Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRET DU 18 NOVEMBRE 2009
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/19580
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/01440
APPELANTE
S.A.S. UNIVERSAL MUSIC FRANCE
agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Elizabeth BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, toque : E.329
INTIMES
Société WAY PRODUCTIONS
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 8]
défaillante
Maître [K] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Ste WAY PRODUCTIONS
[Adresse 3]
[Localité 9]
défaillant
Monsieur [N] [O]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assisté de Me MardjanMATIN-BAHER, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1776
Monsieur [D] [L]
[Adresse 5]
[Localité 10]
représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assisté de Me MardjanMATIN-BAHER, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1776
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier PIMOULLE, Président et Madame Brigitte CHOKRON, conseiller, magistrats chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur PIMOULLE, président
Madame Brigitte CHOKRON, conseiller
Madame Anne-Marie GABER conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER lors des débats : Madame Jacqueline VIGNAL
ARRET : - DEFAUT
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Nous, Brigitte CHOKRON, Conseiller le plus ancien ayant délibéré, en l'empêchement de Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Vu l'appel formé par la s.a.s. Universal music france du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 1ère section° RG : 07/01440) rendu le 30 septembre 2008 ;
Vu les dernières conclusions de l'appelante (31 juillet 2009) ;
Vu les dernières conclusions (9 septembre 2009) de MM [D] [L] et [N] [O], intimés et incidemment appelants ;
Vu l'assignation délivrée le 26 janvier 2009 à la société Way productions, intimée .
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 15 septembre 2009 ;
* *
SUR QUOI,
Considérant que MM [D] [L] et [N] [O], artistes photographes et auteurs d''uvres audiovisuelles, ont réalisé un film sur [X] [T] intitulé «Nougaro par ci parla» ; qu'ils ont cédé leurs droits d'auteur sur l'exploitation de ce film à la société La Base films, producteur, en présence de la société Polygram, division Mercury, aux droits de laquelle se trouve présentement Universal Music France, par contrats, respectivement, des 13 juillet et 2 septembre 1998 ; qu'ayant constaté, le 30 décembre 2005, la diffusion sur France 2 d'un portrait de [X] [T] intitulé «Dansez sur moi» qui, selon eux, incorporait près de 9 minutes de leur film «Nougaro par ci parla», ils ont assigné la société Way Productions, producteur de l'émission litigieuse, depuis judiciairement liquidée, et la société Universal Music France aux fins de voir prononcer la nullité des clauses 5-c et 8-4 du contrat du 13 juillet 1998 de M. [L] et 2-c et 6-4 du contrat du 2 septembre 1998 de M. [O] et condamner les défenderesses à leur payer des dommages-intérêts sur le fondement, notamment, de la contrefaçon et de l'atteinte à leur droit moral sur leur 'uvre ; que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant relevé que la clause commune aux contrats limitant le champ des relations contractuelles entre MM [L] et [O], d'une part, et la société Universal Music France, d'autre part, aux seuls domaines de l'interprétation et de l'exécution des contrats, n'était pas claire et devait être interprétée comme incluant celui de la validité des contrats, spécialement des clauses attaquées, a jugé recevable l'action des demandeurs, annulé ces clauses en ce que, selon le jugement, elles organisaient une renonciation préalable et générale des auteurs à leur droit moral sur leur 'uvre contraire aux dispositions d'ordre public du code de la propriété intellectuelle, condamné la société Universal Music France à leur payer des dommages-intérêts pour avoir introduit des clauses illicites dans les contrats, porté atteinte à leur droit moral et patrimonial sur leur 'uvre et fixé la créance de MM [L] et [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société Way Productions ;
1. Sur la procédure :
Considérant que la société Way Productions a été assignée le 26 janvier 2009 par acte remis au domicile de M. [K] [Z], désigné en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, copie de l'acte ayant été remise à Mme [I] [U], secrétaire, qui a déclaré être habilitée à le recevoir ;
Considérant que la société Way Productions, qui n'a pas constitué avoué, n'a pas été citée à personne ; que l'arrêt sera rendu par défaut par application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2. Sur la recevabilité des demandes de MM [L] et [O] en ce qu'elles sont dirigées contre la société Way Productions :
Considérant que MM [O] et [L] demandent à la cour de condamner la société Way productions à leur payer à chacun :
- 30.000 euros en réparation de l'atteinte portée à leur droit au respect et à la destination de l''uvre,
- 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de la violation de leur droit à la paternité de leur 'uvre,
- 5.000 euros en réparation de leur préjudice né de l'exploitation de l''uvre en l'absence de toute autorisation,
- 5.000 euros dommages et intérêts en réparation de leur préjudice né du fait de l'absence de déclaration de diffusion des extraits de l''uvre des requérants à la SCAM, société de gestion collective ayant enregistré l''uvre à son répertoire,
Que M. [N] [O] demande en outre la condamnation de la société Way Productions à lui payer 10.000 euros en réparation de son préjudice né de la contrefaçon de ses droits d'auteurs relatifs à ses photographies reproduites sans autorisation dans l''uvre «Dansez sur moi» ;
Que, par note en délibéré déposée le 30 septembre 2009 à la demande de la cour les invitant à s'expliquer sur la recevabilité de leurs demandes au regard des dispositions de l'article L.622-1 du code de commerce, ils indiquent avoir déclaré tardivement leurs créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Way Productions et n'avoir pas relevé appel des ordonnances du juge-commissaire du 14 octobre 2008 rejetant leurs requêtes en relevé de forclusion ; qu'il en résulte que leurs demandes dirigées contre cette société ne sont pas recevables ;
3. Sur la recevabilité des demandes de MM [L] et [O] en nullité des clauses clauses 5-c et 8-4 du contrat du 13 juillet 1998 de M. [L] et 2-c et 6-4 du contrat du 2 septembre 1998 :
Considérant que la société Universal Music France reprend en cause d'appel son moyen d'irrecevabilité tel qu'opposé aux demandeurs en première instance et écarté par le tribunal, tiré des articles 11, alinéa 3, du contrat du 13 juillet 1998 de M. [L] et 8, alinéa 3, du contrat du 2 septembre 1998 de M. [O], rédigés dans les termes identiques suivants :
« A partir de la remise des versions définitives des 'uvres, le réalisateur sera, ce qu'il accepte, en relation directe et exclusive avec Mercury concernant l'interprétation et l'exécution du présent contrat » ;
Considérant que cette clause exprime clairement la volonté des parties de substituer la société Universal Music France à la société La Base films pour toute question d'interprétation ou d'exécution du contrat, ce qui n'inclut pas les questions relatives à sa validité ou à sa nullité, même si elles portent, non pas sur la totalité du contrat, mais sur certaines stipulations seulement ; que le tribunal a jugé à tort, ayant relevé que la société Universal Music France s'appuyait sur une lecture «littérale» des termes de cette clause, que celle-ci était sujette à interprétation, sans indiquer en quoi elle était obscure ou ambigue, mais en se bornant à affirmer que la limitation des droits de la société Universal Music France était «artificielle» ;
Considérant, surabondamment, que la société Universal Music France fait valoir à juste titre que les dispositions d'ordre public sur lesquelles se fondent MM [L] et [O] pour demander la nullité des clauses litigieuses sont protectrices des intérêts particuliers des auteurs, de sorte que l'action en nullité relative des bénéficiaires de cette protection est soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ; qu'il s'ensuit que l'action en nullité introduite par MM [L] et [O] par les assignations des 12 et 23 janvier 2007, postérieure de plus de cinq ans à la signature des contrats de juillet et septembre 1998, est tardive ;
