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10/12/2009 | FRANCE | N°09/01980

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 10 décembre 2009, 09/01980


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 10 Décembre 2009



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01980



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Octobre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 08/12547





APPELANT

COMITÉ DE L'ÉTABLISSEMENT SCE DE LA SOCIÉTÉ FRANCE TELECOM Agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse

4]

[Localité 3]

représenté par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour,

assisté de Me Isabelle TARAUD, avocat au barreau de VERSAILLES





INTIMÉE

SA FRANCE TE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 10 Décembre 2009

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01980

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Octobre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 08/12547

APPELANT

COMITÉ DE L'ÉTABLISSEMENT SCE DE LA SOCIÉTÉ FRANCE TELECOM Agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour,

assisté de Me Isabelle TARAUD, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMÉE

SA FRANCE TELECOM représentée par son Président et tous représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour,

assistée de Me Ghislain BEAURE D'AUGERES, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, NAN701

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

Madame Martine CANTAT, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Patrick HENRIOT, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par le comité d'établissement SCE de la société France Télécom à l'encontre du jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 28 octobre 2008 l'ayant débouté de l'intégralité de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la société France Télécom pour insuffisance d'information lors des consultations sur deux projets de restructuration ;

Vu les dernières conclusions en date du 27 mai 2009 de SCE de la société France Télécom qui demande à la Cour de :

"DIRE ET JUGER que le SCE de la société France Télécom est bien fondé et recevable en son appel ;

INFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 octobre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, et statuant à nouveau de :

DIRE ET JUGER que la société France Télécom a manqué de bonne foi et de loyauté dans la mise en 'uvre de ses obligations d'information et de consultation préalable du comité d'établissement SCE à l'égard du projet d'évolution de l'organisation de la gestion commerciale au sein de la Direction du Service Grands Comptes de DGC et du projet d'évolution des activités au sein de SCOF en vue de répondre à la croissance des besoins d'assistance aux utilisateurs finaux ;

CONSTATER que l'insuffisance des informations remises au comité d'établissement sur ces projets, ainsi que les erreurs et contre-vérités accumulées dans la présentation des dossiers de réorganisation, ont entravé l'exercice par le comité d'établissement de ses prérogatives, et que c'est légitimement que le comité d'établissement a pu constater son incapacité à émettre un avis sur les projets de restructurations litigieux ;

CONDAMNER en conséquence la société France Télécom à verser au comité de son établissement SCE les sommes suivantes :

- 48. 198,6 euros TTC au titre de l'indemnisation du préjudice né de la contrainte de recourir à l'assistance du cabinet APEX sur le projet d'évolution des activités au sein de SCOF en vue de répondre à la croissance des besoins d'assistance aux utilisateurs finaux ;

- 6.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice découlant de la nécessité de recourir à une assistance juridique continue en parallèle des procédures d'information et de consultation ;

- 10.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice né des entraves portées au bon fonctionnement du CE et à ses prérogatives dans le cadre des procédures d'information et de consultation litigieuses (informations insuffisantes, erronées ou mensongères, ou encore ne répondant pas à l'exigence légale de justification au plan économique, absence d'information et consultation en règle sur les conséquences sociales des restructurations) ;

- 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure Civile,

CONDAMNER la société France Télécom aux entiers dépens dont le recouvrement sera directement poursuivi par la SCP TAZE BERNARD et BELFAYOL BROQUET, Avoués Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions en date du 24 juillet 2009 de la société France Télécom qui demande à la Cour de :

- Confirmer pleinement le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 28 octobre 2008,

- Rejeter en conséquence l'ensemble des prétentions du Comité d'établissement SCE de FRANCE TELECOM,

- condamner le comité d'établissement SCE au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le Comité d'établissement aux entiers dépens dont le recouvrement sera directement assuré par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

Vu les observations orales du Ministère Public ;

SUR CE. LA COUR.

