Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2009
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/06387
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/5913
APPELANT
Monsieur [J] [V]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour
assisté de Me Claire FLAGEUL, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1312
Association BLUET FLAGEUL
INTIMES
Maître [F] [X]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me Barthélémy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 435
Monsieur [S] [O]
[Adresse 4]
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour
assisté de Me Laurence CHARBONNIER, avocat au barreau de NANCY
S.C.P. LEVI MARTIN [Y]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me Barthélémy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 435
INTIMEE PROVOQUEE
SOCIETE PARIS BONNE GRAINE
[Adresse 2]
représentée par la SCP Patricia HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Caroline WOIRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A 235
Cabinet [U]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 7 octobre 2009, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Sandra PEIGNIER
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre et par Mme Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
***************
Par acte du 3 novembre 2005 de la SCP [N], M. [V] a acquis de M. [O], marchand de biens, un lot n°8 d'un immeuble situé à [Localité 8] d'une superficie de 88,91 m² selon la loi Carrez pour le prix de 725 000 €.
Figuraient à la promesse la mention que le bien était actuellement à l'usage d'habitation et la désignation selon laquelle il avait été modifié par suite de travaux d'aménagement effectués par le promettant.
Ayant voulu procéder à d'autres travaux d'aménagement (construction d'un véranda), M. [V] a découvert que le bien était considéré comme un 'local à usage d'activité' et qu'il ne pouvait l'aménager.
Il a donc recherché la responsabilité de M. [O], pour manquement à la bonne foi et à la loyauté, pour lui avoir vendu un bien modifié par lui sans autorisation, ne correspondant pas à sa destination telle qu'elle ressortait notamment de la vente ayant eu lieu entre lui et la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine, et, en conséquence, à un prix supérieur à la valeur réelle. Il a été autorisé à prendre une hypothèque sur un immeuble acquis depuis par M. [O].
Il reproche également au notaire instrumentaire de n'avoir pas vérifié l'affectation du bien vendu.
Il estime que son préjudice inclut la dévalorisation du bien, acquis pour un prix au mètre carré d'un local d'habitation, la fraction indue des droits de mutation et la restriction de jouissance pour être propriétaire d'un bien ne correspondant pas à l'usage projeté.
M. [O] a appelé la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine, promoteur de l'immeuble, et M. [X], notaire de la vente antérieure, du 8 juillet 2004, en intervention forcée.
Par jugement du 30 janvier 2008, le tribunal de grande instance de [Localité 8] a condamné in solidum M. [O] et la SCP [N] à payer à M. [V] la somme de 40 000 €, condamné M. [O] à garantir la SCP [N] dans la proportion des trois quarts des condamnations prononcées et condamné in solidum M. [O] et la SCP [N] à payer à M. [V] et à la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine la somme de 3 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par M. [V] en date du 28 mars 2008,
Vu ses conclusions déposées le 28 septembre 2009 selon lesquelles il sollicite la confirmation du jugement sur le principe des responsabilités mais son infirmation sur la quantum des condamnations et, sous divers constats, la condamnation in solidum de M. [Y], notaire associé de la SCP [N], et de M. [O] à lui payer les sommes de 273 000 € de dommages et intérêts pour la perte de valeur du bien, 13 350,20 € de dommages et intérêts pour le préjudice résultant des droits de mutation indus, 180 000 € de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la restriction de jouissance, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, l'acquisition définitive de la somme perçue en première instance à titre de provision, la condamnation des personnes sus nommées à lui payer 10 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 4 septembre 2009 par lesquelles la société [Localité 8] Bonne Graine demande à titre principal la confirmation du jugement, au motif qu'elle a totalement respecté ses obligations à l'égard de M. [O], et sa condamnation à lui payer les sommes de 10 000 € de dommages et intérêts pour non respect du permis de construire, 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire le débouté de M. [V] de toutes ses demandes,
