de cette dernière. Elles demandent en outre le remboursement de la somme de 6.047,24 € payée à ALSEI au titre des intérêts sur le solde des travaux.

La société ALSEI a relevé appel incident pour être déchargée de toute responsabilité au titre de l'insuffisance de l'isolation acoustique. Elle n'en demande pas moins sa confirmation en ce qu'il condamne SLIBAIL Immobilier à lui payer le solde de ses travaux, soit la somme de 167.440 € TTC. Elle sollicite en outre 5.000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La compagnie MMA IARD Assurances sollicite la confirmation du jugement. A titre subsidiaire, elle demande à être déchargée de 80% du montant du dommage et sollicite la condamnation de MW Architecture à la relever et garantir en sa qualité d'assureur dommages ouvrage. Elle conclut également à la confirmation du jugement en sa qualité d'assureur de la responsabilité de la société ALSEI et demande à titre subsidiaire que CINETIC ASSEMBLY et FINAMUR soient condamnées à la relever et garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre. Enfin, elle demande 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le cabinet MW Architecture et la MAF ont relevé appel du jugement en ce qu'il laisse une part de responsabilité à leur encontre au motif que le Maître de l'ouvrage n'a jamais informé la maîtrise d''uvre de ce que le processus de fabrication entraînerait un niveau sonore supérieur à 85 dB(A). Ils ajoutent que la garantie décennale ne saurait être mobilisée au seul motif qu'un niveau sonore fixé par voie réglementaire n'est pas respecté d'autant que l'arrêté du 30 août 1990 n'est régulier ni au fond ni en la forme. Ils demandent donc qu'il soit sursis à statuer en attendant que les juridictions administratives se soient prononcées sur la régularité de l'arrêté et à titre subsidiaire, demandent à être relevés et garantis pas les autres parties.

Sur ce, la cour :

A la réception de l'ouvrage, la société CINETIC ASSEMBLY a formé une réserve concernant la correction acoustique de l'atelier. Les mesures effectuées par SOCOTEC confirment que l'atelier n'est pas conforme aux exigences de l'arrêté du 30 août 1990.

L'expert judiciaire a constaté que les niveaux de bruit à certains postes de travail sont particulièrement élevés et justifient un traitement acoustique qui n'a pas été prévu. Il a constaté en effet l'absence totale de traitement acoustique par matériaux absorbants sur les parois verticales de l'atelier ainsi qu'en sous face de la couverture en bacs acier.

Les premiers juges ont estimé que cette situation ne constituait pas un désordre de nature décennale au motif qu'elle ne faisait pas obstacle à l'utilisation du bâtiment.

Le document de programmation établi par le maître de l'ouvrage mentionne au chapitre « recueil des données » que les zones cintrage et mécano-soudure sont des zones bruyantes à traiter et au chapitre « solution retenue » : « correction acoustique par bac perforé en option ». Il précise que la zone cintrage est inchangée par rapport à l'actuelle implantation et que la zone mécano-soudure comprendra 6 postes de travail au lieu des 15 existants actuellement, toutes les autres machines étant implantées dans une zone commune. Les premiers juges ont néanmoins estimé que le fait pour le maître de l'ouvrage de n'avoir pas averti les constructeurs des nuisances sonores générées par son activité et de n'avoir pas opté pour la correction acoustique proposée en option le constituait en faute et il a réparti la charge financière du sinistre entre le maître de l'ouvrage, le promoteur et l'architecte.

Il est constant que les locaux n'ont pas été aménagés de façon à éviter la réverbération du bruit sur ses parois et à limiter la propagation du bruit vers les autres locaux occupés par des travailleurs en contradiction avec les dispositions de l'article R 235-2-11 du Code du travail. Une partie de ces locaux abrite des activités qui génèrent des intensités sonores supérieures au seuil d'utilisation des protections individuelles, de telle sorte que les personnes employées dans les autres ateliers supportent une intensité sonore anormale. Cette situation, nonobstant le point de savoir si les seuils réglementaires ont été fixés régulièrement ou non, caractérise une contravention aux dispositions de l'article R 235-2-11. Elle est liée à la conception de l'ouvrage et constitue un désordre qui le rend impropre à sa destination.

La propagation du bruit des ateliers de cintrage et de mécano-soudure dans le reste des bâtiments constitue un désordre qui porte atteinte à sa destination, le personnel ne pouvant travailler normalement dans ces locaux. Ce désordre est donc de nature décennale.

La réserve formée par le maître de l'ouvrage à la réception lui interdit de rechercher la garantie de l'assureur responsabilité décennale de ADIM.