Considérant qu'il est constant que la société France Télécom, dans le but d'assurer la gestion des réseaux de ses clients professionnels, a mis en place au sein de la division SCE (Service Communication Entreprise) une structure appelée SCOF (Service Clients Opérations France) chargée de mettre en place les réseaux, la gestion technique, le service après vente et la facturation des clients, ;

Que la division SCE de France Télécom regroupait environ 2700 collaborateurs en France et que la direction a décidé de mettre en place deux projets de restructuration dans le cadre du développement de son activité ; que le premier projet est relatif à la création d'un quatrième centre d'appel sur l'île Maurice et le second projet, sur la modification de l'organisation de la gestion commerciale des clients «Grands Comptes» ;

Que lors de la mise en place de ces deux projets de restructuration, des procédures d'information et de consultation du Comité d'établissement ont été organisées ; que néanmoins le comité a refusé d'émettre un avis sur ces projets, estimant que la société France Télécom avait manqué de loyauté lors de la consultation en fournissant des informations insuffisantes ; qu'afin de faire constater ces manquements, il a saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris qui a rendu le jugement déféré ;

Sur le moyen tiré de l'incohérence de l'absence d'action en référé

Considérant que le comité fait valoir que le fait de ne pas demander la suspension du projet en référé ne prive pas de cohérence sa demande au fond, d'indemnisation de son préjudice du fait des insuffisances d'informations de la société lors de sa consultation ;

que la société France Télécom soutient au contraire que les demandes du comité manquent de cohérence dans la mesure où celui-ci agit uniquement au fond alors qu'il aurait pu demander la suspension du projet en référé ;

Considérant que le comité d'établissement dispose de plusieurs voies d'actions pour faire valoir ses droits, qu'il peut agir soit devant les juridictions civiles en référé ou au fond, soit agir devant les juridictions pénales pour entrave au bon fonctionnement du comité ; qu'aucune règle de droit n'impose un choix en particulier de la juridiction devant laquelle il souhaite agir ; qu'en outre la société France Télécom ne soulève pas d'irrecevabilité fondée sur le défaut d'intérêt à agir ;

Qu'il en résulte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir saisi au fond les juridictions civiles et que son action apparaît régulière de ce chef ;

Sur le projet d'évolution des activités au sein du SCOF en vue de répondre à la croissance des besoins d'assistance aux utilisateurs finaux

Considérant que le comité d'établissement SCE de la société France Télécom, appelant, soutient en premier lieu, que la société France Télécom a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté lors de la consultation sur le projet SCOF, dit projet 'Ile Maurice' ; qu'il produit tout d'abord, le procès verbal de la réunion du 10 mai 2007 au cours de laquelle la société n'a pas mentionné l'existence de ce projet, qu'elle a, au contraire, indiqué que la tendance était à la stabilisation des emplois en France, alors qu'au cours de la réunion suivante intervenue le 24 mai 2007, la direction a pour la première fois présenté ce projet ; qu'il en déduit que la société a fait preuve de mauvaise foi en s'abstenant d'aborder ce projet dès la réunion du 1 0 mai 2007 ;

Qu'il reproche à la société intimée de ne pas avoir apporter la preuve de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'activité en cause, et de ne pas avoir produit les documents attestant de la réalité du motif invoqué et que c'est en raison de ces carences il a été contraint de faire appel à un expert non rémunéré par l'entreprise ;

Qu'il soutient qu'au regard des dispositions de l'article L2325-4 du Code du Travail, le comité doit disposer d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations et qu'il rejette l'argument selon lequel il tenterait de s'arroger un droit d'opposition alors qu'il estime que ses questions sont légitimes et qu'elles entrent dans le cadre de ses attributions ;

Qu'il ajoute que la société France Télécom s'est basée sur des données inappropriées pour établir un tableau sur les mesures de délai de livraison LTC (correspondant au délai de livraison moyen de la prestation), puisqu'elle s'appuie sur l'activité dite «Scope 1» qui est relative à la production pour un client international d'EQUANT sur un projet en France alors que l'activité dite «Scope 2» mesure le délai de production d'un projet vers l'international pour un client français ; qu'il a pourtant attiré l'attention de la société sur cette erreur lors de la réunion du 14 février 2008 mais qu'aucune réponse ni rectification n'a été apportée ;

