RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 26 Novembre 2009
(n° 15 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01047 BF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2008 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de EVRY RG n° 20600862
APPELANT
Monsieur [T] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A 476 substitué par Me Nicolas CHEWTCHOUK, avocat au barreau de PARIS, toque : A 476
INTIMEES
SAS MANPOWER
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Yann BOURMAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P506
Société ADREOLI ROBERT ET CIE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Nicolas STOEBER, avocat au barreau de PARIS, toque : B 132
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'[Localité 6] (CPAM [Localité 6])
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Mme [E] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'[Localité 7] (DRASSIF)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2009, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bertrand FAURE, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Madame Béatrice OGIER, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Mademoiselle Séverine GUICHERD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par [T] [F] d'un jugement rendu le 23 Septembre 2008 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'Evry dans un litige l'opposant à la SAS MANPOWER, à la Société ROBERT ANDREOLI et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'[Localité 6] ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans le jugement déféré et celui avant dire droit du 1er Août 2007, décisions auxquelles il est fait expressément référence à cet
égard ; il suffit de rappeler qu'à compter du 23 Octobre 2003 [T] [F] salarié de la Société MANPOWER, entreprise de travail temporaire a été mis à disposition de la Société ROBERT ANDREOLI entreprise d'élagage en qualité d'ouvrier paysagiste d'exécution ; le 20 Novembre 2003 il a eu un accident suite auquel il a subi une amputation traumatique trans-P2 distale de l'index gauche ; l'origine professionnelle de cet accident a été reconnue ; la consolidation a été fixée au 8 Mars 2004 ; une indemnité en capital d'un montant de 2078,87 € a été attribuée à l'assuré, sur la base d'un taux d'IPP fixé à 6% ;
Après l'échec de la tentative de conciliation prévue par l'article L.452-4 du Code de la Sécurité Sociale, [T] [F] a, par requête du 27 Juin 2006, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur et d'obtenir la majoration de la rente et l'indemnisation de ses préjudices complémentaires ;
Sur ce, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY a par jugement avant dire droit du 1er août 2007 statué comme suit :
' Dit que le faute inexcusable est à l'origine de l'accident subi par Monsieur [T] [F] le 20 Novembre 2003 ;
Fixe la majoration de l'indemnité en capital due à Monsieur [T] [F] dans la limite prescrite à l'article L.452-2 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale ;
Condamne la Société ROBERT ANDREOLI à garantir intégralement la Société MANPOWER de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du recours en faute inexcusable introduit par Monsieur [T] [F] ;
Rejette la demande de la Société ROBERT ANDREOLI tendant à dire que la répartition du coût de l'accident du travail pour Monsieur [F], y compris les majorations de cotisations, sera répartie dans les proportions suivantes : 75% pour la Société MANPOWER, 25 % pour la Société ANDREOLI ;
Rappelle que le coût de l'accident du travail en termes de cotisations dues au titre des accidents du travail est partagé entre l'entreprise utilisatrice et l'employeur entreprise de travail temporaire en application des articles L.241-5 et R.242-6-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
Ordonne une expertise médicale ;
Commet pour y procéder Monsieur le Docteur [W] [G].... ;
Avec pour mission de : [mission d'usage en la matière]...' ;
... ;
Réserve les autres demandes... ;'
L'affaire étant à nouveau évoquée en ouverture du rapport d'expertise, les premiers juges ont par le jugement déféré disposé dans les termes suivants :
' Vu le jugement du 1er Août 2007 ;
Vu le rapport d'expertise du Docteur [G], Expert, du 8 Janvier 2008 ;
Fixe à la somme de ...12 300 euros le préjudice personnel de Monsieur [T] [F] ;
Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'[Localité 6] récupèrera le montant de ces indemnisations auprès de la SAS MANPOWER en application des dispositions de l'alinéa 3 de l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale ;
Condamne la SAS MANPOWER à payer à Monsieur [F] la somme de ... 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
La condamne aux dépens, en ce compris les frais d'expertise ;
Rappelle que la Société ROBERT ANDREOLI doit garantir intégralement la SAS MANPOWER de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du recours en faute inexcusable introduit par Monsieur [F]...' ;
[T] [F] fait déposer et développer oralement par son conseil des conclusions où il est demandé à la Cour :
' Vu le rapport du Docteur [G] ;
Fixer les préjudices de Monsieur [T] [F] comme suit :
Au titre des souffrances endurées de 3,5/7 la somme de 20.000 € ;
Au titre du préjudice esthétique de 2/7 la somme de 8000 € ;
Au titre du préjudice d'agrément, la somme de 20.000 € ;
Condamner la Société MANPOWER à verser à Monsieur [F] la somme de
2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamner la Société MANPOWER au paiement des entiers dépens de l'instance, comprendront notamment les frais d'expertise' ;
- La Société MANPOWER fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à voir purement et simplement 'confirmer le jugement rendu le 23 Septembre 2008 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY en toutes ses dispositions' ;
La Société ROBERT ANDREOLI fait déposer et développer oralement par son conseil des conclusions où il est demandé à la Cour :
' Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Débouter Monsieur [F] en toutes ses demandes au titre des frais non répétibles ;'
Par observations développées oralement par son représentant la CPAM de l'[Localité 6] déclare s'en rapporter à justice, avec les réserves d'usage en la matière ;
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées par [T] [F], par la Société MANPOWER et par la Société ROBERT ANDREOLI pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par ces derniers au soutien de leurs prétentions ;
En tant que de besoin la Cour observera d'une part que le litige se trouve exclusivement circonscrit à la question de la liquidation différents postes du préjudice personnel subi par [T] [F], d'autre part que les premiers juges qui dans leur dispositifs ont évalué globalement ce préjudice à 12.300 €, ont dans leurs motifs, chiffré le pretium doloris à 4300 €, le préjudice esthétique à 2000 €, et le préjudice d'agrément à 6000 € ;
Sur quoi la Cour :
Sur le pretium doloris :
Considérant que le Docteur [W] [G] a évalué les souffrances endurées à 3,5 sur l'échelle à sept degrés, les qualifiant modérées à moyennes ; que cette évaluation prend en compte 'l'accident, le choc émotionnel, l'hospitalisation, les deux interventions chirurgicales, la rééducation fonctionnelle, les éléments douloureux, la reconversion professionnelle' ; qu'il a aussi existé un retentissement psychologique, l'accident et ses conséquences ayant nécessairement fragilisé [T] [F] ; que ces indications justifient pleinement l'indemnisation de ce chef de préjudice pour un jeune homme qui n'avait que 22 ans au moment de l'accident à hauteur de 8000 € ;
Sur le préjudice esthétique :
Considérant que l'expert a évalué cet autre chef de préjudice à 2 sur l'échelle à sept degrés, le qualifiant léger ; que pour parvenir à cette évaluation celui-ci a notamment retenu les éléments suivant : 'On note une amputation trans-P2 distale de l'index gauche ...Présence d'élément cicatriciels en forme de Y sur le versant interne cubital de l'index, se prolongeant sur 2,5 cm jusqu'à l'articulation interphalangienne proximale...Il existe une petite pointe plus prononcée à la partie postérieure du moignon, ressentant bien l'extrémité osseuse sous-jacente...' ; que ces constatations mettent en évidence un handicap disgracieux qui pour une victime en pleine force de l'âge constitue une atteinte esthétique sérieuse justifiant parfaitement l'évaluation de ce chef de préjudice à hauteur de 4000 € ;
Sur le préjudice d'agrément :
Considérant que le Docteur [W] [G] a conclu à l'existence d'un préjudice d'agrément significatif lié aux difficultés désormais rencontrées par [T] [F] dans la pratique du piano ('manque un doigt'), de la guitare ('il est gêné pour les barrés') et de l'escalade (gêne 'dans les prises') ; que l'expert a de surcroît relevé une gêne ' pour toutes les activités nécessitant précision du fait de la perte de l'index et des troubles sensitifs signalés' ; que d'après ses dires, et 'en raison du retentissement psychologique majeur subi', [T] [F] aurait aussi dû renoncer à la pratique d'autres activités sportives telles le football, la boxe et le snow board ; qu'en tout état de cause, et observation faite en tant que de besoin qu'il justifie de la pratique du piano et de l'escalade, il est parfaitement clair que les séquelles présentées par l'intéressé handicapent l'ensemble des activités sportives ludiques ou occupationnelles auxquelles peut normalement prétendre tout individu de son âge, c'est à dire 28 ans aujourd'hui ; qu'en outre la réparation du préjudice d'agrément ne se limite pas à la réparation des préjudices subis par des victimes justifiant de telle ou telle pratique ; qu'en d'autres termes il est de même patent que les séquelles retenues par l'expert constituent au moins une gêne dans les actes les plus courants de la vie quotidienne ; qu'ainsi ce chef de préjudice sera équitablement indemnisé par l'allocation d'une somme de 11.000 € ;
Considérant qu'en conséquence la décision déférée doit être infirmée ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce l'équité commande une nouvelle application des dispositions de l'article 700 du CPC au profit de [T] [F] ; qu'ainsi la Société MANPOWER sera condamnée à lui payer la somme de 1500 € à titre d'indemnisation de ses frais irrépétibles d'intervention en cause d'appel ;
Par ces motifs :
Déclare [T] [F] recevable en son appel ;
Infirmant, dans les limites de cet appel, et statuant à nouveau :
Fixe comme suit la réparation des préjudices complémentaires subis par [T] [F] :
Pretium doloris : 8000 € ;
Préjudice esthétique : 4000 € ;
Préjudice d'agrément : 11.000 € ;
Condamne la SAS MANPOWER à payer à [T] [F] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
Le Greffier, Le Président,