RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRET DU 12 Novembre 2009
(n° 37 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/00958-LMD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2008 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 07/CP/115
APPELANTE
Madame [U], [C], [K], [O] [M] épouse [Y]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Michel-Pierre MADIGNIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE BOURGOGNE (C.M.S.A)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Jacques LANCELIN, avocat au barreau de DIJON, substitué par Me Sophie DELAHAUT, avocat au barreau de DIJON
SERVICE DEPARTEMENTAL DE L'INSPECTION DU TRAVAIL DE L'EMPLOI ET DE LA POLITIQUE SOCIALE AGRICOLE
[Adresse 4]
[Adresse 7]
[Localité 6],
régulièrement avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2009, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Madame Béatrice OGIER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Mademoiselle Séverine GUICHERD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les faits, la procédure, les prétentions des parties:
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il sera rappelé que :
Madame [M] épouse [Y] est associée non exploitante de la SCI du Domaine de la Romanée Conti.
Elle a été appelée à verser à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne (C.M.S.A) des cotisations pour les années 2003, 2004 et 2005 au titre des bénéfices agricoles par elle perçus selon les dispositions de l'article L.731-24 alinéa 3 du Code Rural.
Par lettre du 4 juillet 2004, Madame [M] a saisi la Commission de Recours Amiable d'une demande de remboursement de ces sommes, et, suite à la décision de rejet de cette demande rendue le 21 septembre 2007, elle a, par lettre du 26 décembre 2007, saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris d'un recours.
Par jugement du 23 septembre 2008, le tribunal a :
-confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable,
-débouté Madame [M] de son recours.
Par déclaration du 22 octobre 2008 Madame [M] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 17 septembre 2009 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'appelante demande à la Cour de:
-infirmer le jugement,
-constater la violation par l'article L.731-24 alinéa 1 du Code Rural de l'article 1° du premier protocole additionnel à la Convention EDH et de l'article 14 de cette convention,
-annuler la décision de la Commission de Recours Amiable,
-ordonner le remboursement des sommes de 28 484 € pour 2003, 28 484 € pour 2004 et
15 254 € pour 2005.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 2 avril 2009 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la C.M.S.A demande à la Cour de:
-confirmer le jugement entrepris,
-subsidiairement dire que la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1° janvier de la troisième année précédant celle de l'arrêt à intervenir,
-condamner Madame [M] à payer la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant que Madame [M] soutient que le texte sur lequel se fonde le paiement des cotisations en cause est contraire à l'article 1° du premier protocole additionnel à la Convention EDH et à l'article 14 de ladite Convention en ce que, procédant d'un but de dissuasion de la fraude sociale importante résultant des éclatements fictifs des exploitations agricoles-et non d'un objectif de pure solidarité-il porte atteinte au principe du droit au respect des biens, sans qu'il soit pour autant justifié qu'il le fasse par des moyens proportionnés et non discriminatoires ; qu'en effet, alors même qu'il n'est pas démontré que l'objectif recherché ne puisse être atteint pas d'autres mesures, telles que le renforcement des contrôles, il résulte des dispositions entreprises qu'elles établissent une différence de traitement entre les membres non exploitants des associés des sociétés exerçant une activité agricole, et ceux des sociétés exerçant une activité commerciale, industrielle ou artisanale, ou non commerciale, qui ne supportent aucune cotisation sociale-lors même, précise-t-elle par ailleurs, que leurs financement 'sont quasiment identiques' ;
Mais, considérant de première part que le texte entrepris n'a nullement comme vocation principale de donner aux administrations concernées des pouvoirs de contrôle relevant de la lutte contre la fraude sociale comparables à ceux qu'elles possédaient déjà ; qu'en effet les termes sur lesquels s'appuie l'appelante ne peuvent être sortis du contexte général qui a présidé à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L.731-24 alinéa 1 du Code Rural, lesquelles reposent sur un objectif très clair de solidarité au sein des membres d'une même profession, eu égard aux spécificités de ladite profession, et en conséquence sur le constat initial que l'assiette des cotisations permettant ce régime de solidarité peut être affecté par des voies détournées résultant d'une répartition ab initio au sein des sociétés concernées
( GAEC, EARL notamment ) : il en découle que ces dispositions ne peuvent être pas suppléées dans les mêmes conditions par des mesures de contrôle postérieures à leur formation, puisqu'elles entendent précisément, dès leur formation, placer sur un même plan d'égalité et d'équité devant un régime de solidarité toutes les entités concernées, par un même choix de répartition de revenus ;
Considérant, dès lors, que Madame [M] n'établit nullement que le législateur ait ajouté à des moyens qu'il possédait déjà, dans la mesure où il a, à la source, établi un principe d'équité propre au mécanisme de formation des sociétés concernées, distinct de toute autre mesure de contrôle pouvant ensuite être diligentée ; que ce texte ne porte pas la marque d'une 'présomption générale de fraude', mais entend maintenir la solidarité en compensant les déficits liés à certaines situations juridiques, qui, bien que légales dans leur principe, peuvent conduire à faire échapper les associés non exploitants aux cotisations sociales ;
Considérant également que vainement est-il argué que ce dispositif porterait atteinte aux principes de proportionnalité et de non discrimination, dans la mesure où, d'une part, ne sont concernées que les personnes se trouvant dans un même type de situation au sein d'un même régime comportant ses propres spécificités, tels les GAEC-lesquels n'existent pas dans le domaine commercial-et où, d'autre part, il n'est pas établi que les mesures discutées aient une incidence financière excessive, la base des cotisations de solidarité en résultant avoisinant un taux de 5%, ce qui n'a pas d'impact significatif sur la situation des assujetis ;
Considérant ainsi que l'appelante n'est pas fondée à réclamer, sous couvert de rétablir une prétendue inégalité entre les différents régimes concernés, d'abolir un principe de taxation au motif-non démontré- que celui appliqué à d'autres catégories comparables serait plus favorable;
Considérant en conséquence que le jugement est confirmé ;
Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes.
Le Greffier, Le Président,