Que le comité soutient que le projet n'était pas motivé par une croissance d'activité mais par le fait que France Télécom détient 40% de la société Mauritius Télécom et qu'en contrepartie de son implantation sur l'île, elle s'engageait à y créer des emplois ;

Qu'il reproche en outre, à la société France Télécom d'avoir commencé à exécuter le projet concernant la gestion des conséquences sociales avant même la fin de la consultation ;

Considérant que la société France Télécom, intimée, rappelle tout d'abord qu'elle a soumis pour avis au comité d'établissement SCE deux projets, le premier portant sur le transfert des activités de service situé à L'Ile Maurice, le second portant la modification de l'organisation de la gestion commerciale au sein de la direction des grands comptes ;

Qu'elle soutient que le comité d'établissement a refusé de rendre un avis, alors qu'elle avait respecté les dispositions des articles L.2323-4 et L.2323-6 du Code du Travail déterminant les modalités de consultation du comité d'entreprise, qu'elle estime que ces dispositions ne confèrent pas à ce dernier un droit de veto à rencontre des projets qui lui sont présentés et que, par conséquent il n'était pas fondé à refuser de rendre un avis ; qu'en outre l'information du Comité d'entreprise n'implique pas que ce dernier ait accès à tous les documents de l'entreprise ;

Qu'elle conteste formellement avoir manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté à l'égard du comité d'établissement, estimant au contraire avoir fourni des informations pertinentes permettant aux élus de disposer d'une pleine compréhension du projet "Ile Maurice" ; que cela ressort d'une part de la qualité des documents produits par la société, et d'autre part de l'ampleur des échanges ainsi que de l'importance des moyens mis en 'uvre ;

Qu'elle produit aux débats les divers documents remis au comité d'entreprise lors des réunions, notamment la première note présentée le 24 mai 2007, permettant au comité d'avoir une vision globale du projet, qu'elle indique qu'il aurait été prématuré de présenter lors de la réunion du 10 mai 2007 le projet «Ile Maurice», compte tenu de sa complexité, et par ailleurs affirme avoir fourni une présentation du projet chiffrée et justifiée, avoir répondu à l'ensemble des questions des représentants du personnel, ce qui exclut toute mauvaise foi de sa part ;

Qu'elle soutient que les questions posées par le comité démontrent une volonté de discuter le bien fondé économique du projet, ce qui ne rentre pas dans ses prérogatives et souligne que les contre propositions formulées par le comité sont la preuve que le projet a bien été compris ;

Que l'intimée soutient qu'elle n'a pas à faire la démonstration de la justification économique du projet, que compte tenu des missions dévolues au comité ce dernier n'a pas a approuvé le projet mais uniquement à rendre un avis ; que par ailleurs les documents présentés au comité font état de la réalité du motif économique, et qu'en outre le comité ne saurait être consulté sur une stratégie dépassant son périmètre d'action ;

Considérant qu'en premier lieu, il ressort des pièces versées au débat notamment du procès verbal en date du 10 mai 2007 que le projet «Ile Maurice» n'a pas été abordé par la direction lors de cette réunion, qu'il a été au contraire indiqué que la tendance était à la stabilisation des emplois en France alors qu'à cette date la société France Télécom ne pouvait ignorer la prochaine mise en place de son projet qu'il devait présenter aux élus, le 16 mai 2007 ; qu'il convient d'en déduire que la société France Télécom a manqué de bonne foi à l'égard du comité en s'abstenant d'aborder ce projet dès cette réunion ;

Considérant par ailleurs qu'à la lecture des documents de présentation du projet et des procès-verbaux des réunions du comité d'établissement, il apparaît qu'à l'origine, les principes généraux du projet présenté par la direction étaient les suivants :

'En France, des gains de productivité ont été réalisés ces dernières années et il devient difficile de continuer au même rythme tout en améliorant la qualité de service. Les ressources rendues disponibles par ces gains de productivité ou les baisses de charges prévisionnelles ne suffiront plus à assurer la croissance des services de proximité liés à l'intégration de services et des services aux utilisateurs finaux.

De plus, il devient très difficile d'accompagner le développement de l'activité de nos clients français à l'international via un accueil en anglais en particulier du fait de difficultés de recrutement de compétences bilingues pour une rémunération compétitive. Nous faisons appel à l'assistance technique (AT) ou aux intérimaires pour certains postes, ce qui fragilise notre expertise et ne permet pas de capitaliser sur l'expérience client alors que ces moyens complémentaires devraient être utilisés pour des besoins spécifiques et ponctuels.

Enfin les coûts de main-d''uvre pour les activités liées aux utilisateurs finaux sont trop élevés pour maintenir notre compétitivité à court terme.'

Qu'au vu des déclarations des représentants de la société France Télécom, l'objectif principal était d'améliorer la qualité de service et la compétitivité, la création d'un quatrième centre à l'Ile MAURICE permettant 'de mieux répartir les charges et de trouver des profils professionnels différents avec des compétences linguistiques élevées' ; que l'entreprise indiquant vouloir rentabiliser l'activité SCE, les élus ont souhaité avoir des éléments chiffrés démontrant la pertinence de l'analyse de la direction et démontrant l'intérêt de l'opération et sa réalité économique ; que si certes, il n'appartient pas au comité d'établissement de se substituer à l'employeur dans la gestion de l'entreprise, il est néanmoins, en droit d'obtenir des informations précises sur les motivations de l'employeur quant à ses choix économiques et opérationnels afin de pouvoir formuler un avis dûment éclairé ; que sa demande était, dès lors, parfaitement fondée et entrait dans ses prérogatives et que c'est à tort que la société FRANCE TÉLÉCOM soutient ne pas être tenue de fournir de tels éléments d'information ;

Or considérant qu'il apparaît qu'au fur et à mesure des réunions du comité, les élus ont décelé un certain nombre d'erreurs ou d'imprécisions, notamment au titre des retours sur investissement et du business plan émanant de l'intimée ainsi qu'une absence d'évaluation des coûts engendrés par la délocalisation ; qu'ils ont constaté également une évolution des motivations sous-tendant le projet ; que face à ce qu'ils estimaient être un dossier incohérent, peu fiable et incomplet, ils ont estimé nécessaire de recourir à une expertise-comptable dont la société FRANCE TÉLÉCOM n'a pas voulu assumer, dans un premier temps, le coût, acceptant ultérieurement de prendre en charge une partie de la deuxième expertise ; que l'expert a déposé un rapport le 17 septembre 2007 et qu'il en a été débattu lors de la réunion du comité du 25 septembre suivant, la direction considérant à l'issue de cette séance que le processus d'information/consultation avait été accompli ;

Qu'au termes de son rapport, l'expert a considéré que :

'La conduite du processus de consultation souffre d'un manque de clarté sur les contours du projet présenté. Ainsi, le document soumis à consultation, ne contient pas l'ensemble des informations sur lesquelles s'appuient les motivations économiques du projet ; des éléments complémentaires ont été donnés dans des documents additionnels transmis à la commission économique ou à l'expert. Les motivations économiques retenues pour le projet s'appuient sur des arguments de maintien de la compétitivité et d'un retour sur investissement rapide du projet de transfert de l'activité. Or si les informations additionnelles fournies valident le calcul arithmétique du retour sur investissement, ce n'est pas le cas de celles figurant dans le document de consultation. Par ailleurs, le scénario de transfert a été significativement transformé entre mai et août, sans que ne soit modifiées ou amendées les motivations économiques du projet présenté.

L'argument de maintien de la compétitivité s'appuie sur le passage d'une situation de marge nulle voire négative, à une de marge positive obtenue grâce au transfert d'activité. Pour valider ce point, la Direction s'appuie sur l'évolution de la marge brute de Business Everywhere (BEW) ; celle-ci devant se dégrader essentiellement en raison de l'évolution du mix produits BEW fixe et intranet. Cependant, les gains liés au projet de transfert sont loin de compenser les pertes de marges estimées pour BEW, et invalident ainsi l'argument présenté de maintien de la compétitivité ;

Par ailleurs, le choix de limiter les informations économiques à BEW est contestable dans la mesure où s'ouvre une période de migration des entreprises vers la TolP et que cette dernière nécessitera une assistance destinée à l'utilisateur final. En conséquence, dans le cadre du projet présenté, il serait utile de préciser la croissance des besoins d'assistance à l'utilisateur final pour la TolP. Néanmoins, il conviendrait aussi d'apporter les motivations économiques justifiant d'un transfert de l'activité vers l'Ile Maurice

L'argument d'un retour sur investissement (ROI) rapide ne s'appuie que sur la validité arithmétique du calcul présenté. En revanche, les estimations et les hypothèses sous jacentes aux données retenues dans le calcul ne font pas l'objet d'une présentation suffisante. Ainsi dans le cadre de la consultation en cours, la Direction n'a pu fournir en dehors de BEW, les contributions au chiffre d'affaires additionnel pris en compte dans le calcul de ROI, ni indiquer pour BEW la part revenant à l'assistance à l'utilisateur final. Quant aux investissements considérés, ils n'intègrent pas ceux accompagnant la croissance des effectifs sur la période de temps considérée. Enfin, il n'est pas précisé comment est opérée la séparabilité des coûts partagés et des investissements communs entre le projet de transfert des activités France et les autres projets portés par le MSC de l'Ile Maurice.

Des interrogations subsistent quant aux motivations du projet.

En effet, la croissance des besoins HLU ne semble reposer que sur « Business Everywhere » alors que les attentes sont fortes dans le domaine de l'IP téléphonie pour lequel aucun élément précis n'a été transmis.

Le support aux utilisateurs finaux est présenté comme une activité stratégique. Pourtant, aucun élément prévisionnel de chiffre d'affaires et de marge n'a été communiqué.

Par ailleurs, certains objectifs annoncés sont difficiles à appréhender.

L'accompagnement des entreprises françaises à l'international n'est pas du seul ressort de ce 4e MSC dont les horaires d'ouverture correspondent aux besoins des entreprises en France.

Les ressources qui seraient libérées par le transfert d'activité sont insuffisantes pour parler d'une vraie stratégie de développement des activités à forte valeur ajoutée. Elles permettront essentiellement de réduire le recours à l'intérim et de mieux gérer le turn-over.'

Qu'au vu de ce rapport et alors que la société intimée considérait que la procédure d'information était terminée, elle a fait savoir, lors de la réunion du 16 octobre, que 'la mise en oeuvre du projet était suspendue pour prolonger le processus d'information' et s'engageait à élaborer une note de synthèse après rencontre avec l'expert du comité ;

que suite à ce rapport, l'employeur a annoncé au cours de la réunion du comité du 16 octobre que la mise en oeuvre du projet était suspendu et que la procédure d'information et de consultation se poursuivait ;

que dans le cadre de la réunion prévue pour le 13 décembre, la société intimée a établi un nouveau document qui a été analysé sommairement par l'expert du comité dans une note en date du 12 décembre 2007 ; qu'à l'issue de cette séance, les élus ont maintenu leurs interrogations antérieures ; que d'autres réunions ont eu lieu évoquant notamment les risques cycloniques et les risques de perte de clientèle et que le 18 mars 2008, les représentants du personnel, estimant ne pas avoir eu d'informations suffisantes sur la justification économique du projet, sur les motivations de celui-ci et sur les risques structurels liés à l'environnement, notamment en termes de perte de clientèle a refusé de donner son avis ;

Considérant qu'au vu des divers épisodes de cette procédure d'information et de consultation du comité d'établissement, il apparaît que les informations réclamées par les élus n'ont été, dans un premier temps, que très parcellaires et parfois, même erronée ; que ces manquements de l'employeur ont contraint le comité à avoir recours à un expert-comptable pour lui permettre d'appréhender les motivations du projet et ses conditions de mise en oeuvre ; que ce n'est que grâce aux conclusions de l'expert que les élus ont pu mettre en évidence l'absence d'information sur la réelle motivation de l'employeur et sur la justification économique du projet ; qu'il est apparu que les chiffres mentionnés n'étaient pas toujours exacts, qu'aucune indication sur les chiffres d'affaires et les investissements n'étaient produite, que certains des comparatifs proposés étaient déterminés à partir d'éléments non comparables, et que les risques liés à la délocalisation n'avaient pas été sérieusement étudiés (la direction se contredisant quand à l'existence d'une étude sur ce point), alors que ces points font partie intégrante de l'élaboration d'un tel projet ;

qu'il doit être relevé, par ailleurs, que l'une des motivations premières, à savoir l'accroissement de la compétitivité de l'activité a, au fil des réunions, été pratiquement abandonnée au bénéfice de celle relative à l'amélioration de la qualité du service, sans que la direction ne modifie les données produites dès le début de la procédure, ce qui démontre l'absence de clarté des intentions de l'entreprise ;

Considérant en conséquence que force est de constater que lorsque la société intimée a entendu informer et consulter les représentants du personnel sur son projet, elle n'a nullement présenté un projet clair, finalisé et cohérent alors qu'il lui appartient de procéder, dès la mise en oeuvre de la procédure, à une information complète, transparente et de nature à éclairer le comité qui s'il n'a aucun pouvoir de décision, doit néanmoins être en mesure de comprendre le projet qui lui est présenté, d'analyser celui-ci et de formuler un avis en toute connaissance de cause ;

que tel n'est pas le cas lorsque ce sont les élus qui doivent déceler les erreurs ou omissions commises par la direction et qui se voient dans l'obligation de recourir à une expertise comptable qui confirme les défauts et imprécisions dans l'information fournie ; que certes, si à l'issue de tout le processus ci-dessus décrit, il doit être constaté que les élus ont pu largement débattre du projet, allant même jusqu'à présenter un contre-projet, ce n'est que grâce au travail de l'expert-comptable et non aux informations spontanées de l'employeur ;

qu'il convient, en conséquence, d'infirmer de ce chef, le jugement entrepris et de constater la carence de la société FRANCE TÉLÉCOM dans l'information du projet pré-cité ;

Sur le projet d'évolution de l'organisation et de la gestion commerciale au sein de la Direction des Grands Comptes (DGE) Direction Service Grands Comptes (DSGO)

Considérant que le comité rappelle que ce projet avait pour but d'optimiser la gestion commerciale des grands comptes dans un objectif d'amélioration de la compétitivité, qu'il fait valoir qu'il a refusé de rendre un avis sur ce projet en raison des insuffisances et des dysfonctionnements dans la procédure d'information et de consultation ;

Que le comité fait valoir que si la société a entendu mettre en place ce projet, elle ne démontre pas pour autant la justification économique du projet et ce malgré les questions posées lors de la réunion du 24 janvier 2008 qui n'ont reçu aucune réponse ; qu'il invoque, par ailleurs, le refus de la direction de produire le rapport du cabinet d'audit de la société [Y] qui est pourtant à l'origine du projet ;

Qu'il reproche également à la société de ne pas avoir fourni de présentation transparente et rigoureuse des conséquences sociales, les procès verbaux des réunions successives laissant apparaître que le volet social de ce projet n'a pu être véritablement abordé alors que celui-ci concerne 681 salariés ; qu'au surplus la direction n'a nullement mentionné la GPEC lors de ces réunions ;

