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29/12/2009 | FRANCE | N°08/09144

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 29 décembre 2009, 08/09144


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 29 décembre 2009



(n° 16 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09144



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 avril 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris - section commerce - RG n° 06/07191









APPELANT



M. [N] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté

de Me Manuela LALOT, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB143







INTIMÉE



RATP

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Michèle BONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1353







...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 29 décembre 2009

(n° 16 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09144

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 avril 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris - section commerce - RG n° 06/07191

APPELANT

M. [N] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Manuela LALOT, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB143

INTIMÉE

RATP

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Michèle BONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1353

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er septembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère

Monsieur Serge TRASSOUDAINE, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

M. [O] a été engagé le 22 août 1994 par la RATP en qualité d'élève d'exploitation. Il a été titularisé le 06 octobre 1994.

Il a exercé les fonctions de chef de station puis le 1er septembre 1997 a été promu agent

- qualité logistique -

°

° °

Il bénéficiait en dernier lieu de la qualification 09N6 Logistique et d'un salaire net moyen de 2 105 euros.

°

° °

Le 22 décembre 1998 M. [O] était déclaré inapte définitivement à son emploi et reclassé le 1er octobre 1999 au poste d'assistant logistique attaché à la station 'Gare de [5]', ligne 1 du métro.

Il était déclaré invalide par la COTOREP.

Par suite de son handicap, il devait bénéficier en application du protocole d'accord du

30 janvier 2004 en faveur de l'emploi des travailleurs en situation de handicap, d'une indemnité mensuelle de frais kilométriques pour ses déplacements.

Le 23 février 2006 M. [O] était convoqué par lettre remise en main propre à un entretien fixé au 03 mars au motif qu' 'il avait été relevé à son encontre un manquement professionnel susceptible d'appeler en raison de sa nature une mesure disciplinaire du 2ème degré B'.

Par lettre du 07 mars 2006 le directeur de la ligne 1 de la RATP notifiait à M. [O] son déferrement devant le conseil de discipline au motif de la perception indue d'indemnités kilométriques pour un montant évalué à 8 477 euros.

Par lettre du 09 mars 2006, M. [O] était invité à prendre connaissance de son dossier administratif.

Par lettre du 21 mars 2006, la RATP le convoquait devant le conseil de discipline pour le 27 mars 2006.

Par courrier du 06 avril 2006, la RATP notifiait à M. [O] sa révocation au motif suivant :

'Abus de confiance :

Perception d'indemnités kilométriques indues aux dépens de la RATP en ne signalant pas son changement de domicile (du département de l'Aisne à Paris 13ème), en ne communicant pas le changement de catégorie de son véhicule (puissance fiscale de 6 CV au lieu de

9 CV)'

M. [O] saisissait le 20 juin 2006 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'être réintégré à la RATP, de voir annuler sa révocation, de condamner la RATP à lui payer des dommages et intérêts pour discrimination, des dommages et intérêts calculés sur la base des salaires et congés payés qu'il aurait dû percevoir depuis son départ de l'entreprise et de condamner la RATP à lui payer la somme de 1 630,10 euros au titre de frais de péage.

Par jugement rendu le 23 avril 2008 le conseil de prud'hommes de Paris le déboutait de toutes ses prétentions.

M. [O] interjetait régulièrement appel le 07 juillet 2008, le jugement lui ayant été notifié le 26 juin.

SUR QUOI

Vu les conclusions du 1er septembre 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de M. [O] qui demande à la cour, infirmant le jugement déféré, d'annuler sa révocation, condamner la RATP à le réintégrer et la condamner à lui payer ses salaires sur la base, congés payés compris, de 1 566 euros nets par mois du 22 avril 2006 jusqu'à la date de sa réintégration, soit à hauteur de 72 349 euros, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ; subsidiairement en l'absence de réintégration, condamner la RATP à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 72 349 euros au titre de sa perte de salaire ; en tout état de cause, celle de 1 630,10 euros au titre de ses frais de péage ainsi que celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 1er septembre 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de la RATP aux fins de confirmation du jugement déféré et de condamnation de

M. [O] au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Attendu qu'aux termes de l'article 7 du protocole d'accord en faveur de l'emploi des travailleurs en situation de handicap au sein de la RATP, les partenaires sociaux ont souhaité mettre en place des mesures financières pour faciliter le maintien dans l'emploi ou dans l'entreprise de ces travailleurs ;

Que ces mesures concernent différentes aides dont le remboursement de certains frais de déplacement, des frais d'essence notamment, après examen par la commission de coordination pour l'insertion de ces salariés ;

Attendu qu'en l'espèce, la RATP fait grief à M. [O] de lui avoir déclaré le

18 septembre 2000 qu'il était domicilié à [Localité 6], dans le département de l'Aisne, soit à 111 km de son lieu de travail puis le 25 mai 2005 d'avoir signalé l'acquisition d'un véhicule 9 CV sans l'informer ensuite qu'il bénéficiait depuis le 24 février 2005 d'une nouvelle adresse à [Adresse 7] et qu'il avait acquis le 29 juin 2005 un véhicule 6 CV ;

Qu'elle se prévaut d'aveux de M. [O] le 05 février 2006 auprès de l'enquêteur désigné par la RATP, M. [Z], et de son engagement à rembourser les sommes perçues indûment, soit 8 477 euros, qu'il a réitéré ses aveux à plusieurs reprises et ne peut donc pas soutenir qu'ils lui ont été extirpés ;

Qu'elle fait valoir que M. [O] était assisté lors de son audition de

Mme [W], déléguée syndicale, que l'entretien diligenté par l'enquêteur interne n'est pas un entretien préalable à une sanction mais a eu pour objet de faire la lumière sur des soupçons existants avant décision d'engager ou non une procédure disciplinaire ;

Qu'elle fait valoir encore que la procédure disciplinaire interne a été respectée puisque

M. [O] a été convoqué le 23 février 2006 à un entretien préalable pour le 03 mars, que M. [O] s'est présenté à cet entretien et a donné ses explications, que la décision de le déférer devant le conseil de discipline lui a été notifiée le 07 mars 2006, qu'il a pu prendre connaissance de son dossier administratif le 15 mars 2006 lors d'une audience préparatoire et a encore reconnu les faits, qu'il a été convoqué devant le conseil de discipline par lettre du 21 mars 2006 ;

Que la sanction prononcée est proportionnée aux fautes commises ;

Or attendu que pour rapporter la preuve de la faute grave la RATP se contente d'invoquer les aveux de M. [O] ;

Qu'elle ne rapporte pas la preuve que ce salarié handicapé ait déménagé de son domicile familial à Château Thierry dans l'Aisne et qu'il n'avait plus à utiliser son véhicule pour effectuer ses trajets domicile-travail ; que la circonstance que M. [O] ait décidé certains soirs d'occuper le logement loué par sa mère à Paris 13ème pour lui éviter certains trajets ne caractérise pas en soi un manquement contractuel ni une fraude ;

Que M. [O] explique cette situation comme une nécessité en cas de grande fatigue et de d'autant plus qu'il avait été victime d'un accident de la circulation en août 2003 et d'un accident cérébral en 2004 ;

Que l'attitude de M. [O] n'a pas été de dissimuler l'adresse de ce pied-à-terre puisqu'il en a donné l'adresse à la COTOREP ;

Que la RATP si elle justifie avoir proposé un logement parisien à M. [O] en février 2000 ne fait état que de propositions tardives ensuite, en août et novembre 2005, puis mars 2006 en cours de procédure disciplinaire ;

Attendu concernant la non-validation d'un changement de puissance du véhicule par

M. [O], que les pièces produites aux débats et les explications des parties démontrent que M. [O] a changé en quelques semaines à deux reprises de véhicule et mis en vente le dernier ; que l'intention frauduleuse du salarié n'est pas établie ; que seule peut être en conséquence retenue sa négligence dans le fait de ne pas avoir communiqué la copie de ses cartes grises successives ;

Et considérant que l'obtention d'aveux, après enquête non contradictoire auprès d'une concierge et interrogatoire par un enquêteur désigné par l'employeur d'un salarié en état de faiblesse, ne permet pas à la RATP d'apporter une preuve pertinente d'un détournement intentionnel susceptible de caractériser une faute grave ;

Que si une déléguée syndicale était présente lors de l'interrogatoire du salarié, la RATP ne rapporte pas la preuve qu'elle ait eu à assister l'intéressé ;

Que M. [O] s'est engagé à rembourser le trop perçu revendiqué par la RATP ;

Que celle-ci ne produit pas le procès-verbal de la réunion du conseil de discipline ayant émis un avis sur la décision à prendre, lequel avis n'est pas en conséquence caractérisé ; que la lettre de révocation ne précise pas en effet si cet avis était positif ou contraire ; que la cour a la conviction au sens de l'article L.1234-1 du code du travail que la révocation de M. [O] dans de telles circonstances pour 'abus de confiance' ne procède d'une cause réelle et sérieuse ;

Que l'appel est fondé ;

Attendu que M. [O] n'apporte aucun élément permettant de laisser présumer le caractère discriminatoire de son licenciement au titre de la prise en compte de son handicap ; que la nullité de cette mesure n'est donc pas démontrée ; qu'elle est sans cause réelle et sérieuse ;

Que la demande de réintégration, n'étant pas fondée, doit être rejetée en conséquence dès lors que la RATP n'accepte pas une telle réintégration ;

Que de même doit être rejetée la demande de dommages et intérêts pour discrimination ;

Attendu que M. [O] a perdu son emploi dans des conditions vexatoires alors que son handicap rendait difficile sa réinsertion professionnelle ;

Qu'il subit un préjudice moral important comme le révèle les conséquences de sa révocation sur sa santé mentale et un préjudice financier dès lors qu'il n'a pas retrouvé de travail ; qu'au vu des éléments que la cour trouve ainsi en la cause, la somme de 30 000 euros doit lui être allouée en réparation ;

Attendu que M. [O] justifie des frais de péage qu'il a engagés de 2002 à 2005 pour un montant de 1630,10 euros en produisant les factures de badge de la SANEF ; qu'il doit être fait droit à cette demande justifiée en ses principe et montant ;

PAR CES MOTIFS

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Condamne la RATP à payer à M. [O], avec intérêts de droit, les sommes de 1 630,10 euros à titre de remboursement de frais de péage de 2000 à 2005 et 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirme les autres dispositions du jugement,

Condamne la RATP aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. [O] la somme de 2 500 euros.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/09144
Date de la décision : 29/12/2009

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°08/09144 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-29;08.09144 ?
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