Que MM [L] et [O] soutiennent vainement que le délai de prescription aurait commencé à courir à leur encontre, non pas à la signature des contrats, mais à la date où ils ont pris conscience de la cause de nullité, soit au moment de l'assignation (page 8 de leurs dernières écritures) ; qu'ils ne sont pas mieux inspirés de demander le rejet de cette fin de non recevoir en raison de son caractère tardif, alors, qu'une fin de non recevoir peut être proposée en tout état de cause et que l'intention dilatoire prêtée à Universal Music France par MM [L] et [O], non démontrée, ne pourrait conduire qu'à une condamnation à des dommages-intérêts, non à rendre leur action recevable ;
Considérant enfin qu'il peut être observé que les clauses 5-c et 2-contestées sont rédigées comme suit « le réalisateur ou l'auteur cède, sous réserve de son droit moral (souligné par la cour) le droit exclusif de reproduire ou représenter tous extraits ou fragments des 'uvres et de ses éléments sonores ou parlants en vue d'une exploitation par tous procédés sonores ou audiovisuels, actuels ou futurs » ; que ce texte indique clairement que le droit moral n'est pas inclus dans la cession - («cède ... sous réserve») de sorte que le tribunal a commis un contresens en jugeant que cette clause organisait «une renonciation générale et préalable de l'auteur à l'exercice de son droit moral» ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a annulé les clauses 5-c et 8-4 du contrat du 13 juillet 1998 de M. [L] et 2-c et 6-4 du contrat du 2 septembre 1998 et que les demandes de MM [L] et [O] tendant à la condamnation de Universal Music France à leur payer des dommages-intérêts pour avoir introduit des clauses illicites dans les contrats ne peuvent qu'être rejetées ;
4. Sur les demandes de MM [L] et [O] fondées sur la contrefaçon du droit patrimonial d'auteur :
Considérant que MM [L] et [O], pour le cas où la nullité des clauses qu'ils critiquent ne serait pas prononcée, demandent subsidiairement à la cour de les interpréter en ce sens qu'elles ne s'appliquent pas également à l''uvre «Nougaro par ci parla» et au film «Hombre et Lumières», objet du même contrat de cession de droits, expliquant que la notion d'extraits ou de fragments ne peut avoir le même sens pour les deux oeuvres, la première, un portrait documentaire, ne se prêtant pas au découpage comme le second, tourné lors d'un concert et se présentant comme une suite de chansons, séquences brèves aisées à isoler ;
Mais considérant que ces clauses dont le texte a été précédemment reproduit, ne comportent aucune obscurité ou ambiguïté qui légitimerait une interprétation de la cour ; qu'elles ne comportent aucune distinction entre les deux 'uvres quant aux conditions de leur exploitation sous forme d'extraits ou de fragments ; que la question se pose d'autant moins que les clauses sont identiques dans les deux contrats alors que le second, celui du 2 septembre 1998 intéressant M. [O], ne vise que le portrait documentaire ;
Considérant que ces clauses ne comportent aucune limite quant au nombre, à la durée ou à la destination des extraits ou fragments ; que MM [L] et [O] ne sont pas fondés à qualifier de massive l'utilisation d'extraits d'une durée cumulée de 8 minutes 45 du film de 52 minutes «Nougaro par ci parla» ;
Considérant qu'il en résulte que les demandes de MM [L] et [O] à raison de la contrefaçon du droit patrimonial d'auteur ne sont pas fondées en ce qu'elles sont dirigées contre Universal Music France à laquelle il n'appartient pas de répondre des abus éventuels imputables à la société Way Productions ;
5. Sur la rémunération de MM [L] et [O] et la demande de M. [L] fondée sur l'absence de reddition des comptes :
Considérant que les article 8-4 du contrat du 13 juillet 1998 de M. [L] et 6-4 de celui du 2 septembre 1998 intéressant M. [O] prévoient des conditions similaires de rémunération des auteurs en cas d'utilisations fragmentaires de l'oeuvre, dans les termes suivants :
«En cas d'utilisation fragmentaire de l'une quelconque des oeuvres sous forme d'cxtraits inclus dans des vidéomusiques produits ou réalisés par le producteur ou par des tiers, le réalisateur accepte expressément de percevoir, compte tenu des dispositions de l'article L.131-4 du code de la propriété intellectuelle une rémunération forfaitaire fixée à 1.000 F par tranche de trois minutes d'extraits utilisés dans ledit programme [...]
