Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2009
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/11635
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Avril 2007 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 05/01497
APPELANTS:
Monsieur [F] [I] [M]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 5]
Madame [Y] [S] [V] [R] [O] épouse [M]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 5]
S.C.I. MILLY LES ILES
agissant en la personne de son Gérant
ayant son siège social [Adresse 9]
[Localité 5]
représentés par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoué à la Cour
assistés de Maître Fanny ANDREJEWSKI, avocat au barreau de l'ESSONNE, plaidant pour le Cabinet d'Avocats ANDREJEWSKI-HUDON
INTIMÉES:
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP Patricia HARDOUIN, avoué à la Cour
dépôt du dossier de la SCP RAVASSARD-GUEDJ, barreau de l'ESSONNE
CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS ( C.D.C.)
prise en la personne de son Directeur Général
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Pascale BETTINGER, avoué à la Cour
assistée de Maître Pierre ELLUL, avocat au barreau de l'ESSONNE, plaidant pour la SCP ELLUL-GREFF-ELLUL
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Claude APELLE, Président
Madame Claire DAVID, Conseiller
Madame Françoise CHANDELON, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code
de Procédure Civile.
GREFFIER : lors des débats : Madame Jacqueline VIGNAL
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte authentique du 19 avril 1993, la Société Générale a consenti à M. et Mme [M] un prêt de 1 200 000 francs. Pour sûreté de ce prêt, ont été hypothéqués divers biens immobiliers leur appartenant situés à [Localité 11], à [Localité 10] et à [Localité 8].
A partir du 8 janvier 1994, M. et Mme [M] ont cessé de rembourser les mensualités de ce prêt et le 9 septembre 1994, ils ont constitué entre eux la SCI Milly les Iles à laquelle ils ont fait apport de la nue propriété de leur résidence principale, située à [Adresse 9].
Estimant que cet apport lui cause un préjudice, la Société Générale a fait assigner M. et Mme [M] et la SCI aux fins de réintégration de ce bien dans le patrimoine de ses débiteurs.
La Caisse des Dépôts et Consignations, créancière de M. et Mme [M] aux termes d'un acte authentique du 27 mai 1993, est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement du 23 avril 2007, le tribunal de grande instance d'Evry a déclaré inopposable à la Caisse des Dépôts et Consignations l'acte d'apport de la nue propriété du bien immobilier situé à [Adresse 9], avec effet rétroactif au
9 septembre 1994.
Par déclaration du 3 juillet 2007, M. et Mme [M] et la SCI Milly les Iles ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 18 septembre 2009, M. et Mme [M] et la SCI Milly les Iles demandent à la Cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de constater que la Société Générale a renoncé à ses demandes,
- de débouter la Caisse des Dépôts et Consignations de ses demandes,
- de condamner la Société Générale à leur payer la somme de 2 286,73 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la Caisse des Dépôts et Consignations à leur payer les sommes de
2 286,73€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en appel.
Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 23 septembre 2009, la Société Générale demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le tribunal n'était saisi d'aucune demande de sa part,
- de dire en conséquence inopposable à la Société Générale l'acte d'apport de la nue propriété du bien immobilier situé à [Adresse 9], avec effet rétroactif au 9 septembre 1994,
- de condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 24 septembre 2009, la Caisse des Dépôts et Consignations demande à la Cour :
- de confirmer le jugement entrepris,
- de condamner solidairement ou in solidum les appelants à lui payer la somme de 5 000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSE,
LA COUR,
Considérant que les appelants soulèvent, en premier lieu, l'irrecevabilité des prétentions des deux banques pour défaut de publication de leurs demandes à la conservation des hypothèques;
Mais considérant que la Société Générale établit, par la production de l'état hypothécaire, avoir publié l'assignation les 5 mars et 22 septembre 1999 ;
Et considérant, en tout état de cause, que la fin de non-recevoir opposée à l'action paulienne fondée sur l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955, faute de publication de l'acte introductif d'instance, n'est pas fondée, dès lors que la demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un acte de cession consenti par les débiteurs n'entre pas dans les prévisions de ce texte ;
Considérant que les appelants soulèvent, en deuxième lieu, l'irrecevabilité des demandes de la Société Générale, comme étant nouvelles devant la cour ;
Considérant que si la Société Générale a remis l'affaire au rôle après la radiation prononcée par le juge de la mise en état, ces conclusions de remise au rôle ne constituent pas les dernières écritures de la banque, mais simplement des conclusions de pure procédure aux fins de voir rétablir l'affaire ; qu'il appartient donc à la cour de comparer les demandes présentées par la Société Générale dans ses conclusions sur le fond déposées devant le tribunal ; que faute pour les appelants de produire cette pièce, ils ne mettent pas la cour en mesure de statuer sur leur exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 563 du Code de procédure civile ; que leur demande doit donc être rejetée ;
Considérant, sur le fond, que M. et Mme [M] ont fait apport à la SCI Milly les Iles de la nue propriété du bien situé à [Adresse 9] ; que la Caisse des Dépôts et Consignations bénéficie de l'inscription de privilège de prêteur de deniers sur ce bien ; que la Société Générale ne dispose pas de sûreté sur le bien ; que les deux banques disposent, comme elles le démontrent, d'une créance certaine et exigible ;
Considérant que le droit de suite fait, certes, obstacle à la diminution de la garantie inhérente à l'hypothèque ;
Mais considérant que l'action paulienne peut être exercée par le créancier hypothécaire en dehors même de l'insolvabilité du débiteur dès lors que par l'acte frauduleux contre lequel l'action révocatoire est dirigée, le débiteur réduit la valeur des biens de façon à diminuer l'efficacité de l'exercice de la sûreté dont le créancier s'était aménagé l'avantage ; qu'en l'espèce, M. et Mme [M] se sont ménagés l'usufruit du bien litigieux, ce qui a pour conséquence de porter atteinte à la valeur du bien et d'entraver l'exécution de la sûreté par la Caisse des Dépôts et Consignations ;
Considérant que c'est à la date de l'acte que le juge doit se placer pour déterminer s'il y a eu fraude ; que pour pouvoir faire déclarer inopposables les actes faits par leurs débiteurs en fraude de leurs droits, il faut qu'au jour des actes litigieux, l'insolvabilité, au moins apparente, du débiteur soit constatée, la fraude paulienne résultant de la seule connaissance que le débiteur avait du préjudice causé aux créanciers par l'acte litigieux ; que M. et Mme [M] se sont manifestement appauvris en cédant la nue propriété de leur bien à la SCI Milly les Iles ; qu'ils ne prétendent pas disposer d'autres biens qui seraient de valeur suffisante pour permettre aux créanciers d'obtenir paiement de leur créance ;
Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé s'agissant de la Caisse des Dépôts et Consignations, en ce comprise l'indemnité allouée au titre de l'article 700 pour les frais irrépétibles exposés en première instance et infirmé s'agissant de la Société Générale ;
Considérant qu'il apparaît équitable d'allouer à la Caisse des Dépôts et Consignations et à la Société Générale la somme respective de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris à l'égard de la Caisse des Dépôts et Consignations,
Le réforme à l'égard de la Société Générale,
Et statuant à nouveau quant à ce,
Déclare inopposable à la Société Générale l'acte d'apport de la nue propriété du bien immobilier situé à [Adresse 9], cadastré section [Cadastre 6] et [Cadastre 7] et les éventuels actes subséquents, avec effet rétroactif au 9 septembre 1994,
Condamne M [F] [M] et Mme [Y] [O] épouse [M]. à payer à la Caisse des Dépôts et Consignations une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
Condamne M. [F] [M] et Mme [Y] [O] épouse [M] à payer à la Société Générale une somme de 1 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
Condamne M. [F] [M] et Mme [Y] [O] épouse [M] aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT