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10/12/2009 | FRANCE | N°07/19981

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 10 décembre 2009, 07/19981


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2009



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/19981



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2007 -Tribunal de Commerce de SENS - RG n° 2006/00509



APPELANTE:



CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE

Société Coopérative

agissant en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par la SCP GOIRAND, avoué à la Cour

assistée de Maître Rudy FARIA, avocat au ba...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2009

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/19981

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2007 -Tribunal de Commerce de SENS - RG n° 2006/00509

APPELANTE:

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE

Société Coopérative

agissant en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par la SCP GOIRAND, avoué à la Cour

assistée de Maître Rudy FARIA, avocat au barreau de SENS

INTIMÉE:

SOCIÉTÉ AIOI MOTOR AND GENERAL INSURANCE COMPANY OF EUROPE LIMITED venant aux droits de la SOCIETE AIOI INSURANCE COMPANY OF EUROPE LTD

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoué à la Cour

assistée de Maître Duc NGUYEN, avocat au barreau de PARIS, toque P 395

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Par contrat du 24 janvier 2000, la société Cogerift mandatée par la société Chiyoda Fire and Marine Insurance Company, aux droits de laquelle vient la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD, a consenti aux consorts [V] une garantie de livraison à prix et délai convenus pour la construction de leur maison individuelle confiée à la société Euroconstruction selon un contrat de construction du 30 juin 1999, financé par un prêt consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne.

Le 26 septembre 2000, la société Euroconstruction a été mise en liquidation judiciaire et la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD a dû payer la somme de 22.456,85 euros au titre de l'achèvement de la construction.

Par jugement du 17 juillet 2007, le tribunal de commerce de Sens a reçu la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD en sa demande et l'a déclarée partiellement fondée, condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne à payer à la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD la somme de 22.456,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2005 sans capitalisation, débouté la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD de sa demande en dommages- intérêts pour résistance abusive, condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne à payer à la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La déclaration d'appel de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne a été remise au greffe de la Cour le 28 novembre 2007.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 30 septembre 2009, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne demande l'infirmation du jugement et statuant à nouveau de voir:

- débouter la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD de ses demandes,

- dire qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité,

- subsidiairement dire que la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD n'établit pas le lien de causalité entre la faute et le préjudice,

- dire en tout état de cause que la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD a commis une faute qui exclut son droit à indemnisation,

- condamner la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD à lui payer la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD à lui payer la somme de 6.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 26 septembre 2008, la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne la capitalisation des intérêts et le rejet de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive et demande à la cour d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne soutient qu'elle n'a commis aucune faute en l'absence de violation de l'article L.231-2 du code de la construction puisque le contrat de construction peut être conclu sous la condition suspensive de l'obtention de l'assurance de dommages-ouvrage prévue par l'article L.231- 4, excluant que le contrat soit caduc de ce seul fait, ni de violation de l'article L.231-10 du même code puisque le banquier n'a pas à vérifier que l'assurance de dommages-ouvrage a été effectivement souscrite et qu'il y avait une garantie de livraison fournie avant l'ouverture du chantier et le déblocage des fonds ; que le banquier n'est plus tenu au-delà de l'offre de prêt que de s'assurer de la délivrance de l'attestation de garantie de livraison;

Considérant qu'elle soutient subsidiairement qu'il n'existe pas de lien entre la faute alléguée et le préjudice en l'absence de preuve sur la prise en charge par l'assureur de dommages-ouvrage du surcoût des travaux consécutifs à la mise en oeuvre de la garantie de livraison couvrant les seuls dommages de nature décennale; que, même s'il y avait eu une assurance de dommages-ouvrage, la société Euroconstruction aurait commencé les travaux sans les achever ; que subsidiairement la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD a manqué à son obligation de conseil en omettant de mettre en garde le maître de l'ouvrage sur l'imprécision du contrat de construction sur l'assurance litigieuse et en acceptant le risque n'ignorant pas qu'il n'y avait pas d'assurance de dommages ouvrage ; que la procédure est abusive et justifie des dommages-intérêts;

Considérant que la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD estime que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne a commis une faute en émettant une offre de prêt qui ne fait pas référence à une assurance de dommages ouvrage qui ne sera jamais souscrite et en mettant à la disposition des emprunteurs les fonds prêtés en mai 2000 sans vérifier qu'une assurance de dommages-ouvrage avait été souscrite et sans jamais l'informer des versements effectués entre les mains du constructeur ; que la banque a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil et doit l'indemniser du préjudice qu'elle a subi d'un montant de 22.456,85 euros représentant l'achèvement du chantier puisque c'est elle qui a permis au constructeur de commencer les travaux alors que les conditions juridiques n'étaient pas remplies et qui a permis la mise en jeu de sa garantie qui n'aurait pas pu l'être si la banque avait respecté ses obligations ; qu'il existe un lien de causalité évident puisque le prêt ne pouvait être accordé tant que les conditions légales n'étaient pas remplies, que le contrat était devenu caduc faute de réalisation d'une condition suspensive d'ordre public et que c'est la banque qui a seule permis le démarrage de la construction ; que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne, qui a seule une obligation de contrôle, lui doit réparation de l'entier préjudice subi en application de la théorie de l'équivalence des conditions ;