Le réalisateur percevra une rémunération équivalente à celle visée ci-dessus et pour les mêmes tranches d'extraits au titre de toute exploitation [...] » ;
Considérant que, se fondant sur ces stipulations, MM [L] et [O], qui prétendent que Universal Music France n'a pas pu autoriser valablement «des dépeçages à l'intérieur des fragments de trois minutes», estiment que leur rémunération doit être calculée sur la base du nombre d'extraits utilisés (34) - non sur la durée de ceux-ci- multiplié par le minimum forfaitaire (1.000 francs) soit 5.183,27 euros, moins le minimum garanti de 10.000 francs déjà payé par Universal Music France, soit 3.568,78 euros pour M. [L] et 4.421,03 euros pour M. [O] ;
Mais considérant qu'il a déjà été indiqué que le droit d'utiliser des extraits ou fragments ne comportait aucune condition tenant à leur durée ; qu'il est constant que les extraits ou fragments de l''uvre «Nougaro par ci parla» incorporés dans le film «Dansez sur moi» représentent une durée cumulée de 8 minutes 45, soit deux tranches de trois minutes, de sorte que la rémunération de MM. [L] et [O] s'élève à 2 fois 1.000 francs et se trouve donc absorbée par les minima garantis déjà versés, de sorte que leurs demandes à ce titre ne sont pas fondées ;
Considérant, s'agissant d'une rémunération forfaitaire, que les demandes plus amples de MM [L] et [O] fondées notamment sur l'absence de reddition de comptes prévue par les articles 8-7 du contrat de M. [L] et 6-6 du contrat de M. [O] seront rejetées ;
6. Sur les demandes de MM [L] et [O] fondées sur la contrefaçon du droit moral d'auteur :
Considérant que la société Universal Music France dont le rôle s'est limité à céder à la société Way Productions le droit d'utiliser des extraits ou fragments de l''uvre «Nougaro par ci parla», n'a, de ce seul fait, commis aucune atteinte au droit moral des auteurs de ce film ;
Que la société Universal Music France peut être tenue pour responsable de la manière dont ces extraits ou fragments ont été utilisés, découpés ou incorporés dans le film «Dansez sur moi» produit par la société Way Productions ;
Qu'il en résulte que MM [L] et [O] seront déboutés de leurs demandes fondées sur l'atteinte à leur droit moral d'auteur en ce qu'elles sont dirigées contre la société Universal Music France ; qu'il a déjà été dit qu'elles sont irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre la société Way Productions ;
7. Sur la demande de M. [O] fondée sur l'absence d'autorisation de sous-cession des droits d'exploitation de ses photographies :
Considérant qu'il ressort des explications de M. [O], que, par contrat du 27 août 1998, il a cédé à la société La Base films le droit de reproduire et de représenter dans le cadre de l'exploitation du film les photographies prises dans le cadre du tournage du film ; que ce contrat ne prévoyait aucune possibilité de sous-cession ou de rétrocession ;
Que certaines de ces photographies auraient été utilisées sans autorisation par la société Way Productions dans la mesure où certaines d'entre elles avaient été insérées dans le film «Nougaro par ci parla» et figuraient de ce fait dans certains des extraits ou fragments de celui-ci incorporés dans le film «Dansez sur moi» produit par la société Way Productions ;
Mais considérant, en l'absence de toute indication sur le nombre des photographies en cause ou précision permettant de les identifier, que ces allégations sont insuffisantes à fonder la demande de 10.000 euros de dommages-intérêts présentée à ce titre par M. [O] ; que celle-ci sera rejetée ;
* *
PAR CES MOTIFS
STATUANT par défaut,
INFIRME le jugement entrepris,
STATUANT à nouveau,
DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes de M. [D] [L] et M. [N] [O] en ce qu'elles tendent à la condamnation de la société Way Productions à leur payer des sommes d'argent ;
DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes de [D] [L] et M. [N] [O] tendant à voir constater la nullité des clauses clauses 5-c et 8-4 du contrat du 13 juillet 1998 de M. [L] et 2-c et 6-4 du contrat du 2 septembre 1998
DÉBOUTE M [D] [L] et M. [N] [O] de toutes leurs demandes,
CONDAMNE M [D] [L] et M. [N] [O] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Universal Music France 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT