RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 09 Décembre 2009
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/02460
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Février 2008 par le Conseil de Prud'hommes d'EVRY - Section Commerce - RG n° 07/00256
APPELANTE
S.A.S CARREFOUR HYPERMARCHÉS
[Adresse 6],
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent THIERY, avocat au barreau de PARIS, C 236 substitué par Me Narimann ESSEDIRI, avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉ
Monsieur [S] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant et assisté de Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, B 754
PARTIE INTERVENANTE :
POLE EMPLOI venant au lieu et place de l'ASSEDIC DU SUD-EST FRANCILIEN
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2],
représenté par Me Romain PIETRI, avocat au barreau de PARIS, T10
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Octobre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [S] [B] a été engagé par la SAS Carrefour Hypermarchés, tout d'abord suivant contrat à durée déterminée en 1996 puis à compter du 11 octobre 1999 suivant contrat à durée indéterminée, en tant qu'employé libre service.
Différents avenants sont, ensuite, intervenus et, dans le dernier état des relations contractuelles, M. [S] [B] occupait le poste d'animateur de ventes, niveau IV B, de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et percevait un salaire mensuel de 1 580,10 € sur 13 mois et demi soit une moyenne mensuelle de 1 777,61 €.
M. [S] [B] a été victime d'un accident du travail le 14 février 2006.
Après entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, il a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 20 décembre 2006 pour faute grave.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, il a le 5 mars 2007, saisi le conseil de prud'hommes d'Evry qui, par jugement du 12 février 2008, a :
- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixé la moyenne des salaires de M.[S] [B] à la somme de 1 777,61 €,
- condamné la SAS Carrefour Hypermarchés à lui payer les sommes de :
* 3 555,22 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 355,52 € au titre des congés payés afférents,
* 1 300 € au titre de l'indemnité de licenciement,
sommes portant intérêts au taux légal àcompter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 19 mars 2007,
* 14 250 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
sommes portant intérêt au taux légal à compter du jugement,
- ordonné à la SAS Carrefour Hypermarchés de remettre à M. [S] [B] un certificat de travail, une attestation Assedic rectifiée et les bulletins de salaire,
- débouté M. [S] [B] du surplus de ses demandes,
- dit qu'une copie du jugement sera transmis à l'Assedic.
Appelante, la SAS Carrefour Hypermarchés demande à la cour, dans ses conclusions soutenues oralement lors de l'audience du 26 octobre 2009 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, de dire et juger que le licenciement de M. [S] [B] est fondé sur une cause grave, infirmer, en conséquence, la décision déférée et condamner celui-ci aux dépens.
M. [S] [B], dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions, conclut au débouté et prie la cour de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre des indemnités de rupture et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il forme appel incident pour se voir allouer la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.
Il sollicite, en outre, que soit ordonnée à la SAS Carrefour Hypermarchés de lui délivrer des bulletins de paie, une attestation Assedic et un certificat de travail conformes sous astreinte de 100 € par jour de retard et que l'intimée soit condamnée à lui verser une indemnité de procédure complémentaire de 2 000 €.
Pôle Emploi Ile de France, venant aux droits de l'Assedic du Sud-Est Francilien, prie la cour, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de M. [S] [B], de condamner la SAS Carrefour Hypermarchés à lui rembourser, sur le fondement de l'article L1235-4 du code du travail, la somme de 7 486,29 € et à lui verser une indemnité de procédure de 230 €.
MOTIFS
Sur la nullité du licenciement
Devant la cour, M.[S] [B] se prévaut à titre principal, au visa de l'article L 227-6 du code de commerce, de la nullité du licenciement, la lettre ayant été signée par M. [K] [W], directeur du magasin alors que celui-ci n'est ni président, ni directeur général, ni directeur général délégué.
Il précise qu'il appartient à la SAS Carrefour Hypermarchés de rapporter la preuve, en cas de délégation de pouvoir de signature, de l'existence manuscrite de cette délégation comportant date certaine et faisant preuve de l'antériorité du pouvoir donné avant l'envoi de la lettre de licenciement.
Il ajoute qu'à défaut de rapporter cette preuve de l'antériorité de la délégation de pouvoir à la personne qui a signé pour ordre du directeur d'agence, le défaut de qualité emporte défaut de validité de cette formalité substantielle de la procédure et absence de toute lettre de licenciement dont le motif n'est alors pas énoncé.
La SAS Carrefour Hypermarchés réplique à titre principal qu'aucune disposition légale n'exige que la délégation de pouvoir de licencier soit donnée par écrit et à titre subsidiaire, justifier de l'existence d'une délégation de pouvoir démontrant l'habilitation à licencier du signataire de la lettre de licenciement.