Que le comité conclut en estimant qu'un nombre de réunions important n'implique pas que les informations fournies soient de qualité, que cette carence dans l'information lui a causé des préjudices qu'il convient de réparer ;

Considérant que la société France Télécom soutient que le comité a disposé d'une information complète sur le projet de modification de l'organisation, que la note d'information du 22 novembre permettait de constater la réalité et la justification de la motivation économique du projet ; qu'elle indique que cette note fait également état des conséquences sociales du projet contrairement à ce qui est affirmé par le comité et que celui-ci s'est vu communiquer plusieurs documents complémentaires sur ce point décrivant les nouveaux postes, les filières métiers, le cursus de formation et les modalités d'accompagnement des incidences sociales ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites que la société FRANCE TÉLÉCOM a communiqué un document relatif à son projet en vu de la réunion du comité du 22 novembre 2007 ; qu'au vu de ce document, le projet relatif à l'évolution de l'organisation de la gestion commerciale au sein de la direction du service Grands Comptes a pour objectif d'améliorer la compétitivité de l'activité en optimisant la gestion commerciale, la performance financière, et l'amélioration de la qualité de service et du développement des compétences des salariés ; que ce document a été complété par une note comportant les réponses aux questions des représentants du personnel en vu de la réunion du 13 décembre ; que la présentation du projet avait été précédée d'une étude confiée à treize groupes de travail et du recours au cabinet d'audit [Y] portant notamment sur la restructuration du service clientèle Grands Comptes ;

qu'il convient de constater qu'aux termes des documents versés, les élus ont reçu des éléments d'information conséquents sur l'impact économique du projet, sur les motivations de l'entreprise et sur les conséquences sociales en découlant ; qu'ils ont reçu des fiches de poste, les matrices des transferts par site et par niveau, la définition des métiers et le plan de formation à prévoir pour les salariés concernés ; que les débats au cours de la réunion du 22 novembre ont permis de répondre aux interrogations des représentants du personnel et de préciser l'évolution des emplois, sans qu'il puisse être affirmer avec la société intimée qu'elle aurait communiqué sur la gestion prévisionnelle des emplois ; que la localisation des sites a été précisée de même que la faculté des salariés d'émettre des souhaits personnels, la précision étant apportée que ceux-ci devront obligatoirement se positionner face aux choix qui leur seront présentés ;

que certes, les membres du comité n'ont pas eu communication du rapport [Y] mais qu'il doit être constaté que ce document a été établi au cours de la phase préparatoire à l'élaboration du projet et concerne, aux dires de l'employeur, un périmètre beaucoup plus large que le seul secteur d'activité concerné ; qu'il appartient à l'appelant de démonter que ce document était nécessaire à la compréhension du projet et que force est de constater qu'il ne rapporte pas cette preuve, compte tenu des nombreux éléments d'information dont il a disposé ;

Considérant qu'il convient, dès lors, de constater que la société intimée a rempli, dans ce cadre, précis, son obligation d'information et que la procédure a été menée de façon régulière ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant, sur le préjudice subi par le comité d'établissement du fait de la carence de l'employeur dans l'information sur le projet SCOF, que force est de constater que l'attitude de l'employeur qui a méconnu les prérogatives du comité, telles que résultant de l'article L.2323-4 du code du travail et qui a contraint celui-ci à recourir à une expertise-comptable coûteuse qui n'aurait pas été justifiée si les conditions d'une procédure d'information et de consultation avaient été réunies, a causé au comité d'établissement un préjudice qui sera évalué à la somme de 60.000 euros ;

Considérant que les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'appelant à hauteur de la somme de 3.000 euros ;

que l'intimée qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris ;

STATUANT à nouveau :

CONDAMNE la société FRANCE TELECOM à payer au comité d'établissement SCE de la société FRANCE TELECOM la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celui-ci ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE la société FRANCE TÉLÉCOM à payer à l'appelant la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP TAZE BERNARD et BELFAYOL BROQUET, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/01980
Date de la décision : 10/12/2009

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°09/01980 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-10;09.01980 ?
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