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08/12/2009 | FRANCE | N°06/02097

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 08 décembre 2009, 06/02097


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 08 décembre 2009



(n° 1 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02097



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 04/11819









APPELANT



M. [R] [B] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Lynda ATTO

N, avocat au barreau de PARIS,

toque : D 657







INTIMÉE



SAS BIRIBIN LIMOUSINES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON









COMPOSITION DE LA COUR :...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 décembre 2009

(n° 1 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02097

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 04/11819

APPELANT

M. [R] [B] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Lynda ATTON, avocat au barreau de PARIS,

toque : D 657

INTIMÉE

SAS BIRIBIN LIMOUSINES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 octobre 2009, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, conseiller

Madame Florence BRUGIDOU, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Madame Laura BELHASSEN, greffière présente lors du prononcé.

Mr [R] [M], engagé par la société BIRIBIN LIMOUSINES en qualité de chauffeur intermittent à compter du 19 décembre 2002 puis, suivant contrat à durée indéterminée à compter du 16 juin 2003, moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu à 2 495,02 euros, a été mis à pied puis licencié pour faute grave par lettre du 27 juillet 2004 rédigée dans les termes suivants :

' le 1er juillet 2004, vous deviez effectuer pour notre client, l'ambassade de l'INDE, le transfert de M. [L] afin de d'effectuer son transport depuis son hôtel vers l'aéroport de [Localité 4].

La prise en charge de ce client était prévue à huit heures.

Vous avez signalé à 9 heures « que vous veniez de vous réveiller ».

En outre, toujours ce 1er juillet 2004, alors que vous effectuiez une mission pour l'ambassade de CHINE, dans le cadre de laquelle vous étiez amené à vous présenter en tête du cortège afin de transporter le Président de la République Populaire de CHINE, vous vous êtes présenté sur les lieux à 17 heures 50, alors que la mise en place des véhicules au pavillon d'honneur à [Localité 3] était prévue à 16 heures.

Ce retard de 1 h 20 par rapport à l'horaire protocolaire indiqué est scandaleux et ce, d'autant plus que l'avion présidentiel était déjà posé, et que le Président était dans l'attente de votre présence.

Afin de pallier à cet incident commercial et diplomatique, la société s'est trouvée dans l'obligation de vous relever par un de nos chauffeurs.

En outre, nous vous avons sommé de rendre votre véhicule le soir même au vu de la gravité de ces événements.

Mais plus grave encore, alors que vous veniez restituer ce véhicule, vous êtes présenté en nos bureaux dans un état d'ébriété avancé, constaté par des salariés de l'entreprise et précédemment par vos collègues de mission.

Cet état se manifestait tant par votre comportement que par un certain nombre d'indices suffisamment clairs, relevés par des salariés de l'entreprise (odeur, attitude, etc...).

Ces faits sont inacceptables, étant donné vos fonctions au sein de l'entreprise.

En effet, il va sans dire qu'outre le danger immédiat que vous constituez dans un tel état, dans le cadre de la conduite d'un véhicule, il n'est même pas concevable que vous puissiez transporter de hautes personnalités politiques économiques sous l'emprise de l'alcool.

Nous vous rappelons que votre comportement est extrêmement préjudiciable tant aux intérêts économiques de l'entreprise qu'à la sécurité minimale que nos clients sont en droit d'attendre lors de leurs transports.

Par ailleurs, cette faute d'une extrême gravité s'inscrit dans la continuité d'un passé disciplinaire déjà lourd.

En effet, nous vous rappelons que vous avez précédemment fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de trois jours le 12 juin 2003.

De même, vous avez également fait l'objet d'un avertissement disciplinaire en date du 20 octobre 2003 relatif à des problèmes comportementaux graves vis-à-vis de certains de nos clients.

Enfin, vous avez pareillement fait l'objet d'un avertissement le 28 mai 2004, également pour des problèmes comportementaux.

Eu égard à ce passé disciplinaire, la faute grave qui vous est aujourd'hui reprochée nous contraint à prononcer votre licenciement.'

Contestant les motifs de son licenciement, Mr [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris lequel l'a, par un jugement du 29 juillet 2005, débouté de toutes ses demandes.

Mr [M] a relevé appel de cette décision.

Il sollicite la réformation du jugement ainsi que la condamnation de la société BIRIBIN à lui verser les sommes suivantes :

- 2 495,02 euros au titre de la procédure irrégulière

- 6 515 euros pour le préjudice matériel et 10 000 euros pour le préjudice moral

- 2 495,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 249,50 euros au titre des congés payés

- 18 864,96 euros au titre des heures supplémentaires et 1886,49 euros pour les congés payés afférents augmentées des intérêts au taux légal

et à lui remettre les documents sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard ainsi que 4500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société BIRIBIN conclut à la confirmation du jugement et au débouté pour le surplus. Elle demande que Mr [M] soit condamné à lui verser 318,26 euros au titre de l'usage privé du téléphone portable sous astreinte de 20 euros par jour de retard et à titre subsidiaire fait observer l'absence de préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure. Elle sollicite enfin 3500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il est expressément fait référence pour les prétentions et moyens des parties aux conclusions soutenues contradictoirement le 27 octobre 2009.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé du licenciement

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L1232-6 et L1234-1 du Code du travail, que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ;

Considérant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que celle-ci doit faire état de motifs précis, objectifs et matériellement vérifiables ; que la lettre en date du

27 juillet 2005 invoque trois incidents survenus le 1er juillet 2004 ;

Considérant qu'en ce qui concerne le premier motif, Mr [M] indique qu'il avait refusé cette course, ayant travaillé à raison de 400 heures en juin 2004, et ayant demandé à bénéficier d'une matinée de repos ; qu'ainsi il ne conteste pas ne pas avoir effectué le transport demandé ; qu'il ne justifie pas avoir avisé son employeur en temps voulu de son refus et de ses motifs ;

Considérant que pour le second grief, il expose que chargé d'un transfert au siège d'EDF à l'Etoile à 14 heures, il a mis ensuite 3 heures, s'agissant d'un jour de départ en vacances, pour rejoindre l'aéroport de [Localité 4] ; qu'il y est cependant parvenu avant l'arrivée de l'avion non du Président de la République de Chine, comme indiqué par erreur dans la lettre de licenciement, mais du ministre du tourisme ; que Mr [W], un autre chauffeur, atteste de son arrivée et de son état tout à fait normal ;

Mais considérant que ces allégations ne sont pas confirmées par le témoignage de

Mr [V], régulateur chargé de l'opération, qui décrit très précisemment comment à partir de 16 h il s'est inquiété de la situation de Mr [M] contacté à plusieurs reprises jusqu'à son arrivée à 17h50 à l'aéroport de [Localité 4], la personnalité attendant sa voiture ; que celui-ci a alors été remplacé par un autre chauffeur ; que l'attestation de Mr [W] bien que minorant la portée et la durée du retard de Mr [M] ne les contredit pas ; que l'argument de l'appelant tenant à la circulation automobile intensive qui serait la cause, compte tenu d'une course tardive imposée en début d'après midi, de son retard n'est pas prouvé ;

Considérant enfin que, si Mr [M] était selon son collègue en état normal dans l'après midi, tel n'était plus le cas à la fin de cette journée selon les attestations de deux autres salariés qui décrivent son comportement comme celui d'un homme en état d'ébriété;

Considérant que le fait que Mr [M] ait été un chauffeur apprécié pour sa compétence et son esprit d'initiative, comme le démontrent les certificats en sa faveur délivrés notamment par le président du directoire et le secrétaire général de la banque Sao Paulo ainsi que par plusieurs collègues, n'exclut pas qu'il connaissait des difficultés ; qu'il résulte des pièces du dossier que de nombreux avertissements lui avaient été délivrés, pendant la période où il était mis à la disposition de la banque susvisée ainsi que postérieurement, pour différents problèmes de comportement dans le cadre de ses fonctions et pour la dernière fois le 3 juin 2004 pour un retard et une absence survenus le 23 mai 2004 au cours d'une mission ; que la persistance des défaillances ainsi constatées et leur réitération permettent de conclure à la gravité des faits allégués lesquels rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ; que le jugement sera confirmé ;

Sur la procédure

Considérant que Mr [M] soutient l'irrégularité du licenciement faute pour l'employeur d'avoir respecté le délai de cinq jours entre la convocation et l'entretien ;

Considérant en effet que la convocation du 2 juillet pour un entretien fixé au 6 juillet est arrivée le 8 juillet ; que pour l'entretien du 19 juillet, la seconde lettre de convocation adressée à Mr [M] le 13 juillet lui était notifiée le 19 juillet ; que celui-ci n'a donc pas bénéficier du délai prévu par l'article L 1232-2 du Code du travail ; que l'irrégularité de la procédure sera sanctionnée compte tenu du préjudice en résultant par l'allocation d'un mois de salaire ; que le jugement sera réformé sur ce point ;

Sur le rappel au titre des salaires et des heures supplémentaires

Considérant que Mr [M] fait valoir que la somme de 18 864,96 euros lui serait dûe au titre d'un rappel pour les années 2003 à 2005 portant d'une part sur le fixe conventionnel journalier, inférieur à celui résultant de la convention collective, d'autre part sur des heures supplémentaires ; qu'il soutient que, dans sa catégorie professionnelle, le travail effectif est rémunéré mais également les heures d'attente et les amplitudes horaires et que les heures de travail comprennent les heures de conduite mais aussi les heures annexes, comme les heures de trajet aller et retour domicile ; qu'il relève que la société ne tient aucun compte des heures d'attente classées comme temps de pause alors que les heures de stand-by dans les salles de repos des chauffeurs doivent être prises en considération ;

Considérant que la rémunération du chauffeur 'grande remise' comprend selon l'article 22 de l'annexe 1 à la Convention collective des transports intitulé ' Grande Remise' d'une part un salaire de base, d'autre part un pourcentage sur la recette afférente à chaque service de sorte que le montant de la rémunération effective du conducteur ne puisse être inférieure au salaire minimal professionnel garanti hebdomadaire ;

Considérant qu'à ce titre, le salaire de Mr [M], tel qu'il résulte de ses bulletins de salaire, comprend pour 151h 67 mensuelles : un fixe conventionnel horaire de 1,960 euros outre un pourcentage conventionnel sur service ; que le total en résultant n'est pas inférieur au salaire mensuel garanti ;

Considérant quant à la demande au titre des heures supplémentaires qu'il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ceux-ci et de ceux présentés par le salarié, qui doit produire des pièces étayant sa demande, le juge forme sa conviction ;

Considérant que le contrat de travail de Mr [M] prévoyait que les heures effectives travaillées et les heures d'amplitude définies par la convention collective résultaient d'un carnet chauffeur sur lequel étaient reportés pour chaque prestation de transport effectuée : les heures effectives de travail, les temps consacrés aux repas, les temps de coupure ;

Considérant que pour le calcul du temps de travail effectif et conformément à l'article

17 de l'annexe 1 de la convention collective sont retranchés de l'amplitude journalière deux heures au titre du temps de repos et des interruptions de travail ; qu'est déduite par ailleurs l'heure de départ-retour garage dans la mesure où ce temps, pendant lequel les salariés disposent du véhicule, n'est pas considéré comme du temps de travail effectif ;

Considérant que Mr [M] produit d'une part ses contrats de transport établis par mission comportant : le jour, les heures de départ et d'arrivée, le kilométrage, le nombre de repas, les frais( parking autoroute) le carburant, d'autre part les tableaux des heures supplémentaires qu'il calcule par mois avec le report des heures par jour suivant les tranches horaires ainsi que les tarifs et taux horaires ; que le temps de travail ainsi reporté correspond aux horaires des contrats de transport soit à la totalité de l'amplitude journalière ;

Mais considérant que la société BIRIBIN produit outre les contrats de transports, les relevés établis par mois des paies-chauffeur, lesquels ventilent par jour et mission au vu des contrats de transport : les heures de départ et d'arrivée, le nombre d'heures journalier, les heures supplémentaires à 25% et à 50%, les repas et service ; que le temps de travail en résultant est inférieur à celui retenu par Mr [M], ce qui influe sur le total des heures supplémentaires ;

Considérant en effet qu'il est constant que la mise à disposition pendant une période d'amplitude horaire ininterrompue ne suffit pas à caractériser un temps de travail effectif ; qu'il appartient au salarié qui s'en prévaut de rapporter la preuve d'une impossibilité pour lui de disposer librement de son temps et de pouvoir vaquer à des occupations personnelles durant tout ce laps de temps ; qu'en l'espèce non seulement Mr [M] n'apporte pas cette preuve mais qu'il ne retranche pas les heures de départ-retours garage et comptabilise dans son temps de travail effectif les deux heures exclues aussi de ce temps de travail par la convention collective ;

Considérant que par suite les bulletins de salaire de Mr [M] comprennent :

- un fixe conventionnel journalier et un pourcentage conventionnel sur service

- des indemnités qualifiées 'amplitude journalière à 25%'et 'amplitude B' et C Convention collective'; qu'au vu de ces éléments, ce salarié ne prouve pas que les heures supplémentaires, dont il sollicite le paiement, correspondent à du travail effectif ; qu'il n'établit pas en outre au regard des critères et barêmes conventionnels le non paiement de ses heures supplémentaires ; que la demande formée à ce titre sera rejetée et le jugement confirmé ;

Sur la demande reconventionnelle

Considérant que les justificatifs, produits par l'employeur sur sa demande formée au titre du remboursement de la facture du téléphone portable, sont insuffisants à établir son bien fondé ; que la demande reconventionnelle sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant qu'il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de les débouter ;

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement ;

Condamne la société BIRIBIN à verser à Mr [M] la somme de 2 495,02 euros au titre de la procédure irrégulière ;

Confirme pour le surplus ;

Rejette toutes les demandes ;

Laisse les dépens à la charge de l'appelant.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 06/02097
Date de la décision : 08/12/2009

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°06/02097 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-08;06.02097 ?
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