Vu les conclusions déposées le 21 septembre 2009 aux termes desquelles la SCP [N] et M. [X] demandent qu'il soit donné acte que la SCP s'en rapporte à l'appréciation de la cour quant à la faute qui lui est reprochée par M. [V] et sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a évalué son préjudice à la somme de 40 000 €, le débouté de M. [O] de ses demandes dirigées contre M. [X] et sa condamnation à garantir la SCP à hauteur des trois quarts ainsi que la condamnation de M. [O] à payer à la SCP [N] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la même somme à M. [X],
Vu les conclusions déposées le 25 septembre 2009 aux termes desquelles M. [O] poursuit
l'infirmation du jugement
et, au motif que M. [V] n'apporte pas la preuve d'une dissimulation trompeuse de sa part lors de la vente ni de l'impossibilité d'affecter l'immeuble à usage d'habitation ni de ses démarches en vue d'obtenir cette autorisation 'à supposer qu'elle n'ait pas existé lors de la vente' ni de ses préjudices ni du lien de causalité, son débouté,
subsidiairement la condamnation solidaire de la société [Localité 8] Bonne Graine et de M.[X] à le garantir de toute condamnation,
l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à garantir la SCP [N],
la condamnation de M. [V] à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts pour 'procédure abusive et vexatoire contenant des énonciations calomnieuses portant atteinte à [son]honneur',
sa condamnation à lui payer 30 000 € de dommages et intérêts pour inscription abusive d'hypothèque sur son immeuble,
sa condamnation à lui payer 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que M. [V], qui rappelle la faute des notaires qui n'ont procédé à aucun contrôle ni vérification concernant l'affectation des biens à usage d'habitation, soutient que M. [O] savait nécessairement que la désignation du bien avait changé, qu'il est un professionnel, qu'il avait fait des travaux d'aménagement et laissé croire à une affectation à usage d'habitation ce qui lui a permis une plus value importante ; qu'il maintient que ses demandes de changement d'affectation se sont heurtées à un refus (attestation de son architecte) et que son préjudice est donc acquis ;
Sur la responsabilité des notaires :
Considérant que les notaires sont professionnellement tenus d'assurer l'utilité et l'efficacité de leurs actes comme d'éclairer les parties sur les conséquences et les risques des actes qu'ils authentifient ;
Qu'en l'espèce les premiers juges ont justement relevé à l'encontre de la SCP [N] le fait fautif qu'elle n'avait, antérieurement à la vente, procédé à aucune vérification du caractère habitable des lots vendus alors que l'acte de vente précédent dressé par M. [X], entre la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine et M. [O] décrivait le lot n°8 (page 3)comme :
'dans le bâtiment B au premier étage, porte gauche sur le palier et au deuxième étage, un LOCAL A AMÉNAGER EN APPARTEMENT (en gras dans le texte), au deuxième étage la jouissance exclusive d'une terrasse. Au troisième étage la jouissance exclusive d'une terrasse. Le droit d'édifier sur chacune des terrasses une véranda.'
et indiquait (page 4)que :
'Le vendeur s'oblige à déposer la déclaration d'achèvement des travaux au plus tard le 31 décembre 2004 et à obtenir le certificat de conformité. L'acquéreur déclare en être informé et vouloir en faire son affaire personnelle.'
tandis que dans l'acte litigieux cette description était suivie de la mention :
'Observation étant ici faite que par suite de travaux d'aménagement entrepris par le vendeur la désignation actuelle du bien immobilier est la suivante : au premier étage entrée et escalier d'accès au second étage, au deuxième étage chambre, salle de bains avec water-closets, droit à la jouissance d'une terrasse et escalier d'accès au troisième étage, au troisième étage droit à la jouissance d'une terrasse' ;
Qu'ils en ont exactement déduit qu'elle devait supporter les conséquences dommageables de sa faute ainsi caractérisée ;
Sur la responsabilité de M. [O] :
Considérant que M. [O], pour résister à la demande de M. [V] soutient, comme en première instance, que l'acte de vente à ce dernier n'a fait que 'reproduire scrupuleusement' son propre acte d'achat et qu'il n'a donc commis aucune faute, observant d'ailleurs qu'il ne sait pas ce que signifie 'à usage d'activité' ni quelle est la différence entre 'un local à aménager en appartement' et 'un local à usage d'habitation' ;
Considérant que, sans s'attarder plus avant sur ces remarques sémantiques peu compréhensibles de la part d'une personne qui, au moment des deux actes d'achat et de vente, exerçait la profession de marchand de biens, il suffit, par le rappel des descriptions ci-avant énoncées, de constater que la transformation des lieux en local d'habitation apparent a été de son fait et qu'il ne justifie pas devant la cour plus que devant le tribunal qu'il a obtenu, ni même demandé, les autorisations adéquates de l'administration comme il s'y était engagé par l'acte du 8 juillet 2004, alors que, au surplus, il est démontré qu'il a été spécialement averti par M. [X], lors de son acquisition, qu'il devrait obtenir un permis de construire avant tout travaux, condition nécessaire à l'obtention du certificat de conformité défaillant ;
Qu'il ne saurait sérieusement avancer que M. [V], parfaitement informé de ce qu'il n'y avait pas de certificat de conformité puisque cela est précisé dans l'acte, est donc responsable de son propre préjudice, alors que les mentions en question (page 9) visent uniquement à le subroger dans les droits que M. [O] détenait à cet égard contre la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine étant rappelé que, vis à vis de cette dernière, il s'était engagé à 'en faire son affaire personnelle' ;
Considérant dans ces conditions que la cour ne peut que partager l'analyse du tribunal qui a retenu à la charge de M. [O] un manquement à son obligation de bonne foi et de loyauté et a dit qu'il devrait en supporter les conséquences préjudiciables pour M. [V] ;
Qu'il suffira de rappeler que M. [O], qui a acquis en toute connaissance de cause un bien à aménager et a fait les aménagements qu'il souhaitait dans celui-ci, qui a dit 'faire son affaires personnelle' de la déclaration d'achèvement des travaux et de l'obtention du certificat de conformité ne saurait rechercher la responsabilité de son notaire, dont il est démontré qu'il l'a parfaitement averti, par écrit, des conséquences de son achat dans ces circonstances ; qu'il en va de même, pour les mêmes raisons, de son vendeur, la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine ; qu'il prétend en vain à cet égard que, s'agissant de travaux intérieurs, il n'était pas nécessaire de demander de permis de construire, alors que les travaux effectués ont eu pour conséquence le changement de destination du lot acquis et même une modification des parties communes interdisant à la dite société de pouvoir obtenir, pour les travaux effectués par elle, le certificat en question ;
Considérant en conséquence que M. [O], seul responsable de l'absence de certificat de conformité par sa carence à déposer la déclaration d'achèvement des travaux, sera débouté de l'intégralité de ses demandes ;
Sur le préjudice :
Considérant que M. [V], qui affirme que son bien est dévalorisé puisqu'il occupe un appartement dont il ne peut aménager les terrasses du fait de la qualification inappropriée du local, ne justifie pas plus qu'en première instance du caractère certain et actuel de celui-ci ;
Qu'en effet, outre que l'acte de vente mentionne qu'au jour de celle-ci le certificat de conformité n'a pas encore été délivré et qu'il en a connaissance, il ne démontre par aucune pièce avoir entrepris les démarches utiles aux fins de délivrance du dit certificat ni envers quiconque pour que les travaux réalisés soient pris en compte, les attestations de deux architectes énonçant que le' bien...n'a pas sur le plan réglementaire de la mairie de [Localité 8], une affectation à usage d'habitation' et que 'les démarches, pour obtenir un changement d'affectation en déposant une demande de déclaration préalable... se voient opposer un refus' étant insuffisantes à cet égard ; que dès lors le surplus de son argumentation devient inopérant ;
Considérant dans ces conditions que le jugement sera confirmé pour les motifs qu'il contient tenant au caractère provisoire du préjudice allégué ; qu'il convient également de l'approuver en ce qu'il a estimé à 40 000 € ce préjudice toutes causes confondues ;
Considérant, dès lors, que le jugement querellé ne peut qu'être confirmé dans sa totalité, ce compris le partage de responsabilité qu'il a retenu entre M. [O] et la SCP [N] ;
Considérant qu'il n'est pas démontré que l'action en justice de M. [O] à l'encontre de la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine est empreinte de malignité ; que les demandes formées à ce titre seront rejetées ; que le sera également la demande de dommages et intérêts fondée sur la non obtention du permis de construire qui n'est étayée par aucune pièce ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. [V], à la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine età M. [X], d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
Considérant qu'au vu de la solution retenue et des fautes commises par M. [O] et la SCP [N], ils seront seuls condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne M. [O] et la SCP [N] in solidum à payer à M. [V] et à la société immobilière [Localité 8] Bonne Graine la somme de 3 000 € (trois mille euros) à chacun et à payer à M. [X] celle de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT