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05/11/2009 | FRANCE | N°06/12066

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 05 novembre 2009, 06/12066


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 05 novembre 2009



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/12066



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 septembre 2006 par le conseil de prud'hommes de Paris (2° Ch) - section encadrement - RG n° 04/14704





APPELANT

Monsieur [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Cécile REBIFFE, avocat au

barreau des HAUTS DE SEINE (C.M.S Bureau Francis LEFEBVRE), toque : NAN 1701







INTIMEE

SARL MAGIMMO

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale AUPERIN-MOREAU, avocat au ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 05 novembre 2009

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/12066

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 septembre 2006 par le conseil de prud'hommes de Paris (2° Ch) - section encadrement - RG n° 04/14704

APPELANT

Monsieur [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Cécile REBIFFE, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE (C.M.S Bureau Francis LEFEBVRE), toque : NAN 1701

INTIMEE

SARL MAGIMMO

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale AUPERIN-MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E 554

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 septembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

Madame Evelyne GIL, conseiller

Madame Isabelle BROGLY, conseiller

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Francine ROBIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [U] [E] à l'encontre d'un jugement prononcé le 5 septembre 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS ayant statué sur le litige qui l'oppose à la Sàrl MAGIMMO sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui a débouté Monsieur [U] [E] de toutes ses demandes.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Monsieur [U] [E], appelant, poursuit l'infirmation du jugement déféré et sollicite la condamnation de la Sàrl MAGIMMO au paiement des sommes suivantes :

- 7 940,99 € à titre de rappel de commissions,

- 6 266,44 € à titre d'indemnité de congés payés de juin 2003 à avril 2004,

- 794,09 € à titre d'indemnité de congés payés pour les mois de mai à août 2004,

- 15 666,09 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,

- 5 222,03 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 15 666,09 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sàrl MAGIMMO, intimée, conclut à la confirmation du jugement et, au surplus, à la condamnation de Monsieur [U] [E] à lui payer 36 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier, outre 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat verbal à durée indéterminée en date du 15 juin 2000, Monsieur [U] [E] a été engagé par la Sàrl MAGIMMO en qualité de négociateur immobilier. Il est devenu directeur d'agence en avril 2001. Sa rémunération mensuelle était fixée en dernier lieu à la somme de 5 222,03 €.

Le 5 octobre 2004, la Sàrl MAGIMMO convoquait Monsieur [U] [E] pour le 18 octobre 2004 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cette mesure était prononcée par lettre du 21 octobre 2004 pour faute lourde au motif d'un détournement de la clientèle et des bénéfices de l'employeur au moyen de deux sociétés concurrentes.

SUR CE

Sur une rupture de fait de la relation de travail.

Monsieur [U] [E] fait valoir qu'il a été évincé de son poste de travail, remplacé dans sa fonction de directeur d'agence et mis dans l'impossibilité d'accéder à son bureau. Il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses affirmations, le constat d'huissier du mois d'août 2004 ayant bien relevé une fermeture de l'agence mais en précisant qu'une affichette informait de la fermeture annuelle. Par ailleurs si Monsieur [U] [E] a eu des difficultés à rencontrer le gérant de la société avec qui il voulait avoir une discussion sur sa situation, cela n'implique pas qu'il était mis dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.

Il convient donc de constater que la rupture du contrat de travail résulte du licenciement prononcé le 21 octobre 2004.

Sur la prescription.

Par acte du 22 juin 2004, la Sàrl MAGIMMO a assigné en référé à heure indiquée la société civile immobilière 1977 et le Sàrl ADIMO dans lesquelles Monsieur [U] [E] avait des intérêts. Cet acte comporte notamment les mentions suivantes :

"Il convient de constater la collusion existante entre deux anciens négociateurs salariés exclusifs de la Sàrl MAGIMMO et un collaborateur salarié, aux fins de s'unir pour effectuer des agissements déloyaux à l'égard de leur ancien employeur. En effet, Monsieur [H] [M], Monsieur [R] [E] et Monsieur [U] [E] se sont entendus et alliés pour sciemment désorganiser l'activité de la Sàrl MAGIMMO puis agir déloyalement à son encontre" ... "Il est démontré qu'ils ont détourné d'importants clients de la Sàrl MAGIMMO pour réaliser des actes d'acquisition et de vente" ... "Il est démontré que la SCI 1977 et la Sàrl ADIMO dont les membres dirigeants et fondateurs sont deux anciens salariés de la Sàrl MAGIMMO et un salarié faisant encore partie du personnel de MAGIMMO emploient sciemment des moyens contraires aux usages loyaux du commerce et constitutifs de concurrence déloyale notamment par la désorganisation de la Sàrl MAGIMMO qui voit son personnel la quitter et détourner sa clientèle en constituant plusieurs sociétés dont au moins l'une d'entre elles, installée à proximité en utilisant les méthodes d'activité identiques et très particulières de la Sàrl MAGIMMO".

Il s'avère ainsi que dès le 22 juin 2004, la Sàrl MAGIMMO avait une connaissance précise des faits qui motiveront ensuite le licenciement de Monsieur [U] [E]. La lettre de licenciement est pour l'essentiel une reprise de ce qui était exposé dans l'assignation et n'est pas plus fournie en détails que cette dernière. Les noms de clients prétendument détournés figurant dans la lettre de licenciement, les consorts [C], Monsieur [Z], sont ceux pour lesquels les faits sont déjà largement développés dans l'assignation. D'ailleurs, contrairement à ce que soutient la Sàrl MAGIMMO, l'action en référé ne tendait pas à une simple mesure d'instruction qui aurait pu lui donner une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié, mais au premier chef à interdire l'activité déloyalement concurrente de la SCI 1977 et de la Sàrl ADIMO, et secondairement à confier une mission d'investigation à un huissier, mesure destinée surtout à permettre le chiffrage ultérieur du préjudice. Au demeurant la Sàrl MAGIMMO n'estimait nullement nécessaire de connaître le résultat de l'expertise pour engager le licenciement de Monsieur [U] [E] puisque la sanction a de fait été prononcée plusieurs semaines avant le dépôt du rapport. Elle ne peut donc se fonder sur les éléments qu'il contient pour justifier son retard à agir.

Le seul fait postérieur au 22 juin 2004 invoqué par la Sàrl MAGIMMO est la sommation interpellative des époux [P], anciennement ses clients, qui déclarent avoir été démarchés par Monsieur [U] [E] le 30 avril 2004 pour signer un nouveau mandat exclusif de vente au profit de "ADIMO", le mandat initial avec la Sàrl MAGIMMO étant déchiré. Ce témoignage ne fait qu'illustrer un mode opératoire du détournement de clientèle dénoncé le 22 juin 2004 et n'apporte à la connaissance de l'employeur aucun fait nouveau déterminant sur les agissements de Monsieur [U] [E] à propos desquels la Sàrl MAGIMMO ne nourrissait aucun doute, comme en attestent les termes de l'assignation : "il convient de constater ... il est démontré que ...". D'ailleurs ce n'est pas ce témoignage qui a été l'élément déclencheur de la procédure puisqu'il a été recueilli le 7 octobre 2004 alors que la convocation à l'entretien préalable a été expédiée le 5 octobre 2004.

La Sàrl MAGIMMO fait valoir que la prescription n'est pas acquise dans la mesure où "le comportement s'est poursuivi" dans le délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure disciplinaire. Elle ne fait toutefois état dans la lettre de licenciement d'aucun fait positif permettant de caractériser une telle poursuite du comportement fautif. Cette poursuite ne peut résulter de la simple perpétuation des deux sociétés par lesquelles la concurrence déloyale aurait été organisée. Ce n'est pas l'existence en elle-même de ces deux sociétés qui est fautive, mais les actes ponctuels de concurrence ou de détournement de bénéfices qu'elles auraient permis, dont aucun toutefois n'est dénoncé dans la lettre de licenciement pour avoir été commis dans les deux mois précédant le 5 octobre 2004.

Il y a lieu dès lors de constater que la Sàrl MAGIMMO a agi tardivement et que le licenciement, reposant sur des faits qui, à les supposer établis, sont prescrits, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes de Monsieur [U] [E].

- Les congés payés pour la période de référence du premier juin 2003 au 31 mai 2004 : il n'est pas contesté que ces congés n'ont pas été réglés. La Sàrl MAGIMMO fait valoir que la faute lourde, déjà à l'oeuvre au cours de cette période, déchoit Monsieur [U] [E] de leur bénéfice. La faute lourde n'étant pas retenue, il convient de condamner la Sàrl MAGIMMO à paiement de ce chef, la somme réclamée n'étant pas contestée dans son quantum.

- Le rappel de commissions pour juin, juillet et août 2004 : il n'est pas contesté que les ventes visées par Monsieur [U] [E] dans sa demande ont été la suite de compromis ou de promesses signés sous son égide. La Sàrl MAGIMMO fait valoir que Monsieur [U] [E], ensuite absent pour congé maladie, n'a pas finalisé ces dossiers (obtention de documents, assistance des clients devant le notaire). Elle ne démontre pas qu'à défaut d'être en activité jusqu'à la signature de l'acte authentique, le négociateur ayant conclu l'accord initial entre vendeur et acquéreur est privé de sa commission. Cela ne résulte ni du contrat de travail, ni de la convention collective ni même de la pratique de la société. Celle-ci n'établit pas non plus une règle de partage de cette commission entre plusieurs négociateurs ayant participé au même dossier. Il convient donc de faire droit à la demande de Monsieur [U] [E] de ce chef.

- L'indemnité compensatrice de préavis : elle est égale à trois mois de salaire, soit la somme de 15 666,09 €, outre les congés payés afférents.

- L'indemnité conventionnelle de licenciement : compte tenu de l'ancienneté de Monsieur [U] [E], elle est égale à un mois de salaire, soit 5 222,03 €.

- Les dommages-intérêts pour rupture abusive : au vu des pièces justificatives produites et des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, il convient de fixer les dommages-intérêts à la somme de 8 000 €.

Sur la demande reconventionnelle de la Sàrl MAGIMMO.

Le licenciement de Monsieur [U] [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Sàrl MAGIMMO ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice financier qu'elle allègue.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Succombant au principal, la Sàrl MAGIMMO sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

Il y a lieu, en équité, de laisser à Monsieur [U] [E] la charge de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré.

Déclare le licenciement de Monsieur [U] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la Sàrl MAGIMMO à payer à Monsieur [U] [E] les sommes suivantes :

- 7 940,99 € à titre de rappel de commissions,

- 794,09 € au titre des congés payés afférents,

- 6 266,44 € à titre d'indemnité de congés payés de juin 2003 à avril 2004,

- 15 666,09 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 566,60 € au titre des congés payés afférents,

- 5 222,03 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la Sàrl MAGIMMO de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

- 8 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Condamne la Sàrl MAGIMMO aux dépens de première instance et d'appel.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [U] [E].

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 06/12066
Date de la décision : 05/11/2009

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°06/12066 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-05;06.12066 ?
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