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17/12/2009 | FRANCE | N°07/13701

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 17 décembre 2009, 07/13701


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2009



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/13701



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/13750





APPELANTE:



Madame [D] [L] divorcée [C]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]



r

eprésentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à la Cour

assistée de Maître Olivier PASTUREL, avocat au barreau de PARIS, toque : A734





INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE INTIMEE:



S.A. BANQ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2009

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/13701

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/13750

APPELANTE:

Madame [D] [L] divorcée [C]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à la Cour

assistée de Maître Olivier PASTUREL, avocat au barreau de PARIS, toque : A734

INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE INTIMEE:

S.A. BANQUE PRIVÉE 1818 venant aux droits de la S.A. BANQUE PRIVEE SAINT DOMINIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoué à la Cour

assistée de Maître Eric BOILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque J031

plaidant pour SIMMONS & SIMMONS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude APELLE, Président, et Madame Caroline FEVRE, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile comme elles ont été avisées de la date de prorogation du délibéré.

- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président, et par Mademoiselle Guenaelle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 12 février 1988, Mme [L] ouvrait un compte titre auprès de la société de bourse Bacot Allain destiné à permettre l'achat et la vente de valeurs boursières afin de faire fructifier une indemnité d'éviction qu'elle venait de percevoir. Après avoir procédé à des achats de vente et de titres pendant dix ans, elle effectua trois opérations sur le marché à règlement mensuel, notamment en 1989 sur les titres Synthelabo, ladite opération ayant entraîné pour Mme [L] une moins value de 46.801,85 euros, le marché à règlement mensuel se caractérisant par la possibilité offerte aux opérateurs de différer à la liquidation en fin de mois leurs positions sur les achats ou les ventes de titres et donc d'augmenter leurs bénéfices potentiels mais également leurs pertes sur les opérations effectuées.

Le 18 novembre 1998, elle renouvelait la convention de comptes titres auprès de la Banque Privée Saint Dominique - BPSD - intervenant en qualité de nouveau dépositaire et signait avec la société Bacot Allain Gestion un contrat de conseil, la société s'engageant, aux termes de ce contrat, à ' conseiller dans le choix de ses investissements le titulaire du compte ouvert chez le dépositaire', Mme [L] conservant la maîtrise des opérations qu'elle effectuait.

Après avoir réalisé des opérations dégageant une plus value d'un montant de 2.232.326,05 euros, le compte de Mme [L] allait enregistrer des pertes très importantes, le compte titres de Mme [L] passant entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2000 d'un solde créditeur de 1.758.211,46 euros à une somme de 0 euro.

L'année 2000 se soldait par des moins values d'un montant de 2.285.872,60 euros qui furent couvertes par l'utilisation de la totalité des liquidités se trouvant sur ce compte.

Faisant valoir que la société de bourse avait failli à son obligation de conseil et d'information ainsi que de mise en garde, Mme [L] a assigné en justice la société BPSD qui se trouvait alors aux droits de la société Bacot Allain Gestion.

Par jugement en date du 15 mai 2007, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté Mme [L] de ses demandes et ce aux motifs d'une part que Mme [L] avait la qualité d'opérateur averti , ce qui suffisait à exonérer la société de bourse de toute faute, d'autre part que les honoraires relevés au titre du contrat de conseil étaient très inférieurs aux chiffres avancés par Mme [L].

Mme [L] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées le 21 avril 2007, qui sont ses conclusions récapitulatives, Mme [L] a demandé à la Cour de:

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer, en toutes ses dispositions , le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- dire que la Banque n'a pas respecté son obligation d'information et son devoir de conseil à l'égard de Mme [L] en s'abstenant de se conformer aux prescriptions énoncées par le règlement n° 97-02 de la Commission des Opérations de Bourse et en s'abstenant de l'avertir des conséquences gravement préjudiciables résultant de la poursuite d'investissements massifs et réguliers sur le marché à règlement mensuel au cours de l'année 2000,

- dire que ces manquements à l'obligation d'information et au devoir de conseil sont constitutifs d'une faute génératrice de dommages pour Mme [L],

- ordonner la réparation des dommages causés à Mme [L] en condamnant la Banque à lui payer la somme de 2.880.734,49 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire que le prélèvement par la Banque d'honoraires de conseil sur le compte de Mme [L] n'était pas causé en l'absence de toute prestation de conseil exécutée par cette dernière,

- ordonner en conséquence au profit de Mme [L] la restitution de la somme de 764.239,48 euros représentant le montant des honoraires de conseil prélevés en 1999 et 2000 en condamnant la Banque à lui payer cette somme,

- condamner la Banque à lui payer la somme de 100.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 28 juillet 2009, la société Banque Privée 1818, venant aux droits de la Banque privée Saint Dominique- BPSD - demande à la Cour de:

- dire que Mme [L] ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute de la Banque de nature à engager sa responsabilité,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner Mme [L] à verser à la Banque la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive en application de l'article 559 du Code de procédure civile,

- condamner Mme [L] à lui verser la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux dépens.

SUR CE

Considérant qu'il est constant que Mme [L] a, en 1998, signé un contrat de conseil avec la société de bourse, le but poursuivi par elle étant d'avoir un interlocuteur privilégié avant de passer ses ordres sur le règlement à marché mensuel qui fut remplacé en septembre 2000 par le mécanisme des ordres stipulés à service de règlement et livraison différés;qu'il s'agissait d'un contrat de conseil et non d'un mandat de gestion, Mme [L] effectuant seule ses ordres;

Considérant que l'étendue de l'obligation de conseil de la société de bourse s'apprécie en fonction de la qualité et de la compétence du client;

Considérant qu'en matière d'opérations de bourse, l'obligation d'information de l'intermédiaire professionnel existe dès l'origine des relations contractuelles; qu'elle consiste à s'assurer , avant de commencer à exécuter les ordres de son client que ce dernier dispose des informations et connaissances suffisantes pour mesurer la portée de ses engagements; que ce dernier doit être en mesure de définir le type d'opérations qu'il entend réaliser sur son portefeuille et de déterminer le risque ou la part d'aléa qu'il court en donnant les ordres d'opérer; qu'elle peut ensuite en cours d'exécution du contrat , revêtir la forme d'une obligation de mise en garde si la gestion du donneur d'ordre s'avère manifestement anormale aux yeux d'un professionnel;

Considérant qu'il revient à la Cour de déterminer si Mme [L] était opérateur averti en 1998 lorsqu'elle a passé ce contrat et en cas de réponse négative de déterminer si elle a reçu l'information nécessaire;

Considérant que Mme [L] admet en cause d'appel que antérieurement à la date de signature du contrat de conseil, elle a passé seule trois opérations de règlement à marché mensuel; en 1989, en janvier 1994 et à compter du 31 janvier 1994; que la première fois le montant de ces cessions a atteint 12,8 millions de francs; que, malgré une perte en janvier 1994 de près de 47.000 euros, elle a réitéré à compter du 31 janvier 1994 et a dégagé alors une plus value; qu'elle avait donc saisi obligatoirement lors de ces trois actions les mécanismes de telles opérations ; que d'une part elle ne justifie pas avoir été incitée par la société de bourse à réaliser ces trois opérations et d'autre part n'invoque aucune faute d'information de ladite société de bourse pendant cette période; que d'ailleurs, en 1988, à la date d'ouverture du compte sur lequel ont été réalisées les trois opérations susmentionnées, la société de bourse n'avait aucune obligation légale de remettre une note à ses clients afin de les informer des mécanismes des marchés à terme:

Considérant , par contre, que la Banque justifie lui avoir adressé le 15 septembre 1997 un courrier comportant des explications sur le traitement fiscal de ses opérations de report sur le titre Synthélabosur , permettant ainsi à Mme [L] d'avoir une information sur la question;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme [L] doit 'être considérée, à la date à laquelle elle a conclu le contrat de conseil avec la société de bourse, comme opératrice, certes non avertie au vu de sa profession et du fait que seulement trois opérations avaient été effectuées , mais comme expérimentée ;