Conformément aux dispositions de l'article L 227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiées 'est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social', l'alinéa 3 précisant que 'les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article'.
Il en résulte que contrairement aux sociétés anonymes ou aux sociétés à responsabilité limitée dans lesquelles la délégation est libre, dans les sociétés par actions simplifiée, la loi encadre strictement les possibilités de délégation afin d'engager la société à l'égard des tiers, les salariés étant non pas tiers à l'entreprise mais tiers au contrat de société.
La lettre de licenciement est signée par M. [K] [W], directeur du magasin Carrefour situé aux Ulis.
Comme l'établit l'intimée, ses statuts prévoient en son article 14-A-2 que 'Le président peut donner toutes délégations de pouvoir à tout tiers pour un ou plusieurs objets déterminés sauf à prendre toutes mesures nécessaires pour le respect des dispositions qui précèdent'.
Elle produit les délégations de pouvoir du 1er février 2006, concernant notamment les procédures de licenciement, consenties par:
- M. [Y] [H], président de la SAS Carrefour Hypermarchés, à M.[U] [L], directeur d'exploitation Ile de France,
- M. [U] [L] à M. [G] [P], directeur régional Paris Sud,
- M. [G] [P] à M. [K] [W], directeur du magasin Carrefour situé aux Ulis.
Cependant, l'extrait Kbis de la société ne fait pas apparaître que ces délégations de pouvoir ont été déclarées au registre du commerce et des sociétés afin de les rendre opposables aux tiers.
Il en résulte que la délégation de pouvoir consentie à M. [K] [W] n'a pas date certaine et que M. [S] [B] soutient à juste titre que la preuve de l'antériorité du pouvoir donné au directeur du magasin de licencier avant l'envoi de la lettre de licenciement n'est pas rapportée.
Faute de rapporter cette preuve, le licenciement de l'appelant doit être considéré comme ayant été prononcé par une personne n'ayant pas qualité ni pouvoir, ce qui constitue une irrégularité de fond rendant le licenciement nul.
Il s'ensuit que M. [S] [B] est fondé à solliciter, en sus des indemnités de rupture, une indemnité de licenciement qui doit être égale à celle prévue pour les salariés dont le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse soit un minimum de six mois de salaire tel que prévu par l'article 1235-3 du code du travail.
Sur les indemnités de rupture
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a alloué à M.[S] [B] les sommes de :
* 3 555,22 € correspondant à deux mois de salaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 355,52 € au titre des congés payés afférents,
* 1 777,61 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
non contestées en leur quantum, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2007, date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation.
Sur les dommages-intérêts
Le conseil de prud'hommes a alloué à M.[S] [B] de ce chef la somme de 14 250 €.
Au soutien de son appel incident, ce dernier expose ne pas avoir retrouvé d'emploi, ne plus pouvoir porter de poids supérieurs à dix kilogrammes à la suite de son accident du travail et avoir été licencié alors qu'il avait plus de dix ans d'ancienneté.
Il sollicite de ce chef la somme de 35 000 € avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.
Prenant en considération son ancienneté dans l'entreprise, son âge au moment de son licenciement (37 ans), le fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a réparé le préjudice matériel et moral nécessairement subi par l'intimé à la somme de 14 250 €, comme portant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Sur la demande de Pôle Emploi
Il convient, conformément aux dispositions de l'article 1235-4 du code du travail, de condamner la SAS Carrefour Hypermarchés à rembourser à Pôle Emploi, venant au lieu et place de l'Assedic du Sud -Est Francilien la somme de 7 486,29 €, montant des allocations de chômage versées à M.[S] [B] dans la limite de six mois.
Aucune circonstance d'équité n'appelle, en revanche, qu'il soit fait droit à la demande de Pôle Emploi au visa de l'article 700 du code de procédure civile
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité appelle d'allouer à M.[S] [B] la somme complémentaire de 2 000€ afin de compenser les frais hors dépens exposés en appel, la SAS Carrefour Hypermarchés, qui succombe en ses principales prétentions, étant déboutée de celle accessoire fondée sur ces mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris,
Y ajoutant,
ORDONNE à la SAS Carrefour Hypermarchés de rembourser à Pôle Emploi, venant au lieu et place de l'Assedic du Sud -Est Francilien, la somme de 7 486,29 €, montant des allocations de chômage versées à M.[S] [B] dans la limite de six mois,
CONDAMNE la SAS Carrefour Hypermarchés à payer à M. [S] [B] la somme complémentaire de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SAS Carrefour Hypermarchés et Pôle Emploi de leur demande de ce même chef,
CONDAMNE la SAS Carrefour Hypermarchés aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE