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01/12/2009 | FRANCE | N°06/01172

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 01 décembre 2009, 06/01172


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 Décembre 2009

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01172



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 02/10921









APPELANTE

Madame [W] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Daniel RAVEZ, avocat au b

arreau de PARIS, toque : B.1024







INTIMÉ

Monsieur [E] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Jean Patrice DE GROOTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 560









C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 Décembre 2009

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01172

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 02/10921

APPELANTE

Madame [W] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B.1024

INTIMÉ

Monsieur [E] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Jean Patrice DE GROOTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 560

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller

Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Madame Nadine LAVILLE, greffière présente lors du prononcé.

Madame [W] [G] épouse [P], engagée par M. [M] à compter du 4 décembre 1989 en qualité de Vendeuse en bijouterie, exerçant sur le site d'Aquaboulevard, au dernier salaire mensuel moyen brut de 1599,19 ~, a été licenciée par lettre du 24 janvier 2002 au motif énoncé suivant :

' ...pour inaptitude physique.

En effet, en vertu d'une décision en date du 28 décembre 2001 le médecin du travail vous a déclaré inapte à tenir l'emploi occupé dans notre entreprise.

Ainsi que nous vous l'avons indiqué, nous sommes dans l'impossibilité de vous reclasser, n'ayant pas de poste disponible susceptible de vous être proposé en fonction de votre état de santé, ni de poste pouvant être aménagé...'

Par jugement du 11 octobre 2005 le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [P] de toutes ses demandes.

Mme [P] a relevé appel de cette décision.

Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées et reprises oralement le 27 octobre 2009.

* *

*

Mme [P] soutient avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires. Elle précise qu'elle assurait l'ouverture et la fermeture du magasin, travaillant sans interruption pendant 9 heures par jour et parfois jusqu'à 6 jours par semaine ; que plusieurs témoins en attestent ; que la preuve de ces heures supplémentaires résulte également de la production de ses agendas et des plannings établis de la main de l'employeur ; que de son côté ce dernier ne verse aucun élément de contrôle des horaires ; que rien ne permet de retenir que les plannings prévisionnels produits par M.[M] correspondent à la réalité ; qu'une somme de 6898,66 € lui est dû au titre des heures supplémentaires et de 1373,70 € au titre des repos compensateurs et congés payés afférents ; qu'il lui est en outre dû une indemnité pour travail dissimulé ; qu'en effet les dirigeants établissaient les plannings ; que de ce fait ils connaissaient l'existence des heures supplémentaires ; que l'intention de dissimuler est ainsi établie. Mme [P] soutient par ailleurs que son licenciement est nul en raison du harcèlement moral quelle a subi ; que les relations avec son employeur se sont dégradées depuis le mois d'octobre 1998 à la suite du courrier adressé à M.[M] par le contrôleur du travail sur le fractionnement dans le paiement du salaire ; que par lettre du 15 septembre 2000 elle s'est plainte auprès de son employeur des conditions humiliantes qu'elle subissait ; que le comportement de son employeur est à l'origine de son état dépressif constaté par son médecin traitant le 5 octobre 2000. Elle sollicite en conséquence des dommages et intérêts pour harcèlement moral et nullité du licenciement ainsi que des dommages et intérêts pour propos vexatoires. Elle soutient subsidiairement que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse; qu'en effet M.[M] ne rapporte pas la preuve de son impossibilité de la reclasser au sein de l'entreprise ; qu'elle justifie de son préjudice notamment par le calcul de la différence entre le montant du salaire perçu avant et après le licenciement jusqu'au 31 août 2005.

De son côté M.[M] soutient que le licenciement de Mme [P] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse d'inaptitude ; que par lettre du 19 juillet 2001 il fit savoir à Mme [P], alors en arrêt-maladie que, suite au non renouvellement du bail d'Aquaboulevard, elle intégrerait le magasin de la [Adresse 5]; que cependant, à la suite du constat de son inaptitude par le médecin du travail, le reclassement de Mme [P] dans une petite structure de 5 salariés, s'est avéré impossible; que l'accusation de harcèlement moral n'est pas fondée ; qu'il ne passait qu'épisodiquement au sein du magasin ' qu'en réalité l'origine du conflit se trouve dans les reproches qu'il a exprimés lorsque qu'en septembre 2000 Mme [P] a laissé le magasin sans surveillance ; que Mme [P] n'a droit au paiement d'aucune heure supplémentaire ; qu'en effet sur la demande des deux vendeuses du magasin d'Aquaboulevard, une modulation mensuelle du travail était mise en place qui durait depuis 6 années à la satisfaction des intéressées; que le volume mensuel d'activité respectait la durée légale et contractuelle du travail ; que les journées de congés accordées dépassent très largement le repos compensateur auquel Mme [P] aurait pu prétendre.

Considérant sur les heures supplémentaires, que pour étayer sa demande, Mme [P] produit des photocopies de ses agendas, trois attestations, des bulletins de salaire; qu'il ressort de l'attestation de Mme [H], ancienne salariée que les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin étaient de 11h à 20 h, 7 jours sur 7, sans interruption pour les repas; que les agendas sont précisément renseignés jour après jour, mentionnant notamment les jours de repos; que les tableaux récapitulatifs sont réalisés sur la base de 9 heures de travail par jour, 7 jours sur 7 sauf les jours de repos indiqués; qu'ils font apparaître que Mme [P] travaillait 36 heures ou 45 heures ou encore 54 heures par semaine; que M.[M] qui se borne à affirmer que l'organisation mise en place et le volume mensuel d'activité respectaient la durée légale du travail, n'en fait pas la démonstration; que la Cour a la conviction au sens de l'article L3171-4 du code du travail que Mme [P] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de 6 898,66 euros ; qu'il est dû une somme de 1373,70 euros au titre des repos compensateurs;

Considérant que n'est pas rapportée la preuve que l'employeur ait intentionnellement dissimulé partie du travail du salarié; que la réalité des heures supplémentaires a été déterminée après un débat judiciaire et conformément aux règles de preuve propres au contentieux prud'homal ; qu'en particulier l'organisation spécifique du travail alterné entre les deux vendeuses à leur demande, pouvait laisser penser qu'elles étaient satisfaites et remplies de leurs droits; qu'il n'est pas fait droit à la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé;

Considérant en application des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail que pour établir l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, Mme [P] produit le courrier adressé le 20 octobre 1998 par le contrôleur du travail à l'employeur l'informant de la réclamation de la salariée sur le salaire qui ne lui était pas versé régulièrement une fois par mois, une lettre de M.[M] du 2 juin 1999 autorisant un congé sabbatique à compter du 1er février 2000, une lettre de M.[M] du 14 février 2000 demandant à Mme [P] d'être vigilante dans les encaissements compte tenu du manque d'une somme de 1000 frs sur la seule vente en espèce de 2557 Frs réalisée le 10 février 2000, une lettre adressée par Mme [P] à son employeur le 15 septembre 2000 décrivant diverses circonstances vexatoires et l'attestation d'une passante [N] [F] ; que toutefois ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser les faits répétés de harcèlement moral ; qu'il n'est pas contesté que M.[M] n'était pas au quotidien au sein du magasin; qu'il n'est pas reproché à ce dernier de n'avoir pas mis en oeuvre à partir d'octobre 1998 l'invitation du contrôleur du travail à ne plus fractionner le paiement du salaire; qu'il n'est établi aucun fait de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral depuis cette intervention de l'inspection du travail ; que la teneur de la lettre de l'employeur du 14 février 2000 reste courtoise; que le manque à gagner dont il est fait état n'est pas contesté par Mme [P]; que l'employeur se contente de demander à juste titre à la salariée de faire preuve de vigilance; qu'aucune sanction n'a été prononcée à la suite de cet incident; que le choix de la date du début du congé sabbatique autorisé a été expliqué en son temps par l'activité intense de fin d'année; qu'il n'est pas même allégué que l'employeur a abusé de son pouvoir à cet égard; que la réalité des propos jugés vexatoires par Mme [P] relatés dans sa lettre du 15 septembre 2000, contestés par M.[M], n'est pas confirmée par le témoignage de Mme [F]; que selon ce témoignage, alors que cette passante se trouvait à regarder les vitrines de la bijouterie, elle a entendu des éclats de voix, des insultes et des menaces à l'égard de la vendeuse , ajoutant ' que ce n'était pas la première fois , hélas, que j'assistais à la bijouterie [M] à ce genre de scène'; que les insultes ne sont pas illustrées; que l'employeur a contesté dés le 4 octobre 2000 les griefs qui lui étaient faits notamment les propos qui lui sont imputés et dont il s'étonne de la déformation de leur sens par l'intéressée ; qu'à cette occasion il rappelait que l'origine du conflit datait du jour où en septembre 2000 il avait constaté que le magasin était resté sans surveillance pour la deuxième fois; que la journée continue relevait d'un choix de la salariée; que ces deux éléments de fait ( magasin sans surveillance et choix de la journée continue) n'ont pas été démentis par Mme [P];

Considérant également qu'il n'est établi par aucune pièce que l'employeur a modifié les horaires de travail;

Considérant qu'il n'est pas démontré que M.[M] a souhaité le départ volontaire de Mme [P] comme celle-ci l'indique dans sa lettre du 15 septembre 2000; qu'au contraire, à la suite du non renouvellement du bail du magasin Aquaboulevard, l'employeur a manifesté son intention de conserver la salariée à son service au sein de son autre magasin avant toute déclaration d'inaptitude ( cf lettre du 19 juillet 2001);

Considérant que les troubles constatés par le médecin le 5 octobre 2000 sont qualifiés de 'troubles phobiques invalidants' ; qu' aucun élément ne permet de rattacher ces troubles à des conditions de travail imputables à l'employeur ; que les demandes au titre du harcèlement moral sont rejetées et le jugement confirmé sur ce point;

Considérant sur le licenciement, que l'employeur n'est pas fondé à soutenir que le reclassement de Mme [P] était impossible au sein de l'autre magasin motif pris d'un effectif de 5 salariés dont déjà 4 vendeurs; qu'il n'est en effet pas allégué qu'une modification de l'effectif soit intervenue depuis la proposition faite à Mme [P] en juillet 2001 d'intégrer ce magasin; qu'ainsi l'employeur ne justifie pas qu'avant le licenciement survenu au début de l'année 2002, le reclassement de Mme [P] fût impossible;

Considérant dans ces conditions que le licenciement de Mme [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à réparation;

Considérant l'ancienneté de Mme [P] ( 11 années) et l'effectif réduit de l'entreprise, la cour fixe à 3000 euros le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive;

Considérant que le caractère abusif de la rupture donne droit à une indemnité de préavis ;

Considérant que le prononcé d'une astreinte pour la remise des documents ne s'avère pas en l'état nécessaire ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement ,

CONDAMNE M.[M] à payer à Mme [P] les sommes de :

- 6 898,66 euros à titre d'heures supplémentaires

- 689,87 euros congés payés afférents

- 1 373,70 euros à titre de repos compensateurs et congés payés afférents

- 3 198,38 euros au titre de l'indemnité de préavis

- 319, 84 euros congés payés afférents

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par M.[M] de sa convocation devant le conseil de prud'hommes,

- 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DIT que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

DIT que M.[M] doit remettre à Mme [P] un certificat de travail du 4 décembre 1989 au 1er avril 2002, un bulletin de salaire et une attestation assedic conformes à la présente décision

MET les dépens à la charge de [V].

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 06/01172
Date de la décision : 01/12/2009

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°06/01172 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-01;06.01172 ?
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