Considérant que force est de constater qu'aux termes du contrat de conseil conclu entre les parties , soit en 1998, Mme [L] a reconnu avoir été informée des risques inhérents à certaines opérations et à certains marchés tels que les marchés à effet de levier;

Qu'elle ne peut dès lors invoquer le défaut d'information à la date de conclusion du contrat de 1998;

Considérant que Mme [L] reproche en second lieu à la société de bourse d'avoir manqué aux obligations de conseil et d'information auxquelles elle s'était engagée par contrat;

Considérant que force est de constater d'abord que Mme [L] ne précise pas dans ses conclusions les opérations pour lesquelles la société de bourse aurait failli à son obligation d'information et de conseil telle que cette obligation résulte du contrat signé entre les parties, mettant ainsi la Cour dans l'impossibilité de déterminer , opération par opération, le défaut de conseil ou d'information ou de mise en garde de la société de bourse ou sa non réponse;

Considérant que ce contrat offrait à Mme [L] la possibilité d'avoir un interlocuteur privilégié au sein de la société de bourse avant de passer un ordre de bourse, la titulaire restant aux termes du contrat pleinement maîtresse du choix des opérations qu'elle effectuait;

Qu'aux termes de l'article 2 du contrat de conseil, ' la responsabilité de Bacot Allain Gestion est limitée au cas de faute lourde dans l'exécution de sa mission de conseil et ne peut être engagée en raison d'une erreur de jugement;

Considérant que Mme [L] ne justifie aucunement de la faute lourde qu'elle soulève, le défaut de mise en garde qu'elle allègue au titre de la faute lourde et qui n'est rattaché, dans les conclusions de Mme [L] à aucune opération précise, ne pouvant être, du fait de la carence de Mme [L], être prouvé et donc assimilé éventuellement à une faute lourde;

Que Mme [L] sera déboutée de ce chef de demande, étant observé au surplus que la société de bourse justifie avoir adressé à Mme [L] à date fixe l'ensemble des opérations effectuées dont elle avait l'entière maitrise ainsi que son compte titre; que d'ailleurs Mme [L] a régularisé sa situation en cours d'opérations en reconstituant sa couverture;

Considérant enfin que Mme [L] demande à la Cour de condamner la Banque à lui rembourser le montant des prestations reçues au titre du devoir de conseil, devoir non respecté selon Mme [L] qui motive sa demande par l'absence de mise en garde de la société de bourse;

Considérant que force est de constater toutefois:

- d'une part que la Cour a rappelé que Mme [L] avait reconnu , aux termes du contrat de conseil, avoir été tenue informée des risques d'opérations sur le marché à réglement mensuel, qu'aucun défaut de mise en garde de la part de la société de bourse n'a dès lors été retenue;

- d'autre part que Mme [L] ne justifie ni n'allègue d'un défaut de conseil ou de mise en garde pour des opérations déterminées,

- enfin que, la Cour n'ayant pas retenu de faute lourde de la société de bourse,

Mme [L] ne saurait se voir accorder remboursement des sommes débitées par la société de bourse;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement ayant débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes, ne peut qu'être confirmé;

Considérant qu'une action en justice, même non fondée, ne saurait à elle seule ouvrir droit à dommages-intérêts; que le jugement sera infirmé de ce chef et la Banque déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile; que le jugement sera infirmé de ce chef;

Considérant que Mme [L], partie succombante, doit être condamnée aux dépens;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [D] [L] divorcée [C] de ses demandes.

Infirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute la SA Banque Privée 1818 de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne Mme [D] [L] divorcée [C] aux dépens dont distraction au bénéfice de la SCP Taze Bernard & Belfayol Broquet conformèment aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 07/13701
Date de la décision : 17/12/2009

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°07/13701 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-17;07.13701 ?
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