Pour s'exonérer de leurs responsabilités le promoteur et l'architecte invoquent les limites de sa commande, le défaut d'information du maître de l'ouvrage sur les conditions d'exploitation de l'ouvrage et sa mauvaise foi, l'absence de manquement à leur devoir de conseil et l'absence de préjudice du maître de l'ouvrage qui, si elle avait été prévue, aurait dû payer l'isolation phonique en plus.

Les parties ayant traité pour la construction d'une usine destinée à recevoir une activité déjà exercée dans un autre site, les constructeurs ne peuvent pas invoquer la commande pour soutenir qu'ils ne sont pas responsables de l'inadéquation de l'ouvrage à ses conditions d'utilisation alors qu'il leur était facile de se rendre sur le site pour mesurer les contraintes de leur ouvrage.

Ils ne peuvent invoquer pour s'exonérer de leur responsabilité, que l'immixtion d'un maître de l'ouvrage notoirement compétent et l'acception consciente d'un risque dont il aurait été clairement averti. Aucun de ces deux arguments n'est clairement invoqué, tout au plus peut-on rattacher au deuxième le fait qu'un traitement acoustique a été proposé au maître de l'ouvrage en option. Il n'apparaît cependant nulle part qu'il ait été informé de ce que, à défaut d'accepter cette option, l'usine ne serait pas utilisable en raison de la propagation du bruit des ateliers de mécano soudure et de cintrage à l'ensemble du bâtiment. Les constructeurs ne s'exonèrent donc pas de leur responsabilité.

La réparation doit replacer le maître de l'ouvrage dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si la construction n'avait pas été affectée d'un vice. Il n'y a donc pas lieu de lui faire supporter le prix de l'isolation acoustique.

Il convient donc de condamner in solidum les Mutuelles du [Localité 6] en sa qualité d'assureur dommages ouvrage, et ADIM en vertu de l'article 1831-1 du code civil repris par l'article 6-1-c du contrat de promotion qui le rend débiteur de la garantie décennale, à payer à FINAMUR et CINETIC la somme de 156.392 € HT. Cette somme portera intérêt à compter de l'arrêt.

Cette somme aurait dû être payée par compensation avec le montant de la retenue de garantie opérée par le maître de l'ouvrage. L'exécution du jugement déféré l'ayant contraint à payer 6.047,24 € d'intérêts à ADIM sur la retenue de garantie, celle-ci les remboursera aux maîtres de l'ouvrage.

L'assureur dommages ouvrage est bien fondé à appeler en garantie le promoteur et l'architecte au titre de leur responsabilité décennale.

ADIM est un promoteur professionnel spécialisé dans la réalisation d'immeubles industriels. Cette société a commis un faute en ne mesurant pas exactement les exigences de l'activité de son client en terme d'isolation acoustique. Cette faute est partagée par l'architecte, le cabinet MW Architecture qui ne s'en est pas soucié. Cette faute est d'autant plus caractérisée que l'un et l'autre pouvaient constater la nécessité de cette isolation en visitant le site sur lequel CINETIC Assembly exerçait son activité. Elle est également partagée entre le promoteur qui avait une meilleure connaissance des process industriels que l'architecte et ce dernier qui devait mieux mesurer que le promoteur le pouvoir absorbant des matériaux. Ces considérations conduisent à un partage par moitié entre les codébiteurs responsables de la charge financière du sinistre.

Les MMA ont refusé à tort d'honorer la garantie dommages ouvrage qu'elles avaient consentie. Il est donc normal de leur laisser la charge de leurs frais irrépétibles de procédure.

Par ces motifs

Infirme le jugement déféré,

Condamne la société ALSEI anciennement dénommée ADIM à rembourser aux sociétés FINAMUR et CINETIC la somme de 6.047,24 €,

Condamne in solidum d'une part les MMA relevées et garanties par la société ALSEI et le Cabinet MW ARCHITECTURE et d'autre part la société ALSEI à payer aux sociétés FINAMUR et CINETIC la somme de 156.392€,

Condamne la société ALSEI d'une part, le Cabinet MW ARCHITECTURE et la MAF d'autre part à se relever et garantir pour moitié chacun de la somme de 156.392€,

Les condamne aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de 8.000€ au titre de la totalité des frais de procédure exposés par les sociétés FINAMUR et CINETIC ensemble,

Accorde le bénéfice de distraction aux avoués en la cause.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 07/19149
Date de la décision : 13/01/2010

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°07/19149 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-13;07.19149 ?
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