Considérant qu'en application de l'article L.231-2 du code de la construction, le contrat de construction d'une maison individuelle doit comporter la référence de l'assurance de Dommages Ouvrage souscrite par le maître de l'ouvrage ou pour son compte par le constructeur en application de l'article L.242-1 du code des assurances;

Considérant qu'en application de l'article L.231-10 du même code, aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l'article L.231-2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s'il n'a pas communication de l'attestation de garantie de livraison;

Considérant qu'il résulte du contrat de construction conclu le 30 juin 1999 entre les consorts [V] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne qu'il est convenu, conformément à l'option exposée à l'article 4 - 4 du contrat qui prévoit que le contrat est conclu sous la condition suspensive de l'obtention de l'assurance de Dommages Ouvrage et d'appliquer la clause selon laquelle 'le constructeur souscrit pour le compte du maître de l'ouvrage l'assurance 'dommages-ouvrage' dont le coût inclus dans le prix convenu du présent contrat est de : ... illisible...'

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne a financé l'opération de construction et a débloqué les fonds alors que le contrat ne comportait pas les mentions prescrites par l'article L.231-2 précité, la seule mention d'une condition suspensive relative à la souscription de l'assurance de Dommages Ouvrage par le constructeur pour le compte du maître de l'ouvrage sans autre référence, ni aucune identification pouvant valoir référence qui est une notion d'interprétation stricte supposant une indication précise ne satisfait pas à l'exigence du texte susvisé ;

Considérant que l'article 4 - 4 des conditions générales du contrat de construction stipule expressément que si une seule des conditions suspensives ne se réalise pas, le contrat sera considéré comme sans effet et qu'il est prévu aux conditions particulières que le délai d'exécution des conditions suspensives est de 12 mois après la signature du contrat et que le chantier commencera dans le délai de deux mois à compter de la réalisation des conditions suspensives ;

Considérant qu'en l'espèce il est établi et non contesté que l'assurance de Dommages Ouvrage n'a jamais été souscrite par le constructeur Euroconstruction ;

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne n'a pas exécuté la mission de contrôle qui lui a été confiée par la loi et a commis une faute qui engage sa responsabilité, le garant n'ayant quant à lui aucune obligation en ce sens de sorte qu'il ne peut lui être reproché une faute exonératoire à ce titre;

Considérant que c'est la faute de la banque qui a laissé l'opération de construction s'engager dans un processus irréversible d'exécution et de paiement des travaux réalisés par le constructeur ; que c'est cette faute qui a abouti à la mise en jeu de la garantie de la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD qui est dès lors fondée à demander le remboursement à titre indemnitaire des sommes qu'elle a dû payer pour la finition de l'immeuble ; que ce n'est pas l'absence d'une assurance de Dommages Ouvrage qui est la cause du préjudice subi par le garant, comme le soutient la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne, mais l'impossibilité d'invoquer la caducité du contrat du fait de la défaillance de la condition suspensive par l'absence de contrôle de la banque ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne à payer à la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD la somme de 22.456,85 euros représentant le montant de la somme qu'elle a payée pour l'achèvement de la construction avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 29 juillet 2005;

Considérant que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés en application de l'article 1154 du code civil ;

Considérant qu'il n'y a ni procédure abusive de la société Motor and General Insurance Company of Europe LTD qui est fondée en sa demande, ni résistance abusive de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne qui a fait valoir ses droits sans abus ; que les demandes en dommages-intérêts de chacune des parties seront rejetées;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée le montant de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de lui allouer la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, la somme allouée pour les frais irrépétibles exposés en première instance étant par ailleurs confirmée ;

Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne qui succombe supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré du tribunal de commerce de Sens du 17 juillet 2007 sauf en ce qui concerne la capitalisation des intérêts et statuant à nouveau de ce chef :

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière de la créance de la société Motor and General Insurance Company of Europe LTD à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne en application de l'article 1154 du code civil,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne à payer à la société AIOI Motor and General Insurance Company of Europe LTD la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Caisse Régionale de crédit Agricole Mutuel de Champagne-

Bourgogne de ses demandes de dommages intérêts et fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne-Bourgogne aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 07/19981
Date de la décision : 10/12/2009

Références :

Cour d'appel de Paris, arrêt n°07/19981


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-10;07.19981 ?
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