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15/12/2009 | FRANCE | N°08/00936

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 15 décembre 2009, 08/00936


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 15 décembre 2009



(n° 6 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/00936



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 septembre 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris -Section encadrement RG n° 06/00596





APPELANTE



Mlle [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Fra

nceline LEPANY, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE



FÉDÉRATION FRANÇAISE DE FOOTBALL

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par la SELAFA BARTHERLEMY ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 15 décembre 2009

(n° 6 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/00936

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 septembre 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris -Section encadrement RG n° 06/00596

APPELANTE

Mlle [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Franceline LEPANY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

FÉDÉRATION FRANÇAISE DE FOOTBALL

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par la SELAFA BARTHERLEMY ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON substituée par Me Olivier BARRAUT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 juin 2009, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère

Monsieur Serge TRASSOUDAINE, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Mademoiselle Chloé FOUGEARD, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR

Mlle [J] a été engagée le 1er mars 2001 par la Fédération Française de Football en qualité d'animatrice nationale du football féminin - statut cadre - Elle devait avoir en charge le suivi du plan du développement pour le football féminin et la formation des cadres féminins de base, le suivi de la Commission Centrale Féminine (CCF) et la section Promotion, le secrétariat du sélectionneur de l'équipe de France féminine,

Mme [V], l'encadrement de certaines actions techniques de jeunes et à compter de septembre 2002, l'organisation des matchs internationaux féminins A - Elle devait se conformer aux horaires normaux de la F.F.F. pour une rémunération mensuelle brute de

16 000 francs sur quatorze mois.

Sa dernière rémunération mensuelle brute s'est élevée à 2 790 euros, soit 3 255 euros en moyenne après prise en compte des treizième et quatorzième mois.

Son contrat de travail était soumis au statut des personnels de la F.F.F. mais ses bulletins de paie devaient viser la convention collective de la presse quotidienne parisienne.

Mlle [J] travaillait sous la hiérarchie de Mme [V] et d'[S] [Z], directeur technique national.

°

° °

Par courrier du 15 janvier 2004 à [S] [Z], Mlle [J] s'interrogeait à la suite d'un entretien sur la définition de ses fonctions et invoquait le malaise qu'elle vivait au sein du football féminin. Elle écrivait à nouveau les 11 août 2004 et 08 avril 2005.

Le 15 avril 2005, le conseil de la F.F.F., 'informé par son président du problème posé par le poste [d'animatrice nationale du football féminin crée voici quelques années et compte-tenu de l'évolution de l'animation dans le football féminin et de la création de postes identiques décentralisés dans les ligues régionales, après avis de la direction technique nationale, disait que ce poste n'avait plus de raison d'être au niveau fédéral et devait être supprimé'.

Par courrier du 14 septembre 2005 Mlle [J] était convoquée pour le

28 septembre à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique.

Elle était licenciée avec préavis des trois mois dont elle était dispensé d'exécution par lettre du 02 novembre 2005, aux motifs suivants :

'Suppression de poste d'animatrice nationale du football féminin en raison de la cessation par la fédération de cette activité spécifique.

Malgré nos recherches, il s'est avéré qu'aucune solution de reclassement n'était possible au sein de la F.F.F.

De votre côté, vous nous avez proposé de créer à votre bénéfice un poste de cadre technique national à la Réunion, ce qui n'est pas envisageable à l'heure actuelle compte tenu de la politique fédérale.'

Par lettre du 15 novembre 2005 Mlle [J] demandait à bénéficier de son droit individuel à formation et de sa priorité de réembauchage.

Son conseil, par lettre du même jour, contestait les motifs de licenciement avancés, faisait état d'un harcèlement, de l'engagement envisagé d'une procédure contentieuse et proposait un rapprochement.

Le 12 janvier 2006 Mlle [J] saisissait le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Paris.

Lors de l'établissement du solde de tout compte de Mlle [J] le 08 février 2006 la F.F.F. prélevait la somme de 16 250,07 euros en remboursement du solde d'un prêt consenti à la salariée le 1er juillet 2002 et lui versait la somme de 818,27 euros.

Mlle [J] ayant saisi le 21 février 2006 la formation de référé du conseil de prud'hommes, la F.F.F. lui restituait le 27 février 2006 la somme prélevée au titre de son prêt.

Par ordonnance du 04 juillet 2006 la formation de référé, ayant constaté que 'le trouble lié au caractère irrégulier de la retenue avait cessé', disait n'y avoir lieu à référé.

Par jugement rendu le 21 septembre 2007 la section encadrement du conseil de prud'hommes de Paris condamnait la F.F.F.à payer à Mlle [J] les sommes de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retenue abusive de son prêt lors de l'établissement du solde de tout compte ainsi que celle de 450 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, déboutait Mlle [J] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, harcèlement moral, heures supplémentaires, congés payés incidents, indemnité pour travail dissimulé, prime d'ancienneté, remise sous astreinte des bulletins de paie, et d'attestation Assédic, de publication du jugement, et la condamnait à payer à la F.F.F. la somme de 2 144 euros à titre de solde de remboursement de son prêt, en ordonnant la compensation de cette somme.

Mlle [J] interjetait régulièrement appel.

SUR QUOI

Vu les conclusions du 02 juin 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de Mlle [J] qui demande à la cour de confirmer les condamnations prononcées à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de procédure mais d'infirmer le jugement déféré pour le surplus en condamnant également la F.F.F.

* à lui payer les sommes suivantes avec intérêts de droit :

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de licenciement,

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et à tout le moins pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retenue abusive sur son solde de tout compte,

- 43 235,64 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 43 232,56 euros à titre de congés payés incidents,

- 18 388,26 euros à titre de repos compensateur,

-1 838,82 euros au titre des congés payés incidents,

- 11 160 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* à lui remettre des bulletins de paie au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs et une attestation Assédic conforme sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document, la cour se réservant de liquider l'astreinte,

* à publier l'arrêt de la cour sur le site internet de la F.F.F., les journaux officiels 'Foot' de la F.F.F. et des ligues et disctricts de football, DOM-TOM compris, ainsi que dans un procès-verbal du conseil fédéral,

* à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions d'appel incident du 02 juin 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de la Fédération Française de Football qui demande à la cour, infirmant partiellement le jugement déféré, de débouter Mlle [J] de toutes ses prétentions, de la condamner à lui rembourser la somme de 2 144 euros au titre du solde de son prêt, avec intérêts de droit à compter du 09 février 2006 et intérêts de retard sur

13 000 euros du 09 février au 03 novembre 2006, et à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur les heures supplémentaires, les repos compensateurs, le travail dissimulé

Attendu qu'aux termes de l'article 3 du contrat de travail ayant lié les parties,

Mlle [J] devait se conformer aux 'horaires normaux' de l'entreprise ; que ses bulletins de salaire définissaient son salaire de base sur la base de 151,57 heures ; que l'attestation Assédic établie par la F.F.F. lors du départ de Mlle [J] mentionne que l'horaire de l'entreprise est de '35 heures' et celui de l'intéressée également de '35 heures' ;

Que pour justifier l'accomplissement d'heures supplémentaires dont elle demande paiement, Mlle [J] vient dire qu'elle effectuait plus de 35 heures hebdomadaires puisqu'elle intervenait dans les réunions qui se tenaient le week-end et auprès des ligues en région et des districts dans les départements, les clubs de football; qu'elle effectuait de nombreux déplacements pour l'organisation des matchs de l'équipe de France féminine, qu'elle a coordonné le festival olympique de la jeunesse Européenne, a eu la charge de la préparation logistique de la sélection nationale Féminine A sur les divers sites en métropole avant la coupe du monde aux USA, que les horaires figurant sur les tableaux qu'elle a établis sont loin de reproduire ses horaires effectifs puisqu'elle n'a notamment pas pris en comptes ses périodes de formation ;

Qu'elle produit le détail, année par année, des secteurs dont elle se prévaut chaque semaine, en se référant aux pièces justificatives de ses réunions et déplacements (ex: réunions de la commission centrale féminine ou déplacements pour les matchs, visites auprès des ligues et à la CATRF, etc...) et établit un décompte avec tous les seuils de majoration hebdomadaires ;

Que ces éléments sont de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par

Mlle [J] ;

Qu'en réponse la F.F.F. fait valoir que Mlle [J] contractuellement n'était pas soumise à un horaire individualisé mais devait respecter les 'horaires normaux de travail appliquée à la F.F.F.', qu'en fonction de son statut de cadre elle disposait d'une large autonomie, que Mlle [J] ne peut se contenter de soutenir qu'elle a effectué de nombreuses missions qui supposaient l'accomplissement d'heures supplémentaires et de verser des tableaux, qu'au demeurant elle n'a jamais réclamé aucun salaire à ce titre en cours d'exécution de son contrat de travail ;

Qu'elle produit un courrier de la salariée à Mme [V] où elle vient dire : 'pour ce qui est des heures supplémentaires, et par le passé, il a été convenu d'une manière tacite et en toute confiance que j'étais autorisée à les récupérer (puisqu'elles ne pourraient m'être payées) quand je le souhaiterais sans qu'il y ait de répercussions sur le travail un service, ce que j'ai fait jusqu'ici' et ajouter : 'en cas de directives contraires (de toi et [S] [Z]), merci de m'en faire part' ;

Que la F.F.F. fait valoir encore que la récupération des heures supplémentaires n'est que la stricte application du 'statut de personnel' applicable aux salariés de la fédération, à savoir aux termes de l'alinéa 2 de son article 12 le fait que 'pour compenser les heures supplémentaires non rémunérées et le travail effectué les jours de repos par le cadre, ces derniers bénéficient d'un congé supplémentaire de 6 jours', que l'article 4-3 de l'accord collectif signé le 13 décembre 2000 prévoit que les cadres soumis à l'horaire collectif bénéficient des dispositions de cet accord applicables au personnel non cadre, que les non cadres sont des employés administratifs et sont soumis aux horaires individualisés contrôlés par un badgeage, que Mlle [J] n'accomplissait aucun travail administratif et avait une réelle latitude dans l'organisation de son temps de travail qui avait lieu majoritairement en dehors des locaux de la fédération, qu'elle était donc soumise à la compensation de ses heures supplémentaires par l'octroi d'une sixième semaine de congés payés supplémentaires ;

Attendu que par cette argumentation la F.F.F. n'apporte aucun élément sur les horaires effectivement réalisés par Mlle [J], qui était soumise comme le relève chacune des parties à l'horaire collectif de la fédération, à savoir 35 heures hebdomadaires ;

Que le moyen tiré de l'autonomie de la salariée au regard de son statut de cadre n'est pas fondé ; que la cour en effet à la conviction, au sens de l'article L.3171-4 du code du travail que la nature des fonctions de Mlle [J] ne lui permettait pas de limiter sa semaine du travail à 35 heures dès lors qu'elle devait organiser des matchs internationaux, se déplacer en France et à l'étranger, suivre l'équipe féminine et la direction de la fédération ;

Que la F.F.F. ne peut soutenir valablement que le nombre d'heures induit par ces missions étaient librement défini par la salariée ;

Que le moyen de la F.F.F. tiré d'une compensation des heures supplémentaires par l'octroi de six jours de congés payés supplémentaires n'est pas de même fondé puisque le contrat de travail de Mlle [J] ne définit pas cet avantage comme venant en compensation d'heures supplémentaires ;

Que l'article 12 du statut du personnel n'est pas repris par ce contrat ; que la F.F.F. ne peut en conséquence se prévaloir des dispositions selon lesquelles les heures supplémentaires non rémunérées et le travail effectué les jours de repos par les cadres sont compensés pour ceux-ci par un congé supplémentaire de 6 jours ; qu'aucun accord collectif ne vient reprendre ces dispositions ; notamment pas celui en date du 13 décembre 2000 pour les salariés soumis à l'horaire collectif comme Mlle [J] ; que celle-ci n'a signé en outre aucune convention de forfait .

Que de même la F.F.F. ne démontre pas que Mlle [J] avait un horaire individualisé donnant lieu à reports réglementés ;

Attendu enfin, que la F.F.F ne peut se prévaloir de la note de la salariée du 11 mars 2004 puisqu'il n'est pas démontré que l'intéressée ait été autorisée à récupérer ses heures supplémentaires ; que les mentions portées par Mme [V] sur cette note ne sont fondées sur aucun texte la concernant comme précisé ci-dessus au titre de la 6ème semaine de congés payés ou de jours R.T.T. ;

Attendu que les relevés d'heures de Mlle [J] sont précis et étayés par les programmes de manifestations ou réunions correspondantes ;

Que Mlle [J] a défini les seuils de majorations de ses heures supplémentaires semaine par semaine sur l'ensemble de la période considérée ;

Que ses calculs étant justifiées par référence à des activités et des horaires réels, il doit être fait droit à sa demande, à savoir à hauteur de 43 235,64 euros augmentés des congés payés incidents selon la règle du dixième ;

Attendu que Mlle [J] n'a bénéficié d'aucun paiement au titre de repos compensateurs ;

Que là encore l'appelante produit un décompte précis de ses droits acquis au titre des années 2001 à 2005 avec définition des seuils correspondant, soit une somme due à hauteur de 18 388,26 euros outre congés payés incidents ;

Attendu sur l'indemnité pour travail dissimulé, que les écrits de la F.F.F. dont celle-ci se prévaut démontre son intention de dissimuler partie du travail accompli ; que celle-ci en effet y affirme que les heures supplémentaires ne seraient pas réglés ; qu'elles n'ont donc pas été déclarées ;

Qu'il doit être fait droit, celui-ci étant ouvert avec la rupture du contrat de travail, à la demande d'indemnité fondée sur l'article L.8221-3 du code du travail, par l'allocation de la somme de 11 160 euros, à savoir 19 530 euros dont est déduite selon la demande, l'indemnité conventionnelle de licenciement perçue à hauteur de 9 370 euros ;

Sur le harcèlement

Attendu que pour établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, Mlle [J], qui invoque également une exécution de mauvaise foi sur contrat de travail par son employeur, vient exposer qu'à compter du début de l'année 2004 elle a constaté une nette dégradation de ses conditions de travail et des mesures vexatoires, que dans son courrier du 15 janvier 2004 elle avait déjà engagé le dialogue considérant qu'il était nécessaire de redéfinir des fonctions, que malgré ses différentes propositions, sa situation ne s'est pas améliorée, qu'en mai 2005 elle a appris indirectement de Mme [M], secrétaire de la commission centrale féminine, qu'elle n'était plus animatrice nationale depuis longtemps et que tout le monde le savait, sauf elle, puisque l'information avait été donnée lors d'une réunion en mai 2004, que la classification de ses nouvelles attributions n'est intervenue qu'en septembre 2004 et dans des conditions vexatoires, l'information ayant été diffusée par mail du 14 septembre à l'ensemble des salariés de la fédération, procédé tout à fait exceptionnel au sein de celle-ci, qu'entre temps elle n'avait pas été convoquée à des réunions relatives au football féminin alors qu'en qualité d'animatrice nationale elle aurait dû l'être, que lui ont été retirées des prérogatives tels l'établissement des ordres du jour et procès-verbaux des réunions de la commission centrale féminine, qu'elle a dû se battre pour que Mme [V] ne lui donne plus des directives contraires aux engagements commerciaux de la F.F.F. notamment lors de l'organisation d'un match en Franche-Comté en avril 2005, qu'en décembre 2004 elle avait dû alerter sa hiérarchie qu'elle ne pouvait plus mener à bien l'essentiel de ses missions, qu'elle ne souhaitait plus continuer dans les mêmes conditions début 2005, car à sons sens 'on ne pouvait donner des missions à un personnel si celles-ci sont sans cesse remises en question pour des raisons qui sont incompréhensibles', que cela faisait trop longtemps qu'elle supportait cette situation, qu'il en allait de sa santé, que Mme [V] s'est ingérée dans sa gestion des congés payés alors qu'elle n'était plus affectée au siège à Paris mais à [Localité 5], qu'elle-même au regard de sa charge de travail n'a pu bénéficier de ses congés payés, qu'elle s'est retrouvée avec 77 jours de congés de retard et alors s'est vue reprocher par [S] [Z] sa prise de congé en décembre 2004-janvier 2005, qu'elle a été privée du jour au lendemain de certains de ses outils de travail comme son téléphone portable professionnel en mars 2005, qu'elle a dû écrire le 26 septembre 2005 au président de la F.F.F. pour indiquer qu'elle se considérait victime de harcèlement, que la F.F.F. n'a pas répondu à la plupart de ses courriers, qu'elle n'est pas d'ailleurs la seule personne à avoir subi les agissements de Mme [V] ;

Que par ces éléments Mlle [J] qui produit essentiellement ses courriers ne vient pas établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, à savoir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour l'objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses doits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que si Mlle [J] a pu souffrir d'une incertitude sur la nature de ses fonctions puis les a vues évoluer, les exemples qu'elle donne, à savoir le fait que l'information sur ses nouvelles fonctionc ait été diffusée et qu'elle n'ait plus de téléphone portable ne caractérisent par un harcèlement au sens précité, la teneur du courriel sur ses nouvelles fonctions n'étant qu'informative sur leur contenu et la mise à disposition d'un téléphone professionnel n'étant pas en soi une obligation de l'employeur qu'aucune circonstance ne démontre que ce retrait ait été fait de façon vexante ;

Qu'il s'évince des correspondances de Mlle [J] que celle-ci a rencontré des difficultés à se situer, a demandé à ce que ses fonctions soient clarifiées, ce qui a été effectif sans que pour autant cette redéfinition constitue une rétrogradation, son poste n'ayant pas été maintenu ;

Que les ennuis de santé de Mlle [J] sont contemporains de l'engagement de la procédure de licenciement et non pas antérieurs ;

Que les coupures de presse qu'elle produit n'apportent pas d'élément pertinent ;

Que son ressenti, s'il correspond à une incertitude qui a duré et des conditions difficiles de travail, ne caractérise pas non plus un manquement effectif de la F.F.F., par l'intermédiaire de Mme [V], à ses obligations au titre de l'exécution du contrat de travail qui la liait ;

Que la disposition du jugement ayant débouté Mlle [J] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral doit être confirmée et sa demande subsidiaire au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail rejetée ;

Sur le licenciement

Attendu que constitue un licenciement pour motif économique au sens de l'article L.1233-2 du code du travail (ancien article L.321-1 du code) le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par la salariée d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Qu'en l'espèce, le motif énoncé par la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est la suppression du poste d'animatrice nationale du football féminin en raison de la cessation par la fédération de cette activité spécifique ; que cependant dans ses conclusions la F.F.F. se contente de dire qu'il avait été décidé de confier l'organisation du football aux ligues régionales, sans démontrer que cette démarche soit contemporaine du licenciement ni qu'elle-même ait cessé toute activité à ce titre ; que cette réorganisation alléguée procède d'un changement de politique, comme la fédération le souligne mais sans articuler la nécessité de celui-ci pour la sauvegarde de sa compétitivité ; que le caractère de mission de service public de celle confiée à la F.F.F. ne constitue pas un motif économique réel et sérieux au sens de la définition précitée en l'absence de difficultés économiques, de mutations technologiques ou d'une organisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de la fédération ; que la F.F.F. fait elle-même état d'une répartition entre salariés de la fédération des tâches de Mlle [J], ce qui implique le maintien de l'activité ; que le démantèlement d'un emploi ne constitue pas en soi une cause économique réelle et sérieuse ;

Qu'il s'évince des débats et des circonstances que révèlent notamment les correspondances de Mlle [J] que les motifs de rupture ne procèdent pas d'une cause économique mais de motifs inhérents à la personne de la salariée du fait des questionnements qu'elle a constamment notifiés à [S] [Z] et la présidente de la fédération et des difficultés relationnelles l'opposant à Mme [V], sa supérieure hiérarchique ;

Attendu en outre que la F.F.F. ne justifie d'aucune recherche de reclassement ;

Attendu en conséquence des motifs qui précèdent que l'appel incident n'est pas fondé ;

Attendu que du fait de la perte de son emploi, Mlle [J] est toujours en situation de chômage ; que l'argumentation de la F.F.F. sur son désir de partir à la Réunion ne vient pas contredire la situation précaire subie par l'intéressée ; que les conséquences financières subies justifient, au vu des éléments en la cause, la réparation allouée par les premiers jours ;

Que le jugement doit être confirmé à ce titre ;

Sur le caractère abusif des circonstances de la rupture

Attendu sur la demande de dommages et intérêts complémentaires que

Mlle [J] vient souligner avoir subi une période d'attente douloureuse entre le 15 avril 2005, date à laquelle a été décidé par le conseil fédéral de la F.F.F. la suppression de son poste et la date de notification de son licenciement ; qu'elle s'est retrouvée dans une incertitude totale sur son avenir pendant cinq mois, qu'elle n'a jamais été informée de manière officielle et individuelle de la suppression de son poste alors que la fédération s'était engagé à trouver rapidement une solution, que pour autant la suppression de son poste a été largement diffusée par internet et les revues internes, qu'elle a été privée respectivement de ses prérogatives sans savoir ce qu'elle devait ou pouvait faire ; que ces éléments sont corroborés par les pièces, correspondances versées et les débats ;

Que le temps mis par la fédération pour mettre en oeuvre la procédure de licenciement alors que Mlle [J] se trouvait dans une situation inconfortable et connue de tous présente un caractère fautif et a occasionné à la salariée un préjudice moral distinct de celui résultant de sa perte de son emploi, qu'il convient de réparer ;

Que les circonstances de la rupture en conséquence justifient l'allocation au vu des éléments ci-dessus d'une somme de 5 000 euros en réparation ;

Sur la demande relative à la retenue effectuée sur le reçu pour solde de tous comptes de Mme [J]

Attendu que la F.F.F a retenu la somme de 16 250,07 euros au titre du solde d'un prêt consenti en 2002 ; que ce comportement a privé l'intéressée de ressources à caractère salarial et partant alimentaire ; que Mlle [J] a dû agir en référé ; que si la F.F.F. a régularisé la situation, Mlle [J] versant pour sa part le somme de 13 000 euros le 03 novembre 2006, l'attitude de l'employeur a occasionné par son caractère brutal un préjudice matériel et moral justifiant en réparation l'allocation de la somme de 5 000 euros, l'intéressée s'étant trouvée privée de ressources du 08 février au 08 août 2005 ;

Que Mlle [J] devra pour sa part régler le solde du prêt litigieux, soit la somme de 2 144 euros augmenté des intérêts légaux à compter de la présentation en justice de la demande de remboursement de la F.F.F. ;

Qu'il y a lieu à compensation ;

Sur la demande de publication

Attendu que Mlle [J] ne justifie pas que la publication de l'arrêt vienne contribuer le temps étant passé, à réparer son préjudice ;

Que l'appel à ce titre n'est pas fondé ;

Sur la demande d'astreinte

Attendu que les documents demandés doivent être établis ;

Qu'il n'y a pas lieu cependant en l'état de la procédure de prévoir une astreinte ;

PAR CES MOTIFS

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Condamne la Fédération Française de Football à payer à Mlle [J], avec intérêts de droit les somme suivantes :

- 43 235,64 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

- 18 388,26 euros au titre de congés payés des repos compensateurs,

- 1 838,82 euros au titre des congés payés incidents,

- 11 160 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des circonstances vexatoires ayant précédé la rupture,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retenue illicite sur reçu pour solde de tout compte,

Ordonne à la Fédération Française de football de remettre à Mlle [J] des bulletins de paie et une attestation Assédic conformes à cet arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Confirme les autres dispositions du jugement,

Condamne la Fédération Française du Football aux dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mlle [J] 2 500 euros au titre de ses frais en cause d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/00936
Date de la décision : 15/12/2009

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°08/00936 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-15;08.00